Élections

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Le vote au village. Lithographie de 1848

Les élections sont un processus de désignation de représentant·es ou de délégué·es par le biais d'un vote. Les élections ont historiquement été et restent employées dans de nombreux cadres très différents : parfois au sein du clergé ou de la noblesse, aux parlements, aux présidentielles, au sein des partis ou des syndicats, au sein de certaines entreprises...

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

Les premiers "chefs" des communautés primitives étaient souvent élus, puis l'apparition des sociétés de classes a fait nettement reculer l'usage des élections.

Certaines sociétés esclavagistes (à Athènes par exemple) ont utilisé les élections pour établir une forme de démocratie au sein de la classe dominante (les citoyens libres). Il est intéressant de rappeler que parmi les premières communautés chrétiennes, le clergé était élu, avant que celui-ci ne se bureaucratise totalement.

Au sein du féodalisme, même si les élections n'ont pas un rôle majeur (les seigneurs et rois ne sont pas élus...), elles servent au sein de la bourgeoisie, notamment pour les États généraux (ou États provinciaux).

Les révolutions bourgeoises et l'instauration de la démocratie représentative moderne ont étendu le recours aux élections. Le suffrage a d'abord été censitaire (vote réservé aux plus riches) car les classes possédantes voulaient exclusivement décider, et craignaient par dessus tout que les prolétaires ou petit-paysans majoritaires ne s'émancipent par ces élections. C'est ce qu'illustrent par exemple les très éclairants débats de Putney.

La poussée de la lutte des classes a forcé la classe capitaliste à concéder des élections plus larges, jusqu'au suffrage universel. La gauche bourgeoise (républicains, libéraux...) a fait la démonstration historique que son idéologie permettait de rendre beaucoup plus acceptable et invisible l'exploitation capitaliste grâce à la généralisation de la "démocratie".

Cependant cette démocratie reste une forme profondément tronquée, dans laquelle :

  • les élus sont quasi-systématiquement issus de la bourgeoisie, coupés de la masse de la population ;
  • entre deux élections (par exemple dans l'intervalle de 5 ans entre deux présidentielles/législatives en France), les élus (non révocables) peuvent prendre toute une série de mesures même si celles-ci la population est massivement contre ;
  • aucune élection n'a lieu dans les entreprises, où est exercé le pouvoir économique, et où les patrons et actionnaires règnent arbitrairement.

2 Démocratie bourgeoise et vote de classe[modifier | modifier le wikicode]

Écart de vote des ouvriers pour la "gauche" (PS / Démocrates) par rapport au reste de la population, en France et aux États-Unis

Les élections sous la démocratie bourgeoise moderne ont une caractéristique : elles sont un reflet déformé de la lutte des classes et de la conscience de classe. C'est assez flagrant du côté de la bourgeoisie qui vote en majorité pour les candidats de droite, et c'est plus indirect au sein du prolétariat, où beaucoup votent pour les intérêts de leurs exploiteurs, en raison de la force des idéologies dominantes ou d'autres facteurs :

  • sans conscience de classe, les travailleurs peuvent s'identifier aux politiciens qui s'adressent en apparence "à tous les citoyens", même lorsqu'ils sont de cyniques représentants des riches
  • le capitalisme étant présenté comme un système indépassable, les experts bourgeois assénant ses lois économiques comme des fatalités, les travailleurs tendent eux aussi en partie à accepter des politiques anti-sociales et à estimer irréalistes les idées anticapitalistes
  • l'abstention étant plus élevée parmi les plus jeunes et les plus pauvres, notamment les immigrés, elle affecte bien plus le vote pour les partis ouvriers que pour les partis bourgeois.
  • les média bourgeois véhiculent consciemment ou non l'idéologie dominante, souvent dans sa version conservatrice (malgré les règles pour une pseudo égalité des temps de parole)
  • enfin, les moyens que les différents partis peuvent investir dans leur campagne électorale sont d'autant plus grands qu'ils sont adossés à l'État bourgeois et soutenus par le patronat
    • Un meeting de Nicolas Sarkozy (UMP) en 2012 : de 1 à 3 millions d'euros
    • Dépenses de campagne, exemples en 2002 : Chirac 18 007 061,41 €, Laguiller (LO) , 2 381 073,68 €, Besancenot (NPA) 762 564 €

La progression du vote bourgeois pour les libéraux, les conservateurs ou l'extrême-droite, est elle-même en très large partie déterminée par l'évolution des intérêts des différents secteurs capitalistes et de la lutte de classe.

En période de crise sociale et / ou de radicalisation, le votre des travailleur·ses peut évoluer rapidement et se tourner vers les partis plus ou moins socialistes, et enfin vers les révolutionnaires.

3 Les socialistes et les démocrates bourgeois[modifier | modifier le wikicode]

Au 19e siècle, époque d'essor du mouvement ouvrier, il y avait de nombreux cas où la classe ouvrière ne disposait pas d’un parti organisé et indépendant, et où pourtant des enjeux démocratiques importants étaient posés, notamment dans des élections.

Rédacteur à la New York Tribune, l’organe de l’aile gauche du parti républicain, Marx suivait de près la situation politique américaine, la lutte contre l’esclavage et le développement de la guerre civile. Il prenait clairement parti pour le Nord, appelait le mouvement ouvrier anglais à faire de même, et s’informait de l’évolution de la situation militaire par ses anciens camarades de la Ligue des communistes, dont certains s’étaient engagés comme officiers dans l’armée de l’Union. Pour exprimer ce soutien, Marx rédigea, au nom du conseil général de l’Association internationale des travailleurs, une lettre de félicitations à Lincoln pour sa réélection (30 décembre 1864). La lutte contre l’esclavage et contre les grands propriétaires terriens du sud justifiait ce soutien :

« Depuis le début de la lutte titanesque que mène l’Amérique, les ouvriers d’Europe sentent instinctivement que le sort de leur classe dépend de la bannière étoilée »[1]

Marx et Engels ont également participé au mouvement révolutionnaire de 1848 en Allemagne, se situant alors à l'extrême gauche du mouvement démocratique, défendant les intérêts des ouvriers. Ils ont alors pris des positions cruciales pour qui s'intéresse à la ligne politique que doit avoir un parti ouvrier qui est loin d'être hégémonique. En effet, le mouvement ouvrier est alors faible numériquement et inorganisé. Pourtant, loin de défendre un étapisme démocratique, Marx et Engels cherchaient la voie d'une stratégie dynamique, qu'ils appelaient « révolution permanente ». Ainsi Marx propose à la Ligue des communistes de faire un front avec la petite-bourgeoisie pour la démocratie, tout en gardant son indépendance (y compris en s'armant) en prévision de l'inévitable retournement que fera la petite-bourgeoisie une fois la réaction vaincue. Après la défaite de 1848 (due en grande partie à l'incapacité de la petite-bourgeoisie), la Ligue se radicalise dans le sens de l'indépendance du mouvement ouvrier :

« Même là où il n'y a pas la moindre chance de succès, les ouvriers doivent présenter leurs propres candidats, afin de sauvegarder leur indépendance, de dénombrer leurs forces et de faire connaître publiquement leur position révolutionnaire et les points de vue de leur parti. Ils ne doivent pas en l'occurrence se laisser séduire par la phraséologie des démocrates prétendant, par exemple, que l'on risque de la sorte de diviser le parti démocratique et d'offrir à la réaction la possibilité de la victoire. Toutes ces phrases ne poursuivent finalement qu'un but : mystifier le prolétariat. Les progrès que le parti prolétarien doit réaliser par une telle attitude indépendante sont infiniment plus importants que le préjudice qu'apporterait la présence de quelques réactionnaires dans la représentation populaire. »[2]

Par la suite, la classe ouvrière a commencé à s'organiser plus systématiquement en partis défendant ses intérêts, et à se présenter séparément. Du temps de la Deuxième internationale, son parti dirigeant, le Parti social-démocrate allemand, se présentait presque toujours indépendamment. Il arrivait en revanche que ses députés au Reichstag votent ensemble avec des libéraux contre les réactionnaires. Dans les années 1890 en Suède, le Parti social-démocrate se présentait généralement avec le Parti libéral, pour obtenir le suffrage universel.

En ces temps où les partis ouvriers étaient en train de se délimiter du reste de « la gauche démocrate », la tendance à brouiller les frontières idéologiques avec la gauche bourgeoise (dans les élections en particulier, qui expriment des accords programmatiques) est devenue synonyme d'opportunisme. Les marxistes adoptent cependant des tactiques électorales variables selon les contextes.

4 Les socialistes et les tactiques électorales[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Utilisation des élections bourgeoises[modifier | modifier le wikicode]

Si les marxistes révolutionnaires et les anarchistes peuvent être d'accord sur l'impossibilité du réformisme électoral, ils n'ont pas la même attitude vis-à-vis des élections bourgeoises.

Les anarchistes considèrent que participer aux élections c'est « reconnaître l'Etat », et que c'est inacceptable, puisqu'il s'agit de l'abolir. Ils appellent en général à l'abstention. Partant de l'idée qu'il est impossible d'abolir subitement toute forme d'Etat, les marxistes révolutionnaires n'ont pas un rapport aussi moral aux élections.

Affiche électorale du SPD (1920)

La classe ouvrière est imprégnée de l'idéologie de la démocratie bourgeoise, et participe aux élections, même si elle s'abstient bien plus que la bourgeoisie, du fait de sa démoralisation devant le peu de changement concret que celles-ci apportent pour elle. Partant de là, les partis ouvriers marxistes considèrent qu'il est utile de participer aux élections, pour y faire de la propagande, utiliser les moyens organisés par l'Etat, et disputer l'influence bourgeoise. Ils acceptent donc d'avoir des députés aux parlements bourgeois, car ceux-ci peuvent encore augmenter le pouvoir de propagande. Les marxistes considèrent que se tenir à l'écart dans ces conditions est une erreur gauchiste.

Lors de la formation du Parti ouvrier français (POF), ses dirigeants comme Guesde et Lafargue étaient réticents à participer aux élections. Marx et Engels étaient agacé par ce qu'ils appelaient leur « phraséologie révolutionnaire » au nom de la doctrine « marxiste » (c'est à ce moment que Marx dit à Guesde que dans ce cas « ce qu'il y a de certain c'est que moi, je ne suis pas Marxiste. ») Marx et Engels les incitaient à participer aux élections, et trouvèrent une formule de compromis, qui fut dictée par Marx à Guesde en présence d'Engels :

« Considérant que cette appropriation collective ne peut sortir que de l’action révolutionnaire de la classe productive – ou prolétariat – organisée en parti politique distinct; Qu’une pareille organisation doit être poursuivie par tous les moyens dont dispose le prolétariat, y compris le suffrage universel transformé en d’instrument de duperie qu’il a été jusqu’ici en instrument d’émancipation. »

En Russie, la participation aux élections à la Douma ont beaucoup divisé les social-démocrates. S'ils étaient d'accord pour les boycotter pendant la vague révolutionnaire de 1905, ils se sont ensuite divisés entre un centre (dont Lénine) qui étaient pour les utiliser tactiquement, une droite qui voulait quasiment se limiter aux élections, et une gauche qui n'admettait que le boycott.

Les marxistes ont cependant continué à avoir de nombreux débats sur les conséquences négatives que peuvent avoir ces participations à des institutions bourgeoises. Il est clair que le succès électoraux des partis de l'Internationale ouvrière (1889-1914) ont montré le pouvoir qu'avait cette tactique, ce qui a longtemps inquiété la bourgeoisie. Mais ces succès ont aussi contribué à intégrer la direction social-démocrate (en particulier les députés) à la bourgeoisie. L'ampleur de ce problème a éclaté en 1914.

Une représentation classique de la gauche comme camp des masses populaires.

Ce phénomène réformiste a été analysé et critiqué par des révolutionnaires (Luxemburg, Lénine...). Une minorité, surtout parmi les communistes de gauche, ont rejoint des positions proches de celles des anarchistes. Lénine et l'Internationale communiste ont maintenu l'idée que la participation aux élections pouvait être utile tant en préparation d'une situation révolutionnaire, tout en affirmant son caractère secondaire, et en définissant une ligne politique qui tente de prévenir l'opportunisme (parlementarisme révolutionnaire, refus de la participation aux gouvernements bourgeois...).

Certains marxistes considèrent qu'il ne faut pas se présenter aux élections présidentielles car ce serait cautionner un poste (celui de président) que les marxistes veulent supprimer.[3] D'autres soulignent que dans ce cas, il ne faudrait participer à aucune élection organisée par l'État bourgeois, car ce serait reconnaître cet État (ce qui revient à la position anarchiste classique).

Aujourd'hui, la position courante de Lutte ouvrière et du Nouveau parti anticapitaliste est d'utiliser les élections pour la seule fonction de faire de la propagande, et de se compter (pour mesurer la progression des idées anticapitalistes). Pour certains, cette position qui se veut médiane entre électoralisme et anti-électoralisme est en fait un « anti-électoralisme honteux »[4].

4.2 Majorité dans les élections bourgeoises ?[modifier | modifier le wikicode]

En lien avec la question précédente se pose la question de savoir si un parti ouvrier peut obtenir une majorité dans les élections bourgeoises. Pour les réformistes, c'est précisément l'unique but visé.

Historiquement, les premières conquêtes du pouvoir par des socialistes ont eu lieu par la voie révolutionnaire (commune de Paris, révolution russe). Avant cela, les partis socialistes -même de masse- n'avaient pas la majorité absolue et il n'y avait eu que des exemples de compromissions individuelles de socialistes participant à des gouvernements bourgeois. C'est avant tout le reflet de l'idéologie dominante.

Affiche du Parti travailliste en 1910. Le suffrage universel est largement une conquête du mouvement ouvrier.

Marx avait évoqué la possibilité pour l'Angleterre d'un passage au socialisme sans "révolution violente", à une époque où celle ne disposait que d'un appareil répressif d'État très peu développé.[5] Il pensait cependant que même si l'arrivée au pouvoir du prolétariat se faisait par les élections, la bourgeoisie n'accepterait certainement pas ce résultat :

« La bourgeoisie anglaise a toujours accepté de bonne grâce le verdict de la majorité, tant qu'elle se réservait le monopole du droit de vote. Mais, croyez-moi, aussitôt qu'elle se verra mise en minorité sur des questions qu'elle considère comme vitales, nous verrons ici une nouvelle guerre esclavagiste »[6]

Trotski analysait que « l'obtention par le parti du prolétariat d'une majorité démocratique dans un parlement démocratique n'est pas une impossibilité absolue ».[7] Mais cela ne peut que déboucher sur une situation instable, soit une situation révolutionnaire, soit une normalisation bourgeoise du parti (qui est déjà un parti contradictoire, « parti ouvrier bourgeois »). Ainsi Trotski poursuivait :

« Mais ce fait, même s'il se réalisait, n'apporterait rien de nouveau en matière de principe au déroulement des événements. Influencés par la victoire parlementaire du prolétariat, des éléments intermédiaires de l'intelligentsia offriraient peut-être une moindre résistance au nouveau régime. Mais la résistance essentielle de la bourgeoisie serait déterminée par des faits tels que l'état d'esprit de l'armée, le degré d'armement des ouvriers, la situation dans les pays voisins; et la guerre civile suivrait son cours sous l'influence de ces facteurs très réels et non de l'instable arithmétique parlementaire. »

Soit le parti réformiste au pouvoir a donné suffisamment de gages d'intégration à l'État bourgeois et la lutte de classe est suffisamment calme pour que ce gouvernement soit toléré par la bourgeoisie (cela devient alors vite un simple gouvernement bourgeois). Soit les masses dont l'espoir a été animé exercent une pression qui menace l'ordre établi, et qui provoque une réaction anti-démocratique de la bourgeoisie et/ou de groupes fascistes qu'elle utilise plus ou moins. Dans le cas rare où des dirigeants réformistes sont sincères (et donc idéalistes), qu'ils se cantonnent aux méthodes légales de lutte, ils s'exposent particulièrement à des assassinats ou coup d’État.

4.3 Soutenir un parti ouvrier réformiste ?[modifier | modifier le wikicode]

Les révolutionnaires sont parfois confrontés à des situations où, alors que leur poids est faible, un parti ouvrier réformiste est en passe de remporter des élections. Il peut même arriver que, les votes étant serrés, le nombre de voix capté par les révolutionnaires, ou influencés par leurs consignes, puisse déterminer l'élection ou non du parti réformiste.

Ce genre de situation sont sources d'importantes polémiques entre révolutionnaires, même si les marxistes admettent généralement qu'il s'agit de questions tactiques, ne relevant pas forcément de désaccords stratégiques.

Dans les années précédant la révolution russe de 1917, plusieurs forces s'opposaient : les Cadets (bourgeois libéraux qui voulaient pousser vers une monarchie constitutionnelle), les Cent-Noirs (réactionnaires voulant un raffermissement du régime), les social-démocrates (marxistes défendant les intérêts ouvriers), et plusieurs nuances de socialistes populistes plus ou moins proches des paysans ou des Cadets. En 1907, les social-démocrates sont très divisés sur les élections à la Douma :

  • Lénine préconisait alors un bloc électoral socialiste qui soit identifié comme un bloc ouvrier et paysan bien distinct des libéraux, ce qui impliquait d'écarter les groupes les plus proches des Cadets (comme les « socialistes populaires »).[8]
  • Les menchéviks cherchèrent d'abord à faire un « bloc de gauche » avec les Cadets et tous les socialistes, puis, après leur échec (ils estimaient que les Cadets ne leur donnaient pas assez de sièges), se présentent séparément.

Un autre exemple est celui de la position défendue par Lénine vis-à-vis de la situation en Angleterre en 1920. L'Internationale communiste venait d'être formée, et les partisans communistes en Angleterre tentaient de définir leur tactique dans ce pays où le mouvement ouvrier est très embourgeoisé et peu perméable aux idées révolutionnaires. Lénine préconise alors d'entrer dans le Parti travailliste.[9] Son idée était notamment de faire en sorte d'y défendre les idées communistes, voire d'y gagner des bastions locaux, tout en ne nuisant pas à la progression électorale travailliste et donc à sa possibilité de devenir majoritaire. Selon lui, les masses avaient besoin de faire l'expérience de l'arrivée au pouvoir du Parti travailliste pour comprendre la nature de ses dirigeants, « car si un changement n'intervient pas dans la manière de voir de la majorité de la classe ouvrière, la révolution est impossible; or ce changement, c'est l'expérience politique des masses qui l'amène, et jamais la seule propagande. »

Cela suscita de grands débats avec les « communistes de gauche » dans l'Internationale, qui considéraient cette tactique comme opportuniste.[10]

Dans la période de montée du nazisme, le PC allemand (KPD) a mené une politique ultra sectaire, désignant les social-démocrates (SPD) comme social-fascistes. Il refusait tout type de rapprochement avec eux, et la direction du SPD de son côté soutenait des politiciens bourgeois réactionnaires au nom du moindre mal. Objectivement, cela affaiblissait les forces de la classe ouvrière (pourtant la mieux organisée au monde en comptant ses forces totales). Trotski considérait qu'il aurait fallu réaliser un front unique ouvrier sur le plan extra-parlementaire, tout en maintenant des candidatures séparées. Il n'était cependant plus opposée à l'idée de front électoral en février 1933.[11]

4.4 Désistement au second tour[modifier | modifier le wikicode]

Des ses premières thèses votées (1921), le PC français écrivait ceci :

« Le Parti ne pourrait, sans affaiblir la notion de la lutte de classe, prononcer au deuxième tour de scrutin le désistement de son candidat en faveur du représentant d'un autre parti. Il repousse toute tactique de ce genre, comme incompatible avec ses idées essentielles.

Dans tous les cas où il apparaîtra qu'en maintenant son candidat au second tour de scrutin, sans espoir de succès, le Parti risque d'affaiblir le résultat obtenu au premier tour et de créer, dans la circonscription, une situation défavorable pour le développement ultérieur du communisme, la prudence commandera à la Fédération intéressée de retirer purement et simplement son représentant. »[12]

4.5 Soutenir un parti bourgeois contre l'extrême droite ?[modifier | modifier le wikicode]

Dans le contexte des élections à la Douma en Russie, les social-démocrates prenaient en compte le risque que la division des voix « progressistes » conduise à une victoire de l'extrême droite de l'époque, incarnée par les Cent-Noirs. Ce risque était un argument très présent dans les débats entre menchéviks et bolchéviks. Lénine ne balayait pas cela d'un revers de main et justifiait par des estimations électorales précises que ce risque n'existait pas réellement, et qu'il fallait donc ne pas renoncer à faire progresser la conscience de classe.

En revanche, dans un cas comme un second tour où le seul enjeu qu'il reste est celui de faire barrage à l'extrême droite, il considérait évident que les socialistes devaient faire un tel barrage :

« Lorsqu'un socialiste croit réellement au danger des Cent Noirs et le combat sincèrement, il vote pour les libéraux sans aucun marchandage, et ne rompt pas les négociations si on lui offre deux sièges au lieu de trois. Par exemple, il peut arriver que lors d'un second tour de scrutin en Europe, le danger des Cent Noirs apparaisse lorsque le libéral obtient, disons, 8 000 voix, le représentant des Cent Noirs ou le réactionnaire, 10 000, et le socialiste 3 000. Si un socialiste croit que le danger des Cent Noirs est un danger réel pour la classe ouvrière, il votera pour le libéral. Nous n'avons pas de second tour de scrutin en Russie, mais nous pouvons avoir une situation analogue à un second tour de scrutin lors de la deuxième étape des élections. Si sur 174 électeurs, disons, 86 sont des Cent-Noirs, 84 des Cadets et 4 des socialistes, les socialistes doivent voter pour le candidat des Cadets, et jusqu'à présent, pas un seul membre du Parti ouvrier social-démocrate russe n'a contesté cette décision. »[8]

En Allemagne, au début du 20e siècle, la social-démocratie (SPD) constituait un bloc toujours plus fort dominant la gauche, face au bloc réactionnaire soutenant le régime monarchiste. Au centre gauche, le courant bourgeois libéral était faible. Certains accords électoraux avaient parfois lieu entre SPD et libéraux, ce que certains réformistes dans le SPD voulaient approfondir, ce que refusait la gauche révolutionnaire.[13]

4.6 Soutenir des minorités[modifier | modifier le wikicode]

Dans le contexte des États-Unis des années 1930, Trotski envisageait parfaitement que le parti révolutionnaire retire son propre candidat en faveur d'un candidat démocrate (n'appartenant donc pas au mouvement ouvrier) Noir « en faisant une déclaration concrète suivant laquelle nous nous abstiendrons de combattre non pas le démocrate, mais le Nègre ». Et d'ajouter : « Nous considérons que la candidature du Nègre, opposée à celle d'un Blanc, même s'ils appartiennent tous deux au même parti, constitue un facteur important dans la lutte des Nègres pour leur égalité. »[14]

5 Les socialistes et la démocratie ouvrière[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Critique de la démocratie bourgeoise[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement ouvrier a toujours eu un rapport compliqué aux institutions créées par la démocratie bourgeoise. Tout d'abord il subit l'idéologie bourgeoise qui présente les parlements et l’État comme « la démocratie » en général, en masquant la domination de classe et en entretenant la fiction que la règle « 1 citoyen = 1 voix » suffit à assurer la démocratie.

Cette tendance pèse structurellement sur le mouvement socialiste, et conduit aux idées réformistes qui défendent que les institutions bourgeoises (les élections aux parlements, la participation au gouvernement...) peuvent servir à une transition graduelle du capitalisme au socialisme.

Les marxistes révolutionnaires et les anarchistes ont au contraire toujours dénoncé la dictature bourgeoise qui se maintient même sous le régime parlementaire formellement le plus démocratique. Ainsi l'anarchiste Bakounine considérait que le suffrage universel reproduit une domination lorsqu'il est utilisé au niveau national :

« le suffrage universel, non organisé par différentes et libres associations ouvrières, mais exercé par l’agrégation mécanique des millions d’individus qui forment la totalité d’une nation, est un moyen excellent pour opprimer et ruiner le peuple au nom même et sous le prétexte d’une soi-disant volonté populaire. »

Il précisait qu'aucune réforme n'était possible, et que y compris que le mandat impératif (promu par beaucoup d'anarchistes) n'apportait aucune solution : « Les mandats impératifs imposés à chaque député seront tellement discordants, dans toutes les questions, que l’Assemblée ne pourra réunir une majorité sur aucune et devra se dissoudre sans avoir rien résolu »

Pour Marx, la question centrale n'était pas l'échelle nationale ou locale, mais les rapports de production dans la société qui organise les votes :

« L’élection est une forme politique, dans la plus petite commune russe et dans l’artel. Le caractère de l’élection ne dépend pas de cette dénomination, mais au contraire de la base économique, des rapports économiques entre les électeurs; et du moment que les fonctions ont cessé d’être politiques [c'est-à-dire après l'extinction de l'Etat], 1) il n’existe plus de fonction gouvernementale; 2) la répartition des fonctions générales est devenue affaire pratique qui ne donne aucun pouvoir; 3) l’élection n’a rien de son caractère politique actuel. (...) Avec la propriété collective, disparaît la prétendue volonté du peuple, pour faire place à la volonté réelle de la coopérative. »[15]

Cela n'empêchaient cependant pas Marx et Engels de s'intéresser aux différences entre les formes plus ou moins centralisées d’État.

5.2 Débats sur la démocratie ouvrière[modifier | modifier le wikicode]

De nombreux socialistes révolutionnaires ont donc théorisé des formes de « démocratie ouvrière ».

La révolution implique une forme de violence exercée par la classe prolétaire sur la bourgeoisie, d'abord pour enfreindre la légalité bourgeoise qui empêcherait notamment de lui reprendre les moyens de production, et ensuite pour l'empêcher de regrouper ses forces et de mener une contre-révolution comme c'est arrivé si souvent dans l'histoire. C'est ce type de « mesures dictatoriales » que Marx avait en tête quand il parlait de « dictature du prolétariat ». Mais dans le même temps, Marx considérait que la révolution ouvrière conduirait à une démocratie plus complète que la démocratie bourgeoisie, car pour la première fois dans l'histoire le pouvoir serait détenu par la majorité de la population, et à terme par l'ensemble de la société communiste, sans classe et sans Etat.

Cependant, Marx soutenait que l'Etat existe tant qu'il existe des classes : même si la dictature du prolétariat brise l'État bourgeois, c'est nécessairement au moyen d'un État ouvrier. L'État ne peut pas être « aboli » subitement, comme le prônent les anarchistes.

Vive-la-commune.jpg

Les formes concrètes de la dictature du prolétariat sont l'objet de nombreux débats parmi les marxistes. Marx n'a jamais développé précisément sur ce sujet, en grande partie parce qu'il était confiant dans les capacités du prolétariat à exercer le pouvoir. Lors de la Commune de Paris de 1871, il a considéré qu'il s'agissait de « la forme enfin trouvée » de la dictature du prolétariat. Le prolétariat parisien utilisait l'élection au niveau des quartiers et au niveau municipal, mais ce qui en faisait une démocratie ouvrière selon Marx était :

  • le fait que le corps électoral était essentiellement ouvrier et petit-bourgeois, puisque les bourgeois avaient fui Paris en masse,
  • le fait que la séparation des pouvoirs et les « parlements qui parlent » sont remplacés par un organe « agissant »,
  • le fait que les élus ainsi que les fonctionnaires étaient révocables.

Dans la révolution d'Octobre 1917, Lénine et les bolchéviks identifient la dictature du prolétariat à la « forme soviétique », par opposition aux parlements bourgeois (dans les deux cas, les élections sont à la base). En référence à la Commune, ils mettent en avant la révocabilité, ainsi que l'élection des fonctionnaires et des juges.

Beaucoup de « communistes de gauche », d'accord sur ce point, dénonceront alors la politique pratique du pouvoir bolchévik, qui aurait réduit le pouvoir des soviets face à l’État central et au parti.[10]

6 Suffrage universel et exclu·es du vote[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Suffrage universel.

6.1 Droit de vote des pauvres[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Suffrage censitaire.

Les réformateurs ou révolutionnaires bourgeois se sont d'abord battus pour abolir les « ordres » (noblesse, clergé, tiers état) de l'Ancien régime, qui donnaient des droits différents en fonction de la naissance. Ils voulaient ainsi avoir accès au pouvoir en tant que possédants. En revanche, ils partageaient avec les anciens dominants la phobie des classes inférieures, qui pourraient les menacer par égalitarisme. C'est pourquoi dans un premier temps les démocraties bourgeoises écartaient souvent du vote ceux qui avaient en dessous d'un certain niveau de richesses / propriétés.

6.2 Droit de vote des femmes[modifier | modifier le wikicode]

Le suffrage universel a d'abord été exclusivement masculin, les femmes subissant un violent sexisme qui les considérait comme des sous-citoyennes incapables d'autonomie. Sous la pression de certains libéraux et du mouvement des travailleur·ses, le droit de vote des femmes a peu à peu été arraché dans différents pays.

En France, ce n'est qu'à la Libération, en 1944, que les femmes obtiennent l'égalité dans le droit de vote avec les hommes.

6.3 Droit de vote des étrangers[modifier | modifier le wikicode]

Le capitalisme a créé une classe ouvrière mondiale, qui a les mêmes intérêts partout contre les capitalistes. Mais les différentes bourgeoisies nationales s'appuient sur les États et leur idéologie "nationale" pour diviser les travailleurs et les lier à leurs exploiteurs. En particulier, les réactionnaires s'opposent fermement au droit de vote des étrangers, sous prétexte que cela représenterait un "risque pour la nation".

7 Modalités de vote[modifier | modifier le wikicode]

7.1 Vote à bulletin secret / Vote public[modifier | modifier le wikicode]

Le vote se faisait historiquement en public (à main levée ou oralement). Dans les États allemands de la deuxième moitié du 19e siècle, sous le « système des trois classes », le vote se faisait oralement. Le vote à main levée existe toujours dans certains cantons suisses (Landsgemeinde), et dans de nombreux parlements comme l'Assemblée nationale française.

En Angleterre, le vote à bulletin secret a été introduit en 1872. A noter que cela a fait diminuer la corruption des électeurs : en 1860, 10% des hommes votaient à bulletin public, et il était fréquent que les leaders de partis viennent directement les « acheter », en 1884 ils étaient 60% à voter à bulletin secret, ce qui rendait cette méthode inopérante. L'influence de la presse et de l'idéologie dominante a montré qu'elle était nettement suffisante pour assurer la domination de la bourgeoisie (ce qui a au passage eu tendance dans un premier temps à faire baisser les coûts de campagne).

Les militants démocrates et social-démocrates revendiquent généralement, de la part des États, l'organisation de votes à bulletins secret (isoloirs...) afin de protéger les électeur·trices d'éventuelles pressions. La revendication du vote à bulletin secret était un des six points du chartisme. Mais cela n'a pas toujours été le cas, et certains démocrates ont soutenu que le vote à main levée permet une transparence par un vote et un décompte se faisant aux yeux de tous.

En revanche, dans les organisations du mouvement ouvrier, les votes sont généralement organisés à main levée. Les socialistes ou communistes ont parfois théorisé que la démocratie ouvrière était liée au vote à main levée, par exemple dans les soviets, où la conscience de classe se forge collectivement, par l'influence réciproque, plutôt que par le mythe individualiste de l'esprit raisonnant tout seul (souvent, en réalité, sous l'influence de la presse la plus puissante).

Avec la stalinisation du régime soviétique, le vote à main levée s'est retourné contre les masses soviétiques. Plus personne n'osait voter ouvertement contre les apparatchiks qui dominaient et surveillaient tout. Le vote à bulletin secret est devenu une revendication de l'opposition de gauche notamment.[16]

7.2 Lieux de vote et délais[modifier | modifier le wikicode]

Les lieux où sont positionnés les bureaux de vote ont une large influence sur les résultats. Si des électeur·rices doivent se déplacer sur une longue distance pour voter, c'est bien sûr dissuasif.

Par exemple, à la chute du Second empire, le Gouvernement de la Défense nationale, républicain, décida d'organiser les élections au chef-lieu de canton et non dans la commune pour tenter de maximiser l'abstention dans les espaces ruraux marqués par une surreprésentation du vote conservateur.[17]

De même, l'élection peut être biaisée en annonçant un délai très court, qui ne laisse pas le temps aux opposants de réellement faire campagne.

7.3 Modes de scrutin[modifier | modifier le wikicode]

Pour déterminer une représentation à partir des votes, il existe différents systèmes électoraux :

  • Les scrutins majoritaires (winner take all) : leur justification est souvent de laisser les mains largement libres au camp victorieux, au nom de l'efficacité pour appliquer son programme.
  • Les scrutins proportionnels : ils consistent à faire élire différents représentant·es en proportion des pourcentages de voix que leur camp a reçu.
  • Les systèmes mixtes alliant ces deux types de système.

Les mouvements les plus démocrates et socialistes ont généralement défendu la représentation proportionnelle, même si cela fait l'objet de nombreux débats.

7.4 Révocabilité des élus[modifier | modifier le wikicode]

Souvent dans les démocraties bourgeoises, les élus déçoivent leur électorat populaire une fois passé les boniments des périodes d'élection - lorsque leurs décisions sont dictées ou infléchies par les intérêts de classe. Or, quel que soit le niveau d'impopularité qu'ils atteignent, ils restent en place jusqu'aux prochaines élections.

Les démocrates les plus conséquents trouvent cela inconcevable. Le mouvement socialiste a historiquement revendiqué la mise en place de mesures de révocabilité des élus et des fonctionnaires.

7.5 Fraude aux élections[modifier | modifier le wikicode]

La fraude électorale peut prendre différentes formes :

  • non respect des règles en matière de propagande électorale
  • non respect des règles de financement des partis et des campagnes
  • fraudes lors du dépouillement des bulletins (bourrage d'urne, acceptation de bulletins invalides, fausses procurations...)
  • manipulation après le dépouillement ou annonce de faux résultats

Dans le cas où les fraudes électorales sont systématiques et massives, il n'y a plus trop de sens à parler de démocratie. Dans un pays un minimum démocratique, les fraudes sont souvent dénoncées, et cela a des conséquences. En France, la jurisprudence fait que les fraudes ne sont sanctionnées que s'il y a eu un impact sur un nombre conséquent de voix[18], ce qui est assez scandaleux. Aucune élection présidentielle n'a jamais été annulée, mais des élections municipales[19] ou des législatives ont dû être refaites[20].

Quelques exemples :

  • Fraudes très courantes dans les élections qui étaient organisées dans les colonies françaises (en Martinique[21], en Guyane avec par exemple l'Affaire Galmot, en Algérie notamment en 1948...). Cela arrive encore (Guadeloupe en 2016[22]...).
  • « Fraude à la chaussette » aux municipales de Perpignan en 2008, au bénéfice du maire de droite Jean-Paul Alduy[19]
  • Fraudes dans le 3e arrondissement de Paris au bénéfice du maire de droite Jacques Dominati (en 1989 et 1995)
  • Fraudes dans le 5e arrondissement de Paris par le maire de droite Jean Tiberi (en 1989 et 1995).
🔍 Plus de détails et exemples sur Wikipédia : Fraude électorale et Electoral fraud.

Par ailleurs, le fait d'avoir des élus donne certains avantages, qui peuvent être détournés par les partis. Par exemple, le Rassemblement national est accusé d'avoir détourné l'argent du parlement européen entre 2004 et 2016.[23]

7.6 Votes sous pression militaire[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque les votes ont lieu sous la pression de l'armée, d'occupation ou nationale, il y a régulièrement des fraudes et une pression intériorisée de la population.

Par exemple il y eut en 1860 un plébiscite pour le rattachement de Nice et de la Savoie à la France. La région était occupée par l'armée française et seules les autorités françaises décidaient de l'organisation du vote.

En 2014, après avoir envahi la Crimée, la Russie fait valider l'annexion de ce territoire ukrainien par un référendum au milieu de l'occupation.

7.7 Découpages de circonscriptions[modifier | modifier le wikicode]

La subdivision d'un territoire en circonscriptions crée un phénomène de seuil, entraînant certains votes qui auraient conduit à l'attribution de sièges sans circonscription, à ne plus en attribuer. Cela peut être volontairement exploité par des politiciens au pouvoir pour biaiser les élections grâce à un découpage ad-hoc des circonscriptions : on parle de charcutage électoral ou de gerrymandering.

Découpage biaisé en faveur du parti Bleu, qui remporte plus de la moitié des circonscriptions bien qu'il soit minoritaire dans l'électorat.

7.8 Manipulation de l'opinion[modifier | modifier le wikicode]

Il faut souligner que même dans le cas où il n'y a aucune fraude électorale, la bourgeoisie parvient à conserver une hégémonie politique (en temps normal). Elle dispose de nombreux moyens tout à fait légaux, comme la possession des principaux médias, mais surtout la pensée dominante est la pensée de la classe dominante (méritocratie, déférence pour les riches...), et cela imprègne y compris une grande partie de « la gauche » et des classes populaires. Les dirigeants des grands médias n'ont pas besoin d'être achetés pour diffuser au quotidien des analyses qui font du capitalisme un horizon indépassable.

Cette hégémonie idéologique est donc bien plus profonde qu'une simple « manipulation » de l'opinion. C'est la classe révolutionnaire qui doit mener la bataille des idées, en lien avec une bataille pour des acquis matériels concrets, pour renverser cette idéologie.

8 Vote utile[modifier | modifier le wikicode]

On parle de « vote utile » lorsqu'il y a une tendance à voter pour un parti considéré comme mieux placé pour l'emporter face à un « ennemi principal », même s'il existe un autre parti que l'on préfère. On parle aussi de voter pour le moindre mal.

Ce n'est pas un phénomène nouveau. C'était déjà quelque chose de constaté en 1900 par les socialistes dans les pays où il n'existait pas de parti socialiste fort :

« L’ouvrier anglais ou américain se dit que le sort du socialisme ne sera pas décidé aux prochaines élections. Si je vote pour un socialiste, se dit-il, je gaspille mon bulletin de vote, je fais une pure démonstration, mais si je vote pour un libéral ou un conservateur, pour un républicain ou un démocrate, j’exerce ma part d’influence sur le futur gouvernement. Je ne voterai donc pas pour le socialiste, mais pour celui des deux partis dominants qui pour le moment me fait espérer le plus d’avantages. »[24]

Aux États-Unis, les socialistes et syndicalistes ne sont pas parvenus à faire émerger un parti ouvrier de masse. Dans l'après-guerre, c'est plutôt pour le Parti démocrate que les socialistes votaient, mais ils continuaient à débattre de la question du « moindre mal ». Par exemple, lors des présidentielles de 1972, beaucoup soutiennent le candidat McGovern.[25]

C'est une tendance qui dépend aussi des modalités de vote, et qui pourrait être atténuée par des modalités plus démocratiques.[26][27] La plus simple étant de permettre de voter pour plusieurs candidat·es.[28]

🔍 Voir aussi sur Wikipédia : Vote utile.

9 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Lettre à Abraham Lincoln, président des États-Unis d'Amérique, décembre 1864
  2. Karl Marx, Friedrich Engels, Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes, mars 1850.
  3. Principes marxistes et tactiques électorales, Spartacist, édition française, numéro 39
  4. Laurent Lévy, L’électoralisme et ses images spéculaires, Contretemps, juillet 2020
  5. Karl Marx, Lettre à Kugelmann, 12 avril 1871
  6. Karl Marx, Le parti de classe, 1871
  7. Léon Trotski, Terrorisme et communisme, 1920
  8. 8,0 et 8,1 Lenin, The St. Petersburg Elections and the Hypocrisy of the Thirty-One Mensheviks, 20 February 1907
  9. Lénine, IIe congrès de l'Internationale communiste, Discours sur l’affiliation au Labour Party de Grande‑Bretagne, 6 août 1920
  10. 10,0 et 10,1 Lénine, La maladie infantile du communisme (le "gauchisme"), avril 1920
  11. Léon Trotski, Devant la décision, 5 février 1933
  12. Thèses adoptées par le premier congrès de la SFIC, décembre 1921
  13. Rosa Luxemburg, On the Fallen Women of Liberalism, 1912
  14. Léon Trotski, Plans pour l’organisation nègre, 11 avril 1939
  15. Annotations de Marx à Étatisme et anarchie de Bakounine
  16. Léon Trotski, Sur le vote secret, 27 février 1929
  17. Vincent Duclert et Henry Rousso, 1870-1914 : La République imaginée, Gallimard, 2021, 1104 p. (ISBN 9782072799433), p. 66
  18. Vie-publique.fr, Que se passe-t-il en cas de fraude électorale ?, 2019
  19. 19,0 et 19,1 Le Parisien, «Fraude à la chaussette» : l'élection annulée à Perpignan, Avril 2008
  20. Le petit journal, Annulation de l'élection de Meyer Habib pour fraude électorale grave, février 2023
  21. Le Monde, La fraude électorale à la Martinique, 1967
  22. Franceinfo, L'affaire de suspicion de fraude électorale à Vieux-Habitants devant le Tribunal correctionnel de Basse-Terre, 2016
  23. Les Echos, Soupçons de détournement de fonds européens : Marine Le Pen et le RN seront jugés à partir du 30 septembre, 27 mars 2024
  24. Karl Kautsky, Politique et Syndicats, 1900
  25. Des contributions à ce débat peuvent être trouvées dans le Vol. X n°1 de New Politics.
  26. Science étonnante, Réformons l'élection présidentielle !, 21 octobre 2016
  27. Monsieur Phi, Le principe de Condorcet, 24 mai 2017
  28. Monsieur Phi, Pourquoi notre système de vote est nul (et le moyen le plus simple de l'améliorer), 5 avril 2022