Racisme et anti-racisme aux États-Unis

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Les États-Unis ont une longue histoire de racisme et de lutte contre le racisme. De par son histoire, ce pays a constitué plus nettement que d'autres un cas d'école des oppressions racistes.

Les oppositions entre nationalités ont été un obstacle majeur à l'unité de classe aux États-Unis, avec plus qu'ailleurs une histoire de violences inscrites dans la durée - particulièrement entre les années 1870 et 1920.

Le racisme, notamment les violences policières ou de groupes d'extrême droite, est encore un problème politique majeur aux États-Unis.

1 Destruction des autochtones[modifier | modifier le wikicode]

Avant la soi disant « découverte de l'Amérique » (1492), le territoire des actuels États-Unis était habité par plusieurs peuples natifs (improprement appelés « Indiens » par les Européens). Ceux-ci ont été décimés à plus de 90% suite à la colonisation européenne. La plus grande part de cette hécatombe est due à l'arrivée de maladies auxquelles le système immunitaire des peuples autochtones n'était pas préparé (si bien que le terme de génocide fait débat). Néanmoins les colons ont consciemment repoussé toujours plus les natifs au fur et à mesure qu'ils prenaient possession de tout le territoire, et n'ont pas hésité devant les guerres et les mesures indirectes pour décimer la population (comme le massacre des bisons).

2 Esclavage et abolitionnisme (1619-1865)[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

L'esclavage des Noir·es a été pratiqué aux États-Unis par les Européens dès le 17e siècle.

Cependant il faut rappeler qu'aux origines, les Anglais déportaient plus largement de nombreux opprimés : paysans pauvres chassés de terres clôturées, prolétarisés, criminalisés, mis en esclavage pour dette, et également beaucoup d'Irlandais·es.

Les anglais se sont mis à « compléter » de plus en plus par un trafic massif de main d’œuvre d'esclaves Noir·es, la traite atlantique et le commerce triangulaire.

Peinture censée représenter la première vente d'esclaves (1655) à La Nouvelle-Amsterdam (New York)

Le prix des esclaves Noir·es est devenu bien inférieur au « prix » des déportés européens, ce qui a favorisé l'association entre esclaves et Noir·es. Mais cela n'a pas été un processus naturel, et il y a eu des révoltes d'esclaves européens aux côtés des Noirs. Au cours du 17e siècle, les autorités ont pris des mesures actives pour briser les solidarités, différencier leurs conditions de servitude, et créer un bloc racial « blanc » (malgré de nombreuses subdivisions).[1]

🔍 Voir : Traite atlantique.

Une certaine tendance abolitionniste existait dans le sillage de la révolution anglaise (1641-1651) et de la guerre d'indépendance des États-Unis (1775 - 1783), mais elle a été minorisée et réprimée. Les luttes de classes et les oppressions racistes ont donné lieu à de nombreuses oppositions entre mouvements religieux, avant que les mouvements prennent une forme républicaine, démocrate, socialiste...

La « conspiration de New York » (1741) fut la dernière grande révolte d'un prolétariat profondément métis, avant que la blanchité ne soit durablement assise aux États-Unis.

2.2 « Esclavage industriel »[modifier | modifier le wikicode]

Les États du nord-est du pays ont commencé à abolir l'esclavage dès les années 1770-1780.

L'esclavage aux États-Unis est parfois vu comme une arriération qui a fini par être vaincue par le « progrès » du capitalisme, mais c'est en réalité un esclavage différent de l'esclavage antique, un esclavage à grande échelle qui a justement été boosté par la révolution industrielle capitaliste.

Le Sud des États-Unis, avec ses plantations de cotons basées sur l'esclavage, alimentait l'industrie textile naissante de l'Angleterre (avec ses prolétaires tout juste au dessus de la hiérarchie sociale), dans la nouvelle division internationale du travail.

En 1847, Marx écrivait dans Misère de la philosophie à propos de "l'esclavage des noirs dans le Surinam, dans le Brésil, dans les contrées méridionales de l'Amérique du Nord" :

« L'esclavage direct est le pivot de l'industrie bourgeoise aussi bien que les machines, le crédit, etc. Sans esclavage, vous n'avez pas de coton ; sans le coton, vous n'avez pas d'industrie moderne. C'est l'esclavage qui a donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce de l'univers, c'est le commerce de l'univers qui est la condition de la grande industrie. Ainsi l'esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance. Sans l'esclavage, l'Amérique du Nord, le pays le plus progressif, se transformerait en pays patriarcal. Effacez l'Amérique du Nord de la carte du monde, et vous aurez l'anarchie, la décadence complète du commerce et de la civilisation modernes. Faites disparaître l'esclavage, et vous aurez effacé l'Amérique de la carte des peuples. Aussi l'esclavage, parce qu'il est une catégorie économique, a toujours été dans les institutions des peuples. Les peuples modernes n'ont su que déguiser l'esclavage dans leur propre pays, ils l'ont imposé sans déguisement au nouveau monde. »[2]

Différentes tortures infligées aux esclaves noirs, 1864

Ou encore, dix ans plus tard :

« L'esclavage des Noirs, esclavage purement industriel, est supposé par la société bourgeoise, bien qu'au cours de son développement, il devienne insupportable à celle-ci et disparaisse ; en effet, sans les États libres pratiquant le salariat, les pays esclavagistes isolés verraient bientôt leurs structures sociales retourner aux formes précivilisées. »[3]

Ou encore, dix ans plus tard :

« La découverte des contrées aurifères et argentifères de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques d’accumulation primitive qui signalent l’ère capitaliste à son aurore.  »[4]

Globalement, le « développement » de l'Europe et de l'Amérique capitaliste s'est fait au prix de la mise en esclavage de plusieurs dizaines de millions d’Africains. La nécessité de justifier cette déshumanisation en masse est l'origine principale des théories racistes envers les Africains en Europe.

2.3 Guerre de sécession (1861-1865)[modifier | modifier le wikicode]

Mais le Nord des États-Unis était lui tourné vers l'industrie (et donc le salariat plutôt que l'esclavage), ce qui le posait en concurrent de l'Angleterre, et créait une divergence majeure d'intérêts avec le Sud. C'est cette divergence qui est à la racine de la Guerre de sécession, guerre au cours de laquelle le Nord a vaincu le Sud, et aboli l'esclavage.

Cependant même si les rapports sociaux du Nord ont favorisé l'abolitionnisme anti-esclavagiste et que cette opposition est devenue rétrospectivement symbolique d'une opposition entre un camp globalement progressiste (alors dominé par le Parti républicain) et un camp globalement réactionnaire (alors dominé par le Parti démocrate), les dirigeants bourgeois du Nord étaient loin d'être de purs idéalistes clairs sur l'abolitionnisme.

Marx, comme la majorité des démocrates et des socialistes, était abolitionniste. Rédacteur à la New York Tribune, l’organe de l’aile gauche du parti républicain, Marx suivait de près la situation politique américaine, la lutte contre l’esclavage et le développement de la guerre civile. Il prenait clairement parti pour le Nord, appelait le mouvement ouvrier anglais à faire de même, et s’informait de l’évolution de la situation militaire par ses anciens camarades de la Ligue des communistes, dont certains s’étaient engagés comme officiers dans l’armée de l’Union. Pour exprimer ce soutien, Marx rédigea, au nom du conseil général de l’Association internationale des travailleurs, une lettre de félicitations à Lincoln pour sa réélection (30 décembre 1864). La lutte contre l’esclavage et contre les grands propriétaires terriens du sud justifiait ce soutien :

« Depuis le début de la lutte titanesque que mène l’Amérique, les ouvriers d’Europe sentent instinctivement que le sort de leur classe dépend de la bannière étoilée »[5]

Les Anglais ont eu recours à une manœuvre : ils ont poussé des esclaves à se battre côté anglais en échange d'une promesse d’affranchissement (loyalistes noirs).

A la suite de la guerre civile, le 13e amendement à la Constitution est adopté, abolissant l'esclavage.

3 Années 1870-1920[modifier | modifier le wikicode]

Durant ces années, de très nombreuses violences racistes ont lieu aux États-Unis (on parle de nadir of American race relations).

Dans ce pays construit sur une immigration massive, les racismes étaient imbriqués de façon complexe avec les rapports de classe.

3.1 WASP et autres blancs[modifier | modifier le wikicode]

Les plus anciens immigrés européens, les protestants blancs anglo-saxons (WASP), étaient sur-représentés parmi la classe dominante. D'autres blancs comme les Irlandais ou les Italiens, par ailleurs catholiques, étaient de milieux plus populaires et subissaient du racisme. Mais eux-mêmes ont souvent exprimé un rejet raciste des Noirs ou des Asiatiques.

3.2 Ku Klux Klan[modifier | modifier le wikicode]

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3.3 Racisme dans le mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

3.3.1 Immigration chinoise et japonaise[modifier | modifier le wikicode]

Beaucoup de mineurs blancs organisés dans les Knights of Labor participent au massacre de Rock Springs (1883) contre des mineurs chinois.

Vers la fin du 19e siècle, le racisme est aussi très important vis-à-vis des travailleurs immigrés chinois et japonais. Cela concerne y compris les syndicats de l'AFL (presque uniquement blancs) qui les considèrent comme des menaces de dumping social.[6]

Les Knights of Labor, qui voulaient aussi organiser les travailleurs Noirs, étaient en revanche très hostiles aux travailleurs immigrés chinois. Beaucoup de mineurs Irlandais organisés dans les Knights of Labor participent au massacre de Rock Springs (1883) contre des mineurs chinois.

Le Parti socialiste d'Amérique (PSA) connut un débat houleux sur l'immigration, et le clivage traversait aussi bien la droite que la gauche du parti. L'états-unien Morris Hillquit défendit au Congrès de 1904 de la Deuxième internationale, qu'il fallait s'opposer à l'immigration des « races arriérées ». Sa résolution fut fortement rejetée, mais fut réitérée au congrès suivant (1907). Comme elle était à nouveau rejetée, beaucoup de militants furieux dans le PSA accusaient l'Internationale d'abandonner la classe ouvrière (considérant par là essentiellement les blancs). Victor Berger, en particulier, se lança dans une rhétorique contre l'invasion des "jaunes", arguant que le socialisme était seulement possible dans un pays d'hommes blancs...[7]

En 1910, lorsque le Congrès national du PSA a tenu un débat sur l'immigration, il a explicitement soutenu que le parti devait soutenir la restriction de l'immigration raciale. Agir autrement « placerait le Parti socialiste en opposition à la partie la plus militante et la plus intelligente des travailleurs organisés aux États-Unis » - en d'autres termes, l'AFL.

Berger et ses alliés restrictionnistes (dont Max Hayes), plutôt dans la droite du parti, ont trouvé des appuis du côté de l'aile gauche. Par exemple Hermon Titus, un dirigeant de la côte ouest, a soutenu que les principes prolétariens de solidarité internationale signifiaient peu dans sa région du pays parce que l'incompatibilité raciale y était une réalité quotidienne. Ou encore Ernest Untermann, qui refusait qu'il y ait des critères d'immigration neutres sur le plan racial, car cela risquerait potentiellement d'exclure aussi des Blancs.

Et à l'inverse, il y avait des membres de la droite du PSA qui dénonçaient la position officielle du parti comme trop excluante. En particulier John Spargo, qui soulignait que sur la côte ouest, les États-uniens d'origine japonaise s'étaient avérés des syndicalistes combatifs partout où ils pouvaient adhérer à des syndicats. Dénonçant frontalement le racisme de ses adversaires, il a déclaré :

« Si le Jap porte est porteur d'un plus haut niveau de civilisation, s'il se met à porter la bannière socialiste là où l'homme blanc échoue, vive le Jap ; qu'il la porte en mon nom. »[7]

Eugene Debs, leader moral du parti, a condamné les restrictionnistes de gauche.

« Si le socialisme, le socialisme international, révolutionnaire, ne défend pas fermement, sans broncher et sans compromis la classe ouvrière et les masses exploitées et opprimées de tous les pays, alors il ne représente personne et sa revendication est un faux prétexte et sa profession une illusion et un piège. »[8]

Mais le parti continua majoritairement sur une position hostile à l'immigration, le tout dans un contexte où les lynchages contre les asiatiques étaient courants.

3.3.2 Négrophobie[modifier | modifier le wikicode]

Lors du congrès de fondation du PSA en 1901, trois délégués noirs ont participé aux débats. Un délégué blanc a présenté une résolution reconnaissant l'oppression particulière à laquelle sont confrontés les Afro-Américains et les a encouragés à rejoindre le PSA pour le combattre. Cette mesure a suscité l'opposition de nombreux socialistes, qui ont nié la nécessité de faire des appels spécifiques à un groupe donné. Deux des trois délégués noirs ont accepté. Cependant, le troisième délégué, William Costley de San Francisco, a fait valoir que la résolution devrait être encore plus forte et a présenté un amendement soulignant que les Noirs américains, trop souvent « lynchés, brûlés, et privés de droits », souffrent de l'oppression à la fois de la classe dirigeante et de la classe ouvrière blanche.

Certains délégués blancs ont protesté qu'une telle résolution condamnerait les efforts du parti pour construire parmi les travailleurs blancs du Sud. Costley et ses soutiens – y compris des socialistes éminents comme Max Hayes – ont répondu qu'il valait mieux perdre tous les votes blancs dans le Sud que de se plier au racisme. Finalement, le congrès a supprimé les références au lynchage, mais a gardé la reconnaissance de l'oppression supplémentaire à laquelle sont confrontés les travailleurs noirs, ainsi que l'appel à rejoindre le PSA.

L'année suivante, le parti publie une brochure intitulée Socialism and the Negro Problem[9]. L'ouvrage, rédigé par un chrétien socialiste (Charles H. Vail), argumentait explicitement contre le réductionnisme économique, affirmant qu'une société socialiste ne pouvait pas abolir le racisme d'un seul coup et que des mesures pro-égalité seraient nécessaires pour «détruire les préjugés raciaux», notamment une éducation égale et intégrée pour les enfants noirs et blancs.

Malheureusement, ce genre de position (alors parmi les plus progressistes du pays) cohabitaient avec un racisme crasse. Un certain nombre de socialistes adoptaient les théories racialistes circulant beaucoup depuis le 19e siècle. Berger pensait que les Noirs étaient inférieurs, et évoquait un supposé nombre élevé de viols dans les zones à forte population noire, l'attribuant à la "dégénérescence" résultant du contact entre les deux races.[10]

La position qui dominait était une sorte de vision « color blind ». Il ne fallait rien dire de particulier sur la question raciale. Le PSA n’a « rien à offrir de spécifique au Noir », déclarait Debs en 1903. Dans un contexte de violences totalement asymétrique, c'était une position qui revenait à cautionner le racisme dominant.

Le racisme était très répandu dans le mouvement syndical. Dans ces années, de nombreux syndicats refusaient l'adhésion aux Noir·es. Samuel Gompers, président de l'American Federation of Labor (AFL), affichait officiellement une position de non discrimination, mais tolérait la ségrégation dans les faits, se contentant de demander aux syndicats membres de ne rien inscrire de discriminatoire dans leurs statuts.[11][12]

Certains prônaient une vision ségrégationniste (« séparés mais égaux »). C'est ce que défendait Julius Wayland, pour qui c'était le moyen d'éviter les tensions.[13] Cette position séparatiste était défendue aussi par une minorité de Noir·es, qui y voyaient un moyen d'être à l'abri de l'oppression.

Pourtant, le socialisme attirait beaucoup de militants Noirs qui y voyaient un chemin vers la solidarité et l'émancipation de tous·tes. Aux débuts du parti le révérend George W. Woodbey était le plus important d'entre eux. Il rejoint le PSA peu après sa fondation et devient vite un conférencier de premier plan sur la côte ouest. Il dénonçait la vision séparatiste de Booker T. Washington, qu'il accusait de faire le jeu des capitalistes en montant les travailleurs noirs et blancs les uns contre les autres.

Woodbey était si populaire parmi les socialistes californiens que lorsqu'un hôtel de Los Angeles lui a refusé l'admission en raison de sa race, la branche locale du parti a mené une campagne de boycott réussie contre le lieu. Peu de temps après, il a été élu au conseil exécutif du parti au niveau de l'État de Californie. Au sein du PSA, Woodbey était une voix constante pour l'égalitarisme, résistant à la marée anti-immigrés qui sévissait en particulier dans les branches de la côte ouest.

Hubert Harrison, socialiste et syndicaliste actif à New York

Woodbey fut rejoint par un certain nombre de prédicateurs noirs du parti, ainsi que par des voix laïques. W. E. B. Du Bois, par exemple, rejoint brièvement le parti puis le quitte en 1912 pour soutenir Wilson. Il faut également mentionner Asa Philip Randolph et Chandler Owen, qui ont édité le Messenger, un mensuel socialiste noir radical à partir de 1917. Et Frank Crosswaith était un important organisateur dans les syndicats de New York. Mais la voix noire la plus importante du SP était de loin Hubert Harrison.

Harrison est entré au PSA à New York et s'est rapidement forgé une réputation. « Le socialisme est là pour mettre fin à l'exploitation d'un groupe par un autre, que ce groupe soit social, économique ou racial ». S'il ne s'attendait pas à ce que le socialisme réduise à néant les "préjugés raciaux", il s'attendait à ce qu'il « enlève l'homme blanc du dos de l'homme noir ». Dégoûté par le racisme endémique dans l'AFL, Harrison passe aux IWW et devient un membre important de la gauche du PSA. Il s'est retrouvé pris pour cible par les dirigeants de New York. Harrison, qui gagnait sa vie en tant que conférencier du parti, s'est vu interdire de parler de la question de l'organisation industrielle. Lorsqu'il s'est opposé à cette interdiction – et a accusé la direction de le traiter différemment en raison de sa race – le parti lui a infligé une suspension de trois mois. Harrison, dégoûté, quitte le parti.

4 Mouvement lily-white[modifier | modifier le wikicode]

L'opposition à l'esclavage avait attiré de nombreux Noir·es dans les rangs du Parti républicain. On a même parlé de « Negro Republican Party » dans certains États.

A la fin du 19e siècle, une vague de réaction raciste contre les Noir·es gagne les rangs du Parti républicain, mouvement connu sous le nom de « Lily-white ». Cette tendance s'opposait à la « black-and-tan faction ».

5 Ségrégation raciale (1877-1964)[modifier | modifier le wikicode]

En réaction à l'abolition de l'esclavage, les États du Sud (et de nombreuses localités) ont mis en place des lois et réglementations (appelées Lois Jim Crow) pour entraver les droits des citoyen·nes Noir·es.

Officiellement, ces lois étaient justifiées comme n'étant pas en contradiction avec la Constitution, car elle ne déclaraient pas que les Noir·es étaient inférieur·es, mais organisaient une séparation (« separated but equal »).

5.1 Mouvement des droits civiques[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement abolitionniste a donc été prolongé par un long mouvement contre la ségrégation, qui a principalement été porté par des militant·es Noir·es. Ce mouvement qui remonte à la fin de la guerre civile, a pris de l'ampleur au 20e siècle, et particulièrement après la Seconde guerre mondiale. Les dernières traces de discrimination dans la loi ont été supprimées en 1964.

6 Mouvement communiste et racisme[modifier | modifier le wikicode]

En rupture avec le racisme ordinaire du mouvement ouvrier, le Parti communiste des États-Unis fera de l'oppression raciale une priorité stratégique et une tâche âprement débattue. Il a bénéficié pour cela de l'apport d'un groupe de militants Noirs autour de Cyril Briggs, l'African Blood Brotherhood, qui s'est rapprochée du marxisme suite à la Révolution russe de 1917.[14] L’autodétermination de la nation noire devient même une revendication du jeune PC.

Comme partout, la stalinisation a signifié des reculs. Lors de la signature du New Deal en 1930, si la législation protectrice des travaillleur·ses fût une avancée majeure, cela bénéficia majoritairement au prolétariat blanc. Les ouvriers agricoles ou les emplois de domestiques, ou étaient sur-représentés les Noir·es, n’étaient pas concernés par cette législation. Pour ne pas risquer de perdre les concessions offertes par le New Deal, le PC états-unien n’a par exemple pas souligné le caractère racial et discriminatoire de la réforme.

Néanmoins le PC resta une des seules forces actives dans le combat contre la ségrégation raciale dans les années 1930. Comme ils se retrouvaient aux côtés des Églises (protestantes) très présentes dans les communautés noires, les communistes faisaient non seulement front avec ces églises, mais inspiraient aussi fortement leur agitation de références religieuses (adaptation de chants religieux...).[15][16][17]

Trotski et les trotskistes ont également débattu de la question noire aux États-Unis dans les années 1930. Trotski critiquait fermement ceux qui selon lui s'adaptaient à une forme de racisme dominant sous couvert de marxisme : « L'argument qui consiste à dire que le mot d'ordre d'autodétermination éloigne de la lutte des classes est une adaptation à l'idéologie des ouvriers blancs. Le Noir ne peut être amené au point de vue de classes que quand l'ouvrier blanc est éduqué. D'une manière générale, le problème du peuple colonial est tout d'abord le problème de l'éducation des ouvriers métropolitains. »[18] Il ajoutait :

« Les Russes étaient les Noirs de l'Europe. Il est fort possible que les Noirs, à travers leur autodétermination, viennent eux aussi à la dictature du prolétariat en quelques gigantesques enjambées, avant le grand bloc des ouvriers blancs. Ils seront alors l'avant-garde . Je suis absolument sûr que, dans tous les cas, ils combattront mieux que les ouvriers blancs. Cependant, cela ne peut arriver que si le Parti communiste mène une lutte sans merci et sans compromis, non pas contre les prétendus préjugés nationaux des Noirs, mais contre les préjugés colossaux des travailleurs blancs, en ne leur faisant aucune concession. »

CLR James et Trotski débattaient de la question d'une organisation non mixte des Noir·es aux États-Unis

CLR James, militant afro-américain, préconisait la création d'une organisation distincte pour s'adresser spécifiquement aux Noir·es. Trotski n'était pas frontalement opposé, il répondait : « Théoriquement il me paraît tout à fait clair qu'il faudrait créer une organisation spéciale pour une situation spéciale. Le seul danger est qu'elle deviendra un jeu pour les intellectuels. L'organisation ne peut se justifier que si elle gagne des ouvriers, des métayers, etc »[19].

Dans une autre discussion, Trotski envisageait parfaitement que le parti révolutionnaire retire son propre candidat en faveur d'un candidat démocrate (n'appartenant donc pas au mouvement ouvrier) Noir « en faisant une déclaration concrète suivant laquelle nous nous abstiendrons de combattre non pas le démocrate, mais le Nègre ». Et d'ajouter : « Nous considérons que la candidature du Nègre, opposée à celle d'un Blanc, même s'ils appartiennent tous deux au même parti, constitue un facteur important dans la lutte des Nègres pour leur égalité. »[20]

7 Racisme et antiracisme moderne[modifier | modifier le wikicode]

La fin des discriminations dans la loi ne signifient bien sûr pas la fin du racisme. Non seulement du racisme d'État (violences policières en particulier), mais aussi le racisme de groupes d'extrême droite ou le racisme ordinaire.

7.1 Black Lives Matter[modifier | modifier le wikicode]

8 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Marcus Rediker, Peter Linebaugh, L'hydre aux mille têtes - L'histoire cachée de l'Atlantique révolutionnaire, Editions Amsterdam, 2008
  2. Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847
  3. Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 (Grundrisse)
  4. Karl Marx, Le Capital - Livre premier, 1867
  5. Lettre à Abraham Lincoln, président des États-Unis d'Amérique, décembre 1864
  6. Nayan SHAH, White Label et « péril jaune » : race, genre et travail en Californie, fin XIXe-début XXe siècle, 1996
  7. 7,0 et 7,1 Paul Heideman, The Rise and Fall of the Socialist Party of America, Jacobin Magazine, 2017
  8. Eugene Debs, Letter to Brewer on immigration, International Socialist Review, Vol. XI, No. 1. July 1910.
  9. Charles H. Vail, Socialism and the Negro Problem, 1902
  10. James P. Cannon, The Russian Revolution and the Black Struggle in the United States, Summer 1959
  11. Herbert Hill, Labor Unions and the Negro: The Record of Discrimination, December 1959
  12. Herbert Hill, The Racial Practices of Organized Labor in the Age of Gompers and After, New Politics, 1965
  13. J.A. Wayland, The Negro and Socialism, May 12, 1900
  14. Paul Heideman, Les bolchéviks noirs, Revue Contretemps, septembre 2018
  15. Claudia Jones, Femmes noires et communisme : mettre fin à une omission, 1949
  16. Thèse de Fabien Curie (2013), La NAACP et le parti communiste face à la question des droits civiques, 1929-1941
  17. France Culture, Série « Qui a peur d'Angela Davis ? », Episode 1 - Injustices, Août 2023
  18. Léon Trotski, La question noire aux États-Unis, 28 février 1933
  19. Léon Trotski, Une organisation nègre, 5 avril 1939
  20. Léon Trotski, Plans pour l’organisation nègre, 11 avril 1939