Sur le vote secret

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A propos du vote secret, pour autant que je me souvienne, il était dit clairement dans ma lettre : il faut l’appliquer d’abord dans le parti, ensuite dans les syndicats, puis, d’après le résultat obtenu, dans les soviets. Le vote public fut introduit pour tenir l’ennemi en main grâce à la pression de l’opinion publique des ouvriers et surtout de leur avant-garde. Mais, à présent, la bureaucratie du parti dirige cet instrument contre la masse de celui-ci et le tourne dans les syndicats contre la masse ouvrière en général. On voit clairement où en sont arrivées les choses grâce au fait suivant : dans toute une série de provinces, la masse du parti avait eu connaissance, un, deux ou trois ans durant, de ce qu’à la tête du comité provincial du parti et du comité exécutif provincial des soviets se trouvaient des aventuriers, des prévaricateurs, de futurs traîtres ; elle le savait et pourtant elle se taisait. En présence d’une situation pareille, le vote secret est la première condition nécessaire au rétablissement de la démocratie au sein du parti. Dans les syndicats, le contrôle doit commencer par les organisations comprenant strictement des ouvriers de l’industrie, par les centres politiques les plus importants, par les parties du prolétariat les plus éduquées ; il faut avancer en étendant ce contrôle par cercles concentriques. En ce qui concerne les soviets, il faut être encore plus prudent. Je ne pourrais me prononcer catégoriquement sur ce dernier point qu’après avoir fait au préalable l’expérience dans le parti et dans les syndicats de l’industrie (non pas ceux de fonctionnaires). Évidemment, au cas où les données fournies par l’expérience tentée dans les syndicats seraient favorables, le scrutin secret ne pourrait être appliqué au début que partiellement dans les élections aux soviets, sans nullement prendre l’obligation de l’introduire en général dans n’importe quelles circonstances. Il va de soi que nous ne considérons pas les formes démocratiques comme des fétiches. La protection de la dictature domine toutes les autres considérations. Mais la dictature est menacée de deux côtés : de l’extérieur par la contre-révolution s’affichant ouvertement (social-révolutionnaire, menchevisme, antisémitisme), à l’intérieur des cadres par l’insinuant thermidorisme. La bureaucratie utilise les idées et les méthodes de la dictature pour terroriser l’animateur de cette dictature : l’avant-garde du prolétariat. Dès que les masses se ranimeront sérieusement, la première tâche à accomplir sera de vérifier les cadres, les épurer, les renouveler et les subordonner au parti. Il peut se trouver que le vote secret soit l’unique issue permettant d’aborder cette tâche. II est superflu d’ajouter que le mot d’ordre du scrutin secret n’a nullement un caractère de principe, d’universalité, obligatoire, en toutes occasions. C’est un mot d’ordre ad hoc, à déduire d’une crise, des contradictions existant entre les cadres et le parti. Mais, dans la situation présente, c’est un mot d’ordre très important.