Nathalie Lemel
Née le 24 août 1826 à Brest (Finistère), morte à l’hospice d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) le 8 mai 1921 ; relieuse ; membre de l’Internationale ; figure féminine et ouvrière de premier plan de la Commune de Paris.
1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Fonctions qu'elle occupe avant et pendant la Commune de Paris[modifier | modifier le wikicode]
Sur la vie de Nathalie Le Mel avant et pendant la Commune, il nous a paru intéressant de donner intégralement le texte d’un rapport de la commission des grâces en date du 21 août 1873.
« Séparée de son mari depuis trois ans à la suite des discussions violentes auxquelles elle se livrait continuellement, la jeune femme a fait partie de l’Internationale à dater de 1865 ; et c’est à peu près à la même époque qu’elle a fondé avec Varlin, Boulay, Gouet, Delacour et Lagneau la société de la Marmite qui ne tarda pas à devenir une des ramifications de l’Internationale — voir Dict., t. IV, p. 57. Elle cumulait les fonctions de caissière de la Marmite avec celles de secrétaire d’une Commission dite d’initiative pour la fédération des sociétés d’alimentation, de consommation et de production, dont les procès-verbaux, retrouvés après le rétablissement de l’ordre, ont prouvé qu’on s’y occupait bien plus de politique que d’alimentation.
Pendant le Siège, elle s’est fait remarquer par son assiduité au club de l’École de Médecine.
Sous la Commune, l’exaltation de son langage n’a pas connu de bornes, et on l’a entendue dans les clubs de l’église Saint-Germain l’Auxerrois, de la Trinité, de Notre-Dame de la Croix, prêcher les théories les plus subversives. De concert avec la nommée Dmitrieff, elle a rédigé le 6 mai un manifeste qui est au dossier p. 42, et qui dans les termes les plus violents appelle aux armes les femmes de Paris.
Enfin, lors de l’entrée des troupes régulières dans Paris, à la tête d’un bataillon d’une cinquantaine de femmes, elle a construit la barricade de la place Pigalle, et elle y a arboré le drapeau rouge. « Vous êtes des lâches, disait-elle aux gardes nationaux... Si vous ne défendez pas les barricades, nous les défendrons ».
La femme Le Mel a été arrêtée le 21 juin 1871 ; la veille de son arrestation, elle avait tenté de se suicider en avalant un demi-litre d’absinthe, parce qu’elle était, comme elle l’a avoué depuis, désespérée de la défaite de la Commune.
1.2 Procès[modifier | modifier le wikicode]
Elle n’a pas d’antécédents judiciaires.
Les autorités militaires sont d’avis qu’il n’y a pas lieu de proposer une mesure de clémence durant son procès, elle est déportée en Nouvelle-Calédonie.
Les interrogatoires en vue du procès nous ont appris que Nathalie Le Mel était plus particulièrement chargée des questions sociales, Élisabeth Dmitrieff s’occupant des questions politiques. Selon le Journal Officiel du 17 mai, Lemel — sans doute Nathalie Le Mel — fit partie, avec Delahaye, Faron, Jacquier, L. Martin, Minet et Petit, de la commission exécutive de la commission d’enquête et d’organisation du travail créée sous la Commune et qui tentait de grouper toutes les corporations ouvrières de Paris.... Mais la bataille de rue commençait... Et Nathalie Le Mel s’y distingua, aux Batignolles d’abord, place Pigalle ensuite, en soignant les blessés et en exhortant les fédérés à la résistance, mais sans faire le coup de feu, toutefois, du moins semble-t-il.
Le 4e conseil de guerre, devant lequel elle eut fière attitude, la condamna, le 10 septembre 1872, à la déportation dans une enceinte fortifiée. Ses amies formulèrent un recours en grâce en sa faveur, mais, lorsqu’elle fut au courant de cette démarche, Nathalie Le Mel écrivit la lettre suivante qui se trouve dans son dossier aux Archives nationales (elle ne comporte que deux fautes d’orthographe que nous avons corrigées) :
La Rochelle 7 août 1873.
Monsieur le Préfet,
Monsieur le directeur de la maison d’arrêt de la Rochelle vient de me communiquer l’ordre qu’il a reçu de surseoir à l’exécution de ma condamnation à la déportation dans une enceinte fortifiée, n’ayant pas reçu de nouvelles de mon recours en grâce.
Je déclare formellement que non seulement je n’en ai pas fait, mais que je désavoue celui qui serait fait à mon insu ainsi que tous ceux qui pourraient être faits dans l’avenir. Ma condamnation est irrévocable.
J’ai l’honneur de vous saluer,
Nathalie Duval, femme Le Mel.
Le 24 août, elle fut embarquée avec Louise Michel et une vingtaine d’autres compagnes sur La Virginie à destination de la Nouvelle-Calédonie. Dans Mémoires d’un jeune homme, Paris, 1895, H. Bauer, qui fut de la déportation, a dit de Nathalie Le Mel à cette époque (il orthographie par erreur son nom Lemesle) : elle est « d’intelligence remarquable, d’esprit clair et sagace », et « compte parmi les têtes du parti socialiste. »
1.3 Le retour en France[modifier | modifier le wikicode]
Graciée, Nathalie Le Mel s’embarqua sur La Picardie le 20 juin 1879 et regagna la France. En 1882, elle habitait Paris, 12, passage Germain-Pilon, et travaillait à l’Intransigeant pour un salaire annuel de 1 200 F.
Elle venait de témoigner sa sympathie aux fondateurs de La Revue socialiste (lettre du 17 novembre 1884 publiée dans le t. I de la revue, p. 57). Elle habitait alors, 39, rue d’Orsel. Elle demeura en correspondance avec la rédaction de la revue et son nom est cité de loin en loin, en avril 1886 par exemple (cf. n° 16 qui publie une lettre d’elle, datée 31 mars, au sujet du travail des femmes), en mars 87 (cf. p. 224, note de B. Malon). Après avoir vécu un temps de l’allocation mensuelle versée par l’Intransigeant à ses vieux serviteurs, Nathalie Le Mel connut la grande misère. Devenue aveugle, elle entra, en 1915, à l’hospice d’Ivry.
Une rue de Quimper porte son nom, ainsi qu’une petite place du IIIe arr. de Paris.
Depuis les années 1970, une rue de Saint-Étienne-du-Rouvray est dédiée à Nathalie Le Mel dans le quartier du Bic-Auber, à côté des rues Eugène Varlin, E. Pottier, JB Clément, E. Reclus, E. Dmitrieff.
1.4 Compléments[modifier | modifier le wikicode]
Nous n’apporterons que quelques retouches ou compléments à ce rapport en notant que Nathalie Le Mel, d’origine aisée, fille d’Allain Duval, corroyeur à Brest, et de Catherine Hardy, avait tout d’abord fondé un commerce de librairie à Quimper. Puis, ayant fait faillite, elle vint à Paris. É. Thomas note — op. cit. — que si elle se sépara de son mari, c’est en raison de son tempérament indépendant et de ses opinions politiques, mais aussi parce que son mari s’était mis à boire.
À Paris, Nathalie Le Mel, qui habitait, 12, impasse Béranger, milita aux côtés de Varlin, relieur comme elle, et c’est avec lui qu’elle s’occupa du restaurant coopératif La Marmite. Selon Le Réveil du 25 mai 1870, elle aurait été secrétaire-correspondante de la section de Colombes de l’Internationale, fondée quelques jours avant, le 19. Durant la Commune, elle fut, avec Élisabeth Dmitrieff, une des animatrices de l’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, constituée le 13 avril 1871. Le manifeste du Comité central de cette Union (6 mai) auquel il est fait allusion dans le rapport, est signé, au nom de la Commission exécutive du Comité central, par — nous respectons l’ordre — Le Mel, Jacquier, Lefebvre, Leloup, Dmitrieff. Firent partie de la Commission les citoyennes Collin, Dmitrieff E., A. Gauvin, Jacquier A., Jarry, Lefèvre B., (écrit tantôt Lefebvre, tantôt Lefèvre), Leloup M., Le Mel N. (une affiche du Comité central provisoire avait été signée vers le 20 avril par les femmes Girard, B. Lefèvre et Valentin — cf. Murailles... 1871, op. cit., p. 305).
2 Sources[modifier | modifier le wikicode]
Le Maitron : https://maitron.fr/spip.php?article24868