Droit de vote des femmes

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Louise Weiss et d'autres manifestantes en 1935.

Le droit de vote des femmes est un droit qui a presque toujours été arraché plus tard que le droit de vote pour tous les hommes (on parlait même souvent de « suffrage universel » alors même que la moitié de la société en était privé).

Aujourd'hui il est reconnu dans tous les pays, à quelques micro exceptions près.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Premières « démocraties »[modifier | modifier le wikicode]

Ce qu'on définit comme les « premières démocraties », comme la démocratie athénienne (-508 à -322), étaient en fait des régimes dans lesquels seuls les hommes non esclaves et non étrangers avaient le droit de vote.

1.2 Exceptions médiévales[modifier | modifier le wikicode]

En France, sous l'Ancien Régime, les femmes légalement déclarées chefs de famille (veuves, célibataires ou en cas d’absence du mari) avaient jusqu'en 1789 le droit de vote dans les assemblées municipales[1],[2]. Dès 1302 et jusqu'en 1789, les femmes nobles propriétaires de fief et les mères abbesses étaient convoquées aux États généraux pour élire leurs représentants[3],[4]. Aux élections aux États généraux de 1789, les membres des communautés religieuses étaient admises à voter, ainsi que pour le Tiers État, les chefs d'exploitation agricoles ou d'entreprises, en ville, les membres des corps et communautés de métiers.

1.3 Reculs à l'époque moderne[modifier | modifier le wikicode]

Dans la plupart des grandes révolutions démocratiques-bourgeoises, le suffrage universel était tout juste envisageable (beaucoup de possédants voulaient cependant conserver le suffrage censitaire), mais pas le droit de vote des femmes. Ainsi au plus fort de la Révolution française de 1789, sous les Montagnards, le suffrage universel masculin a été concédé. Les revendications d'extension de ce droit aux femmes (pourtant cohérentes d'un simple point de vue libéral), comme revendiqué par exemple par Olympe de Gouges, ont été fermement combattues.

Contrairement à une certaine vision simpliste du progrès (une vision déformée par les besoins de l'idéologie bourgeoise triomphante du 19e siècle), l’Époque moderne a même souvent constitué un recul sur le plan des droits des femmes. Par exemple, la Révolution française a mis fin aux exceptions qui leur donnaient le droit de vote sous l'Ancien régime : elles sont explicitement exclues du corps électoral à partir des élections à l'Assemblée législative de 1791[5].

1.4 Première vague du féminisme[modifier | modifier le wikicode]

Il faudra un long combat pour l'extension des droits démocratiques pour que les prolétaires (en général cela fut obtenu d'abord), et ensuite les femmes obtiennent le droit de vote. Ce fut notamment la principale revendication des « féministes » (même avant que le terme existe), et donc de ce qu'on peut appeler la première vague du féminisme.

En temps que revendication démocratique, la focalisation sur cette question peut relever d'un féminisme libéral. Les socialistes ont souvent critiqué les féministes de la classe bourgeoise qui prétendaient s'adresser à toutes les femmes, mais qu'un profond clivage de classe séparait des femmes prolétaires. Elles soulignaient que le droit de vote, en soi, sous le capitalisme, ne pouvaient pas amener beaucoup de changements pour les prolétaires, hommes comme femmes.

Le mouvement socialiste a néanmoins globalement pesé avec ses forces pour l'obtention du droit de vote des femmes. Ce sont notamment les femmes de l'Internationale ouvrière qui ont mis en place la journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars et aujourd'hui souvent dépolitisée par un certain féminisme institutionnel.

En Allemagne, les social-démocrates (SPD) ont été la principale force revendiquant le droit de vote des femmes, et c'est suite à la révolution de 1918 et à l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement dominé par le SPD que ce droit est acquis (en revanche, toute remise en cause des fondements du capitalisme est empêchée par la trahison des leaders du parti).

À l'indépendance des États-Unis (1776), le suffrage était limité aux hommes blancs propriétaires, et souvent aux protestants. Le dernier État à abolir la condition de propriété fut la Caroline du Nord en 1856, et le premier à accorder le droit de vote aux femmes fut le Wyoming en 1869 (généralisé au niveau fédéral en 1920 par le 19e amendement).

Au Royaume-Uni, le il faut attendre 1918 pour que le droit de vote soit étendu à tous les hommes de plus de 21 ans et aux femmes de plus de 30 ans[6].

En France, dans la première moitié du 20e siècle, le Sénat dominé par l'aile droite du Parti radical ne cessera de repousser le vote des femmes malgré les divers votes et propositions de l'Assemblée nationale, notamment une proposition du républicain Ferdinand Buisson[7], ainsi que le vote à l'unanimité des députés sous le Front populaire qui ne sera pas retranscrit à l'ordre du jour au Sénat[8]. Les femmes obtiennent le droit de vote en 1944[9].

1.5 Hésitations dans le mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Tout comme il y eut des réticences sur le travail des femmes dans le mouvement ouvrier, il y eut des réticences sur le droit de vote. Certains avancent des arguments réactionnaires, d'autres craignent que le vote des femmes serait majoritairement conservateur en raison de leur moindre conscience de classe (les femmes étant moins intégrées au marché du travail, moins syndiquées, plus influencées par l'église...).

Le mouvement ouvrier, notamment sous l'influence du socialisme et du féminisme, a cependant globalement évolué vers la défense du suffrage réellement universel.

Une polémique éclatait cependant encore au Congrès de 1907 de la Deuxième internationale, lorsque les socialistes autrichiens ont exprimé une opposition au droit de vote des femmes, au nom de considérations « tactiques ». En effet à cette époque en Autriche, le suffrage universel masculin n'était pas encore acquis, et les socialistes hésitaient à compromettre leur revendication en s’enga­geant pour le vote des femmes. Ils proposaient de différer cette lutte jusqu’à l’obtention du droit de vote pour les hommes. Ce point de vue, approuvé par les déléguées autrichiennes, fut vivement critiqué par Clara Zetkin et la majorité des délégués.

1.6 Lents progrès[modifier | modifier le wikicode]

Peu à peu, la tendance à accorder le droit de vote aux femmes se répand à l'ensemble des pays du monde, de façon très lente, et avec parfois des reculs.

Le droit de vote des femmes est beaucoup plus souvent accordé sous conditions (d'âge, de niveau d'instruction, de statut marital, de « moralité »...) que celui des hommes. Par exemple au Portugal en 1931, les femmes peuvent voter si elles sont diplômées de l’enseignement secondaire[10], alors que pour les hommes il est uniquement demandé de savoir lire et écrire.

On peut dire que le droit de vote des femmes a souvent été défini par leur rapport aux hommes. Ainsi en Espagne, en 1924, les femmes seules peuvent voter, mais pas les femmes mariées ni les prostituées. En Autriche non plus les prostituées ne pouvaient pas voter jusqu'en 1923.[11]

Le fait que le droit de vote était traditionnellement lié au statut de propriétaire (suffrage censitaire) a parfois primé sur le sexe et conduit à faire des exceptions. Ainsi dans l'Empire autrichien, les femmes propriétaires de terres, si elles étaient non mariées, pouvaient voter. Ce droit a été retiré en 1907, avant que le droit de vote réellement universel soit accordé en 1918 (dans un contexte révolutionnaire).

Parmi les derniers pays à avoir accordé le droit de vote aux femmes :

🔍 Pour plus de détails chronologiques : Droit de vote des femmes (Wikipédia).

1.7 Dernières restrictions[modifier | modifier le wikicode]

Au Vatican, l'accès au collège électoral (conclave) est réservé aux cardinaux et comme l'Église catholique romaine n'ordonne pas de femme, elles sont de facto privées du droit de vote. En revanche, au synode des évêques, une femme acquiert pour la première fois le droit de vote en 2021 (Nathalie Becquart ayant été nommée sous-secrétaire du synode).

On peut également citer une entité autonome grecque dans le cadre des situations particulières : la République monastique du Mont-Athos en Grèce étant interdite aux femmes (et « à toute créature femelle à l'exception des poules et des chattes », précise la règle de l’Abaton), de facto seuls les hommes y ont le droit de vote.

2 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Thérèse Puppinck, « Le long combat des catholiques pour le droit de vote des femmes », sur .aleteia.org, (consulté le 22 mai 2022).
  2. Jean Sévillia, Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, Perrin, Saint-Amand-Montrond, 2003, p. 22.
  3. (en) Steven C. Hause et Anne R. Kenney, Women's Suffrage and Social Politics in the French Third Republic, Princeton University Press, 1984, p. 3.
  4. Odile Rudelle, « Le vote des femmes et la fin de "l'exception française" », Vingtième Siècle. Revue d'histoire,‎ , p. 54
  5. Alexandre Maral, Les derniers jours de Versailles, Perrin, (ISBN 978 2 262 06411 2), p. 62.
  6. Yves Chenal, « 15 août 1867 - Droit de vote pour les ouvriers britanniques - Herodote.net », sur herodote.net, (consulté le 24 mai 2021).
  7. « Le droit des femmes 1909-2009 »
  8. Christine Bard, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes. 1914-1940, Fayard, , p. 355
  9. « La décision du Général de Gaulle - Histoire - Le suffrage universel - La conquête de la citoyenneté politique des femmes - Assemblée nationale », sur www2.assemblee-nationale.fr (consulté le 5 janvier 2022)
  10. Eleni Varikas, « Féminisme. Combat pour la défense d'un féminin pluriel », Le Monde-La Vie « L'atlas des périodiques », no 19,‎ , p. 68-69.
  11. "Frauenwahlrecht - Demokratiezentrum Wien". www.demokratiezentrum.org. Retrieved 2021-02-04.