Commune de Paris (1871)

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Illustration d'un communard

La Commune de Paris est l'une des premières révolutions prolétariennes de l'histoire : Paris sous un gouvernement réellement populaire pendant 2 mois. Malgré son échec, elle est une précieuse source d'enseignement pour tous les révolutionnaires. Survenue du vivant de Marx, elle suscita son intérêt et plus tard, celui de Trotski et de nombreux autres socialistes.

1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Général[modifier | modifier le wikicode]

En 1871, l'empereur Napoléon III règne depuis son coup d'État du 2 décembre 1851. Il a combiné une politique de paternalisme envers les plus pauvres à une dure répression contre l'opposition. Il entreprenait souvent des guerres extérieures dont un rôle constant était de renforcer son gouvernement lorsqu'il était affaibli et contesté à l'intérieur.

La grande bourgeoisie française, financière, commerçante et liée à l'ancienne aristocratie encore puissante, est très conservatrice. Elle contestait peu sous l'Empire, et majoritairement, elle trouve son expression politique dans le monarchisme, afin avant tout de "ramener l'ordre". Une faible partie de la bourgeoisie est républicaine modérée, mais c'est surtout parmi la petite-bourgeoisie et le prolétariat des grandes villes que l'on défend la République. Les petits artisans et boutiquiers sont dominés par les riches créanciers, et sont très solidaires des ouvriers. Dans ces milieux populaires, la revendication d'une République sociale est idéologiquement confuse, mais exprime le souhait d'une rupture avec le régime ploutocratique décevant issu de 1789. C'est parmi cette plèbe qui préfigure le mouvement ouvrier moderne que l'on trouve des révolutionnaires socialistes.

1.2 À Paris[modifier | modifier le wikicode]

Si au Moyen-Âge, la mixité sociale prédominait d'un point de vue géographique, la révolution industrielle a entraîné une forte tendance à la ségrégation grands bourgeois et (semi-)prolétaires, tendance accentuée par l'urbanisme de Haussmann. Les quartiers de l'ouest (7e, 8e, 16e et 17e arrondissements) concentrent les plus riches (avec leurs domestiques) et l'Est est populaire (10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements). Les quartiers centraux ont connu une forte paupérisation mais conservent encore des personnes aisées en 1871.

Les ouvrier·ères sont nombreux : 442 000 sur 1,8 million d'habitants, selon le recensement de 1866 ; ainsi que les artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Il ne faut cependant pas se représenter des ouvriers de l'industrie moderne, l'industrialisation était encore très balbutiante, à l'exception de l'usine Cail.[1]

Le baron Haussmann notait que plus de la moitié des Parisiens vivent « dans une pauvreté voisine de l’indigence ».[2] Les trois-quarts des Parisiens adultes sont nés en province et sont venus dans la capitale pour y travailler. Cela avait fait grossir rapidement la classe ouvrière dans les dernières années. Un rapporteur au parlement expliqua d'ailleurs, a posteriori, que l’insurrection était due à « l’accumulation d’un trop grand nombre d’ouvriers à Paris ».[3]

1.3 La guerre franco-allemande (1870)[modifier | modifier le wikicode]

En 1870, les tensions montent rapidement entre la Prusse de Bismarck et la France de Napoléon III, autour d'une querelle dynastique sur la succession au trône d'Espagne. L'Association internationale des travailleurs (« Première internationale ») et sa section parisienne font de l'agitation contre la guerre : « Travailleurs de France, d'Allemagne et d’Espagne, unissons nos voix en un même cri de réprobation!... La guerre pour une question de prépondérance ou de dynastie ne peut être, aux yeux des travailleurs, qu'une criminelle folie. »[4]

Mais le militarisme l'emporte, non sans susciter du nationalisme dans les classes populaires. Lorsque la guerre éclate en juillet 1870, Marx préconisait aux socialistes allemands la défense nationale, au nom de l'unification allemande.

L'armée française est très mal préparée, et sera vaincue en 2 mois.

2 Événements[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Guerre perdue et gouvernement bourgeois[modifier | modifier le wikicode]

Affiche du 4 septembre 1870

L'armée française capitule à Sedan le 2 septembre 1870, et Napoléon III est fait prisonnier. Cette nouvelle déclenche une journée d'émeutes à Paris, qui fait chuter l'Empire. Les bourgeois républicains forment un Gouvernement de la Défense nationale à l’Hôtel de Ville, et proclament la Troisième République. Très modérés lorsqu'ils étaient dans l'opposition à l'Empire, ils essaient à présent de prendre la tête de l'État pour canaliser l'agitation populaire qui souhaite "chasser l'envahisseur prussien". Manquant de soldats, le gouvernement provisoire doit armer le peuple parisien. La bourgeoisie le regrettera très vite, car celui-ci devient vite une menace pour elle.

Malgré la capitulation de Napoléon III, les troupes allemandes continuent à avancer sur le sol français. L'AIT et les socialistes allemands dénoncent alors cette contre-offensive impérialiste. Les militants parisiens de l'AIT diffusent une adresse au peuple allemand, l'appelant au retrait des troupes, pour éviter de « verser à flots ton sang et le nôtre ». Le conseil de Londres de l'AIT prend une position anti-guerre.[5]

Affiche rouge placardée dans la nuit du 5 au 6 janvier 1871

Les membres de l’AIT (qu'on appelle les Internationalistes), qui reviennent de prison ou d’exil, sont la force d'impulsion de « comités de vigilance » dans les arrondissements, qui forment un Comité central républicain des Vingt arrondissements dès le 13 septembre 1870. Celui-ci est méfiant vis-à-vis du Gouvernement de la Défense nationale, et publie une affiche rouge appelant à une république sociale et à des mesures énergiques pour la défense de Paris.[6] Ce Comité est animé conjointement par des révolutionnaires républicains plus ou moins socialistes : jacobins, blanquistes… Il appelle à former une « Commune », en référence à la Commune insurrectionnelle de 1792. La majorité du peuple est cependant encore dans l'expectative.

La question de la capitulation devient un des principaux clivages politiques. Cela conduit à deux émeutes insurrectionnelles ratées, le 31 octobre et le 22 janvier, de la part des « outrances » (ainsi que l'on appelait les partisans de la guerre à outrance).[3]

2.2 La Garde nationale[modifier | modifier le wikicode]

La Garde nationale va jouer un rôle majeur dans la révolution sociale qu'a été la Commune. Cette institution est une sorte de milice populaire (principalement dans les villes) dont le but est de regrouper tous les hommes valides pour se battre temporairement contre une menace. Elle est née pendant la Révolution française, dans une logique d'armement du peuple contre les armées permanentes instruments des oppresseurs. Mais avec ses tendances républicaines, elle a toujours inquiété les gouvernements réactionnaires, à commencer par le Premier Empire puis les Rois de la Restauration. Son rôle avait donc été minimisé, réduit à celui d'auxiliaire d'armées permanentes. Sous le Second Empire elle était en sommeil, et suscitait peu d'enthousiasme populaire, recrutant surtout parmi les quartiers bourgeois.

Avec la chute de Napoléon III, le Gouvernement de la Défense nationale la relance, notamment à Paris où ses rangs grossissent très vite (60 bataillons début septembre, 254 bataillons début octobre). Le recrutement massif dans les arrondissements de l'Est (surtout que la petite solde attire les nombreux chômeurs) lui donnent subitement une composition très populaire. La Garde nationale est par ailleurs bien armée avec 227 canons et 500 000 fusils.

2.3 Armistice et élections de février 1871[modifier | modifier le wikicode]

Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand est proclamé à Versailles (achevant l'unification de l'Allemagne en une puissance européenne majeure), et le 28 janvier un armistice est signé avec le chancelier allemand Bismarck, dans l'attente d'élections devant décider de la guerre ou de la paix. La nouvelle échaude le petit-peuple parisien, qui se sent trahi.

Les élections législatives sont organisées en hâte le 8 février, dans des conditions très peu démocratiques (Paris est coupé des campagnes, et la campagne électorale dure 8 jours). Les campagnes (dominées par des notables et des curés) élisent majoritairement des candidats monarchistes "pour la paix" : sur 750 députés, 450 sont des monarchistes (sans compter les bonapartistes). En revanche, à Paris, 33 députés sur 43 sont des républicains plus ou moins radicaux, et 4 sont des révolutionnaires. Ces élus parisiens sont pour continuer la guerre, les parisiens considérant qu'ils se défendent bien et ne sont pas vaincus. Mais l'Assemblée nationale, réunie à Bordeaux, élit Adolphe Thiers chef du pouvoir exécutif et l'envoie négocier la capitulation.

Deux candidats de l’Internationale sont élus : Malon et Tolain. Malon se consacrera à la Commune, révolutionnaire, Tolain se rangera du côté versaillais.

2.4 Exacerbation de la lutte de classe[modifier | modifier le wikicode]

Menu dans un café avec des animaux variés

Début 1871, la situation se tend rapidement. Le siège de Paris a d'abord pour effet immédiat d'entraîner une crise sociale : on subit une dure famine en plein hiver, on mange des rats, des chats et même les éléphants et autres animaux de zoo. Les classes dominantes regroupées à Versailles songent alors à s'appuyer sur les troupes allemandes contre Paris...

L'Assemblée nationale, via les votes des provinces rurales, exprimait en fait les intérêts de la bourgeoisie conservatrice. Face à elle, le peuple parisien qui se plaçait de plus en plus en opposition, bien que largement isolé, représentait le progrès social et la possibilité de la révolution socialiste.

On y débat vivement, et l'énervement monte contre les généraux et le gouvernement. Au cours des élections de février, les bataillons de la Garde nationale se fédèrent, en envoyant des délégués d'arrondissement qui tiennent des assemblées et prennent de plus en plus d'assurance. Le 24 février, ils proclament qu'ils ne se laisseront pas désarmer par le gouvernement. Une situation de double pouvoir émerge.

Thiers signe la capitulation le 26 février. Le traité inclut l'annexion de l’Alsace-Moselle et le versement de 5 milliards de francs-or.

Le 3 mars la Garde nationale se dote d'un comité provisoire pour assurer l’organisation. Les Internationalistes s’engagent nombreux et beaucoup de leurs responsables sont élus officiers de leur bataillon. Les jeunes ouvriers étaient nombreux dans ses rangs, mais les petit-bourgeois très présents dans la hiérarchie. Varlin entre au Comité provisoire à la tête de la Garde nationale, tandis que Frankel s’y oppose.

Soldats prussiens dans Paris

Le 1er mars, les troupes prussiennes défilent dans Paris, ce qui est vécu comme une humiliation, car la Garde nationale ne s'est pas battue et ne voulait pas se rendre.

Les 3 et 6 mars, le gouvernement durcit rapidement le ton, en nommant des bonapartistes à des postes haut-placés à Paris (d'Aurelle de Paladines comme chef de la Garde nationale, Vinoy comme gouverneur militaire).

L'agitation se répand dans Paris ; le 4 mars, la Garde républicaine doit évacuer sa caserne de la rue Mouffetard, le 9 mars, trois bataillons de la Garde mobile se mutinent…

Le 10 mars 1871, les délégués de la Garde nationale déclarent qu'ils n'obéiront pas au général d'Aurelle de Paladines. L'Assemblée nationale, qualifiée d'« assemblée de ruraux » par les parisiens, transfère son siège à Versailles parce qu'elle craint « le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l'idée révolutionnaire »[7]. Ce même jour, elle promulgue une loi qui :

  • met fin au moratoire sur les loyers et les effets de commerce : 40 000 commerçants en faillite et 300 000 locataires menacés d’expulsion
  • supprime la solde d'un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux.

Le 11 mars, le gouverneur militaire interdit 6 journaux d'extrême gauche, dont Le Cri du peuple de Jules Vallès, et ferme les clubs populaires. Le 15 mars, les délégués de la Garde nationale votent les statuts de leur Comité central.

Ce gouvernement était résolument au service de la classe dominante dans son but immédiat de désarmer le dangereux prolétariat parisien. Thiers l'a confirmé de façon éclatante après coup, lors de l'enquête parlementaire sur la Commune :

« Les gens d’affaires allaient répétant partout : vous ne ferez jamais d’opérations financières si vous n’en finissez pas avec ces scélérats et si vous ne leur enlevez pas les canons. Il faut en finir, et alors on pourra traiter d’affaires. »

2.5 18 mars, le feu aux poudres[modifier | modifier le wikicode]

Barricade18March1871.jpg

Thiers va mettre le feu aux poudres en ordonnant dans la nuit du 17-18 mars à l'armée d'aller confisquer les canons de la Garde nationale et d'arrêter les meneurs révolutionnaires. Ce même jour, il fait arrêter Blanqui qui se reposait chez un ami médecin dans le Lot, privant le camp révolutionnaire d'un de ses plus importants meneurs.

Les canons, regroupés à Montmartre et à Belleville, cristallisaient la crainte du gouvernement. Non seulement les parisiens ne veulent pas capituler, mais ils considèrent que les canons sont à eux, puisqu'ils les ont payés eux-mêmes lors de la souscription contre la Prusse. Mais surtout, ils n'ont aucune confiance dans ce gouvernement, et ne veulent pas que se reproduise la tuerie de juin 1848. Mais Thiers avait sous-estimé les révolutionnaires parisiens, les croyant plus affaiblis par le siège.

Le peuple et la plupart des gardes nationaux se soulèvent, et les soldats refusent de faire feu sur eux. C'est le début de la révolte populaire : peuple et soldats fraternisent. Deux généraux sont fusillés (Lecomte et Clément-Thomas). Le pouvoir retombe de fait entre les mains du comité central de la Garde nationale.

Du côté du gouvernement, on hurle au « communisme »

Le gouvernement de Thiers s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée, et des milliers de bourgeois parisiens qui s'enfuient également (dont le maire de Paris, Jules Ferry). Seuls 300 soldats de la Garde nationale sur 300 000 rejoignent Thiers. Un seul officier de l'armée régulière rejoint les rangs de la Commune, Louis Rossel.

Le Comité central contrôle bientôt tout Paris. Le 18 mars, le soulèvement touche La Villette, Belleville, les XIIIe, XIVe et XVe arrondissements. Les autres arrondissements doivent être conquis en évinçant les maires : le IXe le 20 mars, le VIe le 22, le VIIe le 24 mars. Le 24 et 25 mars, on remplace les maires des IVe, Ve, Xe et XIIe arrondissements qui ont disparu. Le Ier, le IIe et le XVIe arrondissements résistent, et une partie des habitants participe aux manifestations des Amis de l'Ordre des 21 et 22 mars.

2.6 Premières mesures[modifier | modifier le wikicode]

Le Comité central rédige dès le 18 mars deux deux déclarations. Une est adressée aux Gardes nationaux, l'autre au « Peuple français » :

« Les prolétaires de la capitale au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques [...] Le prolétariat [...] a compris qu’il était de son devoir impérieux et de son droit absolu de prendre en main ses destinées, et d’en assurer le triomphe en s’emparant du pouvoir. »

Ce comité est composé essentiellement de petits-bourgeois modérés, mais très liés au peuple parisien. Ils ne se sentent pas légitimes et appellent de leurs vœux à ce que soit élu un conseil municipal. Ils annoncent des élections pour le 22 mars. Les Versaillais s'appuient sur ce sentiment et obtiennent de co-organiser les élections municipales. Ils promettent hypocritement de ne jamais réprimer Paris dans le sang, et dans le même temps font tout pour qu'aucun des décrets ou journaux de la Commune ne parvienne aux provinces.

Néanmoins pendant 8 jours, le Comité central est provisoirement à la tête de Paris, et prend des mesures immédiates qui lui paraissent légitimes et urgentes :

Il faut souligner combien le Comité central publiait toutes ses décisions et hésitations. Le 22 mars, il est rejoint et épaulé par le Comité central républicain des Vingt arrondissements, et le 23 par le reste de l'AIT.

2.7 Élections du 26 mars[modifier | modifier le wikicode]

Après un report, les élections municipales auront finalement lieu le 26 mars.

Le 25, le Comité central publiait un appel à prendre garde, lors du vote, à choisir des candidats sincères. « Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ! »

Malgré la co-organisation, les Versaillais perdent les élections (orléanistes et bonapartistes réunis obtinrent 8 000 conseillers municipaux sur 700 000). Ces élections-là n'ont rien à voir avec des élections en temps "normal" de domination bourgeoise. Elles sont proclamées devant une foule de 100 000 personnes, sous le feu d'une situation révolutionnaire. La participation, de 50% en moyenne, masque en fait le fait que c'est une élection parmi le prolétariat uniquement : 76% de participation dans le 20e arrondissement, autour de 25% dans les arrondissements de l'Ouest désertés.

2.8 Le conseil de la Commune[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Conseil de la Commune.

Les élections du 26 mars instituent le conseil de la Commune. Sur 92 élus, la majorité sont des révolutionnaires (parmi eux 25 ouvriers, et 38 membres de l'AIT), mais ils sont d'une grande diversité politique :

Prévues d'abord le 5 avril, les élections complémentaires, destinées à pourvoir les sièges vacants ou désertés, sont organisées le . Les réunions du conseil sont tenues secrètes au nom des circonstances de guerre. Ce n'est qu'à partir du 18 avril que des compte-rendus des séances seront publiés dans le Journal officiel (JO). Ces précautions sont critiquées par certains y compris des marxistes[9], mais beaucoup soulignent dans la Commune une forte volonté de transparence des décisions (la commission des finances publiait régulièrement les tableaux détaillés des mouvements de fonds...).[10]

2.9 Intenses débats et autogestion[modifier | modifier le wikicode]

Dès lors, le petit peuple travailleur de Paris (et les intellectuels engagés à leurs côtés) s'investit pleinement dans la vie politique et cherche à tâtons une façon d'organiser la cité dans son intérêt. Les lieux d'auto-organisation à l'échelle locale sont divers : les organes de la Garde nationale, des Comités de vigilance, de nombreux clubs populaires (se réunissant dans des églises ou des théâtres...) comme le Club des prolétaires[8][11], les clubs animés par l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés... Les citoyen·nes exercent une pression forte sur les élus et leur font directement connaître leurs revendications. Des dizaines de journaux étaient publiés, certains éphémères, certains à grand tirage comme Le Cri du Peuple ou Le Père Duchêne.

De façon empirique et par souci d'efficacité, les parisiens réalisent peu à peu une auto-centralisation (fédération des clubs...).

Parmi les dirigeants de la Commune, les socialistes convaincus du collectivisme sont loin d'être hégémoniques. Les visions idylliques d'une société de petits producteurs indépendants (donc encore basée sur le marché) dominent encore ce milieu républicain socialisant. Cependant, des mesures sociales radicales sont rapidement prises, sous l'initiative populaire bien plus que par idéologie : en pratique, c'est la socialisation sur un mode quasi-communiste qui se dessine, et non des schémas blanquistes ou proudhoniens.

Le 20 avril, une déclaration au peuple français est diffusée :

« La Commune c’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des privilèges auxquels le prolétariat doit son servage, la patrie ses malheurs et ses désastres. »

Mais toute cette spontanéité, si elle est remarquable par sa démonstration que le prolétariat est réellement porteur d'une société nouvelle, se fait sans clairvoyance, sans priorités, et laisse les mains libres à toute la réaction de France de se renforcer à Versailles. En dehors des mesures socialistes à Paris, les communards accordent trop de temps aux symboles (colonne Vendôme abattue par antimilitarisme) et pas assez aux vrais lieux de pouvoir (Banque de France laissée intacte alors qu'elle finance Versailles pendant ce temps).

2.10 Attaque des Versaillais[modifier | modifier le wikicode]

Carte Paris 1871.jpg

Surtout, la Commune se montre beaucoup trop légère sur le plan militaire, et clémente vis-à-vis de la menace réactionnaire. Si le Comité central annonce qu'il est sur la défensive et qu'il rendra « œil pour œil, dent pour dent », en pratique il le met rarement à exécution.

Le 19 mars, au lendemain de l'insurrection, le Comité central refuse de marcher sur Versailles (ce que propose une minorité de ses membres), en avançant que ce n'est pas à Paris de décider du gouvernement de la France.

Le 21 mars, les Versaillais occupent le fort du Mont-Valérien où les fédérés ont négligé de s'installer : cette position qui domine toute la proche banlieue ouest de Paris leur donne un avantage considérable.

Lorsque des agents versaillais sont découverts en train d'entrer dans Paris en dissimulant des armes, ils sont relâchés. Au fur et à mesure, les Versaillais reprennent confiance, ils se remettent à torturer leurs prisonniers ou à faire des exécutions sommaires, ceux qu'ils hésitent à faire dans un premier temps par peur de provoquer les communards.

Les troupes improvisées de la Commune sont par ailleurs très peu formées, et ce qui était une condition de la révolution (leur insoumission) devenait partiellement un frein à la survie de cette même révolution, car beaucoup de bataillons se dispersaient tout simplement face à l'avancée de l'ennemi. C'est pourquoi Rossel, le seul officier de métier passé à la Commune, était exaspéré, et menaçait régulièrement de démissionner. Ses propositions, comme le durcissement de la cour martiale, choquait à la fois le reste de la Commune, et en même temps finissait par la convaincre.

Les Versaillais s’en remettent à l'Empire allemand pour venir à bout par la force de la Commune de Paris. On envoya deux émissaires discuter avec Bismarck : la France paierait ses dettes plus rapidement, en échange de quoi Bismarck acceptait de libérer l’armée bonapartiste, c’est-à-dire de donner une armée aux Versaillais pour exterminer Paris. Le 18 mai, ce « traité de paix » avec la Prusse est ratifié par l’Assemblée nationale siégeant à Versailles. Comme le dira Marx : « La domination de classe ne peut plus se cacher sous un uniforme national, les gouvernements nationaux ne font qu’un contre le prolétariat ! »

Alors que la convention d'armistice n'autorise que 40 000 soldats français en région parisienne, Bismarck libère rapidement près de 60 000 prisonniers de guerre qui peuvent s'adjoindre aux 12 000 soldats dont dispose Thiers. Le 1er avril, celui-ci déclare à l'Assemblée nationale qu'il met sur pied « une des plus belles armées que la France ait possédée ». Les Versaillais seront 130 000 au début de la Semaine sanglante.

La Commune vote, le 5 avril, le « décret des otages » (trois otages fusillés pour un communard exécuté), qui ne sera mis en application que pendant la Semaine sanglante. Dans le mois qui suit, les troupes blanches s'amassent autour de Paris.

2.11 Comité de salut public[modifier | modifier le wikicode]

Barricade devant la Madeleine

C'est la menace croissante des Versaillais qui va attiser les divisions au sein du Conseil de la Commune, entre « majorité » et « minorité » :

  • les majoritaires sont les jacobins, les blanquistes et les indépendants ; pour eux, le politique l'emporte sur le social ; se voulant les continuateurs de l'action des « montagnards » de 1793, ils ne sont pas hostiles aux mesures centralisatrices, voire autoritaires ; ils voteront cependant toutes les mesures sociales de la Commune ;
  • les minoritaires sont les radicaux et les Internationalistes, collectivistes ou proudhoniens ; ils s'attachent à promouvoir des mesures sociales et anti-autoritaires ; ils sont les partisans de la République sociale.

Ces tendances se cristallisent le 28 avril à propos de la création d'un Comité de Salut public, organisme que les minoritaires refusent comme contraire à l'aspiration démocratique et autonomiste de la Commune. Les majoritaires en imposent la création le 1er mai par 45 voix contre 23.

Le 18 mai, le Comité de Salut public restreint la liberté de la presse en interdisant une trentaine de journaux, pour la plupart conservateurs, mais aussi La Commune, édité par Jean-Baptiste Millière.

La minorité au conseil de la Commune publie un Manifeste le 15 mai qui proteste contre la dictature du Comité de Salut public et annonce que ses membres se retirent dans leurs arrondissements respectifs. Mais ce manifeste qui réjouit le gouvernement d'Adolphe Thiers, n'est pas compris par les communards parisiens. Les deux tendances feront combat commun dès l'entrée des troupes versaillaises dans Paris.

2.12 21-28 mai : la Semaine sanglante[modifier | modifier le wikicode]

L’écrasement de la Commune, tableau de Maximilien Luce

Le 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris par la Porte de Saint-Cloud. C'est le début de la Semaine sanglante. Les communards se défendent héroïquement, tenant près de 500 barricades, dont les dernières tombèrent huit jours plus tard. Ils exécutèrent des otages en représailles, mais c'était trop tard pour peser sur le cours de la bataille. Les Versaillais surent utiliser ces exécutions et en particulier celle de l’archevêque de Paris (24 mai) pour traiter d'assassins sanguinaires les communards. En réalité s'ils avaient tenu à ces vies, les Versaillais auraient largement pu faire libérer leurs otages contre Blanqui par exemple, mais il n'était pas question pour eux de donner à la Commune un si grand leader.

Le bilan fut un des plus effroyables massacres contre-révolutionnaires : autour de 10 000 morts (dont de nombreux prisonniers fusillés sans jugement, des tués à la baïonnette dans leur sommeil…), environ 36 000 prisonniers, et des milliers de condamnés et déportés outre-mer. Le 22 mai, Thiers annonçait à l’Assemblée : « L’ordre, la justice, la civilisation ont enfin remporté la victoire ». Marx dira plutôt : « la sauvagerie sans masque et la vengeance sans loi ».

3 L'œuvre de la Commune[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Travail[modifier | modifier le wikicode]

La majorité des élus de la Commune étaient des républicains radicaux plus que des socialistes, et même parmi les socialistes, peu étaient ceux qui avaient clairement l'objectif d'abolir le salariat. Cependant, presque tous étaient sincèrement humanistes et égalitaristes, et des mesures sociales furent prises assez rapidement, comme la suppression du travail de nuit chez les boulangers, et l'interdiction des amendes et des retenues sur salaire dans les ateliers et les administrations. On assista à une forte volonté de démocratisation au sein des entreprises et dans les quelques établissements en régie (désignation des chefs d’atelier par les ouvriers de l'Imprimerie nationale, réorganisation à l'atelier de fabrication d’armements du Louvre...).[10]

Puis, au fil des délibérations et de la nécessité d'améliorer la vie quotidienne sous les conditions difficiles, des mesures furent prises qui se dirigeaient nettement dans un sens collectiviste.[12]

Avrial, ouvrier membre de la commission du Travail, de l’Industrie et de l’Echange, propose d'établir une liste des ateliers abandonnés par leurs patrons et à les remettre en exploitation sous forme d'associations ouvrières. Il s’inspirait d’un projet d’octobre 1870 qui stipulait que les ateliers pouvant servir à la fabrication d’armement devaient être réquisitionnés. L’initiative d’Avrial, revue par Frankel ne concernait que les ateliers abandonnés dont il fallait dresser la liste avant de les remettre en service. Elle fit l’objet du décret du 16 avril 1871, appelant les syndicats à discuter des modalités, et de ce qu'il conviendrait de faire si plus tard les patrons revenaient (indemnités...).

Cette initiative traîna un mois avant d’être suivie d’effet. Il y avait une réticence à toucher à la propriété. Lorsque le 4 mai, Vésinier dépose un projet de décret tendant à réquisitionner les grands ateliers, il n'est pas discuté.[13] L'usine Cail, une des seules grandes usines, n'est pas nationalisée. Finalement, le 15 mai, une liste est établie avec 42 associations ouvrières de production et 34 chambres syndicales. Frankel avait pour objectif à terme que les travailleur·ses prennent en main la gestion des entreprises, tout en se fédérant, à l'image de la Garde nationale. Mais la Commune n'avait plus que 8 jours à vivre. ll n’y eut que quelques dizaines d’ateliers confisqués en comprenant les établissements d’Etat.

3.2 Logement[modifier | modifier le wikicode]

La Commune se souciait d'organiser concrètement un droit au logement. Dès le 18 mars elle avait mit fin à toute expulsion locative. Elle décrète le 29 mars 1871 la remise générale des loyers d’octobre 1870, de janvier et d’avril 1871. Les 25 avril 1871, le décret de réquisition des appartements vacants permettra l’hébergement des familles dont les maisons ont été détruites par les bombardements. Ces deux décrets donnent lieu à la création de commissions municipales chargées de régler les différends qui peuvent surgir entre les propriétaires et les locataires. Ces mêmes commissions assurent l’installation dans les appartements vacants des personnes privées de toit.

3.3 Armée, police et justice[modifier | modifier le wikicode]

Raoul Rigault, chef de la police de la Commune

La Garde nationale se voulait un remplacement de l'armée permanente par une milice populaire démocratique mobilisée temporairement. Tous les citoyens pouvaient en faire partie, et élire ses chefs.

Une nouvelle police fut créée, surtout dirigée par des blanquistes (avec Raoul Rigault à sa tête). Elle était plus populaire et globalement progressiste, mais elle se comporta cependant avec un certain caractère arbitraire. On parlait de révolution morale. Des pancartes « Mort aux voleurs » sont affichées. On a arrête des gens pour ivresse publique, on réprime les jeux de hasard...[9]

Des réformes de la justice furent entreprises. L'idéal de la Commune était d'élire les juges, mais elle n'eut pas le temps et dans l'urgence elle procéda à des nominations. Des contrôles furent faits dans les prisons pour vérifier les conditions de détention, on encadra la garde à vue...[14]

3.4 Administrations publiques[modifier | modifier le wikicode]

Si les forces armées sont les secteurs les plus directement impactés dans une révolution sociale, c'est l'ensemble de l'appareil d'État qui est bouleversé.

Dans la journée du 18 mars, les ministres ont rejoint l’Assemblée à Versailles, et Thiers a ordonné aux fonctionnaires de quitter leur poste, ce que les trois quart ont fait. Le Comité central de la Garde nationale a pris possession de tous les organes politiques et administratifs, nommé de nouveaux responsables, désormais payés au niveau d'un ouvrier.

Mais il s’est trouvé devant un vide impressionnant : les chefs de service (sauf ceux qui sont restés sur ordre pour saboter) sont souvent partis en emportant matériel, caisse, archives... Il a donc fallu recruter de nouveaux agents, manquant de qualification ou tout simplement d'habitudes. La Commune appellera plusieurs fois les anciens agents à revenir, par voie d’affiches et de communiqués au JO.

Dans des conditions difficiles, la Commune est parvenue à faire tourner l'essentiel des administrations et services, souvent en les réformant : la santé (une quinzaine d’hôpitaux et hospices soumis à la surveillance de l’Assistance publique), la justice, l'éducation, le courrier, les musées, les bibliothèques, la Monnaie, l’Imprimerie nationale, les Poids et mesures, la voirie, les canalisations d’eau, l’éclairage de la ville (avec quelques restrictions)... Elle assura la collecte des impôts nécessaires au fonctionnement de ces services, au paiement de la solde des gardes nationaux, aux fabrications de guerre par les régies financières existantes et les avances de la Banque de France... Une commission supérieure de comptabilité opérait la vérification générale des comptes des administrations communales.

3.5 Contrôle et révocabilité[modifier | modifier le wikicode]

Les communards, fidèles aux principes de 1789, étaient favorables à l’élection des fonctionnaires et des magistrats, et à leur recrutement par examen ou concours, mais n'eurent pas le temps de le mettre en place. Ils essayèrent cependant par plusieurs moyens d'assurer des recrutements objectifs sur la base des compétences. De nombreux arrêtés de nomination et de révocation de fonctionnaires furent publiés au JO.[10] Un décret prévenait que tous les fonctionnaires accusés de corruption passeraient en cour martiale.

3.6 Annulation des dettes[modifier | modifier le wikicode]

Le mont-de-piété

La plupart des ouvriers s'étaient endettés, et avaient régulièrement recours au mont-de-piété (prêts remis contre des objets mis en gage, qui étaient vendus au bout d'un certain temps). Au printemps 1871, on évaluait à près de deux millions le nombre des articles déposés. Un décret du 29 mars suspendit la vente des objets mis en gage, et de grands débats furent engagés sur la façon de liquider cette institution. Il décidé que les petits objets seraient rendus gratuitement.[15]

3.7 Les femmes en action[modifier | modifier le wikicode]

Un des seuls droits progressistes obtenus a été le droit au divorce par consentement mutuel. Concernant les indemnités reçues par les proches des gardes nationaux, la Commune a donné la consigne aux mairies de ne faire aucune distinction entre femmes dites "illégitimes", mères et veuves.

Sur le plan des droits, on ne peut que constater qu'il n'y a pas eu de pas significatifs dans le sens de l'égalité entre femmes et hommes. Lors des élections du 26 mars et du 16 avril, les femmes n'avaient pas le droit de vote. Elles ne pouvaient pas non plus être membres de la Garde nationale, principale force de la révolution. La Commune réprima les prostituées.[9]

Cependant les femmes ont joué un rôle actif dans la Commune. Elles ont été très investies dans les mobilisations et dans les clubs populaires, et il y eut même des clubs non mixtes comme le Club de la Boule noire. Si Louise Michel est bien connue, il ne faut pas oublier Elisabeth Dimitrieff et Nathalie Lemel, qui ont créé une Union des femmes pour la défense de Paris et le soin aux blessés. Les femmes trouvaient des alliés dans certains militants de l'AIT comme Frankel ou Varlin, mais aussi beaucoup d'opposition.

L'énergie militante des femmes était essentiellement celle des femmes ouvrières. La plupart des femmes bourgeoises étaient cantonnées aux tâches domestiques, alors que les ouvrières étaient nombreuses à être employées, ce qui explique que les femmes représentaient déjà 33 % de la population active à Paris. Pourtant elles gagnaient moitié moins que les hommes, et dans les ateliers, elles étaient souvent bafouées par les patrons ou les petits chefs.[2]

Cela explique en grande partie que quand la Commune a éclaté, et que l'on s'est mis à remettre en question toutes les hiérarchies, de très nombreuses femmes ont senti que leurs intérêts étaient liés au mouvement révolutionnaire. Cela s'est manifesté avec encore plus d'éclat dans les derniers combats, où de nombreuses femmes ont pris les armes. Ce militantisme très combatif des femmes populaires va horrifier les bourgeois, et la réaction va s'acharner à les diaboliser comme « pétroleuses » (on les accusait d'avoir incendié des maisons bourgeoises, de pures calomnies). Plus de mille communardes passeront en conseil de guerre, et beaucoup de celles qui avaient pris les armes, comme Louise Michel, seront envoyées au bagne.

C'est pourquoi, si l'on ne peut pas considérer la Commune comme « féministe », elle était incontestablement en puissance le camp du progrès face aux Versaillais. Un fait symbolique : le 21 mai, l'égalité de salaire entre instituteurs et institutrices est acté. C'est aussi le début de la Semaine sanglante...

3.8 Les étrangers et la Commune[modifier | modifier le wikicode]

Leó Frankel, naturalisé et placé à la tête de la Commission du Travail par la Commune

Paris comptait environ 5% d'étranger·ères, pour la plupart des Allemands (70 000), des Belges (45 000) et des Suisses (30 000), nombreux parmi les ouvriers. Le déclenchement de la guerre avait entraîné une expulsion des Allemands de Paris. Ils reviennent après l'armistice, mais de la germanophobie continue à se manifester sous la Commune, de façon moindre.[16]

Il y avait également des étrangers principalement présents pour des raisons politiques, comme les Polonais (en raison de l'oppression impérialiste de la Pologne) et les Italiens (notamment les républicains partisans de Garibaldi[17]).

Les communards se montrèrent globalement internationalistes. Les étrangers furent des centaines à participer à la Commune, furent déclarés français, et plusieurs d'entre eux occupèrent des postes de direction : les meilleurs généraux étaient polonais (Dombrowski et Wroblewski) et un étranger fut élu au Conseil, le Juif hongrois, Léo Frankel, ouvrier bijoutier. Son poste fait de lui en quelque sorte le premier ministre du Travail de France.

« Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent (...), la commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Frankel. »[18]

Anna Vassilievna Korvine-Kroukovskaïa, socialiste féministe russe

Anys al-Bitar, un syro-libanais est nommé par Élie Reclus au département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France[19] bien que ce ne soit pas sans difficultés[20]. On peut également citer les russes Elisabeth Dmitrieff et Anna Jaclard, proches de Marx.

Il faut souligner également que parmi les nombreux prolétaires venu·es du reste de la France travailler à Paris, beaucoup ne parlaient pas ou pas bien le français de Paris, tendaient à se regrouper par communautés (au sein des quartiers populaires de l'Est très majoritairement), et que d'un certain point de vue, ils étaient racialisés par les bourgeois parisiens.[21]

A l'inverse, la victoire des Versaillais entraînera un déferlement de xénophobie. On accusera la Commune d'être l’œuvre d'une influence étrangère, en particulier de l'Internationale.[22][23]

3.9 Approvisionnement et distribution[modifier | modifier le wikicode]

La question de l’approvisionnement de Paris était cruciale pour la Commune. Les Prussiens eux-mêmes ne faisaient pas un blocus strict car il n'y avait plus d'enjeu militaire, mais les Versaillais s’ingéniaient à rendre le ravitaillement difficile, même si la réduction de la population parisienne depuis 1870 limitait la situation de crise. Surtout, l'insurrection du 18 mars avait fait fuir de nombreux fournisseurs, négociants et fonctionnaires, désorganisant les circuits (Halles, abattoirs...).

La Commune lutte contre l'inflation avec des mesures de contrôle des prix (en fixant une marge maximale pour les négociants) mais aussi en faisant des pas vers une distribution planifiée : la Ville s'octroie une priorité d’achat des blés (13 avril), et de nombreux magasins municipaux sont ouverts par les mairies d'arrondissement, les magasins privés étant aussi contrôlés.[24]

3.10 Éducation gratuite, laïque et obligatoire[modifier | modifier le wikicode]

Environ un tiers des enfants (ceux des prolétaires) ne fréquentaient aucune école, un tiers étaient dans des écoles communales, et un tiers dans des écoles religieuses. La Commune met en place une éducation gratuite, laïque et obligatoire, avec intégration de l'instruction professionnelle. A la tête de la commission à l'enseignement, Edouard Vaillant déclara :

« Il importe que la Révolution communale affirme son caractère essentiellement socialiste par une réforme de l’enseignement assurant à chacun la véritable base de l’égalité sociale, l’instruction intégrale à laquelle chacun a droit, en lui facilitant l’apprentissage et l’exercice de la profession vers laquelle le dirigent ses goûts et ses aptitudes. »

Des mairies d’arrondissement prennent des initiatives supplémentaires, comme des fournitures scolaires gratuites (IIIe), ou des repas et habits gratuits (XXe).

Des sociétés populaires, comme «  l’Éducation nouvelle  » qui regroupe enseignants et parents, se développent. Il est remarquable de noter que les réunions sont ouvertes à tous y compris aux non adhérents. On y débat de nombreuses questions. Les délégués du IVe arrondissement de «  l’Éducation nouvelle  » déclarent le 26 mars vouloir une école qui « apprend à l’enfant que toute conception philosophique doit subir l’examen de la raison et de la science  ».[25]

Tout cela 10 ans avant que le républicain bourgeois Jules Ferry (membre du gouvernement qui l'a écrasée) ne remettre en place une école gratuite et obligatoire.

3.11 Laïcité[modifier | modifier le wikicode]

Commune de Paris.jpg

La Commune a ordonné la séparation de l’Église et de l’État, instituant par là la laïcité, 34 ans avant que celle-ci ne soit acté au niveau de l'État bourgeois. Ainsi un décret du 2 avril 1871 supprime le financement de l’Église et saisit ses biens.[26] Le terme « laïcité » apparaît à ce moment-là.[27]

La Commune entendait laïciser non seulement l’enseignement mais aussi d’autres services municipaux, tels que l’Assistance publique et les bureaux de bienfaisance (où les infirmières étaient des religieuses).[28]

L'anticléricalisme était virulent parmi les républicains radicaux de la Commune, avec parfois des excès contre les croyants. Il faut cependant rappeler que les membres du clergé étaient souvent tout aussi farouchement hostiles. Ils ne voulaient pas admettre le principe de la laïcité dans leurs établissements scolaires, et certains frappaient les institutrices se présentant à leur poste. A l’école des Carmes (Ve), ils précipitent la directrice dans les escaliers…[25]

3.12 Actes symboliques[modifier | modifier le wikicode]

Un grand nombre d'actes symboliques contre la réaction furent réalisés par la Commune. Un des plus connus est la démolition de la colonne Vendôme[29], sur laquelle trônait le buste de Napoléon, symbole de l'impérialisme français. Pour l'anecdote, on peut relever que Marx avait écrit en 1852, « la statue de bronze de Napoléon tombera de la hauteur de la colonne Vendôme »[30].

La guillotine a également été brûlée en place publique dans le 11e arrondissement, en tant que symbole de la peine de mort. Les sentiments étaient cependant partagés, puisque la peine de mort ne fut pas abolie, et dans les réunions de clubs de ce même arrondissement, un mois plus tard, on réclame « la guillotine comme en 93 ».[31][32][33]

Il a également été décidé de confisquer les biens de Thiers et de brûler sa maison, et de démolir la chapelle expiatoire de Louis XVI (jamais mis en œuvre sans doute faute de temps).

4 Leçons de la Commune[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Spontanéité et nécessité d'un parti[modifier | modifier le wikicode]

Affiche du Parti communiste de 1923

De ces 72 jours, Marx, Engels, Lénine, Trotski ont tiré de nombreuses leçons. Tous sont d'accord pour souligner que la principale faiblesse de la Commune est l'absence d'une direction révolutionnaire. La spontanéité des masses a montré les prodigieuses forces qu'elles sont capables de développer, de façon difficilement prédictible, mais elle est insuffisante. Leur fantastique essor s'est accompagné d'une tendance à s'arrêter en chemin et à se contenter des premiers succès.

Toutes les expériences révolutionnaires ultérieures l'ont démontré : des organisations révolutionnaires bien préparées sont indispensables. Jamais, nulle part, une insurrection populaire spontanée n'est parvenue à renverser le régime capitaliste et à assurer le pouvoir des travailleurs. 

Voyant qu'une révolution contre le régime bonapartiste était inévitable, Marx et Engels déploraient l'absence d'une organisation du prolétariat pour la diriger. Dès le 15 août 1870, Engels écrivait : « Le pire c'est qu'en cas de véritable mouvement révolutionnaire à Paris personne n'est là pour prendre sa direction. »

4.2 Possibilité et nécessité d'un nouvel État ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Marx affirmait depuis le Manifeste (1847) la nécessité de la prise du pouvoir par le prolétariat, mais n'avait pas de vision précise sur la forme de cette prise de pouvoir. Il s'inscrit d'abord plus ou moins explicitement dans l'idée qu'il s'agit d'une forme républicaine de gouvernement. Il parle de « dictature du prolétariat » à partir de 1850, et dès son pamphlet sur le coup d'État de Napoléon III (1851), Marx remarquait cependant que la machine bureaucratique de l'État bourgeois avait été reprise à l'État absolutiste et perfectionnée, et qu'il s'agissait pour le prolétariat de la « briser »[34].

Écrivant à chaud sur la Commune, Marx dira qu'elle était « la forme politique enfin trouvée »[35] de la dictature du prolétariat. Les mesures mises en place dans le Paris révolutionnaire (suppression de l'armée permanente, révocabilité des élus et fonctionnaires...) font partie de ce que les marxistes considèrent comme la démocratie ouvrière. A noter que Marx trouvait positif que la Commune ait de fait mis en place un système sans séparation des pouvoirs.

4.3 Nécessité de détruire l'État bourgeois[modifier | modifier le wikicode]

C'est malgré lui que le prolétariat parisien s'est retrouvé au pouvoir et, dépourvu de direction révolutionnaire consciente, il a laissé passer toutes les occasions d'écraser son ennemi : ses deux principales erreurs furent de ne pas immédiatement marcher sur Versailles et de vouer un respect sacro-saint à la propriété privée et notamment à la Banque de France (qui finança largement Versailles).

Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'État bourgeois ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire, mais très timidement et empiriquement, à mesure qu'elle prenait conscience de l'obstacle que constituaient les forces étatiques laissées en place. Cela laissa le temps à la réaction de se reconstituer à Versailles, et de préparer l'écrasement de ce pouvoir populaire naissant. Marx écrit donc que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte. »[35]

Cet enseignement était fondamental pour Marx, qui écrira encore dans la préface de 1872 au Manifeste : « Il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. [...] La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'État et de la faire fonctionner pour son propre compte. »[36]

4.4 La révolution et les élections[modifier | modifier le wikicode]

Si l'on s'en tient à l'aspect purement formel, avec les catégories bourgeoises, on ne peut rien comprendre au type de pouvoir issu de la Commune. Certes, c'est avec des élections que le peuple parisien donnait sa confiance au Conseil général, ou que les "fédérés" élisaient le Comité central de la Garde nationale. Les différences formelles existent, par exemple la révocabilité, la limitation du revenu des élus, ou simplement le fait qu'elles soient organisées directement par le peuple, mais ils n'expliquent pas le saut qualitatif qui permet de parler de changement d'État.

Entre les élections du 8 février et celles du 26 mars, on passe de 9% d'élus révolutionnaires à 100%. Une telle transformation est le fruit d'une révolution sociale qui transforme les rapports sociaux et aiguise la conscience de classe, et qui ne pourrait jamais découler d'un processus "normal" de campagne électorale dominée (matériellement, idéologiquement, médiatiquement...) par la bourgeoisie. De plus, en admettant une progression uniquement électorale des idées socialistes, l'État bourgeois a largement le temps et les moyens de s'adapter, de faire des concessions, ou de trouver des diversions (xénophobes, nationalistes...) et de réprimer, de mener un coup d'État... C'est précisément parce que l'ancien État et la classe opposée deviennent clairement des ennemis que le prolétariat révolutionnaire prend en main le pouvoir, en excluant la bourgeoisie. Les élections qui surviennent pendant une révolution socialiste ont alors pour fonction de diriger démocratiquement la "dictature du prolétariat", au lieu de légitimer la façade démocratique de l'État en temps "normal".

4.5 Nécessité du ralliement des classes intermédiaires[modifier | modifier le wikicode]

A l'échelle de Paris, la Commune fut clairement une alliance large sous la direction (même confuse) des éléments les plus socialistes et prolétariens. Les mesures immédiates permettaient un bloc des intérêts des petits-bourgeois avec les ouvriers contre les classes possédantes.

La Commune de Paris n'a pas réussi à rallier à elle la paysannerie, avant tout parce qu'elle en était coupée par les Versaillais et les Allemands.

Pendant ce temps, la réaction abreuvait la paysannerie de propagande décrivant les communards comme des partageux voulant saisir leurs terres. Il y eut cependant quelques tentatives, comme « L’appel aux paysans » d’André Léo et de Benoît Malon, diffusé par ballon le 3 mai. La Commune s'adressait aux paysans en disant : « notre victoire est votre seule espérance ». En effet, elle avait décrété que les frais de la guerre devaient retomber sur ceux qui l’avaient engendrée et donc que l'impôt sur la paysannerie devait être supprimé. Elle proposait également la séparation de l’Église et de l’État, pour que seuls les fidèles payent pour entretenir les prêtres, et non l'Etat.

4.6 Révolution prématurée ?[modifier | modifier le wikicode]

La Commune de 1871 pouvait-elle gagner ou était-elle historiquement prématurée ?

Juste après la chute de l'Empire, Marx écrivait au nom de l'AIT que « toute tentative de renverser le nouveau gouvernement, quand l'ennemi frappe presque aux portes de Paris, serait une folie désespérée »[5].Néanmoins, dès que l'insurrection a éclaté, Marx l'a soutenue publiquement (toujours en tant que porte voix de l'AIT), et répondait même à certains critiques : « Il serait évidemment fort commode de faire l'histoire si l'on ne devait engager la lutte qu' « avec des chances infailliblement favorables ». »[37]

Il s'est intéressé en détail à ce qui aurait pu faire gagner les communards, et il estimait même que trois mois seulement de libre communication entre Paris et la province auraient suffi à entraîner le soutien des paysans à la révolution[35]. Cependant dix ans plus tard, en privé, il donnait un avis beaucoup plus limité sur les possibilités réelles du moment :

« Outre qu'il ne s'agissait là que d'un soulèvement d'une ville dans des conditions exceptionnelles, la majorité de la Commune n'était nullement socialiste et ne pouvait l'être. Avec un minimum de bon sens, cependant, elle aurait pu arriver à un compromis avec Versailles utile à toute la masse du peuple, la seule chose qui pouvait être atteinte à l'époque. L'appropriation de la Banque de France aurait suffi à elle seule à mettre fin par la terreur à la vantardise des Versaillais, etc. »[38]

Pour Trotski en 1914 : « De même que le Manifeste était une anticipation, de même que la 1ère Internationale était venue trop tôt pour son temps, c'est-à-dire pour pouvoir unir les travailleurs de tous les pays, de même la Commune était un épisode prématuré de la dictature du prolétariat. »[39]

Mais Lénine écrivait en 1917 que la Commune aurait pu vaincre, si elle avait saisi la banque de France et marché sur Versailles.[40]

5 Les franc-maçons et la Commune[modifier | modifier le wikicode]

Dans le Paris de 1871, les ouvriers et les artisans sont particulièrement bien représentés dans les loges de la franc-maçonnerie.[41] C’est ce qui explique pourquoi l’on trouve de nombreux francs-maçons parmi les responsables de la Commune : environ un tiers. Beaucoup s'impliquent dans la Commune au nom des valeurs humanistes franc-maçonnes.

Mais à d’une manière générale, les Conseils de l’ordre, organes dirigeants des obédiences, sont très réticents à l’égard de la Commune et donnent aux frères des consignes de neutralité, que la base ne suivra pas. Il y a d’ailleurs beaucoup de franc-maçons hostiles au mouvement communard et certains d’entre eux sont engagés dans les rangs versaillais.

Ayant des Frères dans les deux camps, la franc-maçonnerie est particulièrement active pour jouer la réconciliation. A trois reprises (le 8 avril, le 22 avril et le 29 avril 1871) ils tenteront en vain de faire cesser les combats.

6 Jugements et postérité[modifier | modifier le wikicode]

6.1 Les anarchistes, les marxistes et la Commune[modifier | modifier le wikicode]

Marx a rédigé immédiatement La guerre civile en France au nom du Conseil général de l'Internationale, pour prendre la défense de la Commune. C'est dans ce texte sur la Commune que Lénine se replongera en août 1917 pour réfléchir à la question du pouvoir, et écrire les Thèses d'avril et L'État et la Révolution. Contre Kamenev, Lénine se base sur la Commune. Contre l'insurrection, Zinoviev mit en avant l'isolement de la Commune et sa défaite. Lénine répondit :

« L'allusion à la Commune est très superficielle et même bête. Car, en premier lieu, les bolcheviks ont tout de même appris quelque chose depuis 1871, ils n'auraient pas laissé une banque hors de leur mainmise, ils n'auraient pas renoncé à une offensive sur Versailles ; et, si les conditions avaient été telles, la Commune même aurait pu vaincre. En outre, la Commune ne pouvait proposer au peuple du premier coup ce que pourront proposer les bolcheviks s'ils détiennent le pouvoir, précisément : la terre aux paysans, l'immédiate proposition de paix.  »[40]

Mais les anarchistes collectivistes et fédéralistes proches de Bakounine ont aussi considéré que la Commune leur avait donné raison. Dans ses souvenirs, James Guillaume dit avec satisfaction que le Conseil Général de l’Internationale a adopté entièrement le point de vue des fédéralistes.[42] Quant à Bakounine, il affirmait :

«  L’effet de l’insurrection communaliste a été tellement puissant qu’en dépit de la logique et de leurs véritables dispositions, les marxistes, dont toutes les idées se sont trouvées renversées par elle, ont été obligés de s’incliner devant cette insurrection et de s’en approprier les buts et le programme ».

Face aux anarchistes, qui se disaient anti-autoritaires, Engels ironisait :

« Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, c'est l'acte par lequel une fraction de la population impose sa volonté à l'autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s'il en est ; et le parti victorieux, s'il ne veut pas avoir combattu en vain, doit continuer à dominer avec la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires.  »[43]

Au 73e jour du pouvoir soviétique, Lénine se mit à danser sur la neige entre les murs du Kremlin pour saluer une durée venant de dépasser celle de la Commune. En 1924, la délégation française au congrès de l'Internationale communiste déposa au Mausolée de Lénine un drapeau rouge de la Commune.

Marx n'a pas abordé ouvertement les dissensions autour du Comité de salut public, et les avis des marxistes sont assez divers à ce sujet.

6.2 Citations d'écrivains contemporains[modifier | modifier le wikicode]

Zola en 1870. Comme la majorité des intellectuels bourgeois, même de gauche, il cracha sur la Commune.

Certains écrivains de l'époque prirent la plume pour commenter l'événement, pour la plupart avec un extrême mépris de classe :

  • Charles-Marie Leconte de Lisle à José-Maria de Heredia : « La Commune ? Ce fut la ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs, mauvais poètes, mauvais peintres, journalistes manqués, tenanciers de bas étage. »
  • Gustave Flaubert à George Sand : « La seule chose, j'en reviens toujours là, c'est un gouvernement de mandarins. Le peuple est un éternel mineur. Je hais la démocratie. » « Le premier remède serait d'en finir avec le suffrage universel, la honte de l'esprit humain. Dans une entreprise industrielle (société anonyme), chaque actionnaire vote en raison de son apport. Il en devrait être ainsi dans le gouvernement d'une nation. » « L'instruction obligatoire et gratuite n'y fera rien qu'augmenter le nombre des imbéciles. Le plus pressé est d'instruire les riches qui, en somme, sont les plus forts. »
  • George Sand à Gustave Flaubert : « Cette Commune est une crise de vomissements, les saturnales de la folie. »
  • Les communards selon Alphonse Daudet : « Des têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants, les toqués, les éleveurs d'escargots, les sauveurs du peuple, les déclassés, les tristes, les traînards, les incapables ; Pourquoi les ouvriers se sont-ils mêlés de politique ? »
  • Les « pétroleuses » selon Dumas fils : « Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes, à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. »
  • Émile Zola : « Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et splendeur »
  • Émile Littré : « J'abhorre la guerre que le prolétariat parisien vient de susciter. Il s'est rendu cruellement coupable à l'égard de la patrie, ivre qu'il était de doctrines farouches : le devoir étroit des gouvernements est de réprimer fermement le socialisme dans ses écarts anarchiques. »
  • Le Figaro : « On demande formellement que tous les membres de la Commune, que tous les journalistes qui ont lâchement pactisé avec l'émeute triomphante, que tous les Polonais interlopes et les Valaques de fantaisie soient passés par les armes devant le peuple rassemblé. »
  • Edmond de Goncourt : « On les abat à la mitrailleuse. Quand j'ai entendu le coup de grâce, ça m'a soulagé. »
  • Victor Hugo (dans L'Indépendance belge) : « Qu'un vaincu de Paris, qu'un homme de la réunion dite Commune, que Paris a fort peu élue et que, pour ma part, je n'ai jamais approuvée, qu'un de ces hommes, fût-il mon ennemi personnel, surtout s'il est mon ennemi personnel, frappe à ma porte, j'ouvre. Il est dans ma maison. Il est inviolable. »
  • Arthur Rimbaud : « L’ordre est vaincu ! » [44] et dans Les Mains de Jeanne-Marie, il voit celles-ci « merveilleuses […] / Sur le bronze des mitrailleuses/A travers Paris insurgé. »[45]
  • Paul Verlaine, qui a quitté les rangs de la Garde nationale pour ceux des Communards, reconnaît, dans Les Vaincus : «  Ils nous ont enchaînés ! mais les chaînes sont faites/ Pour tomber » et clame ensuite : « Vous mourrez de nos mains, sachez-le, si la chance/Est pour nous. Vous mourrez, suppliants, de nos mains./La justice le veut d'abord, puis la vengeance." [46]

6.3 Basilique du Sacré-cœur[modifier | modifier le wikicode]

Sacré Coeur Vive la Commune.jpg

À l'emplacement du point de départ du soulèvement parisien, la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre fut construite, en application d'une loi du 24 juillet 1873, pour « expier les crimes des fédérés ». Sa construction débuta en 1875. Le choix d'ériger la basilique sur la colline de Montmartre était hautement symbolique pour la droite victorieuse, c'est là que débuta l'insurrection le 18 mars. Après la cérémonie de pose de la première pierre, Hubert Rohault de Fleury fit explicitement le lien :

« Oui, c'est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément Thomas et Lecomte, que s'élèvera l'église du Sacré-Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l'Église semblait surtout animer. »

On ne trouve pas de mention de cette motivation dans le texte de loi voté par l'Assemblée Nationale, mais déjà à l'époque elle était dénoncée par l'opposition de gauche.

6.4 Chansons[modifier | modifier le wikicode]

La Commune a donné naissance à plusieurs chansons, parmi lesquelles on peut en particulier noter :

  • Celles du chansonnier Jean Baptiste Clément, qui prend part aux combats de mai 1871, ce qui lui inspirera La semaine sanglante. Par ailleurs sa chanson Le Temps des cerises, composée en 1867, prend alors une dimension nouvelle lorsqu'il la dédie, après les combats, à Louise, une ambulancière croisée sur les barricades : les « gouttes de sang » des cerises symbolisant le sacrifice du peuple de Paris.

7 Répercussions de la Commune de Paris[modifier | modifier le wikicode]

7.1 Ailleurs en France[modifier | modifier le wikicode]

Communes1871.jpg

D'autres mouvements ont éclaté ailleurs en France en solidarité, même s'ils sont restés de plus faible ampleur.[47]

7.2 Commune d'Alger[modifier | modifier le wikicode]

Il y eut également une « commune d'Alger », essentiellement dirigée par des Français, et en parallèle un mouvement d'insurrection kabyle connu comme « révolte de Mokrani » (les deux mouvements ne réalisant cependant pas la jonction).[48][49]

8 Communards ou communeux ?[modifier | modifier le wikicode]

A l'époque, le terme de « communards » était celui-ci utilisé par les ennemis de la Commune (le suffixe -ard étant souvent dépréciatif : flemmard, soudard...). Celles et ceux qui animaient la Commune se dénommaient eux et elles-mêmes les « communeux » et « communeuses ». Les communeux ont vite repris le terme de Communards par fierté.

9 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

Articles

Vidéos

Romans

  • Lucien Descaves, Philémon, Vieux de la Vieille, 1913 [Entre le roman et le recueil de témoignages]
  • Jean-Pierre Chabrol, Le canon fraternité, 1970

Ouvrages

10 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Jeanne Gaillard, “Les Usines Cail Et Les Ouvriers Métallurgistes De Grenelle.” Le Mouvement Social, no. 33/34, 1960, pp. 35–53. JSTOR, www.jstor.org/stable/3777333. Accessed 12 May 2021.
  2. 2,0 et 2,1 Paris.fr, Les 150 ans de la Commune : l'origine (1/5), Mars 2021
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  27. P. Segur, « Aux sources de la conception occidentale de la laïcité », in Champs Libres, études interdisciplinaires : Justice et religion, Université de Toulon et du Var, éd. L'Harmattan, 2000, p. 31 et suiv.
  28. Voir la Fiche Maîtron de Camille Treillard, communard en charge de l'Assistance publique.
  29. Décret du 12 avril 1871, JORF, no 103, 14 avril 1871, p. 275.
  30. Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1852
  31. Michèle Audin, « Non, la Commune n'a pas… (19) …brûlé la guillotine », sur La Commune de Paris, (consulté le 9 novembre 2020).
  32. Journal illustré de la Commune, On a brûlé la guillotine, RaspouTeam
  33. Les Amies et Amis de la Commune de Paris, 6 avril – La guillotine brûlée place Voltaire, Août 2022
  34. Karl Marx, Le 18 brumaire de L. Bonaparte, 1851
  35. 35,0 35,1 et 35,2 Karl Marx, La guerre civile en France, 1871
  36. K. Marx - F. Engels, Le manifeste du Parti communiste - Préface à l’édition allemande de 1872
  37. Karl Marx, Lettre à Ludwig Kugelmann, 17 avril 1871
  38. Karl Marx, Lettre à Ferdinand Domela Nieuwenhuis, 22 février 1881
  39. Trotski, La guerre et l'Internationale, 31 octobre 1914
  40. 40,0 et 40,1 Lénine, Au sujet des compromis, Rédigé du 1er au 3 septembre 1917
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  42. James Guillaume, L’Internationale, tome II, p. 191
  43. F. Engels, De l'autorité, Décembre 1873
  44. Full text of Revue d'Ardenne et d'Argonne
  45. Arthur Rimbaud, Oeuvres poétiques, Paris, Garnier-Flammarion, 1964, 184 p., p.73
  46. Les vaincus - Paul Verlaine
  47. Cf. l'article Wikipédia « Communes insurrectionnelles en France en 1870-1871 »
  48. France inter, La commune... d'Alger, février 2021
  49. Les amies et amis de la Commune, La Commune de Paris et l’Algérie, avril 2012