Nos divergences avec Diego Rivera

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La mise au point du 20 mars du camarade Diego Rivera[1] concernant la création du Partido Revolucionario Obrero y Campesino ne sert qu'à éclairer encore plus les divergences fondamentales entre nous, non seulement sur la question des élections, mais sur les principes fondamentaux de la lutte de classes prolétarienne.

Il est inutile de commencer une discussion sur la question de savoir qui a pris l'initiative de créer le nouveau parti, les ouvriers de la Casa del Pueblo ou Diego Rivera lui-même. Il nous suffit qu'il en soit le secrétaire politique et porte ainsi l'entière responsabilité de cette organisation et de sa politique.

Nous considérons un parti prolétarien comme l'instrument essentiel pour la libération de la classe ouvrière. La base d'un tel parti doit comporter non seulement des revendications empiriques et conjoncturelles, mais un programme de mots d'ordre de transition, et, ce qui est le plus important, le programme de la révolution sociale. L'idée qu'on puisse créer un parti ad hoc pour une conjoncture concrète donnée est absolument incroyable et opportuniste par essence. Un parti ouvrier avec un soi‑disant « programme minimum » est eo ipso un parti bourgeois. C'est un parti qui entraîne les ouvriers à soutenir la politique bourgeoise ou les politiciens bourgeois.

Un parti ouvrier marxiste révolutionnaire pourrait discuter la question de savoir s'il est judicieux, dans cette situation concrète, de soutenir l'un des candidats bourgeois[2]. Nous pensons que, dans les conditions données, ce serait faux. Mais la question posée devant nous par l'activité de Diego Rivera est infiniment plus importante. En réalité, le camarade Rivera a organisé et dirige un nouveau parti sur un programme petit‑bourgeois, réformiste, sans aucun lien international, avec un nom anti‑marxiste (Un parti d’ouvriers et de paysans) et il oppose ce parti à la IV° Internationale qu'il juge opportuniste dans les élections.

Imaginons un instant que notre politique dans les élections soit fausse : ce n'est qu'un épisode. Peut‑on imaginer qu’un marxiste place les divergences sur une question de deuxième ou de troisième ordre au‑dessus du programme de la révolution mondiale, rompe ses liens internationaux et devienne secrétaire général d'un nouveau parti ?

Ce seul fait démontre que les divergences sont infiniment plus profondes que ne le croit le camarade Rivera dans son extravagante impulsivité.

Nous devons ajouter qu'avant la création, totalement inattendue, de ce nouveau parti, il a élaboré un autre programme en vue d’une alliance avec la C.G.T. qui s'intitule anarchiste.

Ce programme du camarade Rivera comportait d'inadmissibles concessions aux doctrines anarchistes. On sait que cette alliance n'a pas été réalisée car ses prétendus alliés, les dirigeants de la C.G.T., ont abandonné leur soi‑disant anarchisme au bénéfice d'une politique bourgeoise réactionnaire[3].

Après cela, le camarade Rivera a élaboré un document dans lequel il accusait la III° Internationale de Lénine et la IV° Internnationale de transformer les « anarchistes » en réactionnaires bourgeois[4]. Nous ne pouvions bien entendu accepter cette apologie des fakirs bourgeois anarchistes et ces accusations contre les Internationales marxistes.

Maintenant le camarade Rivera invoque des lettres du camarade Trotsky[5]. Nous n'entrerons pas dans ce débat qui n'a rien à voir avec nos divergences fondamentales. Nous mentionnons simplement que ces lettres du camarade Trotsky ont été écrites après la démission de Diego Rivera et ne peuvent donc être la cause de sa démission.

Après sa démission, le camarade Rivera a déclaré qu'il demeurerait un sympathisant actif. Si les mots des hommes ont un sens, alors sympathisant actif signifie un homme qui aide le parti de l'extérieur. Mais pouvons‑nous qualifier de sympathisant un homme qui crée un nouveau parti, l'oppose à la IV° Internationale et à sa section mexicaine ? Est­-il possible de croire que le secrétaire politique d'un parti ouvrier et paysan à programme réformiste bourgeois n'a pas de divergences avec la IV° Internationale ?

Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour retenir Diego Rivera et l'empêcher de faire des pas irréparables. Nous n'avons pas réussi. Entraîné par son propre tempérament et son esprit fantastique, il a commis une série d'erreurs; et chacune de ces erreurs a été pour lui une raison supplémentaire de chercher une sorte de miracle qui prouverait aux autres que c'était lui qui avait raison. C'est sur cette ligne qu'il a essayé d'opposer la Casa del Pueblo[6] à la IV° Internationale, de gagner la C.G.T., et qu'il dirige aujourd'hui le parti révolutionnaire ouvrier et paysan. Il est tout à fait clair pour tout marxiste que cette nouvelle entreprise constituera un inévitable fiasco pour lequel nous ne pouvons porter la moindre responsabilité devant les ouvriers du Mexique et du monde. Nous devons déclarer ouvertement que non seulement Rivera a démissionné de la IV° Internationale, mais, que par son activité politique, il s'est mis lui-même fondamentalement en dehors de la IV° Internationale. Quand il s'agit de principes, nous ne pouvons admettre aucune concession, même à une personnalité aussi importante que Diego Rivera.

Nous ne pouvons prévoir si la nouvelle et inévitable débâcle qui l'attend enseignera au camarade Rivera le chemin du retour vers la IV° Internationale, ou s'il sera définitivement absorbé par le courant des intellectuels qui sont aujourd'hui en train de rompre avec le marxisme en faveur d'un mélange d'anarchisme, de libéralisme, d'individualisme etc. Inutile de le dire, nous espérons que c'est la première hypothèse qui se réalisera.

  1. Diego Rivera avait démissionné de la IV' Internationale et venait d'annoncer la fondation d'un nouveau parti, le parti révolutionnaire ouvrier et paysan (P.R.O.C.) avec l'appui de petits syndicats ouvriers.
  2. Dans un article signé Clave, Trotsky avait déjà expliqué que les partisans de IV° Internationale au Mexique ne participeraient pas à la campagne électorale, déjà sérieusement entamée, pour la succession du président Cardenas. Au départ, Diego Rivera semble avoir souhaité la candidature du chef de file de la « gauche » du parti unique, le général Francisco Mugica (1884‑1954), qui avait de la sympathie pour Trotsky.
  3. La C.G.T., dirigée depuis peu par Julio Ramirez, venait de tourner le dos à ses principes d' « apolitisme » et d'adhérer au P.R.M., parti gouvernemental officiel ».
  4. Clave ne publia pas cet article ce qui provoqua un autre conflit avec Rivera.
  5. Rivera citait dans sa polémique une lettre de Trotsky à Frida Kahlo (Œuvres, 20, pp. 52‑55).
  6. La Casa del Pueblo regroupait autour du syndicat des ouvriers boulangers quelques petits syndicats d'origine syndicaliste révolutionnaire dont Rivera avait pendant quelque temps entraîné les dirigeants à la Ligue mexicaine et dont il voulait faire les cadres du P.R.O.C.