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Special pages :
Thèses adoptées par le premier congrès de la SFIC
Auteur·e(s) | SFIC |
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Écriture | décembre 1921 |
Motion sur la politique générale[modifier le wikicode]
Le Congrès, saisi de questions intéressant la politique générale et touchant au problème de la direction du Parti, constate que les difficultés considérables surgies de la scission de Tours et de tous les événements politiques et économiques de cette année, ont été d'une manière générale surmontées d'une façon satisfaisante.
Il enregistre avec joie et fierté les encouragements qui lui viennent de l'Internationale. Il est résolu à redoubler d'efforts pour mériter plus complètement encore la confiance et les approbations de celle-ci.
Il condamne, avec l'Internationale, toutes les réticences de l'opportunisme de droite et les incohérences de l'opportunisme de gauche, d'ailleurs en fait inexistant en France.
Des critiques, dont certaines sont incontestablement justifiées, ont été formulées contre le Comité Directeur sortant. Personne, d'ailleurs, dans le Parti, ne nie le labeur soutenu et l'œuvre considérable du C. D.
Le Parti, tout en rendant hommage au travail accompli, peut, pour l'avenir, donner au C. D. certaines indications.
Le Groupe Parlementaire[modifier le wikicode]
L'action du groupe parlementaire, si l'on excepte les interventions particulièrement heureuses et hardies de quelques camarades, a été faible. Il importe que les élus communistes, bien qu'en petit nombre, jouent au Parlement bourgeois un rôle révolutionnaire plus net et attirant davantage l'attention des masses. Il importe surtout que le groupe, agissant en corps, ne permette plus certaines interventions individuelles incompatibles avec les principes communistes et qui ont été justement relevées. Le Congrès rappelle qu'en vertu des nouveaux statuts du Parti, le groupe parlementaire est placé sous le contrôle immédiat du C D. Le Congrès estime, avec le C. D. et pour éviter le retour de certaines erreurs de tactique, qu'eu aucun cas un candidat communiste ne pourra faire état des désistements prononcés en sa faveur par des représentants des partis ennemis.
Le Parti de la Classe Ouvrière[modifier le wikicode]
Le Parti déplore profondément la scission dont sont menacées les organisations ouvrières par la seule faute des fonctionnaires confédéraux. Il déclare que, sans examiner pour l'instant, au point de vue international, le problème du front unique, il est résolu à redoubler d'efforts pour grouper autour de ses mots d'ordre à but révolutionnaire, et en masses toujours plus denses, le prolétariat des villes et des champs pour toutes les batailles partielles ou générales qui louchent aux intérêts profonds des travailleurs. Le Parti Communiste français se déclare prêt à employer tous les moyens de tactique propres à faire apparaître devant les masses encore trompées la preuve expérimentale de la trahison des chefs réformistes ou opportunistes, mais il tient à proclamer devant le peuple laborieux de France et devant l'Internationale qu'il n'existe pour les communistes de ce pays aucune possibilité de rapprochement avec les chefs dissidents, alliés de la bourgeoisie et du gouvernement, ou avec les dirigeants syndicalistes qui ont abandonné la lutte de classes.
Direction du Parti[modifier le wikicode]
Le Communisme français, d'accord avec les thèses du 3e Congrès international, se prononce, en ce qui concerne la direction du Parti, pour le centralisme démocratique contre le centralisme oligarchique, rejeté par l'Internationale et que tous les membres du Parti déclarent repousser. C'est d'ailleurs seulement dans les périodes de guerre civile acharnée que la concentration de tous les pouvoirs en un petit nombre de mains est indispensable.
Il appartiendra d'ailleurs au C. D. de se tenir en contact étroit avec les masses profondes du Parti et de s'inspirer largement des suggestions qui lui viendront des sections et des fédérations.
Il importe, pour permettre au C. D. d'accomplir sa lourde tâche, de le délivrer de tous les soucis secondaires. Dans ce but, il est souhaitable qu'un Bureau Exécutif soit constitué pour expédier les affaires administratives et politiques courantes et pour préparer le travail du C. D. Celui-ci pourra ainsi se consacrer pleinement à sa tâche essentielle. Cette modification pourra être réalisée par le C. D. sans effectuer une révision générale des statuts, qui rendrait nécessaire la convocation d'un Congrès national spécial. Dans tous les cas urgents, le secrétaire général et le Bureau Exécutif convoqueront sans retard le C. D. Dans des circonstances d'extrême gravité, le secrétaire général et le bureau pourront prendre les décisions indispensables que le C. D. aura à ratifier.
Plus de Polémiques personnelles[modifier le wikicode]
Le Congrès, qui constate avec la plus grande satisfaction les manifestations de toute nature, montrant combien est solide l'unité révolutionnaire du Parti, ne peut que déplorer les polémiques qui, ces derniers temps, ont troublé le. communisme français et réjoui ses adversaires. Il approuve le C. D., qui, dans une de ses dernières séances, a voté une motion invitant tous les camarades en cause à cesser ces déplorables polémiques, et il constate avec peine que la décision du C. D. n'a pas été obéie par tous. Il donne pour l'avenir au C. D. le mandat formel de sévir avec la plus grande énergie pour éviter le retour de pareils faits.
La discussion des idées est libre dans le Parti, mais les polémiques personnelles doivent être bannies de la grande famille communiste, et plus les camarades sont élevés en responsabilité et en dignité dans le Parti, plus ils doivent s'abstenir d'attaques visant d'autres membres de l'organisation.
C'est dans le Parti, par la procédure du contrôle, que les différends de toute nature doivent être réglés et non sur la place publique, pour le bénéfice do nos ennemis.
Le Contrôle de la Presse[modifier le wikicode]
Le Congrès invite le C. D. à organiser le contrôle de la presse. Les journaux du Parti : Humanité, Internationale, Bulletin Communiste, doivent être dirigés et rédigés de telle sorte que nul ne puisse dire que des influences d'ordre personnel s'exercent sur eux. Les journaux politiques n'appartenant pas au Parti, mais dirigés par des membres du Parti, sont de droit soumis au contrôle. Il est inadmissible qu'ils puissent servir à attiser des conflits à l'intérieur du Parti, en favorisant des polémiques personnelles, ou à défendre une tactique opportuniste, condamnée par le Congrès de Tours et par l'Internationale. Le Comité Directeur aura le devoir de prendre dans ce sens les décisions les plus énergiques et les plus rapides.
Le Parti et l'Internationale[modifier le wikicode]
Le Parti est particulièrement soucieux d'assurer dans les meilleures conditions possibles ses relations avec l'Internationale. Il est reconnaissant à son délégué auprès de l'Exécutif pour les efforts accomplis en vue d'assurer un bon service de liaison. Le Congrès constate qu'il n'y a pas eu de désaccord politique entre le C. D. et son représentant. Mais il importe avant tout qu'une harmonie parfaite existe entre le C. D. du Parti et le délégué à l'Exécutif, son porte parole. Le Congrès enregistre les décisions communiquées au Parti par l'Internationale dans le but d'aplanir en cette matière certaines difficultés. Il donne mandat au C. D. de prendre toutes mesures utiles pour que les relations du Parti et de l'Exécutif ne soient plus gênées à l'avenir.
Le Congrès adresse à l'Internationale et à la Révolution russe sont salut fraternel, l'expression de son entière solidarité. Il affirme que le Parti français est résolu à persévérer dans la voie choisie à Tours et à développer de toutes ses forces une action révolutionnaire toujours plus hardie, suivant les règles fixées par les Congrès internationaux de Moscou.
Thèse sur la politique syndicale[modifier le wikicode]
Partie I[modifier le wikicode]
Le mouvement ouvrier, sous sa forme corporative, a été antérieur, partout et toujours, au mouvement ouvrier sous sa forme politique. L'association professionnelle de résistance a précédé historiquement, les partis ouvriers, parce que, partout et toujours, le particulier précède le général, parce que, partout et toujours, le fait précède l'idée. Avant de songer à conquérir ou même à neutraliser l'Etat, les travailleurs, odieusement pressurés par un capital tout-puissant, se sont efforcés, indépendamment de tout concept doctrinal, d'améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail.
Mais ils n'ont pas tardé à s'apercevoir que la force principale du capital lui vient de sa mainmise sur le pouvoir politique. Bientôt, les ouvriers les plus instruits et les plus avancés, unis d'ailleurs à quelques intellectuels révolutionnaires sortis des rangs de la bourgeoisie, tels que les Marx, les Engels, les Lassalle, constatent que le développement des antagonismes de classe amène le prolétariat à entamer contre la bourgeoisie, maîtresse des moyens de production et de coercition, une lutte non plus seulement économique, mais politique, une véritable lutte de classe, ayant pour but final la conquête, par le prolétariat organisé, des moyens de coercition et de production, c'est-à-dire l'expropriation politique et économique de la bourgeoisie.
Naissances des partis ouvriers[modifier le wikicode]
Ainsi, dans tous les pays des deux mondes, à côté des organisations corporatives, se forment les partis ouvriers, — socialistes, collectivistes ou communistes.
Mêlés intimement, dès l'origine, aux luttes économiques, les partis ouvriers exercent sur elles une influence profonde et décisive. Ils ne contribuent pas peu à en élargir l'horizon primitif. Ils popularisent dans les masses les notions marxistes de lutte de classe, de conquête du pouvoir politique d'expropriation de la bourgeoisie, de propriété collective des instruments de production et d'échange, etc. C'est ainsi que les syndicats, d'abord plus ou moins conservateurs, puis timidement réformistes deviennent peu à peu révolutionnaires, a mesure qu'ils s'imprègnent des idées générales élaborées par la critique collectiviste ou communiste. Un jour arrive où, selon le mot de Marx, au lieu de la devise conservatrice : « Un salaire normal pour une durée normale ! », ils inscrivent sur leur bannière le mot d'ordre révolutionnaire : « Abolition du salariat ! »
Il n'est pas d'exemple que le mouvement ouvrier, sous la forme corporative, ait jamais été, à son origine, révolutionnaire. Il le devient autant par l'effet de son expérience propre de la lutte que par les influences qu'exercent incessamment sur lui les partis et les hommes de révolution sociale.
Diffusion de l'esprit révolutionnaire[modifier le wikicode]
Pour ne parler que de la France, c'est à l'école de l'Internationale que les ouvriers parisiens apprennent les idées qui, après les avoir dressés contre l'Empire, les amènent à s'enrôler sous le drapeau de la Commune. Quand, moins d'un an après la défaite, réapparait le mouvement ouvrier, il est d'abord nettement réactionnaire. Non contents de n'émettre que des revendications anodines, les « syndicaux » de 1876 protestent humblement chaque fois qu'ils le peuvent de leur respect pour l'ordre établi, de leur soumission à la loi, « alors même, disent-ils, qu'elle n'est pas conforme à la justice » ; ils vont même, l'un d'eux va même jusqu'à flétrir la Commune ! Mais, au contact des communistes et des collectivistes de l'époque, les Guesde, les Lafargue, les Malon, les Vaillant, les « syndicaux »» ne sont pas longs à reconnaître les erreurs, les faiblesses, toute l'inefficacité de leur corporatisme apolitique et à se familiariser avec les idées fondamentales du socialisme moderne, avec les solutions les plus hardies du problème social.
Chambres syndicales et groupes d'études sociales fraternisent en 1879 au Congrès de Marseille, d'où va sortir un premier Parti socialiste ouvrier. Mais celui-ci se fractionne bientôt en groupements hostiles les uns aux autres, et leurs querelles d'école ennuient les syndicats qui, peu à peu, sentant croître leurs forces, finissent par se rendre indépendants de tout parti politique.
Formation du syndicalisme révolutionnaire[modifier le wikicode]
Lorsque les deux mouvements, politique et économique, se scindent définitivement, à la fin du siècle dernier, et cela en grande partie par la faute des chefs socialistes, trop occupés de politique pure, les ouvriers groupés dans les syndicats et dans les Bourses du Travail gardent de leur contact avec le socialisme révolutionnaire une empreinte ineffaçable.
Dégoûtés de l'électoralisme et du parlementarisme exclusifs, indifférents aux luttes de tendances qui dressent les unes contre les autres les diverses écoles socialistes, travaillés d'autre part par la propagande des anarchistes qui rêvent de faire du syndicat un instrument de combat contre le socialisme, ils déclarent vouloir s'en tenir aux luttes économiques qu'ils tiennent pour les seules luttes fécondes. Ainsi se forme l'état d'esprit qui aboutira au syndicalisme révolutionnaire dont les idées vont inspirer, à partir de 1902, la C. G. T.
A l'action politique, ils opposent l'action directe ; à la lutte pour la conquête du pouvoir, la grève générale pour la conquête de l'atelier. Mais ni la grève générale, ni l'action directe, ne constituent, au vrai, son originalité profonde. L'originalité profonde du syndicalisme révolutionnaire aura été de vouloir faire du syndicat un groupe véritablement politique, menant à la fois la bataille contre le salariat et contre le pouvoir, et d'affirmer que le syndicat, ainsi conçu, non seulement se suffit à lui-même, mais encore peut suffire à tout. Le syndicalisme révolutionnaire prétend ainsi se substituer aux partis socialistes ; il prétend réaliser un type nouveau de socialisme dont les allemanistes n'avaient fait qu'approcher sans l'atteindre : un socialisme syndical, un socialisme exclusivement ouvrier.
Importance de son rôle[modifier le wikicode]
Il n'y a pas de communiste qui ne rende pleinement hommage à l'importance historique du rôle joué dans le passé par le syndicalisme révolutionnaire. Il a animé de son souffle, plusieurs années durant, toute la classe ouvrière française ; à son école, elle a pris plus largement conscience d'elle-même et s'est lancée audacieusement dans des mouvements d'ensemble comme celui de 1906 pour la conquête des 8 heures.
Le syndicalisme révolutionnaire a réhabilité la grève, considérée par lui comme l'acte primordial de la volonté et de la liberté ouvrières, comme l'affirmation directe et décisive de l'antagonisme qui oppose le travailleur au patronat et au pouvoir. En dépouillant la grève de son aspect corporatif, il a tenté de lui donner un caractère de plus en plus général, un contenu de plus en plus politique. Et ces grèves, répétées et généralisées, devaient aboutir un jour, enseignait-il, à la grève générale révolutionnaire, épisode suprême de la lutte de classe, forme vraiment prolétarienne de la révolution sociale.
Le syndicalisme révolutionnaire ne s'en est pas tenu à faire l'éducation des prolétaires. Il a eu sur le socialisme lui-même la plus salutaire influence. Il l'a, non sans quelques secousses assez rudes, rappelé au sentiment de la lutte de classe et de la révolution inévitable. Par son mépris du parlementarisme, des préjugés démocratiques, nationaux et légalitaires, par son goût viril de l'action, il a été pour le communisme, en France, un précurseur que celui-ci ne saurait oublier.
Difficultés et contradictions[modifier le wikicode]
Le syndicalisme révolutionnaire ne faisait pas fi des conquêtes immédiates. Il était révolutionnaire et réformiste à la fois. Il entendait, en effet, par l'appât d'améliorations matérielles d'une obtention relativement facile, attirer au syndicat la presque totalité des salariés. Et c'est afin de n'effrayer personne que la principe de neutralité syndicale avait été incidemment proclamé.
Mais à mesure que les effectifs syndicaux grossissaient, une contradiction se faisait jour entre syndicalisme et syndicats, entre les fins révolutionnaires du premier et le souci des seconds d'amener à eux tous les travailleurs sans distinction d'opinions politiques ou religieuses. D'une part, l'agitation incessante dont les syndicats étaient le théâtre nuisait au recrutement, d'où une grave crise d'effectifs dont souffrait à son tour l'action corporative. D'autre, part, le fait que les syndiqués peuvent appartenir à toutes les opinions ou même n'en professer aucune était loin de s'accorder avec le révolutionnarisme ardent des chefs syndicalistes Dans les années qui précédèrent la guerre, une évolution se dessinait qui insensiblement semblait devoir conduire la C. G. T., sinon à abandonner toute agitation révolutionnaire, du moins à la subordonner aux préoccupations d'ordre professionnel et syndical : recrutement, organisation, amélioration patiente et lente des conditions du travail, etc.
La fin du neutralisme syndical[modifier le wikicode]
Le guerre vint. Les syndicalistes révolutionnaires dans leur presque unanimité portèrent à la doctrine dont ils se réclamaient le coup le plus terrible en se rangeant dès le premier jour sous la bannière de l'union sacrée. On avait tant dit que le syndicalisme, développant son action sur le propre terrain de la classe ouvrière, loin des « sentiers obliques » de la démocratie et du marais parlementaire, état à l'abri des corruptions, déviations et compromissions du socialisme politique, qu'on était en droit de penser qu'il saurait résister à la psychose de guerre. Il n'en fut rien. Jouhaux se fit l'agent du maquignonnage malvyste. Et tandis que la C. G. T. s'unissait dans le « comité d'action » à un parti socialiste en révolte ouverte contre les décisions de ses congrès nationaux et internationaux, les syndicalistes révolutionnaires restés fidèles, se liaient d'un accord étroit avec les éléments révolutionnaires des partis socialistes d'Europe, participaient aux conférences de Zimmerwald et de Kienthal et plus tard s'affiliaient au Comité de la 3e Internationale La vieille notion de neutralité, les vieilles et spécieuses oppositions entre syndicats et parti, entre syndicalisme et socialisme étaient battues en brèche par les nécessités nouvelles issues de la guerre impérialiste.
La guerre finie, la C. G. T. fut le théâtre de dissensions violentes entre les réformistes et les révolutionnaires, chacune des deux fractions s'appuyant à l'extérieur sur la fraction correspondante du parti socialiste. La motion proclamée jadis à Amiens d'un syndicalisme politiquement neutre tendait de plus en plus à s'affaiblir. Un syndicat n'est pas neutre qui s'appuie à. l'extérieur sur les éléments de la 2e Internationale ou sur le B. I. T. ; un syndicat n'est pas neutre qui s'allie, fut-ce momentanément, au Parti Communiste et à la 3e Internationale.
Le moment actuel[modifier le wikicode]
Cependant on constate depuis peu chez les syndicalistes révolutionnaires groupés dans les C. S. R. une tendance à se dégager de toute influence de parti. En refusant d'entrer dans l'Internationale, ils ont montré qu'ils prêtent aux Partis Communistes qui y sont affiliés une volonté d'hégémonie qu'ils entendent ne pas subir. Les syndicalistes révolutionnaires se réclament de nouveau de la motion d'Amiens — qu'invoquent de leur côté les syndicalistes réformistes — et prétendent constituer à eux seuls le parti révolutionnaire du travail.
La question, non résolue par la pratique, des rapports du Parti Communiste et des syndicats ouvriers se pose donc avec une force renouvelée. Il appartient au Parti Communiste d'annoncer sur ce problème capital l'intégralité de sa pensée, avec le ferme dessein de dissiper les inquiétudes injustifiées et d'arriver à dresser, en face de la concentration grandissante des forces capitalistes et patronales, un front révolutionnaire unique, tant sur le terrain de l'action que sur celui de la pensée doctrinale.
Partie II[modifier le wikicode]
Le Parti Communiste reconnaît tout d'abord que les syndicats ouvriers sont fondés, par une glorieuse tradition de combat, à être considérés comme des facteurs révolutionnaires, et cela aussi bien dans la période qui précède la révolution que pendant la révolution elle-même.
Valeur révolutionnaire des Syndicats[modifier le wikicode]
Dans la période antérieure à la révolution, les syndicats poursuivent — pour reprendre sur ce point les termes de la motion d Amiens — « la coordination des efforts ouvriers, rabaissement du mieux-être des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc. ». Mais ce n'est là qu'une partie de leur rôle et, par delà ces revendications immédiates, le syndicalisme « prépare l'émancipation intégrale avec, comme moyen d'action, la grève générale ».
En ce qui touche l'acte même de la révolution, le coup de force décisif qui abattra l'ordre politique et économique existant, le Parti Communiste ne peut la concevoir que sous les formes combinées de la grève générale et de l'insurrection, que par l'ardente coopération des syndicats et du Parti. Quand le prolétariat se sera emparé de haute lutte des organes du pouvoir politique, il appartiendra aux syndicats, sous le contrôle de l'Etat prolétarien, de mettre immédiatement la main sur les organes de la production et de l'échange de manière à éviter dans la mesure du possible toute interruption dans le processus de création et de circulation des richesses. Ainsi c'est par l'accord intime, la collaboration étroite de l'organisation politique et de l'organisation économique que se réalisera, dans sa plénitude, la dictature du prolétariat.
Mais l'importance du rôle des syndicats, aussi bien dans la préparation que dans l'exécution de l'acte révolutionnaire, commande au Parti Communiste de préciser sa propre position à l'égard des syndicats et du syndicalisme.
Parti et Syndicats[modifier le wikicode]
Par leur composition où entrent des éléments politiquement et intellectuellement différents, qu'unit seulement l'affinité économique ; par la nécessité où ils se trouvent d'amalgamer des masses encore faiblement éduquées, les syndicats forment le gros de l'armée prolétarienne[1]. Il faut être salarié, sans plus, pour entrer au syndicat. Pour entrer au Parti, organisation sélectionnée de combat[2], il faut adhérer consciemment aux idées communistes qui assignent à la lutte de classe pour objectif suprême, non seulement « la disparition du salariat et du patronat » inscrits dans les statuts de la C. G. T., et que réclament aussi les coopérateurs bourgeois, mais l'abolition des classes, l'avènement d'une société sans classes, d'une société communiste fondée sur la propriété « une et indivisible » des forces productives et sur l'obligation du travail pour tout individu valide.
De la différenciation qui vient d'être esquissée, résulte, entre les syndicats et le Parti, une sorte de division naturelle du travail qui les empêche de s'ignorer et les oblige au contraire à coordonner leur action. L'action économique et l'action politique d'une classe ne s'opposent pas : elles sont liées et elles se complètent. Organisation syndicale et parti politique de classe réagissent incessamment l'un sur l'autre pour le plus grand profit de tous les deux : au contact du Parti, les syndicats s'élèvent progressivement à une compréhension plus haute, plus large et plus claire des fins dernières de la révolution prolétarienne, fins qu'exprime insuffisamment la formule de la C. G. T. : Disparition du salariat et du patronat ; ils s'imprègnent d'un idéalisme révolutionnaire qui les protège contre les régressions corporatistes : au contact des syndicats, le Parti trouve la force de résister aux influences extra-prolétariennes qui pourraient le corrompre, et de maintenir son caractère de parti de classe, de parti du prolétariat.
Respect de l'autonomie syndicale[modifier le wikicode]
C'est donc le droit et le devoir du Parti Communiste de se tenir en contact avec les organisations syndicales, et d'appuyer de toute sa force le mouvement ouvrier, dont il est étroitement solidaire. Toutefois, il déclare hautement sa volonté de respecter le droit des syndicats de se gouverner et de s'administrer eux-mêmes, en dehors de toute injonction, de toute tutelle, de toute subordination.
L'autonomie traditionnelle des syndicats ne saurait être mise en cause : elle est indispensable au recrutement et au développement syndical qui impliquent pour les syndicats la pleine liberté de leurs déterminations et de leurs mouvements. Elle est indispensable à l'unité ouvrière que le Parti Communiste entend sauvegarder non seulement dans l'intérêt du communisme, mais dans celui de la classe ouvrière.[3]
Précisant toute sa pensée, le Parti Communiste se refuse nettement à confondre le fait de l'autonomie ou de l'indépendance syndicale avec les formules familières à certains syndicalistes révolutionnaires. Il ne saurait admettre, notamment, ni la formule selon laquelle le syndicalisme se suffirait à lui-même, ni la formule selon laquelle le syndicalisme suffirait à tout.
Le Syndicalisme se suffit-il à lui-même...[modifier le wikicode]
Ni dans sa théorie ni dans sa pratique, le syndicalisme ne se suffit à lui-même. Les idées syndicalistes, loin qu'elles aient été créées de toute pièce, sont de vieilles idées socialistes adaptées au milieu syndical. L'évolution syndicaliste, comme toute évolution sociale, a été déterminée par des conditions de temps et de lieu, par des circonstances de fait où la volonté n'était pour rien. Le syndicalisme n'est pas un monde fermé. Il a comme le communisme lui-même des portes et des fenêtres qui, largement ouvertes, lui permettent avec l'extérieur des échanges féconds de forces et d'idées. Il participe souvent à des campagnes extra-syndicales : il accepte dans ses luttes tous les appuis qui peuvent s'offrir à lui. Il convient au surplus d'observer que plus le syndicalisme s'éloigne du corporatisme étroit et devient révolutionnaire, moins il est en mesure à cause de la complexité et de la pluralité de ses tâches, de se suffire pratiquement à lui-même.
...Et suffit-il à tout ?[modifier le wikicode]
Il ne suffit pas non plus à tout. Dans tous les pays conquis à la grande industrie, le prolétariat a peu à peu reconnu l'insuffisance foncière, même du point de vue réformiste, du syndicalisme livré à ses seuls moyens, et il a fondé partout, pour l'action prolétarienne générale et notamment pour la lutte contre l'Etat, des partis politiques. Le prolétariat anglais qui, après l'échec du chartisme, s'était si longtemps retiré sur le terrain du pur corporatisme, a fini par reconnaître lui aussi que le syndicalisme ne suffit pas à tout ; il a fini par reconnaître la nécessité d'une action politique propre à la classe ouvrière dans sa totalité : il a fondé le Labour Party qui groupe en un vaste faisceau les organisations syndicales et les partis socialistes (le Parti Communiste étant d'ailleurs exclu).
Tel est le témoignage de l'histoire. Il justifie partout l'existence des partis de la classe ouvrière. Au reste, la seule réflexion amènerait à concevoir que le syndicat qui unit, sur un programme de revendications spécifiquement ouvrières, des éléments politiquement hétérogènes, ne saurait faire face à lui seul aux exigences multiples de la lutte révolutionnaire. C'est pourquoi il devait arriver que les éléments les plus avancés et les plus énergiques se grouperaient en des organisations d'avant-garde capables de porter à l'ennemi des coups plus décisifs.
Le rôle du Parti Communiste[modifier le wikicode]
Organisation d'avant-garde de la classe ouvrière, le Parti Communiste est essentiellement cela. Comme l'ont dit, dès 1847, Marx et Engels, les communistes n'ont pas « d'intérêts distincts de ceux du prolétariat tout entier », dont ils composent « la fraction la plus résolue », celle qui donne sans trêve au mouvement « une impulsion nouvelle » et qui n'a, sur les masses, d'autre avantage que celui qui résulte d'une intelligence plus claire « des conditions, de la marche et des résultats généraux du mouvement prolétarien ».
C'est dire combien le Parti se rend compte, et qu'il ne se suffit pas à lui-même, et qu'il ne suffit pas à tout. Mais lorsque, entre syndicats et parti, les dernières barrières, artificiellement entretenues par la bourgeoisie, seront enfin tombées, ce qui n'est vrai aujourd'hui ni des syndicats ni du Parti considérés séparément deviendra vrai du fait de leur coopération cordiale. Ce n'est ni le syndicalisme ni le communisme, c'est le prolétariat, politiquement et économiquement organisé, qui, de plus en plus, se suffira à lui-même et qui suffira à tout.
Partie III[modifier le wikicode]
En vue de hâter l'heure où, par l'unité de son front de bataille, le prolétariat sera à même de réaliser sa mission historique, le Parti Communiste croit urgent d'en finir avec la doctrine imprécise qui a prévalu jusqu'ici dans ses rapports avec les syndicats et de tracer les grandes directives auxquelles doivent se conformer les communistes à l'intérieur des syndicats.
Il rappelle tout d'abord qu'il fait une obligation[4] à tous ceux de ses membres qui sont ouvriers, employés, fonctionnaires, d'appartenir au syndicat confédéré de leur profession et à la fraction révolutionnaire de ce syndicat. Mais le fait d'être syndiqué serait dénué de portée s'il ne s'accompagnait d'une participation assidue à la vie et à l'activité syndicales.
Programme d'Action Communiste[modifier le wikicode]
Le Parti Communiste fait sien le programme d'action syndicale adopté par l'Internationale. Il affirme la nécessité de syndicats aguerris et agressifs, la valeur de l'action directe, l'urgence de constituer dans les usines des comités ayant pour objet d'étudier le fonctionnement industriel, commercial et financier de l'entreprise, de limiter l'arbitraire patronal, d'améliorer les conditions de travail et de salaires et, dans les cas de conflit grave, tel qu'un lock-out, de procéder à l'occupation des ateliers. Il place au premier rang des revendications syndicales celle du contrôle ouvrier et met les travailleurs en garde contre le péril des commissions pseudo-paritaires, de la soi-disant participation aux bénéfices et de l'imaginaire nationalisation préconisée par les réformistes. Il estime que les syndicats ne peuvent pas se borner à combattre le pouvoir patronal, mais doivent entrer en lutte contre le pouvoir gouvernemental, car l'Etat, en militarisant les travailleurs, en noyant sous les troupes les champs de grèves, en imposant les salaires, etc., est le plus ferme soutien de l'exploitation dont les ouvriers sont victimes.
Le Parti déclare, en outre, que les travailleurs communistes ont, au syndicat comme à l'atelier, comme à la caserne, le devoir impérieux d'affirmer hautement les idées communistes et de défendre leur parti et ses militants contre le préjugé, la calomnie ou l'ignorance, sans se laisser arrêter par la crainte d'enfreindre une neutralité qui, au demeurant, n'a jamais existé.
Il appartient aux prolétaires communistes de gagner les syndicats au communisme en vulgarisant sans relâche auprès des camarades moins avancés ou plus timides les idées de lutte de classe, de grève générale révolutionnaire et d'insurrection armée, de prise du pouvoir par le prolétariat politiquement et économiquement organisé, d'expropriation de la bourgeoisie, de propriété sociale, etc.. etc.
Ils auront à combattre vigoureusement non seulement les panacées réformistes dont il ne leur sera pas difficile de démontrer la duperie, mais encore les tendances confuses et confusionnistes comme celle qui, sous prétexte de fédéralisme, aboutirait à maintenir, en face de la concentration capitaliste et de la centralisation patronale, les entraves d'un corporatisme ou d'un localisme étroit ; comme celle encore qui, sous prétexte d'individualisme et de liberté, repousserait jusqu'à l'idée de la dictature du prolétariat.
Contre Amsterdam[modifier le wikicode]
Les ouvriers communistes combattront dans les syndicats l'Internationale réformiste d'Amsterdam, acoquinée aux gouvernements de la bourgeoisie, et ils prépareront l'adhésion du syndicalisme français, ramené dans la voie révolutionnaire, à l'Internationale des Syndicats rouges de Moscou.
Résolution additionnelle[modifier le wikicode]
Le Parti fait un devoir à ceux des techniciens qui sont inscrits parmi ses membres d'appartenir également à l'Union syndicale des techniciens de l'industrie, du commerce et de l'agriculture (Ustica) et d'amener cette organisation professionnelle à travailler en harmonie avec la fraction la plus avancée et la plus résolue du prolétariat.
Afin de contrôler dans son application quotidienne la politique qui vient d'être esquissée, le Comité Directeur devra créer dans son sein une commission d'études et de pratique syndicale et réunir, chaque fois qu'il le jugera nécessaire, des conférences consultatives, analogues à celle qui s'est tenue les 2 et 8 novembre dernier, en vue de l'examen et de la discussion de cette thèse[5].
C'est surtout[6] des ouvriers communistes militant dans les syndicats, soumis à ses directions doctrinales et à sa discipline que le Parti Communiste, parti de classe et de révolution, attend un rebondissement de l'action révolutionnaire des syndicats. Lorsque les syndicats auront été gagnés aux idées communistes, lorsqu'ils auront pris conscience qu'ils poursuivent le même but que le communisme et qu'ils combattent le même ennemi, ils n'hésiteront plus à coordonner leur action autonome à celle du Parti Communiste, avec, pour suprême objectif, la révolution sociale par la dictature du prolétariat[7].
Thèse sur la question agraire[modifier le wikicode]
Guerre ou Révolution[modifier le wikicode]
La situation actuelle du monde, avec ses ruines humaines et matérielles, son déséquilibre économique et financier, ses haines de race plus violentes que jamais, ses conflits d'intérêts qui semblent rendre fatale une nouvelle conflagration générale, donne à la Révolution un caractère d'urgence qu'on ne pouvait soupçonner autrefois.
Pendant la paix, le régime capitaliste se montrait sous son aspect le moins inquiétant. Il assurait tant bien que mal l'existence des travailleurs. Par le droit de vote, il leur procurait l'illusion de la souveraineté. Aujourd'hui, le capitalisme s'affirme le maître absolu. Il dispose du droit de vie et de mort sur le prolétariat. Les chefs d'Etat, même animés des meilleures intentions, sont soumis à ses nécessités économiques : les événements des dernières années ont tué l'idéologie pacifiste et wilsonienne. Le régime capitaliste, qui « porte en lui la guerre », constitue un bloc qu'on ne pénètre pas, qu'il faut briser.
A défaut de toute autre considération, ce danger permanent de guerre ferait de la disparition de la bourgeoisie, en tant que classe dirigeante, une question de salut public. La prise du pouvoir par le prolétariat n'est plus seulement la condition essentielle de la transformation sociale, elle apparait comme le seul moyen d'assurer la paix du monde.
Les masses l'ont compris d'instinct. Le rétablissement révolutionnaire qui a abouti en France à l'adhésion à la 3e Internationale a été, dans une certaine mesure, déterminé par la volonté de paix. Les populations rurales qui, par endroit, se tournent vers le Parti Communiste, cherchent avant tout dans la Révolution un asile contre la guerre.
Les conditions humaines et matérielles[modifier le wikicode]
Or[8] les conditions matérielles et humaines du communisme ne sont pas réalisées en France dans tous les domaines. Dans le commerce et l'industrie, la concentration capitaliste très avancée rendrait facile la socialisation éventuelle si la classe ouvrière, organisée syndicalement, se préparait aux besognes de contrôle et de direction. Mais, aux champs, le communisme se heurte à des difficultés aussi grandes dans les choses que dans les hommes.
La concentration de la propriété[9] ne s'est pas produite avec régularité dans l'agriculture. Le mouvement de la propriété agraire, en France, présente plutôt, dans son ensemble, l'aspect d'un incessant assaut mené par les paysans sans terre contre les grands domaines acquis par la bourgeoisie[10] ou possédés encore par l'ancienne aristocratie.
Cette lutte est difficile. Elle exige, de la part des familles paysannes, des dizaines d'années d'efforts et de privations ininterrompus. Trois, quatre générations s'évanouissent parfois avant que le groupement familial ait acquis les terres qui lui sont indispensables. Leur victoire est souvent sans lendemain : il faut partager entre les enfants les champs si péniblement conquis, et leurs parts trop faibles les obligent à retourner à la terre des grands propriétaires ; il suffit de la maladie, de quelques mauvaises récoltes, de la défaillance du chef de famille pour anéantir les résultats d'une lutte d'un siècle. Mais, malgré les rechutes individuelles, la petite propriété terrienne supporte fort bien, dans diverses régions[11], la concurrence de la grande. Rien ne permet d'affirmer qu'elle sera absorbée, à une date même très lointaine. Et, à l'encontre des travailleurs de l'industrie, les paysans peuvent conserver l'espoir — bien faible, il est vrai — de se libérer de ce maître en régime capitaliste, par la propriété individuelle. Les nombreux achats de terre qu'ils ont effectués pendant la guerre le démontrent.
Il est impossible de dire dune manière rigoureusement exacte l'étendue respective des terres appartenant aux paysans qui les exploitent et de celles mises en valeur par le prolétariat agricole (salariés, colons, fermiers). Les statistiques d'avant-guerre indiquaient que la France comptait environ 5 700 000 exploitations rurales parmi lesquelles 4 850 000 petites exploitations de 0 à 10 hectares et 850 000 exploitations dépassant 10 hectares. Ces chiffres montrent combien, en dépit des affirmations intéressées des soutiens du régime, le sol est inégalement réparti dans notre pays. Mais ils ne fournissent aucune précision sur le rapport qui existe entre l'étendue des terres travaillées par leur propriétaire et des terres source de profit capitaliste. Des métayers, fermiers ou salariés exploitent, en effet, des fermes de moins de 10 hectares ; par contre, des fermes de 20, 30 hectares et au-dessus sont la propriété de la famille qui les met en valeur.
Cependant, on peut classer en trois groupes la propriété rurale française :
- Propriété capitaliste organisée pour la grande culture et mise en valeur par des salariés à l'aide de l'outillage moderne ;
- Propriété capitaliste divisée en exploitations familiales et mise en valeur par des métayers, fermiers ou salariés ;
- Propriété familiale mise en valeur par le paysan propriétaire.
Seul le premier groupe (de beaucoup le moins important) peut se prêter[12] à une socialisation immédiate — grâce à l'étendue de ses exploitations et aux méthodes de travail qu'il a adoptées[13].
Le caractère du paysan français constitue pour le communisme un obstacle au moins aussi grand que celui provenant du morcellement du sol. Le rural vit en isolé Ce n'est qu'accidentellement (au moment de la rentrée des récoltes) qu'il unit ses efforts à ceux de ses voisins. Il supporte mal un contrôle quelconque. D'ailleurs, tout contrôle sérieux serait pratiquement impossible aux champs. A l'usine, il est facile de déterminer le rendement moyen que doit fournir un ouvrier : le contremaître surveille, la machine commande. Comment vérifier la profondeur du sillon creusé ? Comment se rendre compte si le labour fut donné au bon moment ? Surtout, comment imposer au rural les journées de travail de quatorze ou seize heures, indispensables pourtant lorsque les intempéries l'ont immobilisé des semaines entières ?
Le paysan est à la fois patron et ouvrier. Il suffit à cette double lâche parce que le régime actuel lui permet les récompenses ou lui inflige les sanctions nécessaires. L'espoir du profit, la crainte de la perte, aiguillonnent sans cesse son activité. Certes, il aime son travail, il se réjouit d'une belle récolte, mais la notion de l'intérêt individuel est intimement mélangée à ces sentiments. Et il serait dangereux de croire qu'en quelques mois, même en quelques années, la Révolution pourrait transformer ce caractère fait d'habitudes séculaires.
Trois attitudes sont possibles[modifier le wikicode]
Malgré le développement de son industrie et de son commerce, la France reste, avant tout, un pays agricole. Les paysans y constituent le groupement humain le plus nombreux. Par conséquent, ils joueront fatalement un rôle de premier plan dans la Révolution. Et ni leur système de propriété, ni leurs méthodes de travail, ni leur caractère ne se prêtent à la réalisation immédiate du communisme.
En présence de ces faits, le Parti Communiste a le choix entre trois attitudes :
- Renoncer momentanément à la Révolution et attendre que se soit produite, dans les choses et dans les esprits, l'évolution nécessaire ;
- Essayer l'application stricte et immédiate des principes communistes dans un milieu rural non préparé ;
- Dresser un programme transitoire qui, s'inspirant du milieu économique et humain dans lequel l'effort révolutionnaire doit s'exercer, améliorera la situation de l'immense majorité des paysans, réservant la réalisation intégrale du communisme pour le jour où les masses paysannes lui donneront volontairement leur adhésion.
Renoncer momentanément à la Révolution, cette hypothèse ne saurait être retenue. L'expérience du passé démontre qu'il est impossible de compter sur une concentration de la propriété agraire. Vouloir transformer la mentalité paysanne en régime capitaliste serait également utopique. En développant notre propagande aux champs, en poussant les fédérations à nommer, dans ce but, des délégués permanents, nous pouvons recruter, dans chaque commune, un noyau de camarades prédisposés naturellement à venir au communisme, nous pouvons accroître nos effectifs électoraux mais nous ne changerons pas les hommes. Pour convertir la masse, il faut en avoir les moyens, et ces moyens sont à la disposition de la classe capitaliste. Seule, la conquête du pouvoir nous les donnera. Et puis, ajourner la Révolution, ce serait se résigner à de nouvelles guerres. Le Parti Communiste ne peut en accepter l'éventualité. Il doit à tout prix, en lui enlevant le pouvoir, mettre le capitalisme hors d'état de nuire.
Essayer l'application stricte et immédiate des principes communistes dans le milieu actuel ? Dire aux paysans, au lendemain de la prise du pouvoir : « Il n'y a plus de bornes, plus de barrières, tout appartient à tous. Vous travaillerez en commun selon les règles que vous établirez en collaboration avec les représentants de l'Etat ; puis, vous prendrez, parmi les récoltes produites, la part qui vous sera nécessaire ou celle que vous attribuera le conseil de la commune ? »
Quelques paysans comprendraient que cette association du sol et des efforts aboutirait à plus de richesse pour l'ensemble, et ils laboureraient la terre communale avec la même ardeur que leurs champs aujourd'hui. Mais qui oserait affirmer que les niasses suivraient et que s'accomplirait en quelques jours, par le seul fait de la conquête du pouvoir, une révolution dans les âmes ? Car travailler par plaisir ou par devoir, ou simplement comprendre que l'intérêt individuel se confond avec l'intérêt de tous, que la meilleure façon de travailler pour soi c'est de travailler pour les autres, cela suppose une véritable révolution morale. Et qui oserait baser la réussite de la révolution sociale sur la réalisation d'un pareil miracle ?
En Russie, toutes les tentatives faites pour introduire brusquement le communisme dans les milieux ruraux ont échoué. « Le régime de la commune, écrit Ossinski (commissaire du peuple russe à l'Agriculture), ne supprime pas seulement toute propriété privée : il impose à la liberté personnelle des entraves lourdes et gênantes. Ça n'est pas seulement la production, mais même la consommation personnelle qui, dans la commune, est réglementée par une collectivité étroite. La vie domestique tombe, par la force des choses, sous la tutelle d'autrui. C'est pourquoi seules sont viables les communes composées d'éléments parfaitement conscients et cohérents ou bien liés entre eux par des sympathies personnelles... »
Certes, les paysans français, plus instruits, supérieurs professionnellement, sont plus aptes que les moujiks russes à mettre en usage les méthodes modernes de la production. Malgré l'inaction criminelle du gouvernement capitaliste de notre pays contre les constructeurs de machines et les fabricants d'engrais qui les exploitent, ils ont considérablement amélioré, depuis un quart de siècle, leur outillage et leurs rendements. C'est ce qui nous permet d'espérer que notre révolution sociale échappera aux épreuves traversées par la Russie des Soviets.
Mais, précisément parce qu'il est de civilisation plus ancienne, parce que, depuis des siècles, il ne connait que la propreté individuelle, le paysan français, plus que le moujik, est pétri d'individualisme. Le Mir avait conservé en Russie, de génération en génération, l'habitude d'un communisme partiel, depuis longtemps aboli en France. Et les rudiments d'instruction reçus par nos paysans à l'école primaire les rattachent plus fortement encore à la forme individuelle de la propriété.
L'application brusque du communisme se heurterait à l'incompréhension et bientôt à la résistance de l'énorme majorité des paysans français. Ils soutiendraient la révolution tant que durerait l'expropriation du capitalisme agraire, mais ils se sépareraient d'elle lorsqu'il s'agirait d'organiser la nouvelle forme de propriété. Les contraindre à accepter la propriété commune serait impossible. L'essayer serait dangereux : tout essai de contrainte les rapprocherait du haut capitalisme industriel et commercial. Et ces luttes intestines aboutiraient sans doute, pour le malheur commun des paysans et des ouvriers, à l'échec de la Révolution.
Le Parti Communiste est donc conduit à organiser un régime agraire intermédiaire, qui, tout en supprimant[14] le métayage, le fermage et le salariat, donnera aux paysans[15] la jouissance gratuite de la terre (c'est-à-dire, en fait, sa propriété)[16], assurera entre les cités industrielles et les régions agricoles voisines, la soudure indispensable en tout temps et particulièrement en période révolutionnaire, accroîtra la production et permettra la création d'un milieu favorable à la réalisation du communisme.
La révolution agraire[modifier le wikicode]
La révolution agraire doit résoudre trois grands problèmes : régime de la propriété ; continuité et augmentation de la production agricole : éducation communiste de la classe paysanne.
I. Régime de la Propriété[modifier le wikicode]
a). Expropriation[modifier le wikicode]
Seront expropriés : les terres arables en friche ; les terres mises en valeur par des colons, fermiers ou salariés (sauf dans le cas où les salariés sont les auxiliaires des petits propriétaires exploitants), le cheptel et les immeubles qui en dépendent.
Les petits propriétaires exploitant eux-mêmes conserveront la jouissance absolue et perpétuelle de leur propriété.
L'expropriation, appliquée aux grands propriétaires oisifs, constitue simplement une restitution. Elle est aussi légitime que la suppression des privilèges de l'ancienne noblesse. Elle ne saurait, par conséquent, donner aux capitalistes terriens dépossédés le droit d'être indemnisés. Tout au contraire, après la restitution, ils resteront moralement débiteurs envers la société pour avoir vécu de père en fils, parfois depuis des siècles, sans rembourser par leur travail à la communauté humaine l'équivalent des richesses qu'ils consommaient. Par ailleurs, le droit à l'indemnité aboutirait à des résultats inadmissibles ; comme l'indemnité devrait logiquement être proportionnelle à la valeur des terres reprises, le régime nouveau servirait aux parasites de la veille des rentes d'autant plus fortes que leur parasitisme aurait été plus onéreux pour la société. La plupart d'entre eux jouiraient ainsi, dans la Révolution, d'une situation supérieure à celle des travailleurs.
Par contre, l'expropriation soulève une question délicate pour une catégorie de propriétaires. Lorsque la vieillesse ou les infirmités les obligent à quitter la charrue, de nombreux paysans sont contraints, pour vivre, à confier leurs terres à des salariés, colons ou fermiers. Le revenu de la part des récoltes qu'ils en tirent ne leur procure bien souvent qu'une existence médiocre, menacée constamment par la fluctuation des cours des produits agricoles. Et, tandis que leur passé de travail devrait leur assurer une vieillesse aisée et digne, ils sont réduits à exploiter d'autres cultivateurs, à entrer fréquemment en conflit avec eux. Par l'organisation immédiate d'un système d'assurances sociales, avec de larges retraites pour la vieillesse, la maladie ou les infirmités, la Révolution assurera à ces petits propriétaires une existence matériellement et moralement supérieure. Pendant la période comprise entre l'expropriation et la mise en vigueur du système national d'assurances, ces petits propriétaires recevront leur retraite par les soins d'un organisme local alimenté par les versements des bénéficiaires de l'expropriation.
Les grands propriétaires dépossédés jouiront également des avantages de l'assurance sociale. Si la Révolution ne leur doit aucune indemnité d'expropriation, elle ne saurait oublier que la société a le devoir d'assurer à tous ses membres les moyens de vivre. Les vieillards, les malades, les infirmes recevront une retraite. Quant aux jeunes, ils travailleront.
b). Appropriation[modifier le wikicode]
Les terres, cheptel et bâtiments d'habitation ou d'exploitation expropriés deviendront la propriété de la collectivité, mais les paysans en auront la jouissance gratuite et perpétuelle. Un Conseil communal, composé des diverses catégories de producteurs agricoles et nommé par eux en assurera la répartition équitable.
L'intérêt même des paysans leur commande de ne pas exiger la propriété absolue, c'est à-dire le droit d'acheter et de vendre immeubles, terre et cheptel. Ils savent par expérience que les familles les plus véritablement tranquilles et aisées sont celles qui possèdent, libre de toute hypothèque, la terre qu'elles peuvent travailler sans faire appel à la main-d'œuvre salariée. Ils savent aussi que, avec le régime de la propriété absolue, tel qu'il existe aujourd'hui, il suffit de quelques mauvaises récoltes, de la paresse ou de la légèreté d'un seul de ses membres pour que la famille, ruinée, retombe au métayage ou au salariat. La jouissance gratuite et perpétuelle procure tous les avantages de la propriété absolue et en supprime les inconvénients.
Le Conseil chargé de la répartition des biens expropriés les remettra :
- S'il s'agit de grandes propriétés (terres de labour, vignobles, etc...) outillées pour la culture moderne, à l'ensemble des travailleurs qui les exploitaient auparavant. Ceux-ci se constitueront en coopérative de production dont les statuts régleront la discipline du travail et sa rémunération, conformément aux prescriptions de la nouvelle législation agraire.
- S'il s'agit d'exploitations familiales, aux familles qui les mettent en valeur ou aux groupes de familles qui se constitueraient volontairement pour la culture en commun.
Cette répartition sera précédée d'un remembrement du sol destiné à réunir les terres autour des bâtiments d'habitation et d'exploitation.
Les petits propriétaires auront droit à une partie des biens distribués, dans le cas où leur propriété ne suffirait pas à leur capacité de travail et à leurs besoins : ils ne sauraient, en effet, être placés en infériorité vis-à-vis des autres travailleurs. Les salariés agricoles qui employaient leurs bras dans les petites exploitations bénéficieront également de la répartition, s'ils le désirent. Cependant, s'ils préfèrent conserver leur rôle de collaborateurs, ils deviendront — si l'accord s'établit — les associés de la famille qui les emploie, constituant avec elle une coopérative de production. Les Conseils communaux useront de leur influence pour réaliser cet accord[17].
Les paysans qui avaient abandonné la culture pour s'employer dans le commerce, l'industrie ou les fonctions publiques, entreront à égalité dans la nouvelle organisation s'ils veulent retourner à leur profession primitive.
Un Conseil cantonal tranchera en dernier ressort tous les différends soulevés par la répartition.
Au-dessus d'un certaine étendue, les forêts seront exploitées sous la direction d'une administration nationale.
La législation agraire, basée sur ces principes généraux, réglera, en tenant compte de la situation particulière de certaines régions[18], les détails de l'expropriation et de l'appropriation, la composition et le mode d'élection des Conseils communaux et cantonaux, le fonctionnement des coopératives de production, l'étendue minimum des forêts non soumises à répartition et, en général, toutes les questions se rapportant au nouveau régime de propriété.
II. Continuité et augmentation de la production[modifier le wikicode]
La possibilité du profit est le grand moteur de l'activité paysanne. Sous peine de voir la production décroître, la Révolution devra donc assurer aux cultivateurs la libre disposition du produit de leurs efforts et créer dans ce but des coopératives communales de vente et d'achat qui serviront d'intermédiaires entre l'agriculture et l'industrie. Cette tâche sera facilitée partout où les sections du Parti auront acquis à l'avance l'habitude de la coopération. Sur ce point, la question agraire se confond avec le vaste problème de l'échange et de la répartition des produits.
Comment le paysan pourra-t-il utiliser la valeur de ses récoltes et la plus-value du cheptel ? Actuellement, ses économies constituent pour lui et les siens une assurance contre la maladie et les intempéries ; elles lui permettent d'acheter de la terre, d'augmenter son bien-être matériel (c'est-à-dire d'améliorer sa situation et celle de ses héritiers). Or, la révolution lui donnera d'une manière définitive (ainsi d'ailleurs qu'à ses enfants) toute la terre qu'il pourra travailler. Le système d'assurances sociales le mettra à l'abri des intempéries, de la maladie, qui lui servira une retraite pour sa vieillesse.
Après qu'il aura acquitté les diverses charges sociales, le paysan trouvera, dans le perfectionnement de son outillage, l'aménagement de ses bâtiments d'exploitation, l'embellissement de sa maison, l'amélioration de ses conditions d'existence matérielles et intellectuelles, un large débouché pour ses économies.
Le remembrement accompli avant la répartition des terres aura déjà facilité le travail agricole. L'emploi[19] des machines modernes et des engrais, dont les stocks seront mis immédiatement à la disposition des communes rurales, l'électrification généralisée[20], le rendront à la fois moins pénible et plus productif.
Bientôt, l'école démocratisée dans laquelle les divers degrés de l'enseignement seront ouverts, par voie de concours, à toutes les intelligences, permettra de doter la culture des agronomes et des chimistes indispensables qui, véritables médecins des terres, accoutumeront les paysans à un usage plus judicieux des engrais, leur indiqueront les récoltes qui conviennent le mieux à leur sol et dirigeront les grands travaux de drainage, d'irrigation, de colmatage...
Les écoles d'agriculture pour jeunes gens et jeunes filles[21] — ainsi que les grandes fermes outillées pour la culture scientifique — permettront d'expérimenter les nouvelles méthodes de culture, d'élevage, d'organisation rationnelle et communiste de la vie ménagère[22], que leurs élèves, dont le nombre sera considérablement accru, vulgariseront ensuite dams les communes.
En un mot, après leur avoir donné la terre, la révolution poussera les cultivateurs par l'éducation, par l'exemple, à en tirer le rendement maximum.
III. Education communiste de la classe paysanne[modifier le wikicode]
Quelle que soit l'excellence des règles sociales, l'individu les brisera tôt ou tard si elles heurtent sa nature.
Les transformations énumérées plus haut peuvent s'accomplir avec les paysans tels qu'ils sont aujourd'hui, parce qu'elles apportent au sort de chacun d'eux de sensibles améliorations : la terre qui leur est nécessaire aux prolétaires actuels : fermiers, colons salariés (qui constituent la partie la plus opprimée du prolétariat agraire)[23] : la consolidation et, dans bien des cas, l'agrandissement, de leur propriété aux petits propriétaires ; aux uns et aux autres, l'usage à de meilleures conditions du matériel et des engrais et, par le renversement du régime capitaliste, la suppression essentielle des guerres.
Mais l'avenir posera d'autres problèmes : nouvelle répartition des terres pour adapter l'étendue de l'exploitation à l'importance numérique des familles ; colonisation intérieure pour décongestionner les régions surpeuplées et diriger le trop-plein de leur population vers les contrées où, faute de bras, la terre serait insufisamment travaillée ; développement de la motoculture (chaque région se spécialisant dans les récoltes qui conviennent le mieux à son climat, à la nature de son terrain, etc., etc.), dont l'assurance sociale aura supprimé les inconvénients...
Il s'agit donc, pour la Révolution, de préparer les paysans à ces nouveaux problèmes, avant qu'ils ne se posent avec une réelle gravité : de substituer la notion de l'intérêt commun à celle de l'intérêt individuel.
L'emploi de machines puissantes qui exigent un personnel nombreux (comme les batteuses) ou qui accomplissent la même besogne dans plusieurs exploitations (les charrues à tracteur, les moissonneuses-lieuses, par exemple) ; la pratique de la coopération pour la production et les échanges arracheront le paysan à son isolement actuel, l'amèneront à comprendre que son intérêt n'est pas de se dresser contre les autres ou simplement de vivre à côté d'eux, mais de vivre avec eux dans une collaboration chaque jour plus étroite.
L'éducation par la lecture et la propagande orale seconderont l'éducation par les faits. La prise du pouvoir mettra la presse entre les mains du prolétariat. L'histoire des dernières années a bien montré la puissance du journal sur les sociétés modernes. Quelle action ne sommes-nous pas en droit d'en attendre lorsque ses dizaines de millions d'exemplaires seront consacrés au bien de l'humanité !
Par l'école, la révolution gagnera au communisme les jeunes générations de paysans.
Battu en brèche par les nouvelles méthodes de travail, par la parole, par la presse, par l'école, l'égoïsme perdra rapidement du terrain. Les paysans se grouperont en associations de production de plus en plus nombreuses en attendant le jour ou, de leur plein gré, ils arracheront les bornes qui les divisèrent pendant des siècles.
Thèse sur la défense nationale et la question militaire[modifier le wikicode]
I
L'idéologie de la défense nationale fut une des causes profondes de la lamentable chute de la 2e Internationale. Cette idéologie résultait d'une conciliation impossible, en société capitaliste, entre les prétendras intérêts nationaux et la solidarité internationale, entre le patriotisme et l'internationalisme. Toutes les résolutions des congrès se ressentirent de celte équivoque.
C'est au nom de la défense nationale que les chefs et presque tous les partis socialistes de la 2e Internationale, dans les pays belligérante, renièrent la lutte des classes et lui substituèrent la solidarité des oppresseurs et des opprimés, des massacreurs et des massacrés. C'est au moment le plus décisif de l'histoire mondiale que la 2e Internationale, par son bureau et ses sections les plus importantes, française, allemande et anglaise, abandonna la base vitale de notre doctrine : la lutte des classes.
Cependant, le massacre international était venu à point pour confirmer cette doctrine éprouvée et d'une précision scientifique. La guerre mondiale a confirmé, par le fait, que, sous le régime capitaliste, les intérêts de la classe capitaliste dominent les intérêts généraux de la nation. Car le capitalisme mondial n'a pas hésité à déchainer la plus atroce des guerres, ruinant et assassinant les peuples, pour satisfaire ses ambitions impérialistes, sa soif de domination et de lucre. Ce que les socialistes prédisaient, dans leur propagande quotidienne, arriva. Par sa politique d'aventures coloniales, par la chasse perpétuelle, aux débouchés, par la course folle aux armements, par sa propagande stupidement nationaliste, inquiète surtout des progrès de la classe ouvrière, la société capitaliste se dirigeait tout droit vers la guerre mondiale exterminatrice.
Le socialisme révolutionnaire disait toujours aux peuples : « Le capitalisme, c'est la guerre ». Il prévoyait même le cas où la classe ouvrière serait impuissante à empêcher la guerre. Et il faisait un devoir au prolétariat mondial de faire sortir la révolution sociale de la guerre internationale. Et c'est au moment même où les prévisions du socialisme de classe se réalisèrent que les social-patriotes de la 2e Internationale abandonnèrent le drapeau du prolétariat massacré pour rejoindre celui de la classe capitaliste massacreuse. Le châtiment ne s'est pas fait attendre. La défense nationale a tué la 2e Internationale. Ses chefs gouvernent aujourd'hui la société capitaliste et la protègent de leurs corps contre la révolution prolétarienne. Un portefeuille ministériel est devenu la monnaie courante d'un régime qui solde le prix de la défection socialiste.
II
Le fait même de l'adhésion à la 3e Internationale signifie la rupture nette et décisive avec la défense nationale. En effet, la fraction du socialisme russe qui a présidé à la première révolution communiste et puissamment contribué à la fondation de la 3e Internationale a, dès le début de la guerre mondiale, reconnu son caractère impérialiste et déclaré qu'il n'y avait pas d'autre solution à cette guerre entre bandits capitalistes que la révolution sociale. Elle a dénoncé la défense dite nationale comme la défense de la société capitaliste et demandé aux prolétariats traînés par force au massacre de s'unir fraternellement dans la seule guerre juste des ouvriers et des paysans contre leurs exploiteurs et les massacreurs.
Les communistes russes ont fait ce qu'ils ont dit. Ils s'emparèrent du pouvoir, conclurent la paix, exproprièrent tes capitalistes et tes propriétaires fonciers et déclarèrent une guerre à mort à la contre-révolution capitaliste qui se dressait, un peu partout, contre le régime ouvrier et paysan. Pour défendre la patrie de la révolution et du travail, tout un peuple se leva et chassa les généraux réactionnaires armés par le capitalisme international. Pour la première fais dans l'histoire, la défense dune nation signifiait celle de la classe ouvrière et paysanne, la défense à la fois ouvrière et révolutionnaire. Les ouvriers défendaient leurs usines, les paysans leur terre, et tout le peuple la paix et la propriété nationalisée.
La première révolution communiste a donné spontanément aux nombreux peuples de l'ancien Empire russe l'autonomie totale et absolue allant jusqu'à la séparation. C'est un exemple sans précédent dans l'histoire. Partout la question des nationalités fait couler des torrents de sang, ainsi que nous le voyons de nos jours es Irlande, en Asie Mineure et ailleurs. Tandis que le pouvoir communiste a permis, sans effusion de sang. la constitution de toute une série de républiques libres et autonomes : la Finlande, la Lituanie, la Lettonie[24], etc., etc., les partis bourgeois et capitalistes promettaient aux peuples le droit de disposer d'eux-mêmes. Mais, par leurs traités, dits de paix (Versailles, Sèvres, Trianon, etc., etc.), ils transformèrent en esclaves ou en clients politiques des nations entières. Les communistes ne firent pas de phrases, mais réalisèrent l'autonomie de tous les peuples qui acceptèrent de vivre en paix avec la République des Soviets. Ainsi se trouve justifiée la distinction que Marx faisait entre une révolution bourgeoise et une révolution prolétarienne : la première est le règne de « la phrase » ; la deuxième est celui des « réalités » positives. La défense nationale capitaliste conduit à la destruction des nations ou à leur assujettissement. La société communiste réalise, en définitive, la véritable indépendance des individus et des nations.
III
Après avoir défini le rôle de la défense nationale dans le passé et dans la Russie soviétique présente, il nous reste à dire quel peut être son rôle, dans l'avenir prochain, en face de la situation mondiale actuelle et des événements que celle-ci peut et doit provoquer. La guerre impérialiste de 1914-1918 a laissé le monde dans un déséquilibre fondamental. Le monde, pulvérisé ou balkanisé, est déchiré en deux groupements de nations : le groupe des prétendus vainqueurs, ruinés, écrasés de dettes et de charges financières, incapables de profiter des terribles leçons de la guerre mondiale, pliant sous le fardeau des armements et prêts à recommencer les folies ruineuses de la guerre ; l'autre groupe se compose des peuples vaincus, humiliés, écrasés, piétinés, désarmés, proie facile et prédestinée des voisins surarmés. La faillite guette à la fois les deux groupements de peuples dressés les uns contre tes autres dans une haine qui dure encore. La vie économique est stagnante. Le commerce et l'industrie sont partiellement ou totalement paralysés. Le chômage s'étend. La monnaie se déprécie. La cherté de la vie augmente. Les budgets deviennent des gouffres engloutissant le plus clair revenu des peuples. La ruine est partout. La sécurité nulle part.
La menace de nouvelles guerres est permanente. La terrible paix sortie de la dernière boucherie mondiale contient de nombreux motifs de guerres certaines. Les traités imposés aux peuples vaincus par la force brutale, au mépris de tout droit même bourgeois, dresse un peu partout de nouvelles Alsace-Lorraine : Fiume, Alsace-Lorraine entre l'Italie et la Yougoslavie ; Vilno, Alsace-Lorraine entre la Pologne et la Lituanie ; Bessarabie, Alsace-Lorraine entre la Russie et la Roumanie ; Haute-Silésie, Alsace-Lorraine toujours menaçante entre l'Allemagne et la Pologne ; Burgenland entre l'Autriche assassinée et la Hongrie mutilée, le Banat entre la Hongrie et la Roumanie ; le Chantoung entre la Chine et le Japon, etc., etc. Partout des poudrières et des mines prêtes à sauter à chaque instant et à faire sauter la mauvaise paix capitaliste.
Au-dessus de ces conflits locaux, un formidable conflit mondial se prépare entre la ploutocratie américaine soutenue par la France et l'impérialisme japonais allié de l'Angleterre. La Chine, avec ses 400 millions d'habitants, est l'objet des convoitises des deux impérialismes : américain et japonais.
C'est la Turquie de la prochaine guerre mondiale.
Les signes précurseurs de la prochaine guerre mondiale se multiplient et frappent tout observateur averti par leur quasi identité avec ceux qui ont précédé te dernière guerre mondiale. Mêmes convoitises, mêmes inquiétudes, mêmes provocations, mêmes combinaisons diplomatiques et mêmes recherches d'alliances. Et pour parfaire l'analogie des situations, une conférence pour le désarmement est convoquée à Washington à l'instar de celle de La Haye. Ces sortes de conférences font partie intégrante de la préparation militaire. Elles trompent les nations sur les véritables desseins des gouvernants. Elles font croire aux peuples abusés que leurs gouvernements ont tout fait pour combattre les dangers de guerre. Et si la guerre éclate, c'est la faute de l'ennemi agresseur. Ainsi, ces conférences de paix préparent les « Unions sacrées » des peuples que la politique des classes dominantes mène à la boucherie.
Se déclarer, dans ces conditions, pour la défense nationale, c'est donner carte blanche aux gouvernants préparant de nouveaux carnages, c'est leur donner d'avance l'assurance qu'ils peuvent tout se permettre avec des peuples prêts à sacrifier leur vie sur l'autel de la patrie capitaliste.
IV
Les considérations de principe, ainsi que la situation internationale, dictent au Parti Communiste une attitude claire et précise :
- Le P. C. dénonce, par tous les moyens en son pouvoir, par sa propagande orale et écrite, par des interventions fréquentes et énergiques de son groupe parlementaire, la politique impérialiste et nationaliste des classes dominantes et de leurs gouvernements. Il rattache la politique de guerre des gouvernements à leurs véritables raisons : à la lutte pour la propriété privée et nationale, pour la domination, pour les zones d'influence ; pour les frontières stratégiques et les bases navales, et surtout à la lutte pour les plus grands profits capitalistes sur le marché mondial. Il démontre, en, un mot, qu'il ne peut se produire, en régime bourgeois, que des guerres d'agression ou de défense capitaliste, et il rejette, en conséquence, le mensonge de la défense nationale[25].
- Le P. C. dénonce sans cesse toutes les manœuvres diplomatiques préparant la guerre et allant des alliances et des traités plus ou moins secrets jusqu'aux conférences dites de paix et de désarmement.
- Le P. C. combat tous les budgets et tous les crédits de guerre, en démontrant leur caractère capitaliste et impérialiste, les périls constants de guerre qu'ils contiennent.
- Le P. C. défend les intérêts et l'indépendance de tous les peuples et particulièrement des peuples vaincus et désarmés.
- Le P. C. dénonce le système militaire[26] actuel, qui, par sa durée et ses méthodes, cherche à préparer des esclaves résignés et soumis au régime de l'exploitation et du massacre de l'homme par l'homme. Le Parti Communiste[27], parti de lutte de classe, combat par tous les moyens, sur tous les terrains, le militarisme bourgeois, pivot et soutien des vieilles institutions dont il poursuit l'entière destruction.Le Parti Communiste sait que le militarisme bourgeois est une arme indispensable au régime capitaliste, qui ne maintient sa domination qu'au moyen de la violence et de la force. L'armée assure au capitalisme de nouveaux débouchés dont il ne peut sans grands dangers se passer ; elle lui permet[28] surtout d'opposer à la force sans cesse grandissante du prolétariat révolutionnaire une force susceptible de la contrebalancer.* * * La bourgeoisie ne peut logiquement désarmer. La Conférence de Washington nous en fournit une nouvelle preuve. C'est pourquoi le Parti, ne voulant pas abuser la classe ouvrière, refuse de prendre pour des mots d'ordre communistes des utopies comme[29] le désarmement général et simultané, l'arbitrage mondial, l'abolition des casernes, la réduction du temps de service, etc... S'il dénonce les scandales du système militaire actuel, si son groupe au Parlement se prononce contre tout projet ayant comme base l'encasernement du peuple, c'est qu'il est un grand parti de classe, le Parti de l'opposition révolutionnaire et communiste et que, comme tel, il doit faire constamment, face à l'opinion publique, le procès de la bourgeoisie dominante et opposer à toutes ses tentatives d'impérialisme, avec la protestation du prolétariat, les solutions communistes. Dans ses luttes, en aucun cas, il ne se préoccupe des intérêts et des possibilités du système capitaliste dont il n'a cure. La bourgeoisie est obligée de suivre ses propres lois de développement interne, aussi les travailleurs ne doivent-ils attendre d'elle aucune amélioration susceptible de modifier leur sort.
- La position du Parti Communiste vis-à-vis de la défense nationale lui impose une tache immédiate de défense de classe : la propagande antimilitariste doit redoubler d'énergie et d'activité et rappeler aux travailleurs sous les drapeaux qu'ils n'ont de devoir qu'envers leur classe.[30]
- Par-dessus l'antimilitarisme, le Parti affirme sa conviction d'un bouleversement brutal de la société ; il sait contraire à la doctrine éprouvée du marxisme d'espérer un développement paisible du communisme. La violence ne disparaîtra que dans un régime nettement communiste ; jusqu'à cette période dont on ne peut nullement fixer la date, les principes de violence, de dictature et d'Etat prolétarien resteront à l'ordre du jour.Par conséquent, si le Parti combat l'armée capitaliste qui défend la propriété privée et favorise l'oppression de la classe ouvrière, il préconise l'armement du prolétariat, seul moyen d'assurer l'inévitable dictature prolétarienne, c'est-à-dire la défense des conquêtes déjà réalisées pendant la période transitoire de la société capitaliste à l'avènement de la société communiste.Il prépare résolument la classe ouvrière à l'idée de son armement prochain, l'armée révolutionnaire rouge devant nécessairement succéder à l'armée contre-révolutionnaire et capitaliste.
- Le Parti ne reconnaît pas comme étant un moyen efficace de lutte antimilitariste le geste individualiste de la désertion, quelle que puisse être la signification d'un tel geste[31].
- Le Parti demande[32] aux travailleurs sous les drapeaux et aux jeunes conscrits de remplir leurs impérieux devoirs de classe qui leur font une obligation de propager, avec toute la prudence indispensable en pareil cas, les principes antimilitaristes du communisme.Chaque travailleur à l'armée doit être effectivement un soldat de la Révolution.Le Parti prend toutes précautions utiles pour que son action antimilitariste ne soit pas enrayée par les coups que la réaction ne manquera pas de lui porter.Les efforts faits par les « Ligues Civiques » et autres organisations blanches de la bourgeoisie n'échappent pas au Parti. Il en connaît les dangers ; il saura y faire face.C'est avec les Jeunesses Communistes qu'il luttera pour la défense des principes de cette thèse.
- Le Parti Communiste doit, en tout occasion, prendre la défense des soldats indigènes des troupes coloniales, les éclairer sur les rapines du capitalisme français dans leurs pays d'origine et leur faire comprendre qu'ils constituent avant tout une force mercenaire au service d'une bourgeoisie de guerre civile.[33]
- En cas de mobilisation générale, le P. C. fait appel[34] à la résistance du peuple et utilise tous les moyens, y compris la gréve générale, pour précipiter la chute du régime capitaliste, cause directe des guerresDe plus, dans l'éventualité où le gouvernement entendrait morceler habilement la mobilisation par le rappel d'une ou plusieurs classes dans un but de brigandage impérialiste (occupation de la Ruhr, etc.), le Parti se fera un devoir, après un examen réfléchi des conjonctures du moment, de recourir au même procédé de résistance[35].
- [36]En vue de donner une sanction pratique et efficace aux considérations de principe qui précèdent, le Comité Directeur devra, dans le délai de trois mois, élaborer un projet d'action[37] antimilitariste.Il tiendra compte à cet effet des rapports préalables que devront lui adresser d'urgence les secrétaires fédéraux et se mettra d'accord avec les représentants des Jeunesses Communistes.Ce projet[38] sera transmis aux secrétaires fédéraux et leur sera renouvelé périodiquement[39], revu et mis au point d'après les circonstances, à charge par eux d'en assurer obligatoirement l'application dans le territoire fédéral et de rédiger un rapport trimestriel au Comité Directeur sur les résultats régionaux de cette action.
Thèse sur la tactique électorale[modifier le wikicode]
Le Parti Communiste, parti de lutte de classe et de révolution, oppose aux dogmes démocratiques une négation catégorique.
Appuyé sur l'histoire, il déclare que la conquête du pouvoir politique par le prolétariat à l'aide du suffrage universel est impossible.
Il sait que la dictature bourgeoise ne sera renversée que par la force et devra être remplacée par la dictature des ouvriers et des paysans jusqu'au triomphe complet du communisme.
L'action électorale n'a donc pour lui qu'une valeur secondaire. Elle doit servir, non pas à l'occupation progressive du pouvoir par les travail leurs s'emparant peu à peu des assemblées délibérantes, mais à la diffusion des idées communistes parmi les masses, au recrutement du Parti, à l'agitation révolutionnaire, portée, toujours avec plus d'audace, au cœur même des institutions bourgeoises.
Pour les communistes, la question d une entente permanente ou temporaire avec tout autre parti ne saurait même pas se poser. Ni pour le présent, ni pour l'avenir, le Parti ne peut envisager, sous quelque forme que ce soit, un accord avec les partis bourgeois.
Pour les élections générales, législatives, cantonales ou municipales, comme pour les élections partielles de tout ordre, il repousse l'idée même d'une entente.
Son action électorale ne peut être qu'une des formes de son action politique d'ensemble, qui tend à grouper et à organiser les travailleurs en parti de classe, pour la prise révolutionnaire du pouvoir.
Les fondateurs même du communisme scientifique ont revendiqué pour le prolétariat le droit de faire servir à ses fins propres les conflits secondaires de la bourgeoisie. Le Parti, surtout dans cette période de désagrégation et de trouble social, manquerait aux règles les plus élémentaires de la tactique s'il ne faisait, autant qu'il est possible, tourner à son profit les antagonismes qui opposent souvent les diverses fractions de la classe possédante. Mais il se doit d'agir, dans ce sens, avec une entière franchise.
Le Parti Communiste voit dans la complaisance avec laquelle les groupements pseudo-socialistes cherchent l'alliance de tels ou tels partis bourgeois la marque de leur irrémédiable déchéance. Pour lui, nulle tractation avec d'autres partis, nulle combinaison électorale, sous quelque forme qu'on la puisse imaginer, ne saurait exister.
Repoussant tous rapports avec les états-majors des autres partis, les communistes s'efforceront par leur propagande, de rechercher dans les divers groupements politiques les travailleurs qui s'y sont égarés et de montrer aux petits bourgeois, à la petite propriété paysanne, comment le grand capitalisme les opprime.
Les élections législatives partielles, les élections municipales ou cantonales qui auront lieu jusqu'à cette date, seront soumises au système du scrutin majoritaire avec deuxième tour.
Le Parti a donc le devoir, en vue de ces diverses consultations électorales, de préciser sa tactique. Celle-ci doit être fixée à la lumière des principes rappelés plus haut.
* * *
Toute élection, si modeste que soit son importance, doit être, pour le Parti Communiste, l'occasion d'une affirmation révolutionnaire. Partout et toujours, la doctrine du Parti doit être exposée sans réticence et, à tous les tours de scrutin, le principe de la lutte de classe mis en action. Le moindre manquement au devoir communiste, en cette matière, doit faire l'objet de sanctions sévères. C'est pourquoi il importe que le Comité Directeur, investi des droits du Parti lui-même par le Congrès National, contrôle toujours l'action électorale des Fédérations.
Dans tous les cas où, après le premier tour, il apparaît que le candidat du Parti peut espérer le succès pour le scrutin de ballottage, la lutte doit être continuée avec un redoublement d'énergie.
C'est toujours sur le terrain d'action du communisme qu'elle sera poursuivie, le Parti faisant appel aux masses, sans rien retrancher de son programme révolutionnaire et en évitant toute déclaration qui pourrait, à cet égard, prêter à l'équivoque et ravaler le candidat communiste au rôle humilié des concurrents bourgeois en quête de mandats. Dans le cas même où d'autres candidats se désisteraient en faveur du porte-drapeau communiste, celui-ci ne devra pas s'autoriser de ces désistements pour réclamer des suffrages, mais continuer de faire directement appel aux masses au nom du Parti.
Le Parti ne pourrait, sans affaiblir la notion de la lutte de classe, prononcer au deuxième tour de scrutin le désistement de son candidat en faveur du représentant d'un autre parti. Il repousse toute tactique de ce genre, comme incompatible avec ses idées essentielles.
Dans tous les cas où il apparaîtra qu'en maintenant son candidat au second tour de scrutin, sans espoir de succès, le Parti risque d'affaiblir le résultat obtenu au premier tour et de créer, dans la circonscription, une situation défavorable pour le développement ultérieur du communisme, la prudence commandera à la Fédération intéressée de retirer purement et simplement son représentant.
D'autre part, si une Fédération juge qu'elle peut, sans inconvénient pour le Parti, et avec l'espoir légitime de prolonger son effort de propagande, maintenir jusqu'au bout son candidat, même dans le cas où le succès du communisme au second tour semble improbable, le Parti a le devoir de tenir compte d'une telle situation et d'un pareil état d'esprit.
La complication extrême de la situation politique actuelle et les difficultés auxquelles le Parti se heurte encore dans son effort de développement, ne permettront donc pas d'établir une règle unique pour le second tour de scrutin.
C'est pourquoi le Congrès décide, pour les élections partielles, jusqu'en 1924, de laisser à chaque Fédération le soin de proposer à la ratification du Comité Directeur la solution qui lui paraîtra la meilleure en cas d'insuccès au premier tour : retrait pur et simple du candidat communiste, ou continuation de la lutte au second tour.
Le Comité Directeur s'efforcera d'unifier la tactique en s'inspirant des intérêts généraux du communisme. Aucune décision ne sera valable si elle n'a obtenu son approbation. C'est au Comité Directeur qu'il appartiendra, en cas de désaccord, de fixer l'altitude du Parti. Toute faute contre la discipline appellera les sanctions de la Commission des conflits.
Résolution sur l'action à mener auprès des femmes[modifier le wikicode]
Prévue depuis plus d'un demi-siècle par les grands penseurs socialistes, la grande lutte entre les deux classes adverses : la bourgeoisie et le prolétariat, est commencée.
La Russie, la première, a fait triompher la cause des travailleurs ; dans le reste du monde, les secousses sociales de plus en plus rapprochées et de plus en plus profondes annoncent l'extension du bouleversement révolutionnaire.
Les femmes doivent prendre part au grand combat parce qu'elles sont doublement exploitées par la société bourgeoise.
Avide de profits, celle-ci en a réalisé sur tous les individus de la classe prolétarienne. Non contente de faire des bénéfices sur le travail de l'ouvrier, elle en a fait sur le travail de l'enfant, elle en a fait sur le travail de la femme.
La transformation de la technique du travail, la vie devenue de plus en plus difficile pour les travailleurs, ont obligé les femmes à quitter le foyer familial pour besogner au dehors. Leur condition inférieure dans la société et dans la famille a fait d'elles un matériel humain merveilleusement exploité par la classe bourgeoise.
Elles devraient sentir le joug qui pèse sur elles et rallier le Parti Communiste qui se dresse en adversaire résolu de la bourgeoisie.
Cependant, le Parti a jusqu'ici relativement peu recruté parmi les masses féminines.
Élevés sous le régime légal actuel, les citoyens considèrent trop souvent, selon les principes napoléoniens, que la politique « n'est pas l'affaire des femmes ».
Habitués à rejeter sur la femme tous les travaux qu'exige la vie familiale, ils ont craint, le plus souvent inconsciemment, que la femme émancipée ne soit plus une épouse aussi docile, disons le mot, aussi exploitable.
Les femmes accaparées par le labeur domestique, les soins aux enfants, aux malades, aux vieux parents, sont très souvent restées à l'écart du Parti.
L'éducation que leur impose la société bourgeoise, les préjugés millénaires, religieux ou sociaux, retiennent les femmes loin de l'action.
Bien plus, courbées sous le joug des lois et des mœurs, elles se résignent naturellement à leur sort et n'ont pas toujours conscience de leur assujettissement.
Pourtant, que de forces neuves le Parti Communiste et la Révolution peuvent trouver en elles !
Si la propagande du Parti parvenait à leur faire prendre conscience de leur sujétion, de l'exploitation à laquelle elles sont soumises, combien d'adhérentes ne trouverait-il pas dans ces masses de travailleuses qu'écrasent l'Etat, la Famille telle que l'a faite la société bourgeoise, le Patronat !
Même si le Parti ne devait recruter que peu de membres nouveaux par la propagande auprès des femmes, il devrait s'y livrer sans relâche, car la femme pourrait à l'occasion devenir une force contre-révolutionnaire dangereuse. Il importe de ne pas la laisser hostile aux idées communistes. Comme pour la classe paysanne, il faut, si l'on ne peut faire mieux, neutraliser l'influence néfaste qu'elle pourrait avoir.
Si la politique n'est pas encore actuellement l'affaire des femmes, nous pouvons dire que la Révolution sera leur affaire, car l'immensité des tâches révolutionnaires nécessitera la mise en œuvre d'un nombre d'énergies incalculable.
Le Parti Communiste affirme à nouveau le principe d'égalité totale entre les deux sexes.
Parlant de ce principe, il aidera de tout son pouvoir les femmes à conquérir, même dans le régime actuel, sur tous les terrains : civil, politique, économique, l'égalité avec les hommes.
Mais de même qu'il montre au prolétariat l'impossibilité absolue d'un affranchissement total sous le régime du capitalisme et de la propriété privée, de même il met énergiquement en garde la masse féminine contre le pseudo-affranchissement que peut lui donner ce même régime capitaliste.
Seul le communisme, par la transformation des services de la vie familiale qu'il prévoit, par la reconnaissance de la maternité comme fonction sociale, est capable d'assurer à la femme la véritable libération.
Comment vaincre les difficultés du recrutement[modifier le wikicode]
Puisque l'éducation, les préjugés, l'instruction souvent plus que rudimentaire des femmes rend la propagande malaisée, il faudra que pour elles, comme pour les Jeunesses, le Parti s'attache à vulgariser les premiers éléments du socialisme.
Les tracts, les brochures devront être courts, clairs, précis, rédigés en faisant appel à la raison, au bon sens. Ils devront surtout servir à rattacher les questions qui intéressent plus particulièrement les femmes, à l'économie générale, afin que les travailleuses, les ménagères, les mères, sentent que leur labeur pourrait être rendu moins pénible dans une structure sociale autre.
Les camarades qui voudront amener les femmes au Parti devront chercher à quelles heures elles sont le plus volontiers libres. Tantôt ce sera le soir, tantôt dans l'après-midi, quand les enfants sont à l'école : tantôt ce sera le dimanche.
Une des causes essentielles de l'éloignement des femmes de la vie politique est le soin des enfants.
Sachant que, seul, le prolétariat venu au pouvoir considérera comme le devoir le plus urgent pour lui de les prendre complètement à sa charge, les communistes doivent provisoirement créer des organismes qui aident la femme dans cette tâche, groupes d'enfants, garderies.
Les municipalités communistes peuvent beaucoup en cet ordre d'idées par la création de crèches, de jardins d'enfants, de blanchisseries municipales, de cuisines communes, etc.
Décisions de l'Internationale Communiste[modifier le wikicode]
L'Internationale demande à tous les Partis Communistes de créer, à côté de tous leurs organismes, des Comités pour le travail communiste parmi les femmes, qui s'adonneront à la tâche de la propagande dans les grandes masses féminines.
L'I. C. demande à tous les Partis de faire les sacrifices nécessaires pour créer un Secrétariat féminin et un organe, dans la presse communiste, spécialement réservé aux femmes.
Il est du devoir de notre Parti de réaliser aussi rapidement que possible les créations que l'I. C. nous demande.
Devoirs des militants et des militantes[modifier le wikicode]
Plus souvent qu'elle ne l'a été jusqu'ici, l'idée d'amener les femmes à jouer un rôle plus actif dans le Parti et au dehors du Parti devra préoccuper tous les militants.
Les camarades hommes doivent songer à introduire les femmes dans tous les organes du Parti, encourager les militantes, vaincre leurs hésitations.
Dans les manifestations publiques, une femme devra toujours avoir une place dans la constitution du bureau.
Toute délégation, soit de la section, soit de la Fédération, devra comprendre un certain nombre de citoyennes.
Dans leur famille, les militants feront tous leurs efforts pour entraîner la femme, la fille — comme le fils — à militer.
Le militant ne garde pas pour l'extérieur les questions politiques et économiques, mais il essaie d'en amener la discussion et la compréhension au foyer familial.
Les femmes adhérentes au Parti doivent militer avec activité.
Aux réunions, elles doivent prendre part aux discussions, oser donner leur avis tout haut.
Il leur faut réclamer une place au sein de toutes les commissions et prendre part au fonctionnement de tous les organismes du Parti.
Elles se feront un devoir de vaincre en elles la négligence, la frivolité ou la timidité. Elles auront le courage de défendre leur opinion auprès d'une voisine ou d'une camarade.
Dans la famille, elles accompagneront leur mari s'il milite ; elles essaieront de le convaincre s'il est indifférent ; elles réclameront et prendront le droit de militer seules si cela est nécessaire.
Aux heures où la lutte de classes devient plus aiguë ; manifestations, démonstrations, grèves, la femme encouragera les siens au combat et essaiera de détruire autour d'elle l'esprit contre-révolutionnaire.
Les camarades salariées se souviendront que la lutte de classes s'exerce sur le terrain du travail ; elles ne négligeront pas d'y prendre part et rallieront le syndicat de leur profession.
Elles se souviendront aussi au syndicat qu'elles sont des militantes communistes et elles apporteront leur part de travail pour amener leurs camarades à la compréhension de la doctrine et de l'action du Parti Communiste.
L'organisation coopérative appelle également luur concours. Elles devront y militer pour en améliorer le fonctionnement. En effet, une organisation coopérative mieux comprise rendrait la tâche ménagère de la femme moins absorbante et faciliterait l'émancipation féminine indispensable à l'avènement d'une société communiste.
Les militantes ne sacrifieront pas trop aux préjugés religieux ou sociaux des vieux parents, surtout en ce qui concerne l'éducation des enfants.
Les parents devront avec soin surveiller les leçons faites à leurs enfants à l'école et ne craindront pas de protester avec énergie devant les rnesures administratives telles que cérémonies chauvines, conférences, souscriptions, dans lesquelles la neutralité la plus stricte ne serait pas respectée.
Moyens d'action[modifier le wikicode]
Le Parti doit créer immédiatement le journal et le secrétariat féminin réclamés par l'Internationale.
Dans tous ses rouages, statutaires ou non, le Parti devra introduire l'élément féminin.
Les secrétaires de sections et de fédérations feront leur possible pour susciter l'activité des militants qui formeront le Comité pour le Travail communiste auprès des femmes, sectionnel ou fédéral. Ils leur fourniront l'aide pécuniaire indispensable.
Les Comités de Section pour le Travail communiste auprès des femmes s'attacheront à rechercher les centres de travail féminins (usines, magasins, exploitations agricoles, etc.), pour y distribuer régulièrement des tracts et des brochures.
Si possible, ils organiseront la distribution de ces tracts dans les marchés et à domicile.
Ils appelleront les femmes à des réunions ou conférences de tout genre, séances de couture, veillées, etc.
D'ailleurs, le travail des Comités se précisera au fur et à mesure de leur fonctionnement, par l'apport de toutes les bonnes volontés et de toutes les initiatives.
Les Comités pour le Travail auprès des femmes doivent avoir l'appui moral et l'aide pécuniaire de chacun des organismes du Parti auxquels ils sont respectivement rattachés.
Cette aide se manifestera par des subventions régulières.
Outre les subventions, les Comités se procureront des ressources par des fêtes, des dons volontaires, etc...
Mais ce n'est pas seulement dans le Parti même que doit être éveillée l'action des militantes.
Le rôle des Municipalités socialistes peut être considérable.
D'une manière générale, celles-ci doivent préparer l'opinion à l'émancipation des femmes. Pour cela elles étudieront le moyen de réunir des assemblées de femmes dans la commune. Ces assemblées pourraient élire des représentantes qui assisteraient aux séances du Conseil municipal et desquelles on solliciterait l'avis.
Ainsi, chaque fois que cela sera possible, il faudra essayer d'introduire les militantes du Parti Communiste dans les organismes de la société bourgeoise pour qu'elles en comprennent le fonctionnement et, qu'au jour de la Révolution, elles soient prêtes à y substituer, en ce qui les concerne, les organismes prolétariens qui libéreront tous les opprimés : les travailleurs et les femmes.
Le Groupe parlementaire devrait admettre à toutes ses séances une militante, désignée soit par le Congrès, soit par le Comité Directeur.
Ainsi serait affirmée devant l'opinion publique et en face de la société bourgeoise la volonté du Parti Communiste de réaliser l'égalité des sexes.
Enfin, et pour résumer, le Parti ne perdra pas de vue que la tâche d'éveiller les femmes à la conscience de classe et à la vie politique, de susciter leur activité, est une nécessité urgente pour assurer le succès de la Révolution.
Conclusion[modifier le wikicode]
En conclusion, le Congrès décide :
- Le Comité Directeur comprendra obligatoirement au moins trois femmes de la Seine ; la secrétaire de la C. T . C. F. en fait partie de droit.Une commission de 9 membres, composée en majorité de femmes, sera créée auprès du Comité Directeur et prendra toutes initiatives propres à éduquer et à recruter les femmes ; il reste bien entendu que la réalisation des projets de la commission est subordonnée à l'approbation du Comité Directeur.La même organisation existera dans les Fédérations et Sections ;
- Pour la propagande et la documentation des militantes, un organe hebdomadaire, dont la création par l'Humanité a été votée au Comité Directeur du 1er octobre, paraîtra le 1er janvier et portera le titre : L'Ouvrière, organe communiste des travailleuses manuelles et intellectuelles. En outre, dans tous les organes du Parti, quotidiens ou hebdomadaires, une tribune sera réservée aux Commissions pour le Travail communiste parmi les femmes.De plus, le Parti prendra à sa charge l'édition de tracts de propagande qui seront distribués gratuitement et de brochures à bon marché ;
- Pour intensifier la propagande et l'agitation parmi les femmes, des candidates seront toujours adjointes sur les listes électorales ;
- La Commission pour le Travail communiste parmi les femmes aura sa délégation ou groupe parlementaire, aux conseils généraux et près des municipalités communistes.
Amendement
On attirera les femmes au Parti en les intéressant dans la plus large mesure à la propagande antimilitariste.
Thèse sur la coopération[modifier le wikicode]
Le Parti ne considère la coopération que comme un moyen puissant de lutte de classes, il dénonce par conséquent l'illusion de la coopération « se suffisant à elle-même et suffisant à tout », dévoile le mensonge de la neutralité des coopératistes et invite ses membres à entrer dans les coopératives pour les conquérir à l'esprit communiste.
Surgie du formidable bouleversement économique et social de la fin du dix-huitième siècle et du commencement du dix-neuvième, l'association à forme coopérative est arrivée à un degré de développement tel, qu'elle a naturellement retenu l'attention et sollicité l'activité de tous ceux que préoccupe l'organisation économique de la société. Le rôle immense qu'elle est appelée à jouer n'a point échappé aux communistes russes, qui l'emploient partout où la socialisation directe ne peut être réalisée.
En elle-même, la coopération n'est pas nécessairement une organisation de classe : elle peut être utilisée par tous les partis ; comme l'a fort justement écrit un économiste français : « On peut lui demander ce qu'on veut, elle se prêle à n'importe quelle fin sociale ».
Le Parti Communiste déclare qu'à aucun titre il ne considère la coopération comme une solution, une fin ou un but ; elle est un moyen, un moyen puissant de lutte de classes.
Elle réalise pour les travailleurs certaines améliorations immédiates et leur permet ainsi de mener avec plus d'audace et de liberté, dans leur groupement politique — le Parti — d'une part, et dans leur groupement professionnel — le syndicat — d'autre part, le combat révolutionnaire
Elle permet d'utiliser la puissance de consommation de la classe ouvrière pour atteindre le parasitisme commercial.
Elle rend les prolétaires habiles à remplir les tâches si diverses et si lourdes de l'administration collective.
Dans la période prérévolutionnaire, elle soustrait au capitalisme, et retourne contre lui l'une de ses forces d'exploitation.
Elle assure, dans la période révolutionnaire — période difficile où le prolétariat, en possession du pouvoir, doit repousser les assauts furieux et répétés des classes adverses décadentes — elle assure le ravitaillement et, centralisant les produits pour les transporter aux consommateurs et à l'Etat, elle devient l'organe indispensable de répartition et d'échange.
Après le triomphe de la révolution prolétarienne, elle relie les exploitations de petite production paysanne avec les organismes centraux de l'Etat prolétarien et organise les échanges internationaux.
Enfin, organisme de production elle-même, la coopération groupe les petits producteurs et achemine vers le collectivisme leur esprit resté individualiste ; elle prouve encore que la classe ouvrière peut assumer la double charge d'exécuter le travail et de diriger, c'est-à-dire d'administrer la société elle-même.
Ainsi, le Parti Communiste marque de façon précise et limite le rôle, d'ailleurs important, de la coopération : aider puissamment le mouvement des travailleurs pour la conquête du pouvoir politique et seconder ensuite l'Etat prolétarien pour l'organisation communiste.
Contre le coopératisme[modifier le wikicode]
En France, les réformistes et les petits bourgeois — qui, pour des buts exclusivement personnels, se sont traînés longtemps derrière un socialisme complaisant à la bourgeoisie et qui l'ont abandonné dès le jour où il a paru vouloir accélérer sa marche vers la révolution — ont fait preuve d'une particulière habileté quand, profitant de l'absence des militants ouvriers jeunes et actifs, ils se sont emparés de la direction des grandes coopératives de fusion créées pendant la guerre, grâce aux subventions gouvernementales, et ont essayé d'en faire — ils y ont souvent réussi — les forteresses de la conservation sociale.
Ayant, d'autre part, à leur disposition, un très gros budget constitué par les sociétés coopératives qui ne peuvent se soustraire à cet impôt sans rompre avec le Magasin de Gros, centre vital des coopératives de ce pays, ils font servir ce budget aussi bien à leurs fins politiques qu'au développement coopératif auquel il est destiné.
Presque tous, actuellement, ils se sont ralliés au « coopératisme », au nom duquel ils prétendent, « par une prise de possession pacifique, lente et progressive de tout l'organisme social, en employant uniquement la puissance des consommateurs de toutes classes, groupés dans les coopératives de consommation », arriver à la solution définitive de la question sociale.
Aussi, de tous les partis de réforme, de tous les partis de réaction, des encouragements, des adhésions de principe vont à la coopération, dont les buts lointains, et d'ailleurs irréalisables, constituent une organisation de tout repos pour la bourgeoisie.
Le Parti Communiste s'oppose irréductiblement au coopératisme : il ne voit là qu'utopie dangereuse, illusion trompeuse, contre quoi il met en garde les travailleurs ; il leur signale le danger qu'il y aurait pour eux à s'abandonner au mirage de ce concept économique qui admet une coopération se suffisant à elle-même et suffisant à tout.
Il les avertit qu'un tel abandon ne pourrait atteindre qu'à ce double résultat : émousser leur énergie et leur courage, les plonger rapidement dans une amère déception et, à la fois, consolider l'ordre capitaliste dont les coopératistes, inconsciemment ou non, se trouvent être les plus fermes soutiens.
Les travailleurs auront donc à se convaincre qu'ils ne trouveront jamais leur salut dans la seule coopération et qu'ils devront indispensablement combiner leur action révolutionnaire, politique et économique, pour la reprise des moyens de production et d'échange.
Ce qu'il faut penser de la neutralité politique dans la coopération[modifier le wikicode]
La neutralité dont se targuent les coopératistes est une neutralité de façade destinée à donner le change aux masses prolétariennes dont la puissance d'achat leur est indispensable pour arriver aux fins qu'ils poursuivent.
A la vérité, toutes les fois qu'ils ont eu à prendre parti : en Russie, en Sibérie, en Ukraine, en Finlande, en Allemagne, en Hongrie, en France, partout, ils se sont alliés aux adversaires du prolétariat révolutionnaire.
Les membres du Parti Communiste ne se laisseront donc point arrêter dans leur inlassable et permanent effort de vulgarisation des idées communistes de lutte de classes, d'expropriation de la bourgeoisie, de dictature du prolétariat, etc..., par les conseils intéressés de neutralité menteuse qui ne cache qu'une subordination étroite de la politique de la bourgeoisie impérialiste.
Il ne saurait y avoir dans la coopération pour le Parti communiste, de neutralité sans duperie et les dirigeants actuels de la coopération n'étaient point neutres, hier, qui s'installaient dans l'union sacrée durant toute la guerre à côté de nos pires adversaires ; ils ne le sont point aujourd'hui encore ; leur complaisance à l'endroit des gouvernants bourgeois le prouve comme le prouve aussi leur affiliation aux diverses Internationales jaunes, dont ils sont presque tous les militants assidus.
Rôle et devoirs des communistes dans la coopération[modifier le wikicode]
Dans les conjonctures actuelles, où la crise sociale se manifeste de façon si profonde, où tout le système capitaliste est ébranlé et semble craquer déjà de toutes parts, où la production reste dans un état profond de stagnation, où la perte et le gaspillage de toutes les richesses sont évidents, où enfin les représentants du capitalisme s'avèrent impuissants à rien réparer ou refaire ; étant donné surtout le rôle immense que doit jouer la coopération au cours de la Révolution prolétarienne, le Parti se doit à lui-même de ne point négliger ce moyen de lutte.
La tâche à entreprendre par les communistes est vaste, le but sera long peut être à atteindre, mais cela ne doit pas les décourager ; ils verront ce but plus clairement et s'en rapprocheront d'autant plus qu'ils travailleront dans les coopératives avec plus de ténacité et de dévouement
L'objectif en vaut la peine, car une telle organisation aux mains des communistes peut assurer le succès de la Révolution.
Pour cela et tout en tenant compte que l'autonomie technique et administrative du mouvement coopératif doit être absolue, en ce qu'il a des buts propres à remplir, il importe que les communistes, qui savent que de son développement commercial dans la période pré-révolutionnaire dépendra l'aide qu'ils doivent en attendre, tant pour la destruction de la petite bourgeoisie mercantile que pour le succès des batailles où le prolétariat se trouve engagé d'une façon méthodique et coordonnée. C'est dans ces conditions et conformément aux résolutions adoptées par le 3eCongrès de l'Internationale communiste que :
Le Parti Communiste français (S. F. I. C.) fait un devoir absolu, à tous ses membres, d'adhérer à la coopérative de consommation de leur commune ou de leur quartier ; de créer des coopératives par tout où il n'y en a pas, dans la mesure où ils prévoient qu'elles pourront vivre et se développer. Ils auront à y faire un double et vigoureux effort : y porter d'abord toute leur capacité d'achat et poursuivre, dans l'atelier et partout, une propagande persévérante et systématique, dans le but de conquérir au communisme le plus grand nombre de coopérateurs et partant la coopération elle-même.
Ils se souviendront que si la coopération n'est pas spécifiquement communiste, elle peut et doit le devenir par l'esprit des communistes mêmes qui lui consacrent leurs efforts et qu'une de leurs tâches essentiellement consistera à substituer à ses dirigeants actuels des communistes sûrs et expérimentés.
Ils devront aussi adhérer au Cercle des coopérateurs de leur société ou de leur section et s'évertueront à connaître rapidement les méthodes d'administration et de contrôle qu'un travailleur ne peut acquérir nulle part ailleurs.
Ils observeront strictement les directives communistes. Ils devront enfin se tenir en communication constante avec le centre organisé des coopérateurs communistes chargés de diriger l'action des communistes dans la coopération.
Le Congrès donne mandat au Comité Directeur de se tenir en relation étroite avec le centre et de prendre toutes mesures nécessaires pour son bon fonctionnement.
Résolution sur le communisme et les colonies[modifier le wikicode]
Le 2e Congrès de l'Internationale Communiste, tenu en août 1920, avait déclaré dans ses thèses sur les questions coloniales :
La grande guerre européenne et ses résultats ont montré clairement que les masses des pays assujettis hors d'Europe sont liées d'une façon absolue au mouvement prolétarien d'Europe et que c'est là une conséquence inévitable de la centralisation du capitalisme mondial...
L'Internationale Communiste doit étendre le cercle de son activité. Sa tâche est d'organiser la classe ouvrière du monde entier pour le renversement de l'ordre capitaliste et l'établissement du communisme.
Ces directives s'imposaient en toute première ligne au Parti Communiste de France, puisque la bourgeoisie de ce pays domine des colonies dont la population atteint 40 millions d'habitants.
Les colonies sont considérées par les classes dominantes comme un grenier de matières premières pour la production desquelles les indigènes sont tenus pour de simples bêtes de somme, comme un débouché privilégié pour le commerce métropolitain ; et aussi comme étant destinées à fournir au militarisme des combattants pour les prochaines guerres que prépare la rivalité entre les impérialismes rivaux des divers pays.
Des dizaines de milliers de coloniaux ont péri dans la guerre européenne. D'autres dizaines de mille restent asservis au militarisme français ; il les expédie, durant la présente « paix sur le pied de guerre », en Allemagne, en Cilicie, en Syrie, sous les climats les plus meurtriers pour ces hommes des pays chauds. On embrigade les métropolitains au nom de la Défense Nationale : ce prétexte ne peut servir dans les colonies annexées d'hier : là, on recrute les Africains et les Asiatiques par des promesses fallacieuses d'argent ou de butin, par l'alcool, par l'arbitraire administratif, ou (quand ces procédés échouent) par la violence, la terreur et les exécutions exemplaires. Le militarisme français se vante, par la bouche de Mangin, de disposer de 400 000 soldats indigènes ; à la vérité, et par les procédés sus-visés, il peut lever un ou deux millions d'Africains et d'Asiatiques. Il espère trouver ainsi des victimes plus dociles que les ouvriers et paysans français, et aussi se servir des contingents coloniaux comme d'instruments aveugles pour opprimer et écraser le prolétariat d'Europe.
Outre la nécessité de combattre le danger que présente, pour le mouvement d'émancipation prolétarienne la mainmise absolue du capitalisme métropolitain sur des populations indigènes encasernées de force, il faut s'attendre à voir, durant une période révolutionnaire, la bourgeoisie utiliser les possessions coloniales comme refuge de la contre-révolution ou, tout au moins, s'appuyer sur elles pour organiser celle-ci. Nous devons, dès maintenant, prévenir cette tactique et, pour cela, nous efforcer de gagner la sympathie des masses indigènes et de les éduquer en leur montrant que leurs maux ont la même cause que ceux de la classe ouvrière métropolitaine.
Ce n'est pas tout de formuler ce devoir : encore faut-il entreprendre les tâches pratiques qui en dérivent. Cela n'est pas facile, pour plusieurs raisons :
- La première, c'est qu'il n'existe pas encore dans le Parti Communiste de tradition bien assise en matière d'action coloniale. La 2e Internationale avait à peu près complètement négligé de susciter aux colonies un mouvement d'opposition contre le capitalisme, se contentant d'émettre en cette matière des déclarations d'un réformisme ambigu et platonique. Tout est donc à organiser aujourd'hui par le Parti Communiste ;
- Ce qui fait la complexité et la délicatesse de cette œuvre, c'est aussi la diversité même des catégories de colonies constituant le domaine colonial français. Il en résulte que les moyens d'action ne sont pas uniformes et devront varier avec chaque grand groupe de colonies. On peut, en gros, répartir celles-ci dans les cinq catégories suivantes ; Afrique du Nord, Afrique Occidentale et Equatoriale, Indo-Chine, Madagascar, Vieilles Colonies ;
- Une autre difficulté résulte de l'inaptitude à peu près générale des indigènes à s'émanciper eux-mêmes. Ils n'ont pas de passé révolutionnaire ; dans beaucoup de colonies, ils sont habitués à la servitude et ne conçoivent pas encore la possibilité de s'en délivrer. Notre effort en vue de leur émancipation et en vue de les amener à seconder, par là-même, notre action révolutionnaire, ne sera pas sérieusement soutenu par eux, tout au moins au début, dans ces pays où l'arbitraire administratif ne connaît pas de limite.
Ces difficultés ne doivent, en aucune façon, justifier l'abandon par le Parti Communiste d'une politique coloniale réaliste et effective. Si nous les signalons, c'est uniquement pour montrer l'utilité d'une organisation spéciale destinée à mener à bien la propagande communiste.
Cette organisation spéciale, le Comité Directeur en a déjà préparé la formation en créant au siège du Parti un Comité d'études coloniales.
Ce Comité est un organe consultatif, recruté parmi des spécialistes, c'est-à-dire des membres du Parti connaissant les colonies pour y avoir vécu.
Il a pour mission de réunir la documentation en matière coloniale, de fournir aux Congrès du Parti et, dans l'intervalle des Congrès, au Comité Directeur, des conclusions pouvant permettre de prendre des décisions appropriées, en matière de doctrine, de propagande et de tactique.
Le Comité d'études coloniales a élaboré un exposé de la situation actuelle des différents groupes de colonies, en précisant les principaux besoins d'ordre économique, politique et social, ressentis par les indigènes ainsi que par les travailleurs métropolitains vivant aux colonies. De la constatation de ces besoins, il a dégagé, comme conclusions, des règles de tactique susceptibles, par leur mise en application, de fomenter aux colonies un mouvement d'opposition contre le capitalisme et un mouvement correspondant de sympathie pour le communisme.
L'ordre du jour du Congrès de Marseille étant trop chargé, ce rapport du Comité d'études coloniales ne pourra, malheureusement, y être examiné et discuté. Mais ce qu'on peut attendre du Congrès de Marseille, c'est d'abord, qu'il approuve le principe de la création d'un organisme spécial pour la politique coloniale du Parti ; c'est ensuite qu'il mandate le Comité Directeur en vue : 1° de continuer et élargir la tâche préparatoire commencée ; 2° de présenter, au plus prochain Congrès du Parti, une thèse coloniale sérieusement étudiée, pour y être discutée à fond de manière que, à partir de ce moment-là, le Parti soit en possession d'une politique coloniale claire, méthodique et pratique.
En conséquence, nous proposons au Congrès de vouloir bien adopter la résolution suivante :
Résolution[modifier le wikicode]
Le 2e Congrès du Parti Communiste français, réuni à Marseille, ayant pris connaissance du rapport présenté par le Comité Directeur, au nom du Comité d'études coloniales, et montrant la nécessité de créer au plus tôt, aux colonies, un mouvement d'opposition, animé de l'esprit communiste, contre le capitalisme et ses deux formes particulières, l'impérialisme et le militarisme ;
Tenant compte de la complexité du problème colonial, en raison de l'hétérogénéité des colonies et de l'évolution économique, politique et sociale, souvent rudimentaire, des populations indigènes, ainsi que de la puissance de l'arbitraire administratif dont elles sont victimes ;
Approuve le principe de la création d'un organisme spécial d'études et de documentation en matière coloniale, organisme consultatif et placé sous le contrôle du Comité Directeur ;
Charge ce dernier de prendre toutes mesures utiles en vue de commencer, dès maintenant, une propagande active en matière coloniale, en attendant qu'un projet complet et détaillé d'action coloniale soit discuté dans le prochain Congrès du Parti ;
Demande au groupe parlementaire une active intervention en faveur des indigènes des colonies privés de tous droits[40] ;
En particulier, invite le Comité Directeur d'accorder une place à l'élude de cette question dans l'Humanité et dans les publications et éditions du Parti ;
Engage les sections en général, spécialement celles existant aux colonies ou dans les villes ayant de fréquentes relations avec celles-ci, ainsi que les communistes isolés de toutes races, à collaborer dès maintenant avec le Comité d'études coloniales.
Le Comité d'Etudes Coloniales.
- ↑ Projet : les syndicats ne formeront jamais que le gros de l'armée prolétarienne, dont le P. C. au contraire constitue, non pas l'état-major, mais l'avant-garde.
- ↑ Les mots en italiques ont été ajoutés au congrès.
- ↑ Phrase ajoutée au congrès.
- ↑ Projet : un devoir absolu.
- ↑ Paragraphe ajouté au congrès.
- ↑ Projet : C'est des ouvriers communistes...
- ↑ Projet : que le Parti Communiste, parti de classe et de révolution sociale attend l'avènement prochain d'un syndicalisme révolutionnaire d'esprit nouveau qui, ayant pris conscience qu'il poursuit le même but que le Communisme et qu'il combat le même ennemi, s'efforcera de coordonner son action autonome à celle du P. C., avec, pour suprême mot d'ordre, la révolution sociale par la dictature du prolétariat.
- ↑ Projet : Or, cette révolution que nous devons faire pendant la période où s'accroissent les difficultés dans lesquelles le capitalisme se débat sera, en quelque sorte une révolution avant terme. Les conditions, etc.
- ↑ Projet : La concentration de la propriété, annoncée par les théoriciens du marxisme...
- ↑ Projet : acquis par la bourgeoisie lors de l'émigration....
- ↑ Projet : support fort bien la concurrence.
- ↑ Projet : se prêterait...
- ↑ Projet : qu'il a adoptées — à condition que l'éducation communiste des salariés qu'il emploie fût précédemment accomplie.
- ↑ Projet : qui, supprimant...
- ↑ Projet : aux paysans, libérés du capitalisme terrien....
- ↑ Projet : (c'est-à-dire en fait sa propriété) et, tout en écartant le danger de conflit entre les deux fractions du prolétariat, en les soudant au contraire l'une à l'autre, accroîtra, etc...
- ↑ Les mots soulignés depuis : s'ils le désirent, ont été ajoutés au texte du Comité directeur.
- ↑ Les mots : en tenant compte de la situation particulière de certaines régions, ont été ajoutés au texte du Comité directeur.
- ↑ Projet : L'emploi généralisé...
- ↑ Les mots : l'électrification généralisée sont une addition au texte primitif.
- ↑ Les mots : pour jeunes gens et jeunes filles sont une addition. Le texte primitif portait : Les écoles d'agriculture qui existent déjà...
- ↑ Les mots en italiques ont été ajoutés.
- ↑ Les mots en italiques ont été ajoutés.
- ↑ Projet du C. D. : la Lettonie, le Turkestan, etc.
- ↑ Paragraphe emprunté à la thèse de la Fédération de la Seine.
- ↑ Projet du C. D. : Il dénonce le scandale du système militaire...
- ↑ Les quatre paragraphes qui suivent on été empruntés au projet de la Fédération des Jeunesses.
- ↑ Le projet des Jeunesses portait : « Elle lui permet de maintenir l'intégrité nationale et surtout, etc. »
- ↑ Projet des Jeunesses : C'est pourquoi le Parti estime utopiques, et comme tels se refuse à les faire siens les mots d'ordre social-patriotes de désarmement général, etc.
- ↑ Les neuf paragraphes qui suivent sont empruntés au projet des Jeunesses.
- ↑ Dans le projet des Jeunesses, ce paragraphe était rédigé ainsi : « Le Parti repousse la méthode individualiste de la désertion : quelle que soit la signification de ce geste, il est condamné à demeurer vain. »
- ↑ Projet des Jeunesses : « Le Parti dicte... ».
- ↑ Les deux paragraphes qui suivent proviennent d'un amendement Planchon, adopté par la Seine.
- ↑ Projet du Comité Directeur : « En cas de déclaration de guerre, le P. C. affirme : « Au système capitaliste, pas un homme, pas un sou. » Il fait appel... » (Le reste du paragraphe, sans changement.)
- ↑ L'amendement Planchon portait : « Au même procédé de résistance insurrectionnelle. »
- ↑ Les trois paragraphes qui suivent proviennent du projet de la Seine.
- ↑ Projet de la Seine : « Un règlement tactique d'offensive. »
- ↑ Projet de la Seine : « Le règlement. »
- ↑ Projet de la Seine : « Trimestriellement. »
- ↑ Paragraphe ajouté au cours du Congrès.