Classes dangereuses
Le terme de « classes dangereuses » a été employé au 19e en France par la bourgeoisie pour associer « criminels » et «prolétaires ». C'est un exemple souvent cité de mépris de classe, et parfois réutiliser pour faire des analogies avec le présent (souvent en y ajoutant la question du racisme[1]).
Le « paupérisme » ouvrier commence à susciter une abondante littérature à l’époque de la Monarchie de Juillet. L’Académie des sciences morales et politiques (ASMP) suscite régulièrement des travaux (en soumettant des questions à concours) révélateurs de la mentalité bourgeoise de l'époque. En 1838, elle demandait aux candidats « de rechercher d’après des observations positives quels sont les éléments dont se compose cette partie de la population qui forme une classe dangereuse par ses vices, son ignorance et sa misère ; indiquer les moyens que l’administration, les hommes riches, les ouvriers intelligents et laborieux pourraient employer pour améliorer cette classe dangereuse et dépravée ».
C'est Henri Frégier, chef de bureau à la préfecture de la Seine, qui remporte le prix. Suivant la tendance de l'époque, Frégier donne à son ouvrage une allure scientifique. Mais les données statistiques sur lesquelles il s’appuie sont utilisées sans recul et amalgament « deux espèces de données » : « Les unes reposent sur des chiffres positifs, les autres sur des aperçus et des évaluations approximatives » dont il reconnaît lui-même que « ces dernières ont quelque chose de vague et d’arbitraire ». Cette démarche « scientifique » s’accompagne de choix idéologiques et d’amalgames franchement assumés. Frégier affirme d’emblée que « les classes pauvres et vicieuses ont toujours été et seront toujours la pépinière la plus productive de toutes les sortes de malfaiteurs : ce sont elles que nous désignerons sous le titre de classes dangereuses ; car lors même que le vice n’est pas accompagné de la perversité, par cela même qu’il s’allie à la pauvreté, il est un juste sujet de crainte pour la société ».
Pourtant, ce n’est pas contre la pauvreté qu’il invite à lutter mais contre le vice car c’est lui seul qui avilit. Ecartant toute responsabilité majeure de l’organisation sociale, Frégier fait de la dépravation morale la cause génératrice du crime. Il propose non des réformes sociales mais bien « un plan de perfectionnement moral du pays ».
Frégier publie son mémoire en 1840 sous le titre Des classes dangereuses dans la population des grandes villes et des moyens de le rendre meilleures.
L'historien Louis Chevalier a beaucoup contribué à faire connaître ce thème par son ouvrage de 1958, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle.
Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Olivier Faure - Professeur d’histoire, Université Lyon 3, La naissance des classes dangereuses : entre mythe et concept, 2006
- ↑ Cf. par exemple Des classes dangereuses à l'ennemi intérieur (2021), de Saïd Bouamama