Club politique
Un club est un mot emprunté au 18e siècle à l’anglais, pour signifier la réunion, les assemblées de plusieurs personnes, à certains jours fixes, pour s’entretenir des affaires publiques.
La Révolution française a donné un très grand développement à ces associations, diversement appelées clubs politiques, sociétés populaires ou patriotiques ou clubs jacobins, où les citoyens discutaient d’affaires politiques. Ces sociétés prennent leur modèle dans le club des Jacobins de Paris où s'illustrent les plus grands orateurs de cette époque (Robespierre, Danton) Les membres y débattent des thèmes de société, commentent l'actualité et discutent des projets de loi mis en place par l'Assemblée nationale.
On peut voir dans les clubs des prémices des partis politiques, même s'il n'y a alors que la composante « club de discussion » et pas encore l'aspect organisation avec maillage territorial (celui-ci s'esquisse cependant du côté jacobin).
Contrairement aux « sociétés amicales », qui visent l'entraide entre travailleurs, les clubs sont plutôt des lieux de discussion idéologique entre membres des classes supérieures.
1 Histoire[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Début du 18e siècle[modifier | modifier le wikicode]
L'origine des clubs politiques est dans les Gentlemen's club anglais.
L’un des premiers clubs à être fondé en France fut le club de l'Entresol, créé à Paris en 1720 par les abbés D'Alary et de Saint-Pierre. Ce club qui se réunissait le samedi de cinq heures du soir à huit heures chez le président Hénault, pour discuter de questions politiques et économiques, compta le marquis d’Argenson, Montesquieu, le marquis de Balleroy, l’abbé de Bragelonne, l’abbé de Pomponne, Claude-Adrien Helvétius, maréchal-duc de Coigny, le maréchal de Matignon, le marquis de Lassay, le comte de Verteillac, le duc de Noirmoutier, Saint-Contest, Marie du Deffand, Madame de Luxembourg, Madame de Pont de Veyle, Madame de Rochefort, Madame Bernin de Valentinay, marquise d’Usés, Madame de Forcalquier, Horace Walpole, le chevalier de Ramsay et le vicomte Bolingbroke parmi ses habitués. Inquiet des idées développées dans ce club, le cardinal Fleury mit fin à ses activités en 1731.
1.2 Révolution française[modifier | modifier le wikicode]
Sous la Révolution, le premier club révolutionnaire est, le 30 avril 1789 le club breton, où les députés du Tiers de Bretagne se réunissent pour coordonner leurs efforts au sein des États généraux. Il rassemble rapidement des députés des autres provinces, et devient à l’automne la Société de la Révolution, puis la Société des Amis de la Constitution (qui sera connu comme Club des Jacobins). Le 8 février 1790, elle se donne pour objectif de travailler à l’affermissement de la Constitution.
De très nombreux autres Clubs seront fondés dès 1789, à Paris et dans les principales villes de France. À l'origine, beaucoup d'entre eux sont fréquentés par des notables aisés réformistes. Elles prennent alors le nom de Société des Amis de la Constitution. En 1790, elles se multiplient un peu partout en France et deviennent des acteurs importants de la politique locale.
Parfois, plusieurs sociétés coexistent dans une même ville surtout à Paris où les différents clubs regroupent des sensibilités politiques différentes (et évoluant chacun beaucoup et rapidement au gré des événements).
À partir de juin 1793, les sociétés sont épurées et les membres les plus modérés sont rejetés. Les sociétés populaires deviennent révolutionnaires. Les sans-culottes des clubs envoyaient fréquemment des délégations présenter leurs pétitions à l'Assemblée.
Sous la Terreur, dans chaque ville, une société populaire assure de concert avec les municipalités et les comités de surveillance la bonne application des lois et dénonce les contre-révolutionnaires.
1.3 Révolution de 1848[modifier | modifier le wikicode]
Sous la Restauration, les clubs sont réprimés. Une des façons de contourner la limitation du droit de réunion que trouvent les libéraux et les républicains est la méthode des banquets politiques.
Les clubs fleurissent au moment de la révolution de février 1848 : jusqu'à 450 à Paris[1][2]. Les plus caractéristiques sont celui de la Société Républicaine Centrale de Blanqui ; elle est concurrencée par la Société fraternelle centrale de Cabet et le Club des Amis du Peuple de Raspail. La presse, qui jouit désormais de la liberté totale, se développe. Lammenais crée le Peuple constituant, Proudhon collabore au Représentant du Peuple, Lacordaire publie L'Ère nouvelle, dont le titre est emblématique de l'état d'esprit dominant au début du printemps 1848. Les clubs envoyaient des délégués au Gouvernement. Deux clubs féministes furent aussi créés : le Club fraternel des lingères avec Désirée Gay, et la Société de la voix des femmes avec Eugénie Niboyet. Ces militantes avaient été marquées par le saint-simonisme et le fouriérisme.
Puis les clubs radicaux sont réprimés suite au tournant réactionnaire, à commencer par les clubs féminins en avril. Même Ledru-Rollin, « républicain avancé », prend position contre les clubs et leur agitation. Le 12 mai, la Constituante interdit aux clubs d'envoyer leurs délégués à l'Assemblée.
Enfin, les clubs sont interdits sous le régime bonapartiste.
1.4 Commune de Paris[modifier | modifier le wikicode]
Un assouplissement se produit à la fin du Second Empire. En 1868, il fut autorisé de se réunir, à condition d'éviter les sujets politiques et religieux, de constituer les bureaux la veille au soir et permettre la présence de commissaire de police. Aussi, nombre d’assemblées, tout en évitant la politique, en profitèrent pour remettre en cause la société et son fonctionnement. Les bourgeois faisaient partie de ces cibles de certaines de ces réunions.[3][4]
Cette situation permit à certains clubs de 1848 de réapparaître. Des anciens des clubs du Conservatoire ou du Club des clubs allèrent aux réunions de la Redoute, du Pré-au-clerc, ou aux Folies Belleville.
Le 4 septembre 1870, la Troisième République est proclamée. Les réunions publiques sont désormais totalement libres. La pratique d'envoyer des délégués au Gouvernement reprend. Celui-ci d’ailleurs les recevait souvent. Toutefois, en raison du nombre de clubs, les ministres ne tardèrent pas à nommer des délégués pour les recevoir. Puis, les communications se firent par articles de journaux.
A partir du 17 septembre, Paris est soumise au siège de l’armée prussienne. Dans ce contexte, les théâtres sont fermés. Cette situation nouvelle libère des grandes salles, rapidement occupées par les clubs. Les clubs prirent alors le nom des salles qu’ils avaient investi : le club des Folies Bergères, le club du Pré-aux-clercs de la rue du Bac, le club de la Reine Blanche, le club de la Porte Saint Martin… On trouva aussi le club du Collège de France, celui de l’Ecole de Médecine…
A chaque assemblée, le public élisait le bureau. Toutefois, dans certains d’entre eux, rapidement, il était élu sur la base de la proposition des organisateurs. Des commissaires étaient désignés pour maintenir l’ordre. Certains employés tenaient la caisse : il fallait donner entre 10 et 50 centimes pour participer aux assemblées. Ainsi, on payait la location de la salle et les frais d’éclairage et de nettoyage. Dans le club Favié à Belleville, un débat fut ouvert sur la gratuité. Il fut alors décidé que la participation aux frais serait ouverte sans être obligatoire (prix libre).
Le profil politique des clubs évoluait rapidement au grès des préférences et des regroupements. Ainsi, dans le Club des Folies Bergères, pourtant très révolutionnaire, le bureau devint de plus en plus disparate, en raison de la présence toujours plus nombreuse dans l’assemblée de parisiens modérés. Ils devinrent même majoritaires… faisant fuir les partisans de la Révolution. C’est ainsi que le club des Montagnards installé boulevard de Strasbourg attira ces déçus.
Les clubs se transformaient souvent en tribunaux populaires. On pouvait y dénoncer tel abus, tel manque de participation d'untel à la Garde nationale...Le club de Belleville condamna à mort des « traitres ». Les participants devaient se charger eux mêmes de l’exécution de la sentence. La délation était d’ailleurs dans certains clubs encouragée.
Dans le contexte du siège, beaucoup de clubs étaient occupés par des discussions sur des inventions pour lutter contre l'ennemi : feu grégeois, « fusée Satan pouvant détruire 60 000 prussiens par heure »…
Suite au soulèvement du 22 janvier 1871, les clubs sont interdits par le gouvernement. Dans des arrondissements dominés par des bourgeois favorables à Thiers, ils cessent leur activité. Ailleurs, ils se radicalisent. Certains se réunissent directement dans les boulevards ou dans les passages couverts. D'autres se réunissent secrètement (Elysée Montmartre, Reine Blanche, Charonne...).
Après l'insurrection de la Commune, les clubs deviennent le lieu d'une intense activité populaire.[5] Ils se fédérèrent le 7 mai 1871 afin d'avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune. Il n'y a alors plus de clubs dans les quartiers bourgeois de l'ouest parisien (VIIe, VIIIe et XVIe). Louise Michel anime le Club de la Révolution dans l’église Saint-Bernard de la Chapelle, où elle prône les écoles professionnelles, les orphelinats laïcs ainsi qu’un enseignement vivant et populaire.[6] L'Union des femmes coordonne et intervient dans plusieurs clubs, mixtes comme le Club de vigilance de Montmartre, ou uniquement féminins comme le Club de la Boule Noire.
2 Cadre législatif et réglementaire[modifier | modifier le wikicode]
Bien que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne mentionne pas le droit de réunion et d’association, le cadre législatif se met rapidement en place. L’article 62 de la loi du 14 décembre 1789 réserve aux citoyens actifs (ceux dont le total des impôts directs dépasse un certain seuil) la participation aux clubs. Le 29 avril 1790, les militaires peuvent assister aux réunions, à condition qu’ils ne portent pas leurs armes. Le 10 mai suivant, il est interdit aux clubs de présenter une pétition en nom collectif.
Les clubs sont protégés par la Constituante : ainsi, la société de Dax ayant été dissoute autoritairement par la municipalité, un décret du 14 novembre 1791 la rétablit, en précisant que les « citoyens ont le droit de s’assembler et de former entre eux des sociétés libres à la charge d’observer les loix (sic) qui régissent tous les citoyens ». La liberté est donc le principe, et le trouble à l’ordre public la seule restriction à l’activité des clubs. Les décrets des 19 et 22 juillet 1791 imposent la déclaration préalable à la mairie des lieux et jours des réunions. Enfin, un décret des 29-30 septembre limite leur existence politique : ils ne peuvent agir sur les pouvoirs publics, pétitionner en nom collectif, ou former des députations. La Constituante souhaitait ainsi clairement freiner leur expansion, et ainsi achever la Révolution.
Les fédéralistes sont généralement hostiles aux clubs : ils font fermer les clubs, ou arrêter leurs membres. Le 13 juin 1793, un décret de la Convention interdit aux pouvoirs publics d’intervenir ou de gêner le fonctionnement des sociétés populaires, renforcé par celui du 25 juillet, qui interdit aux autorités de mettre obstacle à leur fonctionnement, sous peine de poursuites. Les sociétés populaires deviennent ainsi des acteurs politiques à part entière et discutent de tous les sujets.
Le 30 octobre 1793, la Convention interdit aux femmes la possibilité de créer et d'animer des clubs politiques. Tous les clubs et sociétés populaires de femmes sont dissous[7]. Il est désormais interdit aux femmes de se réunir.
Le coup d’État de Thermidor les met à mal : le 21 brumaire an III, le club des Jacobins est définitivement fermé. Le 25 vendémiaire (16 octobre), les affiliations et correspondances entre clubs sont interdites, et les clubs doivent envoyer une liste de leurs membres aux autorités. L’article 361 de la constitution de l'an III (5 fructidor an IV - 22 août 1795) interdit qu’une association porte le nom de société populaire, et l’article 362 interdit les séances publiques, les réseaux, les signes extérieurs d’appartenance pour les membres, les règlements intérieurs. Le 6 fructidor, la dissolution de toutes les sociétés populaires est prononcée, leur fermeture imposée et leurs biens saisis.
3 Extension et recrutement[modifier | modifier le wikicode]
Pratiquement 10 % des communes françaises ont eu une société populaire, affiliée ou non à un des clubs parisiens.
La plupart des clubs de province étaient parrainés par le club des jacobins : 90 en août 1790, 210 en mars 1791, 400 en juin, 550 en octobre, après la crise et la scission du club des Jacobins provoquée par la fuite à Varennes. Lors de la proclamation de la République, toutes tendances confondues, il existe environ 3000 clubs. Un an plus tard, ils sont entre trois et huit mille, dont 800 affiliés aux jacobins. Dans certains départements, on compte beaucoup plus de clubs : 63,5 % des communes en ont un dans les Basses-Alpes[8], 90 sur 110 dans les Bouches-du-Rhône, et plus encore le Vaucluse et la Drôme.
4 Les clubs de femmes[modifier | modifier le wikicode]
À partir de 1790, des femmes créent leurs propres clubs. 10 villes auraient abrité un club de femmes. À Paris, la Société patriotique et de bienfaisance des Amies de la Vérité est fondée par Etta Palm d'Aelders en mars 1791. En mai 1793, la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires est fondée, par Pauline Léon, chocolatière, et Claire Lacombe, actrice[9]. Toutes ces sociétés sont dissoutes par la Convention le 30 octobre 1793[7]. Les femmes vont cependant continuer à fréquenter les sociétés mixtes. En 1794, sur 5 500 sociétés, une dizaine à Paris et une vingtaine en province sont mixtes[9].
5 Action des clubs et sociétés populaires[modifier | modifier le wikicode]
Les clubs ont principalement une action de formation politique et d’information des citoyens. Les affiliations et parrainages constituent un réseau de sociétés populaires, qui se font les relais politiques des clubs parisiens. Ce rôle de discussion des nouvelles évolue ensuite vers un rôle de défense de la Révolution, avec comités de surveillance locaux.
6 Clubs principaux[modifier | modifier le wikicode]
- Carabot
- Cercle social
- Club breton
- Club de 1789
- Club de Clichy
- Club de Salm
- Club des Cordeliers
- Club des Feuillants
- Club des Impartiaux
- Club des Jacobins
- Club des échecs
- Club du Manège
- Club du Panthéon
- Société fraternelle de l'un et l'autre sexe
- Société patriotique du Luxembourg
- Société populaire de Nantes
- Société des républicaines révolutionnaires
7 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ https://fr.wikipedia.org/wiki/Clubs_créés_en_1848
- ↑ Michelle Zancarini-Fournel, Les Luttes et les Rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours., Paris, La Découverte, 2016, 995 p. (ISBN 978-2-35522-088-3), p. 292
- ↑ Histoire de Paris, Les clubs de la Commune de Paris, constitués avec la République, et au cœur des soulèvements à Paris de 1871, Septembre 2017
- ↑ https://fr.wikipedia.org/wiki/Clubs_de_la_Commune_de_Paris
- ↑ Gustave de Molinari, Les clubs rouges pendant le siège de Paris, 1871
- ↑ Le Dictionnaire de la Commune, Hazan, 1971 (Flammarion, coll. « Champs », 1978, 2 vol.)
- ↑ 7,0 et 7,1 Jean-Clément Martin, La révolte brisée : femmes dans la Révolution française et l'Empire, Paris, Colin, , 272 p. (ISBN 978-2-200-34626-3), p. 134-141
- ↑ Alphand, p. 295
- ↑ 9,0 et 9,1 Dominique Godineau, « Le genre de la citoyennté », Genre, femmes, histoire en Europe, Presses universitaires de Paris Ouest,
8 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Boutier, Jean, et Boutry, Philippe, Les sociétés politiques, volume 6 de l'Atlas de la Révolution française, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 1992, 132 p. (avec une importante bibliographie)
- Boutier, Jean, et Boutry, Philippe, « Les sociétés politiques en France de 1789 à l'an III : une “machine” ? », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, XXXVI, 1989, p. 29-67.
- Cardénal, Louis de, La province pendant la Révolution. Histoire des clubs jacobins, Paris, Payot, 1929, 517 p.
- Brinton, Clarence Crane, The Jacobins. An essay in the new history, New York, 1930 ; 2e éd., New York, 1961, 319 p.
- Kennedy, Michael L., The Jacobin Clubs in the French Revolution. I : The first years, Princeton, Princeton University Press, 1982, xii-381 p.; II : The middle years, Princeton, Princeton University Press, 1988, xi-440 p.; The Jacobin Clubs in The French Revolution, 1793-1795, New-York – Oxford, Bergham Books, 2000, 312 p.
- Quelques approches locales :
- Aulard, Alphonse, Le club des Jacobins. Recueil de documents pour l'histoire du club des Jacobins de Paris, Paris, Jouaust,1889-1897, 6 vol.
- Alphand, Patrice, « Les Sociétés populaires », La Révolution dans les Basses-Alpes, Annales de Haute-Provence, bulletin de la société scientifique et littéraire des Alpes-de-Haute-Provence, no 307, 1er trimestre 1989, 108e année, p. 288-350
- Procès-verbaux des clubs de Jacobins de Compiègne (Oise) : (mars 1791-avril 1795), présentés et édités par Jacques Bernet, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011, 761 p.
- Monnier, Raymonde, " Les sociétés populaires dans le département de Paris sous la Révolution », in Annales historiques de la Révolution française, no 278, 1989, p. 356-373, [lire en ligne]; « Paris au printemps 1791, les Sociétés Fraternelles et le problème de la souveraineté », in Annales historiques de la Révolution française, no 287, 1992, p. 1-16, [lire en ligne].
- Peyrard, Christine, Les Jacobins de l’Ouest. Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse Normandie, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, 408 p.
- Pingué, Danièle, Les mouvements jacobins en Normandie orientale. Les sociétés politiques dans l’Eure et la Seine-Inférieure, 1790-1795. Préface de Jean-Pierre Jessenne, Paris, CTHS, 2001, 654 p.