Parti bolchévik

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Réunion de Bolchéviks en 1920. Lénine est à droite.

La fraction bolchévique naît en 1903 d’une scission au sein du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (le parti des marxistes russes), en s'opposant à la fraction menchévique. Il devient définitivement un parti distinct à partir de 1912.

En 1917, le Parti bolchévik monta rapidement en puissance face aux modérés et dirigea la révolution d'Octobre. Il devient alors le parti dirigeant la Russie soviétique, et devient le Parti communiste de Russie à partir de 1918.

Le Parti bolchévik connut donc plusieurs mutations, il fut successivement l’instrument d’une révolution et celui d’une contre-révolution, et ne saurait être envisagé comme un tout monolithique et invariable.

1 Fondation du POSDR[modifier | modifier le wikicode]

Vers la fin du 19e siècle, les idées marxistes se diffusent en Russie et sont discutées par plusieurs groupes militants. Le mouvement russe était alors constitué de cercles isolés, de regroupement régionaux discrets, de groupes d’usines sans coordination entre eux, etc. Il n’y avait pas de centre.

Alexandre Oulianov, frère de Lénine exécuté pour avoir conspiré contre le tsar avec les narodniks

Un premier congrès avait eu lieu en 1898 et n’avait pu aboutir réellement à une unification du Parti ouvrier social-démocrate de Russie. En 1901, un groupe d'émigrés fonde un journal, l'Iskra (L'Étincelle), visant à centraliser les différents groupes socialistes et cercles ouvriers autour d'une solide théorie marxiste et d'une organisation efficace (le journal doit être diffusé clandestinement en Russie).

L'Iskra est créée par le travail en commun de vétérans (Plékhanov, Zassoulitch, Axelrod), et d'une jeune génération (Lénine, Martov, Potressov, rejoints un peu plus tard par Trotski). Bien que des tensions émergent dès le début, le groupe fonctionne de 1900 à 1903. Il polémique contre d'autres sensibilités présentes dans les cercles social-démocrates, comme les « marxistes légaux » et les « économistes ». Surtout, il prépare le second congrès, prévu pour 1903, qui devait pour la première fois établir et ramifier un parti dans toute la Russie. C’est pour les besoins de cet événement que Lénine a écrit sa brochure de 1902, Que faire ?, au nom de toute la rédaction.

Lénine a joué un rôle majeur dans la diffusion des idées de l'Iskra, à la fois par ses textes, mais aussi et surtout par son travail obstiné d'organisation et de correspondance (qui reposait dans la pratique beaucoup sur sa femme Kroupskaïa) avec les militants à travers la Russie. Il s'arrangeait pour avoir le plus de délégués possible, en pressant ses contacts en Russie d'être les plus actifs organisateurs, au détriment des autres courants social-démocrates.[1]

2 La fraction bolchévique[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Le 2e congrès (1903), origine de la fraction[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : 2e congrès du POSDR.
2e-congrès-POSDR.jpg

Le POSDR tient, en 1903, son second congrès. Les délégués des économistes et du Bund (qui réclamaient une organisation autonome pour les social-démocrates juifs), sont mis en minorité. Mais le bloc de l'Iskra se fissure aussitôt. Lénine et Martov ne parviennent pas à s’entendre sur la question des statuts : Lénine veut que l’adhésion au POSDR soit réservée à ceux qui militent activement, alors que Martov veut l’étendre à ceux qui partagent le programme du parti (« sympathisants »). Le désaccord conduit à une polarisation du débat entre deux sensibilités.

L’idée de Lénine était de faire du POSDR une organisation de révolutionnaires professionnels, capables de construire le parti sur des bases solides et résistant à la répression de l’Okhrana. Lénine disait à Martov : si l’on poursuit votre logique jusqu’à son terme, le parti devra intégrer tout le monde et notre message sera dilué ; nous ne serons plus à l’avant-garde, vous ruinez donc le parti. Martov répliquait : si l’on suit votre logique jusqu’à son terme, on obtiendra une organisation étroite, faite de conspirateurs.

Contrairement à ce que certains prétendront plus tard, le débat n'était pas vraiment entre « parti d'avant-garde » et « parti de toute la classe ». Les deux fractions se revendiquaient de la pratique des autres partis social-démocrates de l'Internationale, qui même massifs ne regroupaient jamais toute la classe. Le débat était en réalité très lié aux particularités du militantisme en Russie, subissant la répression tsariste.[2]

Martov remporte d'abord le vote, mais après après le départ des 7 délégués du Bund et des 2 économistes, les partisans de Lénine se retrouvent en majorité. A ce moment-là, Plékhanov est du côté de Lénine, tandis que Trotski est avec Martov. Un Comité central avec trois proches de Lénine est élu (Lengnik, Noskov et Krjijanovski).

Puis le conflit se tend surtout lors du vote sur le comité de rédaction de l'Iskra (devenu l'organe central du parti) : Lénine propose de le limiter à Plékhanov, Martov et lui-même, au nom de l'efficacité (les autres participant peu au travail). Le fait que des vétérans comme Axelrod et Zassoulitch se retrouvent écartés accentue la dramatisation. Lénine considérait les divergences comme un conflit entre ceux qui acceptaient l’esprit d’un parti salariant des permanents, d’une part, et ceux qui étaient habitués aux attitudes de cercle et du « réseau de vieux copains »[1]. Lorsque Martov, refusant de se plier à la décision du congrès concernant le comité de rédaction, proclama : « nous ne sommes pas des serfs ! », Lénine argumenta contre cet « anarchisme aristocratique » et dit que « les devoirs d’un membre du parti doivent être remplis non seulement par la base, mais par les « gens du sommet » aussi. ».

Se retrouvant en minorité, les « martovistes » menacent de scissionner. Sous pression, Plekhanov fait volte-face. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec « les léninistes ».

Ces derniers, eux, se désignent par les termes de « majorité » (bolchinstvo, en russe), « vainqueurs » (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle Iskra, appelant ses partisans les « néo-iskristes ».[3] Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances : sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de Martov et tendance « gauchiste » de Trotski. Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.[3]

2.2 Débuts des luttes fractionnelles[modifier | modifier le wikicode]

Lénine quitte alors la rédaction le 1er novembre 1903, et commence à organiser sa fraction le 17 novembre. Pendant plusieurs mois, Lénine est cependant hésitant, d'autant plus qu'il reçoit aussi énormément de courriers de ses partisans qui ne comprennent pas sa fermeté. Cela se voit notamment dans le grand nombre de courriers non envoyés, de déclarations non faites, de brouillons d’articles non publiés, que contiennent ses œuvres sur cette période. Lounatcharski écrivit plus tard :

La difficulté la plus grande dans cette lutte… fut que le deuxième congrès scinda le parti sans établir les véritables divergences de vues entre martovistes et léninistes. Les désaccords paraissaient graviter autour d’un paragraphe des statuts et de la composition d’une rédaction. Bien des camarades étaient troublés par la futilité des raisons qui avaient conduit à la scission.[4]

Krjijanovsky, qui était à l’époque très proche de Lénine, se souvient : « Personnellement, je trouvais saugrenu que l’on pût accuser le camarade Martov d’opportunisme. »[4] De Saint-Pétersbourg, de Moscou, des provinces arrivaient des protestations et des lamentations.

Pendant toute l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des blanquistes, des populistes, des jacobins. Plékhanov[5] et Trotski comparent Lénine à Robespierre[6]. Rosa Luxemburg participe à la polémique.[7] De son côté Lénine polémique aussi durement dans sa brochure Un pas en avant, deux pas en arrière[8] tout en insistant sur le fait qu'aucune scission ne serait justifiée :

« les divergences qui séparent actuellement ces deux ailes concernent surtout les problèmes d’organisation, et non les questions de programme ou de tactique (...) le programme importe plus que la tactique, et la tactique importe plus que l’organisation (...) ce sont simplement des nuances sur lesquelles on peut et l’on doit discuter, mais pour lesquelles il serait absurde et puéril de nous séparer. »

Pour Lénine, les menchéviks sont d'irresponsables désorganisateurs, et le clivage est entre l’aile prolétarienne et la tendance intellectualiste petite-bourgeoise du parti. Il se moque de ce qu'il considère être un ramassis de « verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade) » chez Martov (son projet de règles défendu au congrès faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).

Vperiod, journal lancé par Lénine et Bogdanov suite à la rupture avec l'Iskra

Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux intellectuels dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.

2.3 Tensions entre bolchéviks[modifier | modifier le wikicode]

Assez vite, Lénine se fixe un objectif : convoquer un 3e congrès pour trancher. Ainsi, le 10 décembre 1903, il écrivait au comité central (CC) :

L’unique salut, c’est le congrès. Son mot d’ordre : la lutte contre les désorganisateurs. (...) Pour commencer, il faut le préparer en secret, durant un mois au maximum, ensuite, en trois semaines, rassembler les revendications de la moitié des comités et convoquer le congrès.

Mais l'organisation de ce congrès allait prendre encore 18 mois. Les membres du comité central, bien que bolchéviks, étaient très réticents à l'idée de se lancer dans une activité fractionnelle, et demandaient à Lénine de laisser tomber.

Après des mois de correspondance tendue, à l’été 1904, il fut virtuellement écarté du CC, qui de son côté reconnaissait l'Iskra. Lénine contourne alors le CC en mettant discrètement en place un bureau méridional du CC, sous la direction de Vorovski. Le CC l'apprend et dissout le Bureau, et prive Lénine de ses pouvoirs de représentant du CC à l’étranger (lui interdisant de publier ses écrits sans leur autorisation), nommant Noskov à sa place. Lénine organise alors la création de nouveaux comités (de façon anti-statutaire), et coordonne ces comités pour qu'ils élisent un Bureau des Comités Majoritaires pour préparer et convoquer le 3e congrès.[9]

Sous l'impulsion de Bogdanov, les bolchéviks lancent leur propre journal, Vperiod (« En avant »), en janvier 1905. Ils y accusent les minoritaires d'avoir un rôle désorganisateur et secrètement fractionniste.[10] Mais en privé, Lénine se plaint encore beaucoup du manque de centralisation de sa fraction.[11]

La résistance à la scission était également répandue parmi les militants de base. A Saint-Pétersbourg, le parti se divisa en automne 1904,[12] à Moscou en mai 1905. En Sibérie et dans d’autres endroits, les deux fractions opérèrent dans la même structure organisationnelle en 1904 et 1905, et continuèrent à le faire jusqu’à la conférence de fusion tenue en avril-mai 1906.

La célèbre imprimerie illégale caucasienne, dans laquelle les sympathies bolcheviques étaient dominantes, continua en 1904 à réimprimer l’Iskra menchevique ainsi que beaucoup de brochures de la minorité. « Nos divergences d’opinion », écrit Enoukidzé, « ne se reflétaient absolument pas dans notre travail. » Un facteur avait du poids à ce moment-là : le fait que tous les importants auteurs et théoriciens, à l’exception de Lénine, se trouvaient chez les mencheviks — Plékhanov, Axelrod, Zassoulitch, Martov, Trotski et Potressov. Pendant les années de réaction 1906-1910 Lénine perdit aussi les nouveaux rédacteurs de grande qualité qui avaient rejoint les bolcheviks à l’époque — Bogdanov, Lounatcharsky, Pokrovsky, Rojkov et Gorky. Les bolcheviks souffrirent toujours du fait qu’ils avaient bien moins d’intellectuels et de journalistes capables que les mencheviks.

Pour ajouter aux difficultés de Lénine, à l’été 1904, tous les dirigeants du mouvement socialiste hors de Russie prirent position en faveur des mencheviks : Kautsky, Luxemburg, Bebel... Ce dernier alla jusqu’à dire que le « monstrueux scandale » des disputes du parti russe prouvait que le comportement des bolcheviks était proche d’une « incapacité sans scrupule et complète » à diriger le mouvement.

A partir de l'été 1904, Lénine reconnaît que sa fraction (bien qu'il parle toujours « du parti ») est en déclin. Et le 11 mars 1905 : « Les mencheviks sont en ce moment plus forts que nous, il faut une lutte à outrance, une lutte de longue durée. »[13]

2.4 La révolution de 1905[modifier | modifier le wikicode]

Le point de départ de la révolution de 1905 est une procession religieuse pleine de naïveté qui sera impitoyablement réprimée.

La révolution de 1905, qui prend par surprise l'ensemble des socialistes, impactera beaucoup la situation politique et le POSDR. Elle les prend dans une période de recul, et de forte désorganisation. Quatre jours avant qu'elle éclate, Kroupskaïa écrivait au comité des bolcheviks de Saint-Pétersbourg :

Mais où sont les proclamations dont le comité promettait d’inonder la ville ? Nous ne les avons pas reçus. Pas plus qu’aucune correspondance. Nous avons appris par des journaux étrangers qu’il y avait une grève à l’usine Poutilov. Y avons-nous des contacts ? Est-il vraiment impossible d’obtenir des informations sur la grève ? Mais il faut que cela vienne vite… Faites tous les efforts nécessaires pour organiser l’écriture de correspondances par les ouvriers eux-mêmes.

Nevski, cadre bolchévik local, soutient que cela était dû fait que le comité « devait se consacrer entièrement à la lutte contre les organisations mencheviques conciliatrices. »[14] Il reconnaît cependant que les bolchéviks étaient largement coupés des masses, et ne comprenaient pas le mouvement de Gapone, disqualifié comme zoubatoviste.

Les dirigeants bolchéviks étaient au départ méfiants envers formes nouvelles du mouvement, y compris des syndicats et des soviets apparus spontanément. Ils n'y étaient pas à l'aise, et fixaient la tâche de « convaincre ces organisations d'accepter le programme du parti social-démocrate comme étant le seul conforme aux vrais intérêts du prolétariat ». Lénine fera évoluer ces positions en favorisant le travail dans les soviets et en reconnaissant leur rôle central dans la révolution.

Les seuls social-démocrates qui eurent un rôle dirigeant pendant la révolution furent le groupe de Trotski (alors surtout un électron libre), celui-ci parvenant à se faire élire président du Soviet de Saint-Pétersbourg. Lénine était déçu de ne pas être en position de force, mais reconnaissait le mérite de Trotski, et par ailleurs leurs lignes étaient très proches dans la pratique.

La révolution confirme que la bourgeoisie préfère se jeter dans les bras de la réaction plutôt que de risquer de tout perdre dans une lutte de classe trop intense. Face à un même constat, les courants tirent des conclusions différentes :

  • les menchéviks prônent l'autolimitation des revendications ouvrières et paysannes pour ne pas effrayer les libéraux, et les laisser former un gouvernement bourgeois, sans y participer ;
  • les bolchéviks soutiennent que la révolution démocratique-bourgeoise peut être accomplie même sans les libéraux bourgeois, par l'union des ouvriers et des paysans, la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans »[15], les social-démocrates devant donc se tenir prêts à être une composante du gouvernement provisoire ;
  • Trotski soutient que seules les classes urbaines peuvent exercer réellement le pouvoir, le prolétariat étant donc la classe dirigeante de la révolution, ce qui transformera aussitôt la révolution en dictature du prolétariat (c'était le début de sa théorie de la révolution permanente).

Pendant une période, il était possible de mener une activité politique au grand jour, et de profiter du droit de réunion pour organiser plus démocratiquement le parti qu'en période clandestine (c'était auparavant la cooptation qui primait). Lénine recommande aussitôt une adaptation du parti et une généralisation des élections des organes par la base.[16] Il soutenait qu'il fallait s'appuyer sur le dynamisme de la jeunesse, sans craindre une « adhésion fulgurante et massive de personnes qui ne sont pas des so­cial-démocrates ». Il soulignait, face aux résistances des comitards, que cela a toujours été la position bolchévique :

« Nous autres, représentants de la social-démocratie révolutionnaire, partisans de la « majorité » [bolchévique], nous avons dit bien des fois que la démocratisation du parti, réalisée jusqu’au bout, était impos­sible dans les conditions du travail conspirateur, que le « principe électif » dans cette situation était un vain mot. La vie à confirmé nos paroles. (…) Mais la nécessité d’adopter le principe électif dans de nouvelles conditions, lors de l’accession à la liberté politique, nous autres, bolcheviks, nous l’avons toujours reconnue. »

Malgré tout, les deux fractions de la social-démocratie recrutent massivement cette année-là, et pendant un temps, l'aile réformiste des menchéviks est en recul, ce qui accentue la volonté de réunification dans le POSDR.

Une conférence bolchevique se réunit à Tammerfors (Finlande) du 12 au 17 décembre 1905. Elle appelle au boycott des élections à la Douma et à l'agitation pour une insurrection.

2.5 3e congrès (1905) : le congrès bolchévik[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : 3e congrès du POSDR.

Le Comité central avait voté contre l'appel au congrès le 7 février 1905, et voté l'exclusion de Lénine. Mais deux jours plus tard, 9 des 11 membres de ce comité sont arrêtés. Des membres du Comité central, Krassine et Lioubimov, prennent contact avec les léninistes et signent un accord pour la tenue du 3e congrès avec Goussev et Roumiantsev. Le 3e congrès se tient à Londres du 25 avril au 10 mai 1905.

Malgré cette validation formelle du Comité central, les menchéviks ne reconnaissent pas le congrès (seul une poignée d'entre eux s'y rendent), et organisent une conférence alternative à Genève au moment moment.

L'ordre du jour du congrès était bien sûr centré sur la situation pré-révolutionnaire d'alors, sur laquelle les bolchéviks étaient unis. Sur le sujet de la guerre avec le Japon, le congrès se prononce pour la défaite de la Russie. Mais Lénine fut mis deux fois en minorité sur des questions organisationnelles :

  • sa résolution pour ouvrir largement les portes des comités à des ouvriers est refusée, les comitards lui opposant ses propres formules de Que faire ? sur l'importance de révolutionnaires professionnels bien formés ;
  • contre sa volonté, le congrès décide de rapatrier le Comité central et la presse du parti en Russie, ce qui fait pression sur Lénine pour qu'il rentre (ce qu'il fera en novembre).

Le congrès condamne officiellement les menchéviks comme ayant rompu le centralisme, et déclare que l'organe central n'est plus l'Iskra mais le nouveau Proletari.

Mais en réalité dans les deux camps, les dirigeants sous pression se mettent dans l'optique d'une réunification. De nombreux comités bolcheviques et mencheviques fusionnent, sans attendre une décision centrale. Les nouveaux, d'ailleurs, comprennent mal l'importance des désaccords passés.

Affiche POSDR

2.6 La caution de Kautsky[modifier | modifier le wikicode]

En 1906, Kautsky, principal théoricien de l'Internationale socialiste, écrit un article qui sera influent : Les forces motrices de la Révolution russe et ses perspectives. Il y défend le point de vue des bolchéviks sur la stratégie pour mener la révolution anti-tsariste: un pari sur le paysan russe comme combattant pour la transformation démocratique du pays. Cette prise de position apportera une véritable caution marxiste aux bolchéviks, qui l'utiliseront souvent. En 1910, dans une polémique contre le menchévik Martov, le dirigeant bolchévik Kamenev écrit: « il y a un certain plaisir à être assis aux côtés de Kautsky sur le banc des accusés ». Kamenev a publié à nouveau ce texte au début des années 1920 et y réaffirme la marque d’honneur qu’il en retire. Même Staline, bien plus tard, écrira au tout début du second volume de ses œuvres complètes un essai revenant sur l'article de Kautsky de 1906, vantant un « théoricien remarquable », qui « prête aux questions tactiques de la minutie et un grand sérieux », et dont les positions à l’égard des questions russes sont d’une grande valeur.

2.7 4e congrès (1906) : réunification des fractions[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : 4e congrès du POSDR.

La nécessité du rapprochement était réclamée par la base depuis longtemps. Lénine appela à l’unité à partir de février 1905, d'autant plus qu'il paraissait désormais possible de tenir des réunions plus démocratiques où il serait possible de voter.[16] A l’été 1905, toute une série de comités bolcheviks et mencheviks fusionnèrent de leur propre initiative.[17]

Les dirigeants (Lénine et Martov en premier lieu) s'accordent, et les deux fractions élisent des délégués sur la base de deux plates-formes, avec représentation proportionnelle au nombre des voix.

Le 4e congrès se tient à Stockholm en avril 1906. Les menchéviks sont alors majoritaires (environ 34 000 militants contre 14 000 pour les bolchéviks) et font globalement passer leurs positions. Lénine accepte d'être minoritaire, convaincu que l'essor révolutionnaire va pousser les menchéviks à gauche.

La droite des menchéviks se déchaîne contre les bolchéviks, accusés d'utopisme, de romantisme révolutionnaire. « Soulèvement — gouvernement révolutionnaire provisoire — république, voilà tout le schéma politique des bolcheviks. » dit Jordania. Plékhanov ne cessait de reprocher un « manque de tact » vis-à-vis de la bourgeoisie libérale[18].

Les principaux sujets abordés furent la situation politique et les tâches du prolétariat, la question agraire, l'attitude envers la Douma, et les questions d'organisation. Chaque point soulève une forte polémique entre fractions. A la grande surprise des bolchéviks, Lénine vote avec les menchéviks pour la participation aux élections à la Douma. Il n'est plus pour le boycott.

Néanmoins, le parti est officiellement réunifié et les fractions se sont formellement dissoutes. Lénine annonce solennellement : « II n'y a plus de schisme [...] les fractions précédentes des 'bolcheviks' et des 'mencheviks' se sont entièrement fondues. »[19] Il déclare que les bolchéviks continueront à défendre leurs positions. La fraction bolchevique sera bientôt dirigée par un centre clandestin, autour du Proletari, qui continue de paraître, officiellement en tant qu'organe du comité de Saint-Pétersbourg.

2.8 Tensions sur les élections à la Douma[modifier | modifier le wikicode]

La révolution de 1905 avait arraché au tsar une concession : une assemblée législative avec peu de pouvoir, la Douma. Même si les menchéviks voulaient participer, les bolchéviks gagnent une majorité au boycott des élections à la première Douma (fin 1905 - début 1906), vues comme une diversion du mouvement révolutionnaire.

Mais pour la 2e Douma (janvier 1907), dans un contexte de reflux, les menchéviks sont les premiers à se présenter et obtiennent un bon score. La 2e Douma est dissoute en juin 1907 sous des accusations de complot social-démocrate, et une nouvelle loi électorale diminue la représentation des ouvriers et paysans. La présence social-démocrate à la 3e Douma (novembre 1907) s'en trouve réduite. Malgré cela, Lénine pense désormais qu'il faut participer, sous peine de s'isoler davantage dans cette période difficile. La plupart des bolchéviks n'acceptaient pas ce tournant tactique.

Autre sujet de tension, la politique vis-à-vis des autres forces. Les menchéviks prônaient des blocs avec les libéraux bourgeois (Cadets), tandis que les bolchéviks voulaient plutôt rechercher l'alliance des courants petit-bourgeois (PSP) et paysans (Troudoviks). Lénine publia même une brochure accusant les menchéviks de «  vendre aux cadets les voix des ouvriers »[20], ce qui lui valu un passage devant un tribunal spécial du parti.[21]

2.9 5e congrès (1907)[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : 5e congrès du POSDR.

Le 5e congrès se tient à Londres entre le 13 mai et le 1er juin 1907. Il réunit 338 délégués, dont 105 bolchéviks et 97 menchéviks (représentant au total 77 000 militant-e-s). Les délégués polonais (SDKPiL) et lettons faisaient bloc avec les bolchéviks, tandis que les bundistes étaient alliés aux menchéviks. Trotski est alors non aligné et fait le médiateur entre les deux blocs. Les bolchéviks sont désormais plus nombreux que les mencheviks.

Les braquages organisés par des groupes bolchéviks suscitent de vives polémiques dans le parti

Les débats sont tendus. Les bolchéviks soutiennent qu'il faut se préparer à un soulèvement armé contre le tsarisme, ce que Martov dénonce comme une déviation « putschiste » et Plékhanov comme une dérive anarchiste.

La question syndicale soulève aussi des débats. Les menchéviks soutiennent l'idée d'organiser un grand « congrès ouvrier », comme première étape vers un mouvement ouvrier organisé davantage sur le modèle d'Europe de l'Ouest.

Enfin, les menchéviks condamnent les « expropriations » (braquages menés pour financer les activités du parti) menées par certains bolchéviks (mais aussi par des SR et des anarchistes). Leur résolution est votée à 65% (y compris certains bolchéviks). Ironiquement, une des « expropriations » les plus connues eut lieu quelques semaines après le congrès à Tiflis.

Le Comité central issu de ce congrès est profondément divisé et ne parvient pas à fonctionner. Les bolchéviks élisent à l'issue du congrès leur propre direction, menée par Lénine. On peut noter qu'apparaissent à cette époque les diminutifs « beki » et « meki » pour désigner les deux fractions.[3]

2.10 Début de la période de contre-révolution (1907-1911)[modifier | modifier le wikicode]

Après le reflux de la vague révolutionnaire, les années 1907-1911 sont des années de profonde réaction. En novembre 1907, Lénine doit fuir, sa deuxième émigration, très déprimante, durera 10 ans. La répression s'abat, des milliers d'exécutions ont lieu.[22] La conscience de classe recule, les grèves diminuent, et les idées réformistes se renforcent. Le parti reculait massivement. Les intellectuels furent les premiers à déserter en masse, et beaucoup d'organisations locales furent désintégrées sous l'effet combiné de la répression et de la désorganisation. De plus, la police politique parvenait à infiltrer des agents partout chez les révolutionnaires.

Par exemple, à l’été de 1905, le district de Moscou comptait 1 435 membres. A la mi-mai 1906, le chiffre monta à 5 320. Mais au milieu de 1908, il avait dégringolé à 250, qui, six mois plus tard, n’étaient plus que 150. En 1910, l’organisation cessa d’exister, lorsque le poste de secrétaire de district tomba entre les mains d’un certain Koukouchkine, agent double.[23] En 1910 et au début de 1911, tous les membres bolcheviks du comité central actifs en Russie furent arrêtés.[24] Il ne se tenait à l’étranger aucune conférence comportant des représentants du parti russe qui ne comptât au moins un agent de l’okhrana.[23]

Un rapport du département de la Police dans les années qui précédèrent la guerre disait : « L'élément le plus énergique, le plus allègre, le plus capable de lutter infatigablement, de résister et de s'organiser constamment, se trouve dans les groupements et les individus qui se concentrent autour de Lénine... » C'est donc tout naturellement que bolchéviks étaient surveillés de près. En 1914, sur 7 membres du comité du parti à Saint-Pétersbourg, trois étaient des agents de l'Okhrana, la police secrète tsariste.

Par ailleurs, Lénine tend à partir de 1908 à employer les termes de « bolchéviks » et « menchéviks » comme pour désigner des courants révolus, ayant existé de 1903 à 1908. Il essaie de mettre l'accent sur la construction vers l'extérieur, à partir des positions bolchéviques mais sous le drapeau POSDR : « Les bolcheviks doivent à présent construire le parti, construire, à partir des fractions, le parti, construire le parti à partir des positions qu'ils ont acquises par la lutte des fractions. » (1909). Il va jusqu'à dire : « Nous l'avons dit, et nous le répétons encore : tout social-démocrate est bolchevik. »

A partir de 1908, les effectifs des deux fractions s’effondrent, sous l’effet combiné de la démoralisation et de la répression. La fraction bolchévique est particulièrement touchée, notamment parce qu'elle est plus impliquée dans les activités clandestines, et que la police secrète tsariste s'est focalisée sur elle. Beaucoup de ses militants sont alors dispersés, exilés, ou orphelins d'une structure. Mais pour une bonne partie ils sont toujours prêts à reprendre du service dès que l'occasion se présente.

« Pour comprendre les deux principaux courants dans la classe ouvrière de Russie, il est important de considérer que le menchévisme s'est définitivement formé pendant les années de réaction et de régression, s'appuyant principalement sur une mince couche d'ouvriers qui avaient rompu avec la révolution ; tandis que le bolchévisme, terriblement écrasé durant la période de réaction, monta rapidement, au cours des années qui précédèrent la guerre, à la crête du nouveau flux révolutionnaire.  »[25]

Mais si les comitards bolchéviks sont bien formés au travail clandestin et à la lutte contre la répression, il n’en va pas nécessairement de même au niveau de la formation théorique. Les écrits de certains militants importants, comme Molotov ou Staline, montrent tantôt une faible culture marxiste, tantôt, dans le cas de Staline par exemple, un nombre considérable de lectures marxistes mais une assimilation grossière. Même les dirigeants bolchéviks sont parfois idéologiquement fragiles, comme le montre l'épisode otzoviste.

2.11 Les liquidateurs et les otzovistes[modifier | modifier le wikicode]

Alexandre Bogdanov, leader de la tendance otzoviste

Un courant gauchiste se forme au sein des bolchéviks (derrière Bogdanov), contre la participation à la Douma, et appelant au rappel des députés (« otzovistes »). Avec un autre courant proche dans le comité de Saint-Pétserbourg (« ultimatistes »), ils accusent Lénine de rompre avec les principes bolchéviks. Globalement ces dirigeants (Bogdanov, Bazarov, Lounatcharski...), à la même époque, sont attirés par une philosophie idéaliste, « l'empirio-criticisme ». C'est contre eux que Lénine écrira son livre Matérialisme et empiriocriticisme.

Ces « otzovistes » sont majoritaires contre Lénine de la mi 1907 à la mi 1908. A la 3e Conférence du POSDR, tenue en Finlande en juillet 1907, tous les délégués bolchéviks votent la motion de Bogdanov pour le boycott, et accusent Lénine de trahir le bolchevisme.

Symétriquement chez les menchéviks, se développe une tendance qui, elle, se limite à l'action légale (élections, syndicats), et être prête à abandonner le parti illégal. Lénine les appelle les liquidateurs.

2.12 La réunification de 1910[modifier | modifier le wikicode]

En réaction au délitement, un courant pour l'unité du parti se développe fin 1908, appelé notamment par Plékhanov ou Trotski. Lénine est méfiant mais une majorité unitaire de bolchéviks se dégage autour de Doubrovinski, Rykov, Sokolnikov, Noguine. Le seul bolchevik de premier plan à le soutenir contre les conciliateurs était Zinoviev (à partir de ce moment-là, il fut son plus proche collaborateur jusqu'en 1917).

En janvier 1910, une séance plénière du comité central, qui s'étale sur trois semaines, semble consacrer le succès de cette réunification. Officiellement, les deux déviations sont condamnées, les bolchéviks s'engageaient à rompre avec les otzovistes (ce qui était déjà fait) et les mencheviks à rompre avec les liquidateurs. Les journaux bolchevique et menchevique, le Proletarii et la Goloss Sotsial-Demokrata, vont disparaître pour laisser la place au Sotsial-demokrat, que dirigeront Lénine et Zinoviev avec Dan et Martov. Le bolchevik Kamenev est coopté au comité de la Pravda de Trotski. Lénine doit mettre en commun l’argent donné par Schmidt. Lénine accepte toutes ces décisions. Il écrit à Gorki que de puissants facteurs l'y ont poussé, notamment « la situation difficile du parti », et « la maturation d'un nouveau type d'ouvriers social-démocrates dans le domaine pratique ». La caution de Plékhanov est par ailleurs précieuse pour Lénine. Il s'inquiète pourtant : au comité central se sont manifestées des tendances dangereuses, « un état d'esprit de conciliation en général, sans idée claire, sans savoir avec qui, pourquoi, comment », et, outre la « haine contre le centre bolchevique pour son implacable guerre d'idées », le « désir des mencheviks de faire du scandale ».[26]

En août, la conférence social-démocrate de Copenhague voit se préciser un nouvel alignement des forces : bolcheviks et « mencheviks du parti » viennent de décider la publication en commun de deux journaux en Russie, la Rabotchaïa Gazeta, illégale, et la Zvezda, légale.

Beaucoup espéraient encore la réunification du POSDR, comme Luxembourg, qui écrivait pendant l'été 1911 : « Malgré tout, l'unité du parti peut être sauvegardée si l'on contraint les deux fractions à convoquer une conférence commune. » En août 1911, elle répétait : « Le seul moyen de sauver l'unité est de réaliser une conférence générale, composée d'hommes envoyés de Russie, car ceux qui vivent là-bas veulent la paix entre eux et l'unité, et ils sont la seule force qui puisse mettre à la raison nos coqs de l'étranger. »

Cependant la convergence n'est toujours pas effective. Alors que Lénine s'est séparé des gauchistes, les principaux dirigeants menchéviks comme Martov continuent de cautionner les liquidateurs (Martov admit plus tard qu’il n’avait jamais eu l’intention de tenir cet engagement et qu’il n’avait consenti à cette déclaration que parce que son groupe était trop faible pour risquer une rupture immédiate[27]). Alors que Martov place à égalité d'importance l'activité légale et illégale, Lénine continue de placer le centre de gravité dans l'appareil clandestin. Dans la pratique, le comité central ne se réunit plus[28], la Goloss Sotsial-Demokrata continue de paraître...

Dès le 11 avril, Lénine écrit à Gorki : « Nous avons un bébé couvert d'abcès. (...) Ou bien nous les ferons crever, nous guérirons l'enfant et nous l'élèverons ou, si cela tourne mal, l'enfant mourra (...) Dans ce cas, nous vivrons quelque temps sans enfant, et ensuite nous enfanterons un bébé plus sain ».

Ce rapprochement reçut le coup de grâce lorsque les trois liquidateurs invités à se joindre au comité central refusèrent d’avoir le moindre rapport avec l’organisation clandestine. Lorsque les « conciliateurs » bolcheviks proposèrent de poursuivre la négociation avec d’autres dirigeants du courant liquidateur, Lénine les ignora. Lorsque Martov et Dan tentèrent de publier article conciliateur dans le Sotsial-Demokrat, Lénine, Zinoviev et Varsky votèrent contre.

Un autre facteur jouait : la police secrète tsariste, espérant affaiblir le parti, ciblait délibérément les conciliateurs.[29] Leur principal porte-parole, Doubrovinski, est arrêté et poussé au suicide dans son exil sibérien. Remplacé par Rykov, celui-ci est arrêté dès son arrivée en Russie où il se rendait pour pousser les comités à s'opposer au scissionnisme de Lénine.

2.13 1912 : les bolchéviks prennent l'initiative[modifier | modifier le wikicode]

Les luttes étudiantes connaissent un essor à partir de 1910, suivie de luttes ouvrières. Le chômage diminue à ce moment, et la combativité augmente. Il y aura 100 000 grévistes en 1911, dans des grèves partielles, et 400 000 le 1er mai. La fusillade de la Léna, en avril 1912, enflamme les masses. Cette remontée convainc Lénine de l'urgence de rebâtir un appareil prêt. N'ayant aucune confiance dans les menchéviks, il organise des préparatifs unilatéralement.

Sous la direction de Zinoviev, les bolcheviks organisent à Longjumeau[30] une école de cadres : les 17 militants ainsi formés pénètrent illégalement en Russie pour y resserrer les contacts et préparer une conférence nationale. Mais la police veille : successivement Rykov, puis Noguine sont arrêtés ; c'est finalement Ordjonikidzé qui parvient à mettre sur pied en Russie un comité d'organisation, avec l'aide du clandestin Sérébriakov.

La conférence est organisée en janvier 1912 à Prague. De l'émigration, seuls les bolcheviks et quelques « mencheviks du parti » y participent. Par contre, avec plus de 20 représentants d'organisations clandestines de Russie, elle se permet de parler au nom du POSDR. La conférence déclare l'exclusion des liquidateurs, et se prononce pour la création de « noyaux social-démocrates illégaux entourés d'un réseau aussi étendu que possible de sociétés ouvrières légales ». Elle élit un comité central où figurent notamment Lénine, Zinoviev, Ordjonikidzé, Sverdlov et Malinovski. C'est aussitôt après que Staline est coopté à la direction. Les bolchéviks récupèrent les organes de presse, et lancent un journal légal visant largement les masses, la Pravda.

Plusieurs petits groupes, surtout de l'émigration (Plekhanov, Alexinski, Trotski...), ne la reconnaissent pas. En août ils se regroupent (« bloc d'août ») pour dénoncer le « scissionnisme » et « l'usurpation ». Mais ce bloc ne résista pas aux nombreux désaccords entre eux, comme le raillera Lénine.[31] Le Bureau de l'Internationale socialiste tenta en vain d'organiser une médiation.

La Pravda, quotidien qui donne aux bolchéviks une implantation de masse

2.14 Le parti de masse bolchévik (1912-1914)[modifier | modifier le wikicode]

L'audace des bolchéviks paye, et leur organisation devient rapidement un réel parti ouvrier. La Pravda devient un journal auquel les ouvriers s'identifient. Selon la vision de Lénine, les appuis légaux sont mis au service du travail clandestin, en particulier les députés bolchéviks à la Douma.

Lénine insista pour que les groupes parlementaires soient bien distincts : d'un côté la « Fraction ouvrière social-démocrate de Russie » (bolchéviks), de l'autre la « Fraction social démocrate » dirigée par Tchkhéidzé. Non seulement la ligne des députés était contrôlée de près, mais ils collaboraient activement à la rédaction de la Pravda, au financement, à l'aide des militants. Et ce malgré la présence à tous les niveaux d'agents de la police, le plus célèbre étant Malinovski, chef des députés bolchéviks et trésorier de la Pravda !

Les partisans de Lénine n'emploient quasiment pas le terme de bolchéviks à cette période, se présentant comme le POSDR.  On peut noter qu'en 1913, Lénine écrit ce qui est peut-être le seul article consacré au terme de « bolchévisme », dans un ouvrage encyclopédique, et cela désigne alors le passé[32]. Profitant de l'assise bolchévique en Russie, il pouvait écrire (début 1914) : « La majorité est derrière les bolcheviks, le parti est derrière les bolcheviks [...] les bolcheviks sont pour l'unité. L'unité du parti illégal est indispensable, l'unité par en bas. »

En 1914, les bolchéviks groupaient 4/5e des ouvriers social-démocrates. Ils avaient aussi le contrôle de tous les plus grands syndicats de Moscou et de Saint Saint-Pétersbourg. La campagne sur les caisses d'assurance maladie joue également un rôle important dans la construction d’un réseau de travailleurs soutenant le bolchevisme. Au début de 1914 lors des élections des délégués de cette institution légale, on comptait 37 partisans de la Pravda, 7 mencheviks, 4 SR et 5 abstentions.

Emile Vandervelde, ennemi farouche des bolcheviks, est allé en Russie au nom du Bureau Socialiste International au début de 1914 et a reconnu que les bolcheviks étaient alors majoritaires dans la classe ouvrière russe. C'était aussi le constat du chef de la police tsariste, qui déclare en 1913 :

« Il y a maintenant des cercles, des cellules et organisations bolcheviques dans toutes les villes. Une correspondance et des contacts permanents ont été établis avec presque tous les centres industriels. [...] Il n'est rien d'étonnant à ce que, actuellement, le rassemblement de tout le parti clandestin se fasse autour des organisations bolcheviques, et que ces dernières représentent en fait le parti ouvrier social-démocrate russe »[33]

Mais du côté des menchéviks, Martov minimisait en disant que :

« Les victoires de la Pravda sur le mouvement ouvrier organisé [sont celles] d'une poignée de gens littéralement sans nom ou aux noms à la résonance peu ragoutante, un groupe appartenant plutôt au lumpenproletariat intellectuel qu’à l’intelligentsia. Ayant pris le bâton entre leurs mains, ils sont devenus des caporaux, portant le nom d’un unique intellectuel – Lénine – comme drapeau idéologique. »[34]

Les bolchéviks avaient parfois du mal à avoir assez d'intellectuels pour relire les tracts écrits par les ouvriers.[35] Lénine était à la fois fier de diriger la tendance prolétarienne de la social-démocratie, et à la fois, reconnaissait en privé les difficultés que cela posait : « Tous les « intellectuels » sont chez les liquidateurs. Les masses ouvrières chez nous (…), mais les ouvriers ont un mal fou à former leurs propres intellectuels. C’est lent et pénible. »[36]

Après une vague montante de grèves en 1912-1913, le début de 1914 devenait une situation pré-révolutionnaire. Des barricades apparurent même à Saint-Pétersbourg. « Sans la guerre, nous aurions eu vraisemblablement, en 1915, des événements analogues à ceux de 1905 » dit plus tard Zinoviev.[37]

2.15 Pendant la guerre (1914-1917)[modifier | modifier le wikicode]

En 1914, certains militants bolchéviks, se sont laissés gagner par le patriotisme, comme l'ouvrier Vorochilov. En particulier, les députés bolchéviks à la Douma votent dans un premier temps avec les menchéviks une motion où ils s'engagent à « défendre les biens culturels du peuple contre toutes atteintes, d'où qu'elles vinssent ». La Douma souligna par des applaudissements cette reddition. De toutes les organisations et groupes russes du parti, pas un ne prit ouvertement la position défaitiste que Lénine proclama à l'étranger. Il y avait cependant très peu de bolchéviks ouvertement social-chauvins, contrairement aux menchéviks. Et rapidement, les bolchéviks ont repris les activités révolutionnaires sur le sol russe.

Troupes russes en route vers le front

En novembre 1914, les 5 députés bolchéviks furent arrêtés et une vague de répression réduit à presque rien l'activité révolutionnaire. En février 1915, l'affaire fut entendue au Palais de Justice. Les accusés se tinrent sur la réserve. Kamenev et Petrovsky désavouent le défaitisme de Lénine. Le département de la police nota avec satisfaction que la sévère sentence rapportée contre les députés n'avait donné lieu à aucun mouvement protestataire chez les ouvriers. Les contacts avec l’exil se réduisent à presque rien : en novembre 1916, Zinoviev et Lénine, en exil, ne savent pas ce qu’est devenu leur parti.

Malgré tout, l’organisation de Lénine aura permis que, malgré la répression et la dispersion, subsiste un corps de militants dévoués, animés par une claire conscience de classe, d’où va sortir l’instrument de la révolution d’octobre. Dès 1914, des militants bolchéviks commencèrent à développer dans les masses, par la presse et la parole, leur agitation contre la guerre. Un rapport de la police mentionne :

« Les partisans de Lénine, qui mènent en Russie la grande majorité des organisations social-démocrates clandestines, ont mis en circulation depuis le début de la guerre, dans leurs principaux centres (savoir : Pétrograd, Moscou, Kharkov, Kiev, Toula, Kostroma, le gouvernement de Vladimir, Samara), une quantité considérable de tracts révolutionnaires, réclamant la fin des hostilités, le renversement du pouvoir actuel et la proclamation de la république ; en outre, cette activité a eu pour résultat sensible l'organisation par les ouvriers de grèves et de désordres.  »[38]

En février 1915, une conférence des groupes bolcheviques émigrés réunie à Berne et à laquelle participent de nouveaux venus de Russie, Boukharine et Piatakov, se prononce pour la « transformation en guerre civile de la guerre impérialiste ».

Dans le désarroi de la guerre, les lignes bougent et se redéfinissent. Certains rompent avec les menchéviks (Antonov-Ovseenko, Tchitchérine, Ouritsky, Kollontaï...) et des cadres communs se forment entre des groupes de militants d'horizons différents. Par exemple le groupe de Nache Slovo (dominé par Trotski), qui fut une plaque tournante de l'internationalisme en Europe. Lénine avait des désaccords avec eux, certains mineurs (défaitisme, États-Unis d'Europe...), le principal étant la nécessaire rupture avec l'Internationale des social-chauvins. Mais ce qui empêche surtout le rapprochement est la méfiance née des querelles passées.

Le quotidien russe de New York Novy Mir, où collaborent Trotski, Kollontaï, Boukharine et Volodarski, préfigure, au début de 1917, cette fusion de tous les internationalistes russes, dont les « vpériodistes » et Boukharine, contre Lénine, font leur cheval de bataille.

Un autre type de désaccord apparaît entre Lénine et ceux qui soutiennent une position qu'il appelle de « l'économisme impérialiste » (Boukharine, Piatakov, Bosch). C'est-à-dire ceux qui s'opposaient aux revendications d'autonomie / indépendance nationale au nom du fait que les forces productives se développent mieux à grande échelle.

Ce n'est qu'au printemps 1916 que Lénine et Zinoviev, de Suisse, réussissent à rétablir le contact avec ce qui a survécu de l'organisation en Russie. Un « bureau russe » est reconstitué, autour de Zaloutski, Molotov et Chliapnikov, qui a établi personnellement les liaisons. Quelques journaux reparaissent illégalement, à Pétrograd, Moscou, Kharkov. En janvier 1917, le métallo Loutovinov réussit à regrouper les militants de la région du Donetz et à organiser une conférence régionale. Les conditions de travail sont précaires, chaque fois qu'une direction du travail est reconstituée à Moscou, elle est immédiatement arrêtée. La plupart des groupes ouvriers qui parviennent à se constituer sont autonomes : celui de la Tverskaia à Moscou, le comité du parti du rayon de Pressnia, l'organisation interrayons à Pétrograd...

3 Le Parti bolchévik en 1917[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Révolution de Février[modifier | modifier le wikicode]

Lorsqu'éclate la révolution de Février 1917, beaucoup de dirigeants social-démocrates, bolchéviks comme menchéviks, sont en exil : Lénine et Martov sont à Zurich, Trotski est à New York, Tchernov à Paris, Tsereteli, Dan et Staline en exil en Sibérie.

Les tous premiers jours les socialistes de toute tendance ne réalisent pas immédiatement ce qui est en train de se passer. Le bolchevik Chliapnikov (membre du comité central du parti) pense qu'il s'agit là plus d'une émeute de la faim que d'une révolution en marche. Mais sur le plan pratique, les militants bolchéviks étaient plus résolus. Les ouvriers bolcheviks, aussitôt après l'insurrection, avaient pris sur eux l'initiative de la lutte pour la journée de huit heures; les menchéviks déclaraient prématurée cette revendication. Les bolcheviks dirigeaient les arrestations de fonctionnaires tsaristes, les menchéviks s'opposaient aux "excès". Les bolcheviks entreprirent énergiquement de créer une milice ouvrière, les menchéviks enrayaient l'armement des ouvriers, ne désirant pas se brouiller avec la bourgeoisie.

Le 27 février, le soviet de Petrograd se forme au même moment que le gouvernement provisoire bourgeois. Les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires, qui sont majoritaires dans les soviets qui se forment, font confiance au gouvernement provisoire, et soutiennent l'effort de guerre au nom de la défense de la patrie démocratique. Ce n'est pas que les bolchéviks aient reculé, mais que les nouvelles couches sociales qui se politisent subitement votent majoritairement pour les menchéviks et les S-R, pour plusieurs raisons : ceux-ci ont plus d'intellectuels et donc davantage d'agitateurs disponibles pour gagner des voix ; ces ouvriers et soldats ayant peu de repères, ne font quasiment pas de différence entre les courants socialistes ; ils votent donc pour ceux qui leur paraissent avoir les messages les plus simples (notamment les menchéviks mettaient en avant l'unité avec les soldats S-R et cela répondait à l'aspiration principale des ouvriers).

La direction bolchévique est assurée par un « bureau russe du comité central » composé de Chliapnikov, Molotov et Zaloutsky. Elle n’a pas de ligne claire, mais maintient une politique indépendante de la bourgeoisie. La Pravda dénonce le « gouvernement de capitalistes et de propriétaires fonciers », en réclamant un vrai « gouvernement révolutionnaire provisoire » et en appelant le soviet à convoquer une assemblée constituante afin d’instaurer « une république démocratique ». (Cependant Molotov est mis en minorité au comité de Pétrograd quand il propose de qualifier de « contre-révolutionnaire » le gouvernement provisoire) Les bolchéviks pensaient être fidèles à la ligne qui les avait opposé aux menchéviks dans les débats depuis 1905. Le 10 mars, la Pravda appelle à transformer la guerre impérialiste en une guerre civile qui libérera les peuples du joug des classes dominantes.

Mais la ligne change le 12 mars lorsque Kamenev et Staline reviennent de leur exil en Sibérie et prennent la direction. La Pravda du 15 mars écrit que les bolcheviks soutiendront résolument le gouvernement provisoire « dans la mesure où il lutte contre la réaction ou la contre-révolution ». Une formule floue que raillera Lénine. Kamenev rédige plusieurs articles ouvertement défensistes, écrivant notamment « un peuple libre répond aux balles par des balles ». Selon Chliapnikov, ce revirement est accueilli avec jubilation au gouvernement provisoire et à la direction du Soviet, tandis qu’une opposition de gauche se lève au sein du parti, notamment dans son bastion ouvrier de la capitale, le district de Vyborg, dont le comité « demande même l’exclusion du parti de Staline et de Kamenev ».

Le 29 mars s’ouvre à Pétrograd la première conférence nationale bolchévique depuis la révolution, divisée entre la droite défensiste et la gauche révolutionnaire (animée par Chliapnikov et Kollontaï). Pour cette dernière, « la révolution russe ne peut obtenir un maximum de libertés démocratiques et de réformes sociales que si elle devient le point de départ d’un mouvement révolutionnaire du prolétariat occidental », pour cela « il faut préparer la lutte contre le gouvernement provisoire », le soviet étant « un embryon de pouvoir révolutionnaire » et la « garde rouge ouvrière » un outil central afin de l’imposer. Mais la droite l'emporte, et envisage le 1er avril la réunification de tous les social-démocrates que leur propose Tséretelli au nom du Comité d'organisation.

Les bolchéviks s'installent dans l'hôtel particulier de la Kschessinska.

3.2 Le retour de Lénine et la réorientation[modifier | modifier le wikicode]

L'arrivée de Lénine à Petrograd

Lénine, qui est arrivé à Petrograd dans la nuit du 3 au 4 avril, présente ses thèses (que l'on retiendra comme Thèses d'avril) à la réunion du Parti bolchevik du 4 avril. Il en avait déjà tracé les grandes lignes dans le train (le fameux « wagon plombé ») qui le ramenait vers la Russie. Il prône un redressement immédiat de la ligne politique. Dès son arrivée à Petrograd, en gare de Finlande, Lénine engueule Kamenev sur ce qu'il écrivait dans la Pravda.

Etant donné le pouvoir populaire direct qu'ont les ouvriers et les soldats dans les soviets, le gouvernement provisoire ne contrôle pas tout, et il y a de fait une situation de dualité de pouvoir. Au lieu de faire confiance au gouvernement provisoire, Lénine propose de revendiquer « tout le pouvoir aux soviets ! ». Lénine considère que la formule bolchévique a été confirmée, mais qu’« il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules »[39], car « personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir ». Il fait l'analyse que la dictature des ouvriers est paysans est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, « du même type que la Commune de Paris de 1871 ».

Les thèses de Lénine semblèrent trop radicales aux dirigeants bolcheviks de l’intérieur qui restaient accrochés à la vieille tactique de la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans ». Le 8 avril, 13 des 15 membres de la direction bolchevik de Petrograd rejetèrent les thèses de Lénine. Kamenev déclare : « Pour ce qui est du schéma général du camarade Lénine, il nous parait inacceptable dans la mesure où il présente comme achevée la révolution démocratique bourgeoise et compte sur une transformation immédiate de cette révolution en révolution socialiste. » Le bruit court à ce moment-là que Lénine est devenu trotskiste, car il semble s'être rallié de fait à l'idée de révolution permanente. Selon Trotski c'est effectivement ce qui s'est passé[40].

Le 24 avril a lieu une conférence réunissant 149 délégués (qui représentent 79 000 adhérents) : Lénine y obtient une quasi-unanimité contre la guerre, ainsi qu’une forte majorité pour transférer aux soviets les pouvoirs d’Etat, une faible majorité pour entrer dans la voie de la révolution socialiste, mais échoue à changer le nom du parti de « social-démocrate » en « communiste ».

La radicalisation de la ligne bouleverse les organisations préexistantes. Les bolchéviks les plus droitiers quittent le parti (Voitinski, Avilov et Goldenberg), les menchéviks les plus à gauche le rejoignent. De nombreux groupes ou organisations autonomes ou isolés le rejoignent. Notamment, le comité Interrayons, dirigé par Trotski, et qui compte à sa tête des dirigeants de qualité, fusionne avec le Parti bolchévik en juillet (lors du 6e Congrès, dit « congrès d'unification »). Auparavant, Staline et Kamenev s’étaient opposé à cette fusion. Au cours de ce congrès, qui regroupe 175 délégués pour 112 organisations et 177 000 membres, Lénine, Kamenev, Zinoviev et Trotski sont élus au comité central à la quasi-unanimité.

Dans L'État et la Révolution, écrit au coeur de la révolution, Lénine fera un retour critique sur la ligne politique réformiste qui gangrène la Deuxième internationale. Il revendique un retour à la politique révolutionnaire de Marx et Engels, et réaffirme que l'État ouvrier ne peut être construit que par une révolution qui détruit l'État bourgeois. Le nouvel État ouvrier est « du type de la Commune de Paris », du type soviétique.

3.3 La montée en puissance[modifier | modifier le wikicode]

Alors que les militants de base du parti expliquaient patiemment le point de vue de Lénine aux ouvriers, aux soldats, aux paysans, Lénine parvint à reprendre en main le parti au cours des mois suivants. De février à juillet, la taille du parti bolchevik passa de 24.000 à 240.000 membres.

Les comités d'usines étaient des bastions des bolchéviks

Fin avril, début juin, le rapport de force commence à évoluer rapidement en faveur des bolchéviks. L'influence des bolchéviks augmenta plus rapidement dans les comités d'usines et les soviets des quartiers ouvriers. Les questions posées par lutte de classe, plus concrètes et vitales pour les ouvriers, permettaient aux bolchéviks de faire des démonstrations face aux réformistes. Fin avril, les les bolcheviks se trouvèrent majoritaires dans les soviets du quartier de Vyborg, de Vassilievsyk-Ostrov, du rayon de Narva. Le 3 juin en parallèle, la conférence des comités de fabriques et d'usines de Pétrograd adoptait, à une majorité également écrasante, une résolution disant que le pays ne saurait être sauvé que par le pouvoir des soviets. Volodarski disait en juillet : « Dans les usines, nous jouissons d'une influence formidable, illimitée. Le travail du parti est rempli principalement par les ouvriers eux-mêmes. L'organisation a monté d'en bas et c'est pourquoi nous avons toutes raisons de penser qu'elle ne se disloquera pas. »

Toutes les élections partielles aux soviets leur donnaient la victoire, et la section ouvrière du Soviet de Pétrograd gagna une majorité bolchévique. Mais dans les séances communes avec les soldats, les bolcheviks étaient encore écrasés par les délégués SR. La Pravda réclamait avec insistance de nouvelles élections : « Les 500 000 ouvriers de Pétrograd ont au Soviet quatre fois moins de délégués que les 150 000 hommes de la garnison. »

De large secteurs du parti retardaient cependant sur les expériences faites à Pétrograd et sur le réalignement opéré par Lénine. Dans des centres ouvriers tels qu'Ékatérinbourg, Perm, Toula, Nijni-Novgorod, Sormovo, Kolomna, Iouzovka, les bolcheviks ne se séparèrent des mencheviks qu'à la fin de mai. À Odessa, Nikolaïev, Élisavetgrad, Poltava et en d'autres points de l'Ukraine, les bolcheviks, au milieu de juin, n'avaient pas encore d'organisations autonomes. À Bakou, Zlatooust, Bejtesk, Kostroma, ils ne se séparèrent définitivement des mencheviks qu'à la fin de juin. À Saratov, fin juin, ils envisageaient encore de faire une liste commune avec les conciliateurs à la douma.

3.4 Révolution d'Octobre[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Révolution d'Octobre.

Le parti de la révolution d’octobre est donc un parti refondu dans la lutte. C’est lui qui, forgé sous la répression de l’été 1917, va conquérir en trois mois la majorité dans les soviets et diriger une insurrection victorieuse. Dans ces moments, les mots d’ordre viennent de Lénine (exilé en Finlande) et de Trotski. Le nombre d’agitateurs diminue, et on n’entend plus guère les voix de Staline, Kamenev et Zinoviev. Ces deux derniers sont explicitement contre la prise de pouvoir. Mais le plus efficace, dans cette période, c’est l’agitation menée à la base par les anonymes, ouvriers et soldats. Voici ce qu’écrit Trotski à ce sujet :

« Des mois de vie politique fébrile avaient créé d'innombrables cadres de la base, avaient éduqué des centaines et des milliers d'autodidactes qui s'étaient habitués à observer la politique d'en bas et non d'en haut et qui, par conséquent, appréciaient les faits et les gens avec une justesse non toujours accessible aux orateurs du genre académique. En première place se tenaient les ouvriers de Piter [Petrograd], prolétaires héréditairement, qui avaient détaché un effectif d'agitateurs et d'organisateurs d'une trempe exceptionnellement révolutionnaire, d'une haute culture politique, indépendants dans la pensée, dans la parole, dans l'action.

Tourneurs, serruriers, forgerons, moniteurs des corporations et des usines avaient déjà autour d'eux leurs écoles, leurs élèves, futurs constructeurs de la République des Soviets. Les matelots de la Baltique, les plus proches compagnons d'armes des ouvriers de Piter, provenant pour une bonne part de ceux-ci, envoyèrent des brigades d'agitateurs qui conquéraient de haute lutte les régiments arriérés, les chefs-lieux de district, les cantons de moujiks. La formule généralisatrice lancée au cirque Moderne par un des leaders révolutionnaires prenait forme et corps dans des centaines de têtes réfléchies et ébranlait ensuite tout le pays. [...] Les usines conjointement avec les régiments envoyaient des délégués au front. Les tranchées se liaient avec les ouvriers et les paysans du plus proche arrière-front. [...] Les usines et les régiments de Petrograd et de Moscou frappaient avec de plus en plus d'insistance aux portes de bois du village. Se cotisant, les ouvriers envoyaient des délégués dans les provinces d'où ils étaient originaires. [...] Le bolchévisme conquérait le pays. Les bolcheviks devenaient une force irrésistible »[41].

Voilà donc quel était le parti qui prit le pouvoir. Et voilà qui tord le cou à tous les discours qui font de l’insurrection d’octobre un coup d’Etat !

3.5 Crise sur la question du nouveau gouvernement[modifier | modifier le wikicode]

Lénine était hostile aux autres socialistes en qui il n'avait aucune confiance. Etant donné les refus des autres forces socialistes pendant le Congrès des soviets, le premier gouvernement, Soviet des commissaires du peuple (Sovnarkom), est composé uniquement de bolchéviks.

Le Sovnarkom en 1918

Aussitôt après le congrès, le Comité central bolchévik du 29 octobre accepte de négocier, mais les chefs mencheviks et SR exigent un gouvernement sans Lénine ni Trotski, incluant des SR de droite et des troudoviks, et qui serait responsable, non devant les soviets, mais devant « les larges masses de la démocratie révolutionnaire ». En parallèle ils ne montrent pas d'empressement à lutter contre les premières tentatives de Blancs contre-révolutionnaires. Lénine est pour rompre le dialogue, mais la tension monte avec toute une partie de dirigeants bolchéviks (Kamenev, Zinoviev, Lozovski, Riazanov...) qui votent contre leur parti dans l'exécutif soviétique, certains allant jusqu'à démissionner.

Mais l'opposition est condamnée par l'écrasante majorité des militants bolchéviks, et il apparaît assez vite clair que les mencheviks et les dirigeants SR n'ont jamais eu l'intention d'une collaboration honnête avec les bolchéviks sur la base du programme décidé par le Congrès des soviets. Il n'y aura finalement pas de scission, et les démissionnaires reprendront leurs postes, sauf Lozovski qui sera finalement exclu et fondera un éphémère « Parti socialiste ouvrier ».

En revanche il n'y aura pas de crise dans les rangs du parti sur le problème de l'Assemblée constituante, où la majorité SR de droite désavoue la révolution. Boukharine proposera l'invalidation des députés de droite et la proclamation d'une Convention révolutionnaire, et le bureau de la fraction bolchevique manifestera quelque hésitation. Mais Lénine imposera sans peine son point de vue : le Congrès des soviets est plus légitime que la Constituante. Celle-ci sera alors dissoute par les gardes rouges le 19 janvier 1918.

4 Évolutions et postérité[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Le parti au pouvoir[modifier | modifier le wikicode]

Les gouvernements bourgeois du monde entier se demandent si le pouvoir bolchévik sera assez fort. Lénine répond  : « La bourgeoisie ne reconnaît qu'un État est fort que lorsqu'il peut, usant de toute la puissance de l'appareil gouvernemental, faire marcher les masses comme l'entendent les gouvernements bourgeois. Notre conception de la force est différente. Ce qui fait la force d'un Etat, selon nous, c'est la conscience des masses. L'État est fort quand les masses savent tout, peuvent juger de tout et font tout sciemment »

Le parti victorieux enregistre, au lendemain d’octobre, des adhésions en masse. En mars 1919, le parti compte 250 000 militants, dont 52% d’ouvriers, 15% de paysans, 18% d’employés, 14% d’intellectuels (étant inclus dans cette dernière catégorie tous ceux qui ont reçu une éducation secondaire). 27% de ces militants sont, à ce moment, dans l’Armée rouge, au combat. C’est un parti jeune : la moitié de ses effectifs a moins de 30 ans. A ce moment, le parti est encore de bonne qualité. Mais ses effectifs vont rapidement exploser, pour atteindre 730 000 membres en mars 1921. Parmi tous ces membres, nombreux sont les arrivistes, attirés moins par le combat bolchévik que par l’ « obséquiosité devant le pouvoir du jour[42] », pour reprendre une expression de Trotski. En 1922, 97% des militants bolchéviks ont rejoint le parti après octobre 17. La purge de 1923, la première de l’histoire du parti, l’ampute de 180 000 membres – Trotski s’en félicite au nom de la lutte contre l’arrivisme.

Le problème est que le parti a aussi besoin de ces éléments idéologiquement peu sûrs et socialement hétérogènes à la masse du prolétariat – les employés et les fonctionnaires qui, à l’époque, n’étaient pas aussi prolétarisés qu’aujourd’hui. Car pour faire fonctionner un État moderne, on a besoin de spécialistes. Les mêmes qui, en octobre 1917, ont accueilli très hostilement la prise de pouvoir par les bolchéviks, vont voler, en 1918, au secours de la révolution en faisant valoir leurs compétences techniques et en profitant des avantages que procure le fait d’être dans le parti au pouvoir. Le phénomène de corruption par le pouvoir se développe, surtout que nombre de militants perçoivent l’exercice du pouvoir par leur parti comme une sorte de récompense due après des années de misère, de souffrances, de répression et de tensions.

De plus, après la victoire contre les armées blanches, une grande partie des masses s’éloignent des bolchéviks tant le chaos et la misère restent grands, tant les sacrifices exigés ont été insupportables. La guerre civile a également saigné, décimé la fleur du parti, détruisant numériquement une bonne partie de la classe ouvrière et sabrant le moral de ceux qui restaient.

Le 21 septembre 1920, une Commission pour l'étude de l'Histoire du Parti est créée pour recueillir et étudier des matériaux sur l'histoire du parti et de la Révolution d'Octobre. [43]

La Commission centrale de vérification fut créée par le Comité central du P.C.(b)R. le 25 juin 1921 en période d'épuration du parti pour diriger le travail des commissions de vérification locales.

En juillet 1921 le Parti effectua une analyse quantitative et qualitative des militants responsables au niveau des provinces et des districts, ainsi que celle de leur répartition territoriale et de leur utilisation rationnelle. Dans l'appareil central à Moscou, 4700 communistes sont recensés.

Au XIe congrès du PCR (mars 1921), Lénine se plaint que trop de questions mineures, mal gérées par le Conseil des Commissaires du Peuple, sont portées devant le Comité central du PCR. Il déclare que « sur les 18 commissariats que nous avons, 15 au moins ne valent rien ». Il reproche également la tendance à la dilution des responsabilités :

« Ces jours-ci on a épuré les commissions. Il y en avait cent vingt. Combien étaient nécessaires ? Seize. Et ce n'est pas la première épuration. Au lieu de répondre de ses actes, au lieu de soumettre une décision au Conseil des Commissaires du Peuple, en sachant qu'on en porte la responsabilité, on se retranche derrière les commissions. »

Il ajoute qu'il est nécessaire d'élargir et de développer l'autonomie et l'activité des Conseils économiques régionaux. Organes locaux du Conseil du Travail et de la Défense, formés au début de 1921, ces Conseils furent institués pour coordonner et renforcer l'activité de tous les organismes économiques locaux et des conseils économiques de province.

4.2 Dégénérescence[modifier | modifier le wikicode]

A cela s’ajoute qu’il y a un énorme fossé, au niveau de la culture politique, entre les vieux cadres formés et les nouveaux militants. Cela entraîne une hiérarchisation qui ne va avoir de cesse de se creuser. Des rapports de commandement tendent à se substituer aux rapports d’égalité démocratique. Cela favorise l’émergence d’une couche de bureaucrates, capables de rallier à eux des militants non formés et acritiques vis-à-vis de leur mentor. La montée dans l’appareil de Khrouchtchev, par exemple, a été permise par cette fidélité aveugle au cadre sous l’égide duquel il s’est formé. La NEP, en outre, accentua encore le champ de la corruption en rétablissant les privilèges de l’argent pour faire face à la misère engendrée par la guerre civile. Cela permit l’émergence d’une masse de cadres socialement privilégiés qui, d’instinct, protégèrent cette situation par la consolidation de leurs privilèges sociaux.

A partir de 1921, les soviets sont vidés de leurs meilleurs éléments et ne peuvent plus servir de base à la démocratie soviétique. Une opposition, dès lors, ne peut plus être qu’intérieure au Parti bolchévik. L’Opposition ouvrière se forme en 1920. Mais Lénine fait voter, au Xème Congrès (1921), l’interdiction des fractions au nom des menaces de contre-révolution, ainsi que l’attribution au comité central de pouvoirs temporaires d’exclusion. Ces mesures vont favoriser la cristallisation de la bureaucratie. En 1922, Staline s’installe au poste stratégique de secrétaire général du comité central, qui lui permet de contrôler les effectifs du parti, et qui lui permettra d'accéder plus facilement aux rênes du pouvoir par la suite..

Le parti bolchévik devenu stalinien purgera les bolchéviks ayant appartenu aux diverses oppositions, et ceux suspectés d’y avoir appartenu. En 1937, les épurateurs sont épurés à leur tour. Les dirigeants bolchéviks ont compris trop tard le problème, Lénine le premier, mais alors qu’il agonise. Trotski ne suit pas ses conseils et renonce à lutter contre Staline, en 1923, lors du XIIème Congrès.

4.3 Le légitimisme des « vieux bolchéviks »[modifier | modifier le wikicode]

Avec l'aura dont bénéficie le parti bolchévik victorieux en 1917, la légitimité d'un militant paraît souvent d'autant plus grande qu'il a été depuis longtemps un bolchévik, et encore plus s'il a toujours été d'accord avec Lénine. On appelle « vieux bolchéviks » ceux qui avaient rejoint le parti avant Octobre. Alors que Trotski a eu un grand rôle en 1917 et était très populaire dans la jeune URSS, ses adversaires ont abondamment utilisé pour le discréditer le fait qu'il ait été menchévik.

5 Journaux bolchéviks[modifier | modifier le wikicode]

Avec des menchéviks Journaux bolchéviks Journaux bolchéviks sans Lénine

6 Congrès et conférences du POSDR[modifier | modifier le wikicode]

Congrès du POSDR Conférences du POSDR

7 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

Archives et protocoles des congrès du POSDR (en russe)

7.1 Ouvrages[modifier | modifier le wikicode]

  • Grigori Zinoviev, Histoire du Parti bolchevik, 1924
  • Pierre Broué, Le parti bolchévique, 1963
  • Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Volume 1 : Construire le parti, 1975
  • Collectif, Histoire du Parti communiste /bolchévik/ de l'U.R.S.S : Précis rédigé par une commission du Comité central du P.C.(b) de l'U.R.S.S, Moscou, Éditions en langues étrangères, (1re éd. 1938), 408 p.
  • Korine Amacher, La Russie 1598-1917 : Révoltes et mouvements révolutionnaires, Gollion, Infolio, coll. « Illico » (no 28), , 222 p.
  • Tamara Kondratieva, Bolcheviks et Jacobins, Itinéraire des analogies, 1989

7.2 Articles[modifier | modifier le wikicode]

8 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – Chapitre 5 – Le congrès de 1903 : naissance du bolchevisme, 1975
  2. Lire Lénine. Entretien avec Lars Lih, 2013
  3. 3,0 3,1 et 3,2 Claudie Weill, A propos du terme bolchévisme, 1975
  4. 4,0 et 4,1 Trotski, Staline - II : « révolutionnaire professionnel », 1940
  5. Léon Trotski, Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission, 1930
  6. Léon Trotski, Report of the Siberian Delegation, 1903
  7. Rosa Luxemburg, Questions d'organisation de la social-démocratie russe, 1904
  8. Lénine, Un pas en avant, deux pas en arrière, 1904
  9. Lénine, Conférence des comités, Vpériod, n° 1, 4 janvier (n.s) 1905
  10. Lénine, Il est temps d'en finir, Vpériod, n° 1, 4 janvier (n.s) 1905
  11. Lenin, A Letter to A. A. Bogdanov and S. I. Gusev, February 11, 1905
  12. D. Lane, The Roots of Russian Communism, Assen 1969, p. 71.
  13. Lénine, Lettre à Goussev, 11 mars 1905
  14. V.I. Nevsky, Рабочее движение в январские дни 1905 года, Moscou 1930, p. 85.
  15. Lénine, Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique, 1905
  16. 16,0 et 16,1 Lénine, La réorganisation du parti, Novembre 1905
  17. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – Chapitre 15 – Semi-unité avec les mencheviks, 1975
  18. Plékhanov, Lettres sur la tactique et l’absence de tact, 1906
  19. Lénine, The Unity Congress of the RSDLP, avril 1906
  20. Lenin, The St. Petersburg Elections and the Hypocrisy of the Thirty-One Mensheviks, January 20 (n.s: February 2), 1907
  21. Lenin, Report to the Fifth Congress of the R.S.D.L.P. on the St. Petersburg Split and the Institution of the Party Tribunal Ensuing Therefrom, April 1907
  22. M. Pokrovsky, Brief History of Russia, 1933
  23. 23,0 et 23,1 Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 13 – Victoire de la réaction noire, 1975
  24. Lenin, The Meeting of the C.C. Members of the R.S.D.L.P., May 28–June 4 (n.s : June 10–17), 1911
  25. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
  26. Lénine, Lettres à Gorki, 26 février 1908, Clarté. N° 71, p. 13
  27. Martov, Спасители или упразднители?, Paris 1911, p. 16
  28. Lenin, The State of Affairs in the Party, December 15 (28 n.s), 1910
  29. M.A. Tsiavlovsky, ed., Большевики : документы по истории большевизма с 1903 по 1916 год бывшего Московского Охранного Отделения, Moscou 1918, pp. 48ff, in O.H. Gankin and H.H. Fisher, The Bolsheviks and the World War, Stamford University Press 1940, p. 106.
  30. https://www.leparisien.fr/essonne-91/longjumeau-91160/le-saviez-vous-en-1911-lenine-a-cree-une-ecole-a-longjumeau-01-08-2015-4984403.php
  31. Lénine, Le socialisme et la guerre, 1915
  32. N. Roubakine, Parmi les livres, tome II, 2e édit. 1913
  33. Trotski, Staline - VI : Guerre et déportation, 1940
  34. Julius Martov, Réponse à Bulkine, Nacha Zaria, n°3, Mars 1914
  35. A. Badaev, Большевики в государственной Думе, Leningrad, 1930
  36. Lenin, Letter to Kamenev, before March 29, 1913
  37. Grigori Zinoviev, Histoire du Parti Bolchevik, 31 mars 1924
  38. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
  39. Lénine, Sur la dualité du pouvoir, Pravda n° 28, 9 avril 1917
  40. Trotski, Histoire de la Révolution russe, 1930
  41. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, t. 1, Ed. du Seuil, p. 390-392.
  42. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, t. 2, op. cit., p. 210.
  43. Lénine, XIe congrès du PCR(b), 27 mars 1922