Théories du complot

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Complots partout révolution nulle part.jpg

Les théories du complot sont des visions du monde dans lesquelles quelques puissants, généralement malveillants, conspirent en secret pour dominer, voire asservir les populations par des moyens scandaleux et cachés. La définition de quel groupe domine, de quels sont ces scandaleux complots varient en fonction des différentes « théories » en circulation.

Les partisans de ces thèses, que l'on nomme souvent complotistes ou conspirationnistes, sont généralement peu accessibles aux arguments factuels, convaincus que le mensonge est omniprésent, dans la presse notamment, et que les informations dont ils disposent (la plupart du temps des fake news) sont plus crédibles. Les complotistes peuvent être de tout bord politique, mais sont généralement plus portés vers des positions « anti-système » confusionnistes, qui représentent souvent des formes déviées d'anticapitalisme populaire, mais de fait favorisent plutôt les grilles de lecture d'extrême droite. En tout cas ils sont généralement éloignés des visions du monde des matérialistes et marxistes, qui les dénoncent.[1][2][3]

Critiquer les théories complotistes n'est pas nier qu'il existe des complots, des évènements ou politiques sciemment cachés au grand public. Mais ces complots ne sont pas aussi généralisés que fantasmé et le secret n'est pas absolu (généralement, la vérité finit par se savoir, au pire des décennies plus tard). Plus un complot est scandaleux, plus il est improbable : par exemple l'implication d'un gouvernement ou d'une multinationale dans un mensonge d'ampleur signifie que toute une chaîne de commandement consent à ce secret, ce qui peut se faire si les acteurs sont convaincus idéologiquement du bien fondé du mensonge, mais qui est peu probable, par exemple pour des intoxications ou des meurtres de masse délibérés. Les cas de complots réellement existants ne sont qu'un épiphénomène de l'exploitation capitaliste et de l'impérialisme.

1 Analyse du conspirationnisme[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Une société moderne, mais divisée en classes[modifier | modifier le wikicode]

La cause principale, structurelle, de l'existence de théories conspirationnistes est la défiance envers la classe dirigeante. Une autre condition pour la prolifération des théories du complot avec une ampleur telle qu'on l'observe actuellement, est la généralisation de l'instruction et des moyens de communication. Donc plus précisément, parmi les sociétés de classe, le complotisme de masse est donc un sous-produit du capitalisme. Aujourd'hui on estime qu'un Français sur cinq croit à plusieurs théories du complot.[4]

Le décalage entre les discours des capitalistes, prétendant œuvrer pour le bien commun, et la réalité sociale, entretiennent une défiance générale et légitime à l’égard de la classe politique, des multinationales, et des grands médias (dont la quasi-totalité sont la propriété de grand groupes privés). Une partie des délibérations des politiciens se déroulent loin des projecteurs et des rouages « démocratiques ». Quant aux décisions qui sont prises aux sommets des entreprises et des conseils d'actionnaires, elles sont hors de tout contrôle populaire.

Pour les marxistes, l'exploitation et la reproduction sociale des classes est un phénomène qui s'explique par des causes matérielles (socio-économiques). La plupart des décisions qui sont prises par les patrons sont déterminées par la concurrence pour le profit, et les politiciens bourgeois, qui ne raisonnent que dans ce cadre, sont « contraints » par les lois de l'économie capitaliste, et ils sont convaincus qu'il n'y a pas d'alternative. Avec la stagnation économique globale et le dumping entre États, cela conduit tous les gouvernements à faire le même genre d'arbitrages en faveur de la compétitivité, et donc le même genre de coupes dans les budgets sociaux. Le fait que quasiment tous les gouvernements (PS, LR, LREM...) fassent la même politique économique s'explique par ces contraintes structurelles, mais les conspirationnistes ont une explication plus simple : ces gens font partie des initiés, du complot. Les grandes institutions de la bourgeoisie qui sont encore plus lointaines et non démocratiques alimentent encore plus les théories du complot (l'Union européenne[5], la Banque Mondiale, la FAO et le Codex Alimentarius[6]...).

1.2 Géopolitique et impérialisme[modifier | modifier le wikicode]

Les tensions géopolitiques entre impérialismes - qui ne peuvent elles aussi disparaître qu'avec le capitalisme - sont aussi une source majeure de complotisme. Puisqu'il y a effectivement une très grande puissance dans les mains des gouvernements des pays impérialistes, certains en viennent à voir les événements majeurs dans le monde comme une partie d'échecs jouée par les différents services secrets. Ces discours s'appuient sur des exemples réels d'opérations secrètes, mais en viennent à systématiquement imaginer les interventions étrangères comme les explications les plus probables. Pourtant, mêmes les superpuissances ne sont pas toutes puissantes, les peuples ne sont pas de simples masses passives, leur résistance politique et symbolique compte et limite ce que peuvent se permettre les impérialistes. Par ailleurs, la hiérarchie mondiale n'est pas figée, et le rapport de force dont bénéficient les États-Unis n'est plus le même que celui des années 1950.

1.3 Expression et obstacle à la conscience de classe[modifier | modifier le wikicode]

On peut voir à la fois le complotisme comme une forme de conscience de classe qui se fourvoie dans une impasse, et comme un obstacle à un vrai développement d'une conscience de classe. En effet, on peut constater que le conspirationnisme touche davantage les classes populaires.[4]

Les jeunes (18-24 ans) sont aussi environ 3 fois plus réceptifs au complotisme que les vieux (>65 ans).[4] Ce que l'on peut rapprocher de la tendance à la plus grande radicalité de la jeunesse, mais aussi du fait que celle-ci s'informe beaucoup plus par internet.

Mais lorsque la radicalisation se tourne vers le conspirationnisme, celui devient aussitôt un obstacle. Il tend à favoriser le repli paranoïaque (toute personne en désaccord est un mouton qui ne veut pas ouvrir les yeux, ou pire, quelqu'un qui fait partie du complot et a intérêt à le nier) et individuel (passer des heures à chercher une pseudo-vérité sur des sites internet louches), et véhicule bien plus la résignation (ils sont tout puissants de toute façon) que la lutte de classe collective.

Par ailleurs le complotisme ne permet pas de percevoir les causes réelles de l'exploitation, et ne peut donc pas aboutir à une stratégie réellement révolutionnaire. Si les politiciens faisaient partie d'un complot, il suffirait de les renverser et de mettre de « bonnes personnes » à la place. Il n'y aurait aucun besoin de transformer la base de l'économie (exproprier, planifier...). Un « sauveur » suffirait même tout changer, pour peu qu'on lui fasse confiance. C'est pourquoi la mentalité complotiste peut aussi conduire à espérer la venue d'un dirigeant autoritaire charismatique.

1.4 Médias de masse et médias « alternatifs »[modifier | modifier le wikicode]

Pour la diffusion massive de thèses complotistes, il faut des vecteurs d'informations, et ceux-ci ont connu leur essor avec le capitalisme. L'imprimerie, d'abord : elle permit de diffuser tout type d'idées, et dès le début cela comportait des enjeux de lutte pour l'hégémonie entre différentes idées : la Bible fut le premier livre imprimé en Occident, mais elle servit plutôt de support à la contestation protestante, des livres ésotériques furent publiés en même temps que l'Encyclopédie, des journaux du côté de l'ordre dominant et des pamphlets militants... Et parmi les médias se voulant « alternatifs » à la pensée dominante, on retrouvera très tôt des thèses complotistes.

Ainsi les premières thèses sur les Illuminatis ont été diffusées par des livres, tout comme la théorie des « protocoles des sages de Sion ». Aujourd'hui, internet permet une circulation mondialement accélérée de ces théories, via des milliers de sites, vidéos et conférences en tout genre. Ajoutons également qu'avec la multiplication des moyens de retouche technologiques internet est envahi de photos, vidéos « prouvant » que les juifs ont organisé l'attaque contre Charlie Hebdo, que l’espèce humaine n'est jamais allée sur la Lune, que la Terre est plate, etc.

Notons également que virtuellement n'importe quel support peut véhiculer des discours complotistes : de nombreux polars, films, jeux vidéos... Il peut bien sûr s'agir purement de fiction, assumée comme telle, ou de métaphore. Certains surfent sur l'ambigüité, qui favorise le buzz et les ventes, comme Dan Brown avec son Da Vinci Code. Enfin des journaux peuvent, même s'ils restent dans le factuel, surfer sur l'imagerie complotiste (le Point fait par exemple régulièrement des dossier sur la franc-maçonnerie, lui donnant de fait une importance démesurée).

1.5 Biais cognitifs, classe et niveau d'éducation[modifier | modifier le wikicode]

La croyance dans les théories du complot est favorisée par certains biais cognitifs propres au cerveau humain. Nous avons une capacité assez forte à établir des relations de cause à effet là où nous voyons des corrélations. Ainsi, lorsqu'il apparaît qu'un attentat engendre des mesures d'exception (État d'urgence) qui sont ensuite utilisées par les gouvernements pour réprimer des militants, certains en viennent à penser que l'attentat avait été organisé sciemment dans ce but. Lorsqu'une croyance commence à s'installer, elle se voit vite renforcée par tous les éléments sélectionnés parmi la foule de données trouvables sur internet (cherry picking[7] et biais de confirmation[8]...), bien que ces données soient contredites par un nombre incommensurable d'autres données. Nous sommes aussi fortement enclins au biais téléologique[9] : penser que tout ce qui arrive a un "but", alors que dans l'immense majorité de ce qui se produit, la part d'intentionnalité est très faible.

Mais les biais cognitifs, facteur aggravant, sont loin d'être une cause prépondérante (ce que peine à voir le milieu zététique mainstream). Contrairement à une idée reçue (renforcée par le mépris de classe), la plupart des complotistes utilisent les mêmes types de raisonnements (et de biais) que les autres personnes. Comme le dit le cogniticien Nicolas Gauvrit, « on peut arriver à un esprit conspirationniste en raisonnant très bien, en partant simplement de l’idée qu’il y a beaucoup de complots dans le monde. »[10]

La différence majeure est donc entre celles et ceux qui trouvent crédible le point de départ « il y a beaucoup de complots », et les autres. Or, on en arrive plus facilement à trouver cette idée crédible si l'on est convaincu qu'il y a des injustices criantes, que « quelque chose ne tourne pas rond », et qu'on se sent très différents de ceux qui gouvernent. Vu de l'extérieur, ils semblent cyniques. Or la classe travailleuse et la petite-bourgeoisie se sent extérieure aux dirigeants, contrairement à la grande et moyenne bourgeoisie. C'est la cause principale de la plus grande réceptivité des théories du complot chez les exploité·es.

Si l'adhésion au complotisme diminue avec le niveau d'études[4], cela est surtout dû à la corrélation avec la position de classe (les bourgeois ont accès à une éducation supérieure), plus qu'à un effet de l'éducation sur « l'esprit critique ». Les études à ce sujet montrent que les croyances (religions, superstitions...) sont aussi présentes chez les diplômés que les non diplômés[11][12], simplement elles ne prennent pas la même forme.

Si l'on sortait d'une société de classe, les biais cognitifs continueraient à être un handicap dans de nombreux cas (pour faire de la bonne science notamment), mais cela n’engendrerait pas des phénomènes de l'ampleur du complotisme actuel.

2 Le complotisme véhiculé par les puissants[modifier | modifier le wikicode]

On peut distinguer des conspirationnismes se diffusant plutôt de façon horizontale dans les milieux populaires, et représentant des formes dévoyées d'anticapitalisme populaire, de peurs complotistes véhiculées par des forces politiques bourgeoises ou petite-bourgeoise. Ces dernières visent généralement à souder « la Nation » contre un ennemi intérieur et/ou extérieur. Bien sûr les frontières entre ces types de complotismes ne sont pas étanches, et les idées qui circulent forment facilement des combinaisons hétéroclites. Ainsi les fantasmes autour des Illuminatis ou des Juifs, d'abord essentiellement véhiculés par des milieux réactionnaires des anti-Lumières, sont aujourd'hui des thèmes circulant beaucoup plus largement.

2.1 Le maccarthysme[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Maccarthysme.
Livre de 1949 dénonçant « le complot rouge contre l'Amérique »

Dans les années 1950, au début de la guerre froide, le politicien McCarthy fut le grand promoteur de la « red scare » (peur des rouges), accusant les communistes militant aux États-Unis de fomenter des complots pour renverser le gouvernement. Cela servit massivement pour justifier une répression des militants communistes, syndicalistes...

Il a existé quelques cas avérés d'espionnage par des communistes états-uniens au service de l'URSS stalinienne. Mais la vague de paranoïa a causé de très nombreuses fausses accusations, et donné des ailes à de nombreux réactionnaires. Toute personne jugée trop progressiste pouvait se voir accusée de faire le jeu des rouges.

Plus largement que la période maccarthyste proprement dite, certains parmi les secteurs les plus à droite des républicains ont véhiculé des théories du complot. Par exemple en 1964 Phyllis Schlafly avance dans un livre que le Parti républicain est secrètement dirigé depuis les années 1930 par une élite d'intellectuels cosmopolites autour du Groupe Bilderberg, voulant paver la voie au communisme mondial.

2.2 Les staliniens et les « hitléro-trotskistes »[modifier | modifier le wikicode]

Les staliniens ont aussi été de grands diffuseurs de théories du complot. Lors des Procès de Moscou (1936-1937), pendant lesquels Staline fit purger tous les Vieux bolchéviks, des « aveux » furent extorqués aux accusés : Trotski aurait un réseau lié aux nazis, œuvrant pour la défaite militaire de l'URSS face au IIIe Reich, etc. (Ce qui est ironique vu la ligne de défense de l'URSS qui était la sienne, et vu que deux ans après, c'est Staline qui allait signer un pacte avec Hitler.) Staline fut d'ailleurs un des dictateurs qui parvint à la plus large échelle jamais atteinte de réécrire l'histoire, de falsifier les photographies...

Après le pacte germano-soviétique de 1939 qui a semé beaucoup de doutes dans les rangs communistes, et qui leur a valu l'épithète « d'hitléro-staliniens », une fois le revirement d'alliance acté, la machine de propagande du Komintern va se déchaîner pour renverser la formule et accuser les communistes oppositionnels « d'hitléro-trotskisme ».[13] Cela allait d'accusation d'être des alliés objectifs du fascisme à l'accusation directe d'être des agents de la Gestapo. On peut également parler du « complot des blouses blanches » en 1953 (Staline fait accuser toute une série de médecins, presque tous juifs, de comploter pour assassiner des dirigeants soviétiques) qui est un des éléments de l'antisémitisme stalinien et de ses penchants conspirationnistes.

Dans les rangs des partis communistes staliniens, au fur et à mesure des dossiers à charge contre l'URSS (Grandes purges, action contre-révolutionnaire pendant la guerre d'Espagne, répression à Berlin en 1953, à Poznań et Budapest en 1956, à Prague en 1968...), le malaise et la dissonance cognitive grandissait parmi les militants[14]. Aujourd'hui, avec le recul historique sur tous les crimes staliniens (y compris la confirmation par l'ouverture des archives soviétiques), les groupes qui valorisent encore Staline, voire qui s'appuient sur les « aveux » des torturés des procès de Moscou[15], ne parviennent à se justifier qu'en invoquant des calomnies inventées par des « complots impérialistes ».

2.3 Le péril jaune[modifier | modifier le wikicode]

A la fin du 19e siècle, les occidentaux ont commencé à développer le thème du « péril jaune », la peur de voir les Japonais ou les Chinois dominer le monde. Celui-ci prend parfois des tons complotistes, comme dans les romans Fu Manchu. Des réactionnaires français ont justifié la guerre d'Indochine en agitant la peur que le soulèvement vietnamien fasse partie d'un complot des communistes chinois à visée mondiale.[16]

Pendant la Seconde guerre mondiale, les citoyens états-uniens d'origine japonaise ont été massivement parqués dans des camps et mis sous surveillance, suspectés en masse d'être loyaux à l'ennemi japonais.

2.4 Les climato-sceptiques et le « marxisme culturel »[modifier | modifier le wikicode]

De nombreux conservateurs aux États-Unis (Trump) ou ailleurs (Bolsonaro), liés aux courants religieux les plus anti-scientifiques et aux intérêts des compagnies opérant dans les énergies fossiles, nient le réchauffement climatique, voire en font un « mensonge inventé par les marxistes et les écologistes ».

Plus généralement, les conservateurs sont très influencés par des thèses d'extrême droite dénonçant un « marxisme culturel » qui serait une hégémonie détenue par des crypto-marxistes dans les sphères idéologiques (milieux culturels, médiatiques, académiques...). Dans les théories les plus extrêmes, des penseurs comme ceux de l'École de Francfort sont à la base d'un complot qui vise à « détruire la culture occidentale ».[17]

2.5 Le « Grand remplacement »[modifier | modifier le wikicode]

La théorie du « grand remplacement » est un fantasme raciste selon lequel la « civilisation blanche et chrétienne » serait menacée d'être remplacée par des étrangers, par l'immigration ou par des manœuvres plus secrètes.[18] Au début du 20e siècle, ce type de discours visait les Juifs, les Arméniens, les Italiens... A partir des années 1960, le discours visera de plus en plus les populations maghrébines.

Dans les dernières années, le thème du « grand remplacement » a été théorisé par Renaud Camus. Celui-ci nie être complotiste mais de fait, dénonce toujours « l'élite remplaciste » avec des accents complotistes. Celle-ci « haïrait » les Européens « indigènes » et voudrait leur « asservissement » ou leur « mort ». « Le pouvoir où qu’il soit leur a toujours tout caché, dans ce domaine. Il continue, et leur cache tout ».[19] Une autre variante est la théorie selon laquelle l'Union européenne conspire pour établir « Eurabia ».[20]

Dans les variantes les plus extrêmes (mais fréquentes, car le complotisme appelle le complotisme), cette invasion serait carrément planifiée par les Juifs. Le racisme fonctionne sur des typologies sommaires : certaines races sont dangereuses parce qu'elles seraient barbares, d'autres parce qu'elles seraient sournoises. Cette idée a notamment été développée par les néonazis des années 1950, comme René Binet, qui dénonçait un complot juifs pour instaurer un « capitalisme métisseur » visant à une «  barbarie uniforme ».[21]

L'extrême droite répand de grandes quantités de fake news pour ancrer peu à peu cette idée.[22]

2.6 La « synarchie »[modifier | modifier le wikicode]

Dénonciation de la « synarchie » en une du journal collaborationniste L'Œuvre.

En France, sous le régime de Vichy (1940-44), le climat est globalement réactionnaire, avec la collaboration, les rafles de Juif·ves... Il y avait cependant des courants encore plus réactionnaires que d'autres au sein du pouvoir. Ainsi lorsque le gouvernement Darlan est mis en place en février 1941, les plus réactionnaires dénoncent un complot pour nuire à la « révolution nationale » de Pétain. Ce complot serait porté par des « technocrates » qui seraient aussi bien des polytechniciens (X-Crise) que des banquiers (Banque Worms notamment, dénoncée à grand renfort d'antisémitisme). Les conspirationnistes, comme Marcel Déat, parlent alors de synarchie.

2.7 Les politiciens face à la Justice[modifier | modifier le wikicode]

Il arrive très souvent que, lorsqu'un dossier sort dans les médias sur un scandale touchant un politicien, celui-ci crie au complot. Les médias et la justice seraient ligués contre lui, etc. Jean-Marie Le Pen est coutumier du fait, mais on peut aussi citer Sarkozy, Berlusconi[23], Strauss Kahn[24][25], Fillon[26], Carlos Goshn[27]...

Parfois les faits ne sont pas niés, mais on suspecte les médias, ou les opposants politiques, d'avoir sciemment choisi de les diffuser à un moment opportun. Ce qui peut être une réalité dans certains cas, mais qui est la plupart du temps exagéré par les soit-disant victimes de complot pour détourner l'attention.

2.8 Le « complot de l'étranger »[modifier | modifier le wikicode]

Le régime iranien s'est appuyé sur un anti-impérialisme légitime, et en fait une utilisation réactionnaire

Il est très fréquent en politique qu'un gouvernement dénonce un complot fomenté depuis l'étranger. Cela permet d'utiliser le ressort du nationalisme pour jeter le discrédit sur des opposants. Au début de la révolution russe de 1905, le ministre de la guerre voyait dans la grève de masse la main d’agents anglo-japonais[28]. Les États dictatoriaux recourent massivement à ce genre de rhétorique : Syrie[29], Corée du Nord[30], Iran[31], Russie[32], Turquie[33]... Très souvent, ces pays ont un héritage de lutte anti-impérialiste, et des exemples réels d'ingérence étrangère et de complots (renversement de Mossadegh en Iran en 1953...). Mais les régimes réactionnaires n'hésitent pas à faire des utilisations nationalistes réactionnaires de cet anti-impérialisme. Chaque fois que des contestations internes émergent, démocrates ou ouvrières, le régime accuse les manifestants d'être à la solde de l'étranger[34]. Le régime chinois a utilisé cette rhétorique contre les Tibétains, les Hongkongais[35]...

Le thème des « révolutions de couleurs »[36], comme de l'Euromaidan plus récemment[37], suscite aussi énormément de discours complotistes. Dans ces mouvements s'expriment à la fois des aspirations démocratiques populaires, et des basculements de rapports de force au sein de la classe dirigeante (généralement un abandon de la loyauté à Moscou, et des ouvertures vers les Occidentaux). Les complotistes ne voient que la main des États étrangers dans ces mouvements, le progressisme n'étant qu'une pure idéologie et les manifestations que le produits de financements étrangers.

Les militants qui ont une vision du monde campiste héritée du stalinisme de la guerre froide sont très perméables à ce genre de discours. Pour eux, les États-Unis sont l'ennemi principal, et les anciens pays du Bloc de l'Est (Russie, Chine...) ou plus largement les anciens alliés (Iran, Syrie, Libye...) sont par nature anti-impérialistes et sans cesse victimes de complots de la CIA. Cela les conduit souvent à faire front avec la rhétorique de ces régimes, mêmes lorsqu'elle est utilisée contre les mouvements populaires.

Mais on retrouve également le thème des complots étrangers au sein des démocraties capitalistes. Par exemple l'influence de la Russie dans l'élection de Trump en 2016, qui est avérée, est bien vite devenu un « complot russe » pour les partisans d'Hillary Clinton.[38]

2.9 Menace « gauchiste », « anarcho-autonome », etc.[modifier | modifier le wikicode]

Il arrive aussi régulièrement que des groupes d'extrême gauche déclenchent des réactions politiques et médiatiques disproportionnées par rapport à leur influence réelle. En juin 1907, le gouvernement russe dissout l'assemblée en accusant les social-démocrates d'un complot dans l'armée (ce qu'ils sont alors bien trop faibles pour faire). Après la création d'un comité de soldat en 1976, Chirac et le général Bigeard parlent de « complot antimilitariste ».[39] De façon analogue, après l'affaire de Tarnac en novembre 2008, les médias ont largement fantasmé le groupe de Julien Coupat[40].

3 Exemples de complotisme « populaire »[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Les « complots juifs »[modifier | modifier le wikicode]

Une très grande partie des théories du complot visent les Juifs et font d'eux les machiavéliques exploiteurs du monde entier, ou ont en tout cas une forte porosité avec ce type de complots. Il s'agit d'un thème qui puise sans racines dans l'ancienne judéophobie présente dans la chrétienté, et qui a connu en essor sans précédent au 19e siècle avec la montée de l'antisémitisme.

Au Moyen-âge, on faisait porter la responsabilité de la peste sur les juifs, qu'on accusait d'empoisonner l'eau des puits. Les rois ont souvent agité toute sortes de judéophobie pour justifier la spoliation et l'expulsion des juifs.

A partir du 19e siècle, toute une série de penseurs vont développer des théories selon lesquelles les juifs seraient des corps étrangers aux Nations (le sentiment national était alors en consolidation un peu partout en Europe), et qu'ils seraient même nuisibles, parasitaires. C'était la naissance de l'antisémitisme moderne. Étant donné que les juifs étaient une faible minorité, pas forcément reconnaissable « à l'apparence », présente dans plusieurs pays (pour les raisons historiques ayant donné naissance à cette diaspora), l'antisémitisme a pris la forme de théories selon lesquelles leur dangerosité, non flagrante, serait secrète.

Les Juifs vont être à la fois assimilés aux capitalistes (la « finance juive »), et aux intellectuels de gauche, « modernistes », démocrates ou socialistes, qui ruineraient la Nation de l'intérieur. L'accusation de la « finance juive » se retrouve un peu plus chez des auteurs « socialistes » antisémites (comme Proudhon), et l'accusation d'antinationalisme se retrouve un peu plus à l'extrême droite, mais le propre des complotistes, c'est de créer une confusion idéologique permettant toutes les passerelles. Ainsi de nombreuses expressions comme « la finance apatride » ou la « juiverie cosmopolite » jouent sur les deux tableaux. C'est à propos de ce type d'antisémitisme « socialisant » que certains marxistes de la fin du 19e siècle ont parlé de « socialisme des imbéciles » (attribué à Bebel).

L'une des premières formes les plus élaborées de ce complotisme a été... élaborée par la police secrète du tsarisme (l'Okhrana) en 1903. Celle-ci a créé de faux documents qui auraient fuité, les « protocoles des sages de Sion », et qui détaillaient les plans des juifs pour prendre le contrôle du monde, par les chemins les plus tortueux et notamment la subversion des valeurs traditionnelles en Russie. Cela permettait de justifier la répression des révolutionnaires dans le pays, et de canaliser le ressentiment populaire contre les Juifs. Les historiens savent depuis longtemps que ce texte est un faux, ce qui n'empêche pas toute une série de complotistes, encore aujourd'hui, d'en faire une "preuve" du complot. C'est d'ailleurs une caractéristique des "faits" sur lesquels sont basés les théories complotistes : une fois lancés ils continuent d'être recyclés indéfiniment dans certaines bulles "alternatives".

Hitler par exemple, cite les Protocoles dans son Mein Kempf. Le leader nazi a utilisé tous les ressorts de l'antisémitisme (biologiques, contre la « race juive », et complotistes) et a réussi à leur donner une ampleur sans précédent, dans les territoires dominés par le IIIe Reich, avec le génocide le plus meurtrier de l'histoire, et bien au delà dans l'espace et le temps vu l'influence du nazisme sur l'extrême droite mondiale.

L'imaginaire fasciste européen construit dans les années 1920-1930 a beaucoup mis en avant le thème du « complot judéo-bolchévique ». Le camp des Blancs dans la guerre civile russe a été le premier à recourir massivement à la propagande antisémite, accusant les Juifs d'avoir manipulé les masses (analogue à la réaction complotiste des royalistes après 1789). Là encore, le confusionnisme « national-socialiste » va combiner les critiques : les Juifs sont accusés à la fois d'être derrière le communisme, et derrière le « capitalisme financiarisé anglo-américain ».

L'ampleur de la Shoah a amené dans les pays occidentaux à une condamnation plus forte de l'antisémitisme. Mais des discours complotistes continuent à viser les Juifs ont continué à circuler, à commencer par les négationnistes qui ont accusé les juifs d'avoir inventé la Shoah, comme Faurisson à l'extrême droite, ou Garaudy (ex du PCF qui avait aussi nié les goulags).

Le confusionnisme est toujours présent dans cette mouvance, par exemple avec Dieudonné et Soral (qui est passé par le PCF et le FN)[1]. Ces derniers utilisent souvent des périphrases, comme la « communauté organisée » pour désigner les Juifs. Aujourd'hui, 31% des français adhèreraient à une variante ou une autre de complot juif. Des candidats RN ressortent régulièrement le complot juif.[41][42][43]

Ces dernières années, de nombreux antisémites ont développé leurs théories complotistes en visant « les sionistes ». Ils s'appuient, entre autre, sur la sympathie légitime que suscite la cause palestinienne dans la gauche internationaliste ou parmi le monde arabe, mais en font un usage qui dépasse de beaucoup la question d'Israël et du sionisme au sens historique. Ainsi dans ces fantasmes, les liens forts entre l'impérialisme états-unien et l’État d'Israël serait une preuve que le « lobby sioniste » dirigerait les États-Unis. Le 18 août 2023, dans un discours d'inauguration d'une mosquée, le président des Comores et président de l'OUA Azali Assoumani déclarait : "« Nous devons vivre avec les catholiques mais aussi avec les maudits juifs, que la colère de Dieu s’abatte sur eux. Les juifs sont les maitres du monde. Ils ne sont pas comme nous.  Ils se tiennent tapis dans l’ombre et se révèlent au moment opportun." [44]

3.2 Franc-maçonnerie[modifier | modifier le wikicode]

La franc-maçonnerie est une société, non pas réellement secrète mais très discrète, qui regroupe des membres sur la base de certaines valeurs et rituels codifiés. Les rituels, très ésotériques, font référence à l'ancien « secret maçonnique » : les savoir-faire des anciens bâtisseurs du Moyen-Âge (bâtisseurs de bâtiments aux techniques complexes pour l'époque comme les cathédrales). Mais il y a bien longtemps que la franc-maçonnerie est dite « spéculative » (philosophique), par distinction avec la maçonnerie « opérative » des bâtisseurs. La franc-maçonnerie est née en Ecosse en 1598, et s'est ensuite développée dans le monde, tout en se séparant en différentes obédiences. Ses valeurs se veulent philanthropiques, universelles, en faveur du progrès de l'humanité. Par conséquent il y a historiquement eu une très forte hostilité des milieux les plus réactionnaires contre les franc-maçons, notamment l'extrême droite catholique intégriste. Un prisme encore très fort au RN.[41]

La discrétion et l'ésotérisme de la franc-maçonnerie ont favorisé la diffusion de théories du complot qui fantasment complètement le pouvoir qu'auraient les franc-maçons. C'est un fait que le succès de la franc-maçonnerie parmi une frange républicaine de la bourgeoisie a fait que l'essor de la bourgeoisie a placé de nombreux franc-maçons à des postes de pouvoir économique et politique. C'est un fait également que le cadre de la franc-maçonnerie (ses rites et ses lieux de sociabilité) sert d'occasion d'échanges de bons procédés entre franc-maçons haut placés qui peuvent se renvoyer l'ascenseur. Mais c'est une pratique générale de la bourgeoisie, qui peut se réaliser à travers bien d'autres lieux et d'autres idéologies.

Ces vieux éléments de complotisme paraissent datés, mais on croise souvent dans les sphères conspirationnistes les plus deep des dénonciations de « complot judéo-maçonnique », etc.

Rituel d'initiation d'un franc-maçon anglais vers 1800

3.3 Illuminati[modifier | modifier le wikicode]

La Société des Illuminés est une société secrète, plus ou moins calviniste, fondée en 1776 par le Bavarois Adam Weishaupt, influencée par la philosophie des Lumières et les idées de la bourgeoisie révolutionnaire, dont le but était de libérer le monde de toute religion établie. Elle a atteint jusqu'à 2500 membres avant d'être dissoute en 1787. Mais ce sont des écrivains contre-révolutionnaires, comme John Robison, ou le jésuite Augustin Barruel, qui défendent l'idée que cette société n'aurait pas été dissoute et qu'elle aurait organisé dans l'ombre la Révolution française. Dans leur logique, les masses pauvres étaient trop stupides et ignorantes pour avoir des mobiles propres, et n'ont pu être que manipulées par des forces occultes.

« L'histoire de toutes les révolutions et des guerres civiles prouve invariablement qu'une classe menacée ou renversée est encline à chercher la cause de ses malheurs non en elle-même, mais chez des agents et des émissaires de l'étranger. »[45]

Ces thèses, tombées dans un total oubli pendant le 19e siècle, sont ressorties des poubelles dans les années 1920 et 1930, sous la plume de bourgeois réactionnaires terrorisés par la vague révolutionnaire qui avait suivi 1917. Par exemple, l’essayiste Edith Starr Miller, épouse d’un lord britannique, qui, après avoir publié un ouvrage de cuisine en 1918, passa aux choses sérieuses en 1933 en publiant Occult Theocracy, un fourre-tout d’idées qui allait connaître un certain succès avec l’invention de la thèse du « complot judéo-bolchevik », forcément inspiré par les francs-maçons et les Illuminati.

C’est ce livre qui a inspiré le principal « théoricien » du complot Illuminati, le britannico-canadien William Carr, auteur de Des Pions sur l’échiquier en 1955 et Satan, prince de ce monde, publié après sa mort en 1959. Carr, par ailleurs dirigeant d’une ligue anticommuniste au Canada, la Fédération nationale des chrétiens laïcs (sic), explique lui aussi que ce sont les Illuminati qui contrôlent le monde et fomentent les révoltes communistes. Il est connu pour avoir publié un faux grossier qu’il attribue à un avocat franc-maçon américain, Albert Pike (1809-1891) : cette pseudo-lettre de Pike, prétendument rédigée en 1871, décrivait déjà selon Carr les projets des sociétés conspiratrices pour le 20e siècle, dont l’organisation des révolutions communistes, du fascisme et des deux guerres mondiales, le tout ayant naturellement pour objectif d’asseoir l’autorité des Juifs sur le monde. C’est sur ce document absurde que certains conspirationnistes s’appuient aujourd’hui pour expliquer que Hitler était un agent sioniste ayant organisé le génocide juif pour faciliter la création d’Israël...[3]

Au fil du temps, cette théorie s'est scindée en de nombreuses variantes, pour devenir une sorte de critique des vagues élites, souvent combinées à d'autres complots (les Illuminatis sont souvent interchangeables avec les Franc-maçons, les Juifs...). Les partisans de cette théorie cherchent d'ailleurs constamment les symboles de cette domination, et en premier lieu le triangle : que cela soit la pyramide sur les billets de 1$, l'album The Dark Side of the Moon de Pink Floyd, la pyramide du Louvre…

3.4 Synarchie[modifier | modifier le wikicode]

Article publié le 10 août 1945 dans Femmes françaises, périodique lié au PCF

Le concept de synarchie, popularisé sous Vichy, a malheureusement été recyclé dans des secteurs de la gauche, notamment dans les milieux staliniens.

Ceux-ci se mettent notamment à véhiculer l'idée que la défaite de la France en 1940 aurait été causée par « la synarchie » : les élites auraient préféré la défaite d'un pays trop agité de luttes de classes. Le slogan « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » est attribué au patronat des années 1930[46], même si cela manque de sources. D'une part, la bourgeoisie était sans doute plus divisée que cela (comme le montreront notamment le gaullisme et le pétainisme). D'autre par, le rapport de force politique avait déjà évolué vers la droite avant 1940, atténuant les velléités de réaction anti-ouvrière. Par ailleurs il est ironique que le PCF cherche à faire ainsi oublier l'épisode pendant lequel il a dû avaler la couleuvre du pacte germano-soviétique... Plus récemment, l'historienne Annie Lacroix-Riz a relancé la thèse de la synarchie, alors qu'il y a un consensus des historien·nes pour considérer cette thèse comme un mythe.

La thèse de la synarchie a aussi été largement diffusée par Roger Mennevée, un essayiste confusionniste (qui se prétendait de gauche).

3.5 Clubs bourgeois (Bilderberg, Trilatérale, le Siècle...)[modifier | modifier le wikicode]

Il existe différents clubs discrets dans lesquels se réunissent les bourgeois pour discuter affaires et politique :

  • Groupe de Bilderberg : un groupe de personnalités de la diplomatie, des affaires, de la politique et des médias nord-américains et européens, se réunissant une fois par an, et actuellement dirigé par Henri de La Croix de Castrie, l'actuel PDG d'AXA), fondé en 1954 aux Pays-Bas dans un hôtel nommé Bilderberg.[47]
  • Commission Trilatérale : groupe d'environ 300 à 400 membres fondé en 1973 sur le modèle du groupe de Bilderberg, mais élargissant le principe à la Triade (États-Unis, Union Européenne, Asie-Pacifique).
  • Plus localement, le Siècle est un club équivalent pour la France.

Ceux-ci génèrent beaucoup de fantasmes confusionnistes. En premier lieu du côté de la droite extrême, qui dénoncent un mondialisme / cosmopolitisme qui trahirait l'intérêt national. Par exemple le groupe Bilderberg a été dénoncé par une conservatrice US en 1964, par la John Birch Society, par Lyndon LaRouche, Alex Jones, Jesse Ventura, Nigel Farage, ou encore des candidats RN[41]. Mais on trouve également des dénonciations dans la gauche, particulièrement parmi les staliniens au sens large (un dirigeant du PCF cible la Commission trilatérale en 1978[47], Fidel Castro le Groupe Bilderberg en 2010...[48]). Pour les staliniens, c'est en réalité surtout le capital étranger qui pose problème (la critique radicale du capitalisme ayant été abandonnée depuis longtemps), ce qui crée une passerelle avec le pseudo-anticapitalisme d'extrême droite.

En tant que lieux qui réunissent des bourgeois parmi les plus influents, il est certain qu'il s'agit de cadres qui ont une influence sur les politiques. Cependant la bourgeoisie et la classe politique ont mille et un autres lieux de socialisation à huis clos, et même s'ils se réunissent en parallèle, les lois et les mesures anti-sociales sont ensuite prises au grand jour dans les assemblées et les ministères. Les mécanismes de la démocratie bourgeoise n'empêchent pas l'hégémonie culturelle des capitalistes.

3.6 La focalisation sur « la finance »[modifier | modifier le wikicode]

Un grand nombre de théories conspirationnistes, et même plus largement des visions exagérant la malveillance des classes dirigeantes, consistent à mettre en avant « la finance », plus que le capitalisme, ou alors à jouer sur l'ignorance pour faire passer une vision du capitalisme réduite au capitalisme financier. Dans ce type de critiques, que l'on retrouve chez Hitler comme chez Soral, il y aurait d'un côté de bons industriels, ancrés dans le pays et produisant des biens réels, de l'autre des parasites financiers, apatrides (comprenez : juifs) et associés à l'usure improductive. Alors que dans une vision marxiste, l'anticapitalisme implique une lutte de classe, unifiant la classe sans distinction raciale contre la bourgeoisie jusqu'à son expropriation révolutionnaire, dans la vision national-socialiste, un mouvement autoritaire réalise l'unité de la « vraie nation » contre un ennemi racisé. Ce mouvement autoritaire accède au pouvoir en s'alliant à la majorité de la bourgeoisie, et n'abolit pas les rapports de production capitalistes (en général il les caporalise et les militarise). Les nazis parlaient volontiers de « révolution populaire » contre « la finance », alors qu'ils combattaient la notion de lutte des classes. Bien sûr, tout discours politique centré sur la finance n'est pas équivalent au national-socialisme. Il peut être le fruit d'illusions réformistes en un possible capitalisme industriel et social. Mais en posant ce type de diagnostic faux, il laisse des passerelles ouvertes au confusionnisme.

On retrouve aussi beaucoup de fake news liées au Franc CFA[49], qui serait une sorte de vampirisation permettant à la France de piller chaque année 440 milliards aux Africains[50]. Si c'était aussi gros, on comprend mal comment les pays de la zone CFA, qui ont réussi à arracher leur indépendance politique, ne se soient toujours pas libérés. En réalité, la domination néocoloniale de la « Françafrique » ne passe pas avant tout par un mécanisme monétaire. Un livre qui a eu beaucoup de succès aux États-Unis, Confessions of an Economic Hit Man, enrobe de complotisme un mécanisme de domination qui est bien réel, la domination des pays pauvres par la dette.

3.7 Le 11 septembre 2001 et autres attentats[modifier | modifier le wikicode]

11 septembre 2001.jpg

L'attentat du 11 septembre 2001, au cours duquel des terroristes liés à Al Qaida ont détourné et lancé deux avions dans les tours jumelles du World Trade Center, a représenté un choc sans précédent. Jamais le pays le plus puissant du monde n'avait subi une attaque aussi frappante en plein cœur de sa place forte financière.

Beaucoup de personnes ont alors considéré qu'il était peu probable que quelques pirates aient pu réaliser eux-mêmes ces attentats, en déjouant toutes les mesures de sécurité et de contre-espionnage. Toutes sortes de théories se sont alors mises à circuler, affirmant que le gouvernement des États-Unis aurait commandité l'attentat. Les Juifs sont fréquemment associés aux intentions malveillantes du gouvernement. La moitié des États-uniens[51] et environ 25% des Français croient que le gouvernement cache quelque chose sur le 11 septembre.

Ces théories se sont également appuyées sur le fait que la CIA avait effectivement financé Al Qaeda dans les années 1980, pour que cette organisation harcèle les soviétiques en Afghanistan. Mais les complotistes exagèrent largement le pouvoir des services secrets des puissances impérialistes. Ceux-ci interviennent à un instant t pour faire dévier le cours des événements dans un sens, mais cela engendre de très nombreuses conséquences imprévues à un instant t+1.

De même en France après les attentats de 2015, pour lesquels 18% des français pensent qu'il existe une zone d'ombre ou un complot. Là encore l'extrême droite est en pointe pour diffuser des théories conspirationnistes. Jean-Marie Le Pen a par exemple déclaré à un journal russe : « L'exécution de Charlie Hebdo porte la signature d'une opération des services secrets. »[52][53]

3.8 Épidémies et autres catastrophes[modifier | modifier le wikicode]

Plus généralement, les événements catastrophiques ont tendance à générer des théories conspirationnistes. Ainsi certains conservateurs aux États-Unis ont échafaudé des théories du complot sur l'ouragan Katrina[54] (2015), sur l'ouragan Irma[55] (2017)... Pour les plus farfelus (Alex Jones, notamment), le gouvernement manipule directement la météorologie, pour les variantes plus softs, les alertes et les évacuations d'urgence sont amplifiées pour « faire croire au réchauffement climatique » ou pour vendre des bouteilles d'eau...

La pandémie de Covid-19 qui a début fin 2019 a elle aussi, aussitôt fait naître des thèses conspirationnistes : certains en Chine tentent de porter le chapeau aux États-Unis[56] tandis que des conservateurs états-uniens alimentent le complot inverse[57], pour le régime iranien il s'agit d'un complot des États-Unis et d'Israël[58], et enfin comme avec le Sida, on retrouve l'éternelle idée d'un virus fabriqué en laboratoire[59], sur laquelle surfe Le Pen[60].

Trafic de drogue

A noter également que la forte progression des addictions aux drogues dans les années 1980 aux États-Unis a entraîné une théorie selon laquelle les autorités auraient activement diffusé ces drogues dans les quartiers Noirs, pour affaiblir leur activisme après la période d'offensive anti-raciste des années 1960-1970. Au vu des exemples comme COINTELPRO, il n'est pas étonnant que de nombreux Noirs américains prennent au sérieux cette thèse. S'il n'y a pas de preuve d'une telle volonté, il est avéré en tout cas que des hauts responsables du pays ont fermé les yeux sur le trafic de drogue qui a explosé dans les années 1980, parce que le trafic servait à financer les Contra nicaraguayens ou les moudjahidines afghans.[61]

3.9 Les « chemtrails », HAARP...[modifier | modifier le wikicode]

Les traînées blanches créées par le passage des avions en vol (traînées de condensation, « contrails ») sont selon certains complotistes des produits chimiques délibérément répandus en haute altitude par diverses agences gouvernementales pour des raisons cachées. Toutes sortes de versions circulent : ce seraient des expériences pour modifier le climat ou la météo, pour réguler les populations en les stérilisant, voire pour faire des expériences de guerre chimique, toujours au mépris de la santé des populations « empoisonnées ». Ces théories ont pris de l'ampleur des les années 1990, en parallèle de l'explosion du trafic aérien. Environ 35 % des citoyens américains[62] et 15% des Français croiraient aux chemtrails.[4]

HAARP est un observatoire de recherche voué à l'étude de l’ionosphère, aux États-Unis.[63] Il est devenu opérationnel en 1993 et a atteint sa puissance actuelle en 2006. Une théorie du complot prétend dès 1995 que ce projet permettra en réalité de contrôler toute forme de communication hertzienne, détruire ou détourner avions et missiles transcontinentaux, manipuler le climat, et manipuler la population.

Si ces thèmes sont aussi récents que les technologies sur lesquelles ils s'appuient, ils s'inscrivent dans une longue tradition de méfiance envers le gouvernement fédéral, qui est perçu comme lointain, bureaucratique, voire gagnés au « marxisme culturel »... Cette dénonciation, qui focalise sur les « élites politiques » tout en valorisant les patrons, et que Trump incarne en un sens, est trustée par la droite.

3.10 Obsolescence programmée, moteur à eau...[modifier | modifier le wikicode]

Des exemples d'obsolescence programmée sont avérés. Néanmoins, énormément de dénonciations qui circulent à ce sujet sont des fake news. Ce genre d'idées est parfois véhiculé par mégarde par certains grands média : par exemple le documentaire The light bulb conspiracy (Le complot de la lampe à incandescence, diffusé en français par Arte sous le nom Prêt à jeter) reprend la légende selon laquelle la durée de vies des ampoules à incandescence est artificiellement maintenue basse depuis le début du 20e siècle.[64] En réalité la plupart des phénomène d'obsolescence ne sont pas « programmés », mais structurels (réduction de la qualité pour réduire les coûts, publicité pour inciter au renouvellement des produits...).

Une théorie du complot revient régulièrement sous différentes formes : M. Bidule a réussi à bricoler sa voiture pour qu'elle roule avec simplement de l'eau, ce serait très simple, mais les géants du pétrole ne voudraient surtout pas que ça se sache.

3.11 Les complots de « Big Pharma »[modifier | modifier le wikicode]

L'industrie pharmaceutique est l'objet de fantasmes extrêmement nombreux. Par exemple, beaucoup soutiennent que celle-ci connaît des remèdes aux cancers, mais les garde cachés parce qu'il est plus rentable de soigner chroniquement les gens que de les guérir une fois pour toute.[65] Ou encore, elle créerait les épidémies pour vendre des vaccins, ou dans d'autres variantes, elles voudraient absolument faire croire qu'il faut généraliser les vaccins alors que ceux-ci seraient inutiles ou dangereux (« anti-vax »).

Ces discours exagèrent totalement le pouvoir de corruption des capitalistes. Les problèmes réels posés par l'industrie pharmaceutique sont déjà suffisamment scandaleux (quand des actionnaires augmentent les prix, ne financent pas des recherches sur des maladies orphelines, attaquent en justice ceux qui enfreignent leurs brevets...), il n'est pas besoin d'en inventer. L'expropriation de ces grandes industries s'impose : il ne doit pas y avoir de considérations de profits dans la santé. Un secteur de la santé socialisé et géré de façon démocratique serait par ailleurs le meilleur moyen de réduire à la racine le complotisme dans ce domaine.

3.12 Accusations de pédophilie[modifier | modifier le wikicode]

Un thème complotiste récurrent est que les élites seraient toutes plus ou moins impliquées dans la pédocriminalité[66] (encore récemment : Pizzagate, discours de candidats RN[41]...).

Les crimes pédophiles existent dans tous les milieux sociaux. Lorsque des riches s'adonnent à la pédocriminalité, ils ont les moyens de le faire avec une plus grande ampleur (affaire Epstein...), ce qui donne des affaires qui frappent particulièrement l'opinion, et peuvent alimenter ces visions complotistes. Souvent ce trope s'appuie aussi sur l'homophobie, avec une association faite entre homosexualité et pédophilie.

3.13 Reptiliens, Extra-terrestres...[modifier | modifier le wikicode]

Certaines théories du complot prétendent que les élites ne sont en réalité pas des humains. Pour ceux qui croient aux « reptiliens », ce seraient des « reptiles humanoïdes », selon les gourous, issus de l’ancienne Babylone (David Icke) ou s'étant cachés sous terre après une ancienne catastrophe (John Rhodes), ou encore des extra-terrestres (Max Spiers). Selon une enquête de 2013, 4 % de la population aux États-Unis penseraient que des Reptiliens « contrôlent nos sociétés »[67].

Aux États-Unis, de nombreuses croyances existent concernant les extraterrestres. Un tiers de la population estime que des OVNI ont déjà visité la Terre[68] (l'affaire Roswell de 1947 est un exemple type de ce nouveau type de croyance qui se développe... en même temps que la science-fiction), et cette croyance s'accompagne souvent de l'idée que le gouvernement ou l'armée cachent des informations à ce sujet. La base militaire de la zone 51, avec son strict secret défense, est le symbole de ce genre de mythe. Un augmentation du nombre de signalement d'OVNI a eu lieu entre 1954 et 1974, pendant les essais de l'avion espion U-2. En un sens, c'était bien là un OVNI pour le grand public, que l'impérialisme états-unien voulait garder le plus secret possible.[69]

3.14 Terre plate, faux alunissage...[modifier | modifier le wikicode]

Certains propagent l'idée que la Terre est en réalité plate, et que les photos du globe terrestre vu de l'espace sont des trucages fabriqués par la NASA. L'extrême droite religieuse états-unienne est souvent à l'origine de ces théories. D'autres soutiennent que l'on n'a jamais été sur la Lune[70]. Ces complotismes, qui paraissent d'emblée plus ridicules et inoffensifs, sont souvent tournés en ridicules (et captent sans doute un peu trop d'attention de la part des débunkers zététiciens par rapport à leur pouvoir de nuisance réel...). Néanmoins ils ont en commun d'êtres fondés sur une incrédulité de ce que racontent « les autorités », qui peut amener à une crédulité envers tous les autres ramassis complotistes.

4 Exemples de complots avérés ou très probables[modifier | modifier le wikicode]

Depuis aussi longtemps qu'il y a des classes dirigeantes, il y a épisodiquement des complots, qui le plus souvent consistent en des intrigues entre dominants (les nombreux assassinats d'empereurs[71] ou autres coup d'Etat...).

« En fait, dans toute société de classes, il y a assez de contradictions pour que, dans les fissures, l'on puisse bâtir un complot. L'expérience historique prouve, cependant, qu'il faut tout de même que la société soit malade à un certain degré (...) pour que la politique des conspirations trouve constamment à s'alimenter. A l'état pur, la conspiration, même en cas de victoire, ne peut donner que le remplacement au pouvoir de différentes cliques de la même classe dirigeante, ou bien, moins encore : des substitutions d'hommes d'Etat. »[72]

Par ailleurs, la diplomatie capitaliste repose en grande partie sur le secret, parce que les intérêts impérialistes sont en général peu reluisants aux yeux du grand public, et parce que les États ne veulent pas que leurs rivaux soient au courant de leurs atouts. Mais même si les modalités précises (type « clauses secrètes ») sont cachées, les intérêts des différents États sont en général faciles à décrypter par des observateurs extérieurs.

On peut citer des exemples historiques de complots ayant réellement influencé l'histoire de la lutte des classes. En un sens, ces complots peuvent être vus comme des expressions de la lutte des classes internationale et de la lutte décoloniale :

  • Opération Himmler (1939) : Himmler était mandaté par Hitler pour simuler une attaque polonaise sur une station de radio allemande, afin de justifier plus facilement l'invasion de la Pologne (ce qui fut le déclencheur de la Seconde Guerre mondiale).
  • Opération Ajax (1953) : la CIA et le MI6 (équivalent anglais) aident au renversement de Mossadegh en Iran, car celui-ci voulait nationaliser le pétrole, dominé par les compagnies occidentales.
  • Coup d'État au Guatemala (1954) : en réaction aux réformes agraires du gouvernement Arbenz qui affectaient directement les intérêts de la United Fruit Company, et à la crainte d'une influence soviétique dans le pré-carré états-unien.
  • Début d'un espionnage massif du monde entier, y compris des « pays alliés », par la CIA et la NSA (Cryptoleaks, révélations de Snowden...).
  • Des années 1950 aux années 1990, le lobby du tabac a réussi à retarder la prise de conscience des dangers pour les fumeur·ses en fabriquant du doute.[73]
  • Assassinat de l'indépendantiste camerounais Félix Moumié (1960) par les services secrets français,[74]
  • Assassinat du père de l'indépendance congolaise Patrice Lumumba (1961) avec le soutien de l'impérialisme belge,
  • Assassinat de Sylvanus Olympio (1963), père de l'indépendance du Togo : fortes suspicions sur la France,[75]
  • Assassinat de John Fitzgerald Kennedy (1963) : la commission d'enquête de 1976 a conclu qu'il y avait probablement eu complot,[76]
  • Assassinat de Mehdi Ben Barka (1965), leader socialiste marocain, avec - au moins - des complicités françaises,
  • Années de plomb (années 1970) : en Italie une vague d'attentats secoue le pays, et certains attentats de la part des néofascistes bénéficiaient de complicité au sein de l'État[77],
  • Coup d'État contre le socialiste Allende au Chili (1973) par le général Pinochet, aidé par la CIA.
  • Guerre du Golfe (1991) : un des prétextes utilisés pour l'entrée en guerre est l'affaire des couveuses au Koweït[78], un témoignage d'atrocités commises par les Irakiens, qui se révélé avoir été inventé.
  • Génocide au Rwanda (1994) : Au Rwanda, parmi la majorité Hutu, des idées complotistes accusant les Tutsi se sont répandues comme une traînée de poudre (largement aidées par les divisions créées par le colonialisme), ce qui a été un des vecteurs du génocide.[79] Par ailleurs, le génocide des Tutsi se passe sous les yeux de l'armée française, qui est restée passive. En avril 2015, Hollande a annoncé la déclassification de toutes les archives de l’Élysée concernant ce génocide. Mais Dominique Bertinotti, la mandataire de François Mitterrand, a bloqué l’accès aux archives 1990-1995 concernant ce pays. [74]
  • Guerre en Irak (2003) : l'administration de G.W. Bush invente un faux prétexte d'armes de destruction massive pour justifier le renversement de Saddam Hussein.
  • Bombardement de Bouaké (2004) : cette affaire, qui a servi à la France à mener une opération militaire d'ampleur en Côte d'Ivoire, est entourée de forts soupçons contre Chirac, De Villepin, Alliot-Marie et Barnier.[80]

Dans chaque cas il est important d'évaluer à leur juste mesure, sans exagérations, le poids de la lutte de classe interne au pays et le poids de l'ingérence extérieure. Si dans le cas du Guatemala de 1953 par exemple, le poids décisif de l'étranger fait peu de doute, dans le cas du Chili de 1973, le coup d'État n'aurait pas pu avoir lieu sans toute une dynamique interne de préparation de la réaction et de perte d'initiative du camp socialiste (notamment désarmé par l'illusion réformiste).

A Tuskegee, des Noirs ont été sciemment laissés mourir dans une expérience pour observer l'évolution de la syphilis

Plus rarement, des projets secrets ont été menés par des institutions, finissant par être dénoncés comme des scandales :

  • l'étude de Tuskegee sur la syphilis : Menée dans l’Alabama entre 1932 et 1972, elle visait à étudier l'évolution de la syphilis quand elle n’est pas traitée. Les autorités recrutèrent des Noirs qui n’avaient pas accès à la pénicilline et, au lieu de les soigner, de les observer pendant qu’ils souffraient et mouraient (on leur promettait 1000 dollars en cas de décès pour les funérailles). En 1972, un médecin dénonce l’existence du programme à la presse.
  • le projet MK-Ultra : Entre 1951 et 1975, la CIA a mis en place un projet illégal visant à établir des recettes de manipulation mentale sur des sujets. Pus de trente universités et institutions avaient participé à un large projet de tests et d'expérimentations qui comportait des tests de médicaments (notamment du LSD) cachés sur des sujets non-volontaires.
  • le COINTELPRO : Entre 1956 et 1971, le FBI a mis en place un « programme de contre-intelligence » qui consistait à infiltrer des groupes dissidents (allant des communistes aux suprémacistes blancs en passant par le mouvement des droits civiques) pour leur nuire.
  • l'Affaire Iran-Contra : dans les années 1980 sous Reagan, plusieurs hauts responsables du gouvernement ont soutenu un trafic d'armes vers l'Iran malgré l'embargo touchant ce pays, dans le but d'utiliser les produits de la vente d'armes pour financer les Contras au Nicaragua (groupes paramilitaires d'extrême droite opposés aux sandinistes), malgré l'interdiction explicite du Congrès. Plus globalement, beaucoup de hauts responsables aux États-Unis ont fermé les yeux sur le trafic de drogue provenant des Contras (ou des moudjahidines d'Afghanistan), pour soutenir leurs réseaux de financement, au prix d'une forte hausse des addictions parmi les pauvres aux États-Unis.[61]

Il existe bien sûr des mini « complots » de la part d'individus ou groupes appartenant aux dominés, pour assassiner des dirigeants. Certains arrivèrent à leurs fins (le tsar Alexandre II par les populistes russes...) mais l'immense majorité sont des échecs (la tentative d'assassinat de Louis XV par Damiens, du Kaiser Guillaume Ier par des anarchistes, d'Alexandre III par A. Oulianov, les nombreuses tentatives contre Hitler...).

Dans le mouvement socialiste, certains comme les blanquistes, ont pensé la prise du pouvoir avant tout comme une insurrection prévue par un petit groupe. Au cours de la révolution russe, les marxistes bolchéviks ont attendu d'obtenir une majorité dans la plupart des soviets, avant d'organiser l'insurrection d'Octobre, en la reliant au maximum au Second congrès des soviets, garant de la légitimité révolutionnaire. Dans les jours précédant l'insurrection, il y a bien eu une part de « complot », une « combinaison du complot révolutionnaire, de l'insurrection prolétarienne et de la lutte de la garnison paysanne pour sa propre sauvegarde. »[81] Trotski souligne qu'une insurrection spontanée (comme l'insurrection de Février) ne peut jamais aller au delà d'une révolution bourgeoise, et qu'une révolution socialiste, qui est la plus idéologiquement consciente d'elle-même des révolutions, comporte nécessairement une part de planification de l'insurrection.

5 Marxisme = complotisme ?[modifier | modifier le wikicode]

Certains penseurs anti-communistes, comme Karl Popper, ont accusé la pensée de Marx d'être une forme de complotisme.

Popper fut un des premiers à critiquer le mode de pensée complotiste. Il décrivait cette pensée ainsi :

« Tout ce qui arrive dans la société, en particulier des événements tels que des guerres, le chômage, la pauvreté, les pénuries, que les gens n’aiment généralement pas, est le résultat d’un dessein direct d’individus et de groupes puissants [comme :] les Sages de Sion, ou les monopolistes, capitalistes ou encore les impérialistes ».[82]

Popper expliquait avec raison que beaucoup de faits sociaux sont « émergents » et non intentionnels. Mais il est extrêmement idéologique lorsqu'il met tous ses adversaires dans un même sac complotiste (inaugurant par là un certain anti-complotisme bourgeois).

Certains lobbies et cartels capitalistes conspirent pour maximiser leurs profits, parfois au détriment de l'intérêt général, c'est un fait largement avéré. Il est vrai cependant que des faits comme le chômage et la pauvreté ne sont pas décidés par un petit groupe, mais sont des propriétés émergentes. Mais pas émergentes de n'importe quelle organisation sociale, émergentes du capitalisme. Certaines vulgarisations du marxisme dérivent vers des visions donnant trop de part à l'intentionnalité, et certaines formes « d'anticapitalisme » non marxistes (y compris véhiculées par des staliniens) ont utilisé ou utilisent le terme de « monopolistes capitalistes » de façon complotiste. Mais ce n'est pas cela le marxisme.

Par ailleurs, pour Popper, une des origines de la pensée complotiste est la croyance selon laquelle la la vérité est manifeste (qu'elle se voit directement). Si l'on pense cela, mais que les masses se trompent quand même, c'est forcément que des forces s'évertuent à cacher la vérité. Or Popper affirme que la plupart des philosophes (Platon, Descartes, Bacon, Locke, Hume, Stuart Mill), dont Marx, défendent ce caractère manifeste de la vérité. Ainsi :

« La version marxiste de cette théorie du complot obscurantiste est bien connue : c’est la conspiration de la presse capitaliste qui déforme et censure la vérité afin d’installer dans l’esprit des travailleurs de fausses idéologies »[83]

En réalité Marx affirme au contraire que la compréhension de la vérité est souvent contre-intuitive. Concernant l'exploitation par exemple, il s'oppose à la vision simpliste qui fait croire à un simple vol :

« Ainsi donc, pour expliquer la nature générale du profit, il vous faudra bien partir de ce théorème : en moyenne, les marchandises se vendent selon leurs valeurs réelles et l’on en retire du profit en les vendant selon leur valeur, c’est-à-dire à proportion de la quantité de travail qui s’y trouve réalisée. Si vous ne pouvez pas expliquer le profit par cette hypothèse, vous ne pouvez pas l’expliquer du tout. Voilà qui est paradoxal, et contraire aux constatations de chaque jour. Un autre paradoxe, c’est que la terre tourne autour du soleil, ou que l’eau se compose de deux gaz extrêmement inflammables. La vérité scientifique est toujours paradoxale à l’expérience journalière, qui ne saisit que l’apparence trompeuse des choses. »[84]

Lorsque Marx propose des explications de l'origine des fausses idéologies, il le fait en analysant des facteurs objectifs. Par exemple avec la notion de fétichisme de la marchandise, ou encore le fait que le capital variable ne se distingue pas du capital constant, donnant l'impression que c'est une propriété intrinsèque du capital de s'auto-valoriser (A-A').

6 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 NPA, Soral et Dieudonné : nouveau parti anti­sémite et complotiste ?, novembre 2014
  2. Anticapitalisme et révolution, courant du NPA, Les capitalistes ne complotent pas, ils profitent, mars 2020
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  46. Le député communiste César Depietri dit devant l'Assemblée en avril 1977 :

    « Monsieur le secrétaire d'Etat, la Lorraine se rappelle l'avant-guerre où l'on pouvait lire dans le journal du comité des forges, "Le Messin" : "Plutôt Hitler que le Front populaire", et aussi : "Plutôt que de vivre dans une France appauvrie, bolchevisée, nous préférons redevenir Allemands". »

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