Unité allemande

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Situation en 1820 : Confédération germanique (trait rouge), Prusse (bleu), Autriche (jaune) et autres États germaniques (gris)

La question de l'unité allemande a été une question nationale importante en Europe au 19e siècle, avec des répercussions majeures au 20e siècle.

C'était un idéal majoritairement porté à l'origine par des démocrates de gauche (bourgeois, petit-bourgeois et ouvriers), qui voulaient le réaliser de façon révolutionnaire, et qui fut réalisé principalement par le facteur économique (union douanière) et par la force militaire incarnée par le prussien conservateur Otto von Bismarck.

1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Au Moyen-Âge en Europe, les États monarchiques dirigeaient des populations parfois hétérogènes, au grès des différentes alliances et déclarations de suzeraineté. Par conséquent les États n'étaient pas des États-nation (coïncidence entre frontières de l'État et sentiment national), et ne pouvaient pas l'être dans un contexte où le sentiment national moderne n'était pas encore un phénomène de masse.

Le développement progressif du capital marchand, allant de pair avec le renforcement des monarchies absolues, a engendré une montée progressive des sentiments nationaux. Les mouvements révolutionnaires comme la révolution française ont également contribué à cristalliser des sentiments nationaux. La présence de frontières géographiques plus (Grande-Bretagne) ou moins (France) marquées a aussi été un facteur accélérant ce processus.

Possessions des Habsbourg (en marron) et de la Prusse (en bleu), à côté d'une multitude de petits États.

Dans le cas des États germaniques, cette tendance a été très faible. Ils étaient fédérés dans le cadre du Saint Empire romain germanique, mais celui-ci constituait une entité avec peu de substance. Né au 10e siècle comme le royaume de France capétien, comme lui il était issu de l'ancien Empire de Charlemagne. Mais les deux entités ont eu des évolutions très différentes au fil des siècles : tandis que les rois de France parviennent à créer un État centralisé, ce sont quelques princes qui parviennent à se renforcer au sein du Saint Empire (Prusse, Saxe, Bavière), et qui décident de qui devient empereur.

Il y avait cependant bien eu un début d'unification autour de la langue. A ses débuts le Saint Empire était un royaume franc comme celui d'occident, dans le sens de « conquis par des francs », mais hétérogène sur le plan ethnolinguistique. Cependant la majorité de la population parle des langues germaniques, et cela se renforce avec le temps, par exemple après la perte de contrôle sur la plupart de l'Italie, avec seulement des minorités comme les Tchèques. L'adjectif « germanique » est progressivement utilisé alors qu'il ne l'était pas à l'origine.

Au 19e siècle, avec la révolution industrielle, les transformations rapides de l'économie et donc de la société ont percuté cet ensemble institutionnel qui devenait anachronique : la multiplicité des particularismes et des barrières douanières devenait un frein au développement de la bourgeoisie, et ces différentes monarchies / principautés n'avaient pas assez de base populaire pour perdurer. Le développement de la presse (unifiant par la langue commune au delà des frontières) et des revendications démocrates (apportant une critique des archaïsmes féodaux) donnait naissance à un mouvement protéiforme mais qui était de fait national-démocrate.

Les invasions napoléoniennes mettent fin au Saint Empire en 1806 (il comprenait alors environ 300 entités), mais la Confédération germanique créée en 1815 reprend globalement ses limites géographiques, et comme lui elle était davantage une superstructure liant faiblement certains États qu'une institution forte et connectée à la population.

2 Grande Allemagne ou Petite Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

Au 19e siècle, le cadre germanique était divisé entre la Prusse, l'Autriche et de nombreux petits États, et deux options sont alors défendues sur la question nationale :

  • La solution grande allemande, qui vise à unifier l'ensemble des peuples germaniques.
  • La solution petite allemande, qui est prête à se limiter à l'unification de la Prusse et des autres petits États, sans l'Autriche.

Étant donné les rivalités entre les deux puissances que sont la Prusse et l'Autriche, la solution grande allemande ne peut être réalisée que par un mouvement populaire qui renverse les États réactionnaires. La révolution de 1848 a été une tentative dans ce sens (Marx et Engels militaient dans cet objectif de solution grande-allemande révolutionnaire), mais son échec éloignait cette perspective. En parallèle, la Prusse dirigée par le chancelier Bismarck montait en puissance, surtout après que celui-ci remporte une guerre contre l'Autriche en août 1866 et fonde la Confédération de l'Allemagne du Nord. Les partisans de la solution petite allemande voient alors pour solution de se ranger derrière Bismarck.

L'autre grand facteur d'unification autour de la Prusse était l'union douanière qui s'est progressivement étendue autour d'elle (le Zollverein) à partir de 1833.

Le clivage entre ces deux options divise la gauche, aussi bien libérale que socialiste. Par exemple, Ferdinand Lassalle, qui dirige l'Association générale des travailleurs allemands (ADAV) fondée en 1863 (premier parti ouvrier), cherche le compromis avec Bismarck dans une optique petite allemande, en espérant de celui-ci des réformes sociales.

Cette politique est refusée par un grand nombre de militants, dont Wilhelm Liebknecht et August Bebel (socialistes proches de Marx et Engels), qui forment le Parti populaire saxon avec des forces (petite-)bourgeoises et les groupes ouvriers qui s'opposent à Lassalle sur la base de la démocratie (contre Bismarck) et de la solution grande allemande.

3 Rapports aux minorités nationales[modifier | modifier le wikicode]

Même si le cœur de la question allemande était la question de l'unification de différentes principautés principalement allemande, il existait également des minorités nationales opprimées au sein de certaines de ces principautés, et des rivalités avec des puissances voisines s'appuyant parfois sur ces minorités dans une lutte sur le tracé des frontières.

Par exemple, la frontière avec le Danemark posait la question du Schleswig-Holstein, ces deux régions qui étaient composées à la fois de Danois et d'Allemands. En 1864, cela débouché sur la Guerre des Duchés, remportée par bloc austro-prussien.

La Prusse maintenait dans ses territoires de l'Est une domination sur des Polonais, la Pologne ayant été découpée par les grandes puissances voisines.

Enfin l'Empire austro-hongrois était quand à lui composés de nombreuses nationalités, alors que la minorité autrichienne (23,4 %) dominait politiquement.

4 Unification sous Bismarck[modifier | modifier le wikicode]

La Prusse était l'État dominant du nouvel Empire allemand

Ce fut la guerre contre la France (1870) qui fut le catalyseur pour parachever l'unification de l'Allemagne (petite Allemagne).

Lorsque la guerre éclate, les socialistes allemands Bebel et Liebknecht s’abstiennent en juillet 1870 sur les crédits militaires, contre l’avis de Marx et Engels pour qui l’unification de l’Allemagne primait.[1] En août, Engels dénonce le « misérable Wilhelm Liebknecht » qui compromet le parti. Cependant, Marx prendra leur défense contre la répression[2].

En septembre 1870, lorsqu'il est clair que la contre-attaque allemande est de nature impérialiste, l'Association internationale des travailleurs (dirigée par Marx) prend une position anti-guerre.[3]

Après la victoire éclatante de la Prusse, qui semblait au départ plus faible que le Second Empire français, une vague de ferveur nationaliste parcourt les Etats germaniques, et fait basculer l'opinion, y compris en Bavière où les gouvernements étaient réticents.

Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand est proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles.

L'Allemagne en tant que nouveau pays capitaliste majeur en Europe, devient aussitôt une grande puissance impérialiste.

5 Échos au 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]

En 1938 les nazis envahissent l'Autriche et l'annexe (« Anschluss »), et présentent cela comme la réalisation de l'idéal de Grande Allemagne.

6 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. René Berthier, De la guerre franco-prussienne à la liquidation de l’AIT, 1991
  2. Karl Marx, On the Freedom of the Press and Meetings in Germany, Daily News, 19 January 1871
  3. Première internationale (Karl Marx), Seconde adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne, 9 septembre 1870