Actionnaire

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Un certificat remis à un détenteur d'action de la société Greyhound en 1936.

Les actionnaires d'une entreprise sont des personnes qui détiennent une partie de son capital (des « actions »). Le fait de détenir des actions donne un droit de décision sur la direction de l'entreprise, sous la forme de droit de vote en assemblée générale (avec une voix généralement proportionnelle au nombre d'actions). Bien qu'il y ait des actionnaires porteurs d'un petit nombre d'actions (« petits porteurs »), le terme d'actionnaire renvoie souvent implicitement à ceux qui ont le vrai pouvoir de décision, qui font partie des capitalistes comme les grands patrons.

Être actionnaire donne également droit à un dividende (un revenu pris sur la plus-value dégagée par l'entreprise), si la direction de l'entreprise (donc, au final, les actionnaires) le décide.

Tout ceci concerne les entreprises qui sont des sociétés par action, qui sont en général juridiquement une personne morale autonome. Mais une entreprise peut également être détenue entièrement par une personne ou plusieurs associés.

1 Développement historique de l'actionnariat[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Formation au 19e siècle[modifier | modifier le wikicode]

Les premières entreprises, qui étaient des petites entreprises, étaient à la fois possédées et administrées directement par un patron, ou un petit nombre d'associés.

Avec l'accumulation du capital et la nécessité de fluidifier les mouvements de quantités importantes de capitaux, la forme de la société par action (ou société anonyme) s'est développée, en parallèle de la tendance à la financiarisation de l'économie capitaliste.

La direction effective des grandes entreprises (directeur, président-directeur général...) s'est ainsi séparée de la possession du capital, qui elle devenait collégiale et mouvante.

1.2 Commentaires de Marx et Lénine[modifier | modifier le wikicode]

Marx avait noté que les sociétés par action « ont en général la tendance de séparer de plus en plus la fonction de direction de la possession du capital »[1]. Le capital prend alors « directement la forme du capital social (le capital d’individus directement associés) par opposition au capital privé, et ses entreprises apparaissent comme des entreprises sociales par opposition aux entreprises privées. C’est le dépassement du capital en tant que propriété privée dans les limites du mode de production capitaliste même. »

Dans une lettre à Engels du 2 avril 1858 il va même jusqu'à écrire de manière télégraphique « capital par actions en tant que forme la plus accomplie (se muant en communisme) ».[2]

A partir du début du 20e siècle, les grandes entreprises adoptent presque toutes la forme de la société par actions. On voit apparaître des entreprises capitalistes d'une ampleur jamais vue (trusts, monopoles, cartels...). Tout cela fait que Lénine considérait que le capitalisme était entré dans son stade supérieur, le « stade impérialiste ».

1.3 Nouvelles théories de l'entreprise[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes n'ont pas été les seuls à commenter les évolutions du capitalisme. Certains théoriciens bourgeois ont annoncé que les principes de base du libéralisme étaient remis en question. En effet les théories de l'école classique en économie reposaient sur le modèle d'une foule d'acteurs passant librement des contrats entre eux, la norme de l'échange étant la transaction dans le but de maximiser l'utilité. Or, avec des entités comme les grandes entreprises, apparaissent de grandes bureaucraties qui certes font des transactions entre elles, mais au sein desquelles tout un ensemble de décisions sont prises hors du marché (jeux d'influence entre cadres et actionnaires, entre actionnaires, entre cadres, planification des échanges intra-firme...).

Apparaît alors tout un champ d'études en économie appelé « théories de la firme » (qui visent à décrire le fonctionnement des entreprises). Dans les années 1930 et 1940, on annonce ainsi que le management devient le véritable pouvoir, autonomisé de l'actionnariat, et qu'il n'est plus soumis seulement à la recherche du profit qui caractérise les patrons en concurrence sur le marché. Certains s'en inquiètent et craignent un nouveau type de féodalisme, d'autres prônent une évolution harmonieuse vers une responsabilité sociale et environnementale des entreprises, voire une démocratisation de leur gestion.

(Indépendant des différentes écoles de pensée, il est admis aujourd'hui qu'une entreprise moderne, en tant que personne morale, n'appartient à personne au sens strict.)

1.4 Contre-offensive néolibérale[modifier | modifier le wikicode]

Ces visions, les néolibéraux vont les contester pied à pied. Pour eux, le management reste soumis à l'actionnariat, et n'en est que l'agent. Ils vont en quelque sorte « reprivatiser » conceptuellement la firme, en la définissant seulement comme un pur “nexus de contrats”. C'est-à-dire un ensemble de contrats volontaires concentrés en un même point, un outil permettant à chacun de réaliser ses objectifs, rien de plus.[3] Ils vont chercher à re-légitimer l’actionnariat comme “prise de risque”, en particulier Alchian et Demsetz avec leur théorie des coûts de production. Ils soutiennent que les actionnaires sont des « prétendants résiduels », qui n'ont des dividendes que si l'entreprise se porte bien, et donc prennent un risque lorsqu'ils achètent des actions. Les dividendes ne seraient ainsi que la récompense de ce risque.[4]

Mais ils ne se contentent pas de l'espérer, ils proposent des mesures performatives pour renforcer ce contrôle, comme l'intéressement des cadres dirigeants (via les stock options par exemple). Ils vont à la fois nier qu'il y ait des rapports de domination dans l'entreprise, et s'opposer à toute idée de contrôle démocratique (étatique ou autre) des entreprises, au nom de la propriété privée.

Les actionnaires ont effectivement vu leur rapport de force augmenter sur le management à la fin des années 1970. La concentration progressive des actions qui a eu lieu au cours des années d'après-guerre a été un facteur qui a facilité cela. En effet, au début des années 1950, les actions étaient détenues à plus de 90% par des ménages (pour la plupart riches, bien sûr). Dans les années 1970 c'était désormais moins de 40%. Symétriquement la part des grands détenteurs institutionnels comme les fonds de pension et les fonds communs de placement était passée de 2% à 30%. Or, des grands actionnaires institutionnels peuvent bien plus facilement s'organiser pour influencer les sociétés qu'ils possèdent que des ménages dispersés[5].

Ils ont donc commencé à augmenter la pression pour obtenir des dividendes stables et généreux, ce qui a répercuté la pression à la rentabilité sur les entreprises, et donc les vagues de restructurations, de licenciements et d'augmentation de l'intensité du travail qui caractérisent le tournant néolibéral.

2 Contestations[modifier | modifier le wikicode]

En 1970 aux États-Unis, le NARMIC (National Action/Research on the Military Industriel Complex) publie un guide pour perturber les assemblées générales d’actionnaires.

En 1971, le Conference Board (organisation patronale) publie un contre-guide “Gérer la contestation dans les assemblées générales d’actionnaires”.

3 Types de sociétés par action[modifier | modifier le wikicode]

Les sociétés par action (le terme de société de capitaux est souvent employé pour la distinguer de la société de personnes) peuvent être déclinées en plusieurs formes juridiques.

On peut distinguer deux principales formes différentes :

Mais il y a de nombreuses formes plus complexes et hybrides de sociétés par action. Par exemple en France : SCA, SAS, SEM, SARL...

4 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Le Capital Livre III, Tome 1, p.427 (ed. 1894)
  2. Lettre de Marx à Engels du 2 avril 1858
  3. cf. Grégoire Chamayou, La société ingouvernable, 2018
  4. Alchian, A.A., Demsetz, H. (1972), « Production, Information Costs, and Economic Organization », American Economic Review, 62, December
  5. Doug Henwood, Take Me to Your Leader: The Rot of the American Ruling Class, Jacobin Magazine, Avril 2021