Mouvement ouvrier

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Le mouvement des travailleur·ses, dit plus traditionnellement le mouvement ouvrier, est l'irruption des travailleurs sur la scène politique, très fluctuante en puissance et en orientation selon les époques et les courants d'idées qui le traversent. C'est un mouvement des masses pour défendre leurs conditions de vie et lutter contre l'exploitation capitaliste, pour partie spontané et pour parti soutenu par le mouvement socialiste. Pour les communistes, c'est lui qui a le potentiel pour mener la révolution socialiste.

1 Composantes du mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement ouvrier est d'une définition malaisée, qui recouvre plusieurs champs, dont principalement :

Selon les conceptions, ces luttes sont plus ou moins dissociées, et les revendications plus ou moins radicales.

2 Le mouvement et les partis[modifier | modifier le wikicode]

A la suite de Karl Marx, les penseurs du mouvement ouvrier ont souvent distingué le mouvement ouvrier organisé, « le parti formel », du mouvement spontané, « parti réel ». Et de fait, le lien entre les deux connaît des variations assez importantes. Un parti ouvrier peut être organiquement et hégémoniquement lié à sa classe (le SPD au début du 20e siècle, le parti bolchévik en 1917, la CNT en 1936...), comme il peut être faible et en concurrence âpre avec d'autres parti ouvriers voire bourgeois.

Karl Kautsky, principal théoricien de la social-démocratie allemande et donc de l'Internationale socialiste, définissait le mouvement ouvrier comme « la partie du prolétariat qui milite pour les intérêts généraux de sa classe », qu'il oppose à la fois au corporatisme de l’aristocratie ouvrière et aux « classes inférieures du prolétariat salarié, végétant dans l’impuissance et le désespoir ».[1]

Un parti avec une ligne politique défendant objectivement les intérêts de classe du prolétariat peut se retrouver marginalisé, comme c'est le cas pour l'instant des mouvements trotskistes. Selon le niveau de la conscience de classe, le mouvement ouvrier peut suivre des partis réformistes et s'imprégner d'illusions. Mais les communistes révolutionnaires combattent les politiques réformistes et révisionnistes qui ne peuvent mener qu'à des illusions électoralistes et potentiellement, en tant de crise pré-révolutionnaire, à un fourvoiement total du mouvement ouvrier.

3 Revendications, idées et perspectives[modifier | modifier le wikicode]

Une représentation classique de la gauche comme camp des masses populaires.

Le mouvement ouvrier a bien évidemment été avant tout une réponse à la condition ouvrière. Les revendications premières sont donc basiquement la lutte contre la pénibilité du travail, pour la hausse des salaires, la baisse du temps de travail (baisse du nombre d'heures dans la journée, augmentation du temps de pause, congés payés, retraites...). En un mot, d'un point de vue marxiste, à la diminution du taux d'exploitation.

On peut caractériser de trade-unionisme le mouvement ouvrier qui se cantonne à la lutte syndicale pour ces revendications.

Mais le mouvement ouvrier a tôt fait de s'impliquer dans la politique, le première des raisons étant qu'il est sans cesse attaqué par la réaction bourgeoise. Le progressisme dont il est porteur doit être défendu sur la place publique. C'est pourquoi sous l'impulsion de nombreux théoriciens, le mouvement ouvrier s'est souvent inscrit dans le combat socialiste. Le marxisme, ou socialisme scientifique, qui voit dans la classe ouvrière les conditions de la société communiste, en est pour nous l'expression la plus aboutie. Dans cette perspective,

« La classe ouvrière doit inscrire sur son drapeau le mot d'ordre révolutionnaire "abolition du salariat", qui est son mot d'ordre final » Karl Marx[2]

Le mouvement ouvrier n'est alors plus vu comme un mouvement tournant en rond, mais porteur d'une nouvelle organisation sociale et capable d'un dépassement révolutionnaire.

Il y a toutefois de nombreux autres courants d'idées qui proposent aux travailleurs d'autres orientations, dont principalement :

4 Conditions objectives[modifier | modifier le wikicode]

La diversité idéologique du mouvement ouvrier a sa logique propre dans les débats stratégiques et politiques entre différents courants, mais elle a également de nombreuses racines objectives dans la réalité et l'histoire du prolétariat.

4.1 Diversité de conditions de vie et de travail[modifier | modifier le wikicode]

La classe ouvrière n'est pas entièrement homogène du point de vue de ses conditions sociales d'existence. Selon que les travailleurs travaillent dans la grande ou dans la petite industrie, sont urbanisés depuis plusieurs générations ou seulement depuis une date récente sont hautement qualifiés ou bien d'une qualification moyenne, ils seront normalement enclins à comprendre plus ou moins rapidement la validité de certaines idées de base du socialisme scientifique. Les corps de métier hautement qualifiés pourront plus rapidement comprendre la nécessité d'une organisation syndicale que des ouvriers chômant pendant la moitié de leur vie. Mais leur organisation syndicale risque aussi de succomber plus rapidement aux tentations du corporatisme étroit, subordonnant les intérêts généraux de la classe ouvrière aux intérêts particuliers d'une aristocratie ouvrière qui défend ses avantages en essayant d'interdire l'accès à la profession. Pour les ouvriers des grandes villes et de la grande industrie, il est plus facile de prendre conscience de la force potentiellement énorme de la grande masse prolétarienne et de croire à la possibilité d'une lutte victorieuse du prolétariat pour arracher le pouvoir et les usines à la bourgeoise, que pour des ouvriers travaillant dans de petites entreprises et vivant dans de petites villes.

4.2 Diversité d'expériences[modifier | modifier le wikicode]

A la non-homogénéité de la classe ouvrière s'ajoute la diversité de l'expérience de lutte. Tel groupe ouvrier aura fait l'expérience d'une dizaine de grèves (dont la plupart victorieuses) et de nombreuses manifestations ouvrières. Cette expérience déterminera en partie sa conscience de manière différente de celle d'un autre groupe de prolétaires qui n'aurait connu qu'une seule grève (d'ailleurs échouée) au cours d'une décennie et qui n'aurait jamais participé en bloc à une lutte politique.

Cette diversité d'expériences peut être considérée aussi à l'échelle de tout un pays. La classe ouvrière britannique, la première à accéder à l'organisation politique de classe indépendante avec le chartisme, n'a jamais connu un parti de masse fondé sur le marxisme. Son parti de masse, le parti travailliste, est né du syndicalisme de masse. La classe ouvrière française, fortement marquée par des traditions particulières de la première moitié du 19e siècle (babouvisme, blanquisme, proudhonisme) a été freinée dans son accession au marxisme par la faiblesse relative de la très grande industrie, dispersion relative dans des villes de province relativement petites. Il a fallu attendre l'essor des grandes usines dans la banlieue parisienne, lyonnaise, marseillaise et du Nord des années 1920 et 1930 accentué au cours des années 1950 et 1960, pour que la grève de masse puisse déterminer le cours général de la lutte de classe (juin 36, grèves de 1947-1948, mai 68) et que le PCF devienne le parti hégémonique de la classe ouvrière, lui donnant un vernis et une tradition se référant explicitement au marxisme. La classe ouvrière et le mouvement ouvrier espagnols ont été longuement marqués par la tradition de syndicalisme révolutionnaire, fortement influencé par le sous-développement prononcé de la grande industrie dans la péninsule ibérique, etc.

5 Histoire du mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Révolution industrielle[modifier | modifier le wikicode]

La Révolution industrielle au 19e siècle va engendrer l'essor du prolétariat, et donc jeter les bases d'une conscience de classe ouvrière. Mais l’éveil de la conscience ouvrière est inégal et lent. En Grande-Bretagne et aux États-Unis, l’ardeur ouvrière commence par prendre la forme idéologique de sectes religieuses en rupture plus ou moins radicale avec le clergé dominant.

Les « dissidents » l’emportent vers 1850 dans toutes les villes et régions industrielles anglaises, face à une Église anglicane à usage des classes moyennes et supérieures. Chaque période de crise économique et sociale amène de nouveaux convertis aux sectes, au moment où, parallèlement, les immigrés irlandais donnent au catholicisme un visage plus dynamique. Plus la population industrielle est récente, plus la piété individuelle peut avoir des chances de l’emporter. En revanche, dans les vieux milieux d’artisans aguerris, le radicalisme et le laïcisme l’emportent. Baptistes, wesleyens, méthodistes primitifs recrutent dans le monde nouveau et déraciné de l’usine : ce lieu infernal suscite des âmes ardentes, toutes tournées vers leur salut personnel, à l’aise dans une religion communautaire et rude d’où les patrons sont exclus. Souvent, des Primitifs donnent les premiers militants du syndicalisme : le salut passe par la justice collective, à grand renfort d’argumentations bibliques. Du non-conformisme religieux au non-conformisme social et politique, le chemin est difficile, mais beaucoup de travailleurs le suivront.[3]

Imprégné de religiosité, le mouvement ouvrier des révoltes primitives est tout aussi mal à l’aise dans le cadre des anciennes associations issues du Moyen Age (corporations, sociétés amicales...). Ainsi, en France, le compagnonnage s’affaiblit souvent devant les progrès de l’industrialisation. Ces sociétés secrètes, avec leurs rites et leur solidarité, leur organisation et leur encadrement quasi militaires des adhérents, ont fourni des militants, des idéaux et des méthodes : le boycott, la grève, la caisse de solidarité, le sens de la fidélité et la conscience collective. Mais le mouvement est divisé en sociétés rivales. Utile pour des artisans désireux de se perfectionner dans leur métier par un tour de France ou d’Europe, il s’adapte très mal au monde de l’usine ; ses secrets, ses cérémonies désuètes ne sont plus admis. Face à l’usine, il fallait trouver autre chose que des « Mères », des « routeurs » et de vieilles rivalités. Au long du 19e siècle, les anciens qui ont réussi, c’est-à-dire les patrons, prennent les rênes du mouvement, qui, au nom du travail bien fait, se replie sur le culte des grandes heures passées.

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5.2 Période récente[modifier | modifier le wikicode]

Durant les dernières décennies, les délocalisations et les investissements ont beaucoup transformé l'Asie du Sud-Est et l'ont fortement prolétarisée. Les conditions de travail y sont encore parmi les pires du monde, mais lentement et sûrement, un mouvement ouvrier s'y est développé en réponse à l'exploitation. En Corée du Sud, le salaire a été multiplié par 6 entre 1970 et 1996. Cette lutte économique a nécessité une lutte politique contre la dictature. En 1995, 400 000 travailleurs créent une confédération syndicale indépendant, et suite à la tentative de la police de disperser leur congrès, 70 000 d'entre eux manifestent immédiatement.

En Thaïlande, le secteur du textile lance une grève générale en 1993 et obtient le relèvement des salaires à 460 €. Dans la Zone Economique Spéciale de Shenzen, les salaires ont été multipliés par 10 en 10 ans, et sont aujourd'hui les plus élevés de toute la Chine.

6 Par pays[modifier | modifier le wikicode]

7 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Karl Kautsky, Le programme socialiste. V. La Lutte de classe, 1892
  2. Karl Marx, Lettre à Kugelmann, 1848
  3. Jean-Pierre Rioux, La révolution industrielle, Points, 1971