Économie

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L'économie est le système formé par la production, la distribution, l'échange et la consommation. Le terme peut désigner l'état économique (structurel/conjoncturel) d'une organisation, ou bien la théorie qui se propose de décrire cet état. Cette page aborde simultanément ces deux aspects, qui sont étroitement liés (matérialisme historique).

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

L'économie repose sur des concepts simples. En revanche, la division en classes de la société la complexifie beaucoup en pratique, puisque les lois du marché sont des lois sociales que l'on ne peut évaluer qu'a posteriori, sans qu'il y ait une conscience de l'ensemble de la part des acteurs. L'économie était bien sûr d'une simplicité basique aux premiers temps de l'humanité, dans les communautés tribales. Mais il est tout à fait envisageable qu'elle trouve à l'avenir une forme d'autant plus simple qu'elle serait consciemment choisie, dans une société socialiste.

Marx fait la remarque suivante à propos de l'économie, liée au fond la gestion du temps de travail humain :

« Dans les conditions de la production communautaire [dans le communisme], la détermination du temps demeure, bien entendu, essentielle. Moins il faut de temps à la société pour produire du blé, du bétail, etc... plus elle gagne de temps pour d'autres productions, matérielles ou spirituelles. De même chez un individu, l'universalité de son développement, de sa jouissance et de son activité dépend de l'économie de son temps. En dernière analyse, c'est à quoi se réduisent toutes les économies. En outre, la société doit répartir judicieusement son temps pour obtenir une production conforme à ses besoins généraux; de même, l'individu doit bien diviser son temps pour acquérir ce qu'il faut de connaissances ou pour satisfaire aux diverses exigences de son activité. »[1]

Le tableau suivant permet de se faire une idée des principales différences théoriques entre courants de l'économie.[2]

Marxistes Post-keynésiens Synthèse Néoclassiques
Monnaie L'économie réelle est prédominante. La monnaie est secondaire. L'économie réelle est prédominante. La monnaie s'adapte. La monnaie est neutre à long terme, mais peut avoir des effets de court terme. La monnaie est neutre.
Taux de salaire Le taux de salaire est la base de la valeur. Le salaire nominal est le point clef du niveau des prix Le taux de salaire n'est qu'un prix parmi d'autres Le taux de salaire n'est qu'un prix parmi d'autres
Distribution du Revenu Le capitalisme nécessite la compression des revenus des salarié·es, mais cela ne fait que différer ses crises. La distribution des revenus est très importante La distribution des revenus est la résultante de toutes les équations de demande et d'offre dans un système d'équilibre général. Elle est juste et ne doit pas être modifiée par l'État. La distribution des revenus est la résultante de toutes les équations de demande et d'offre dans un système d'équilibre général. Elle est juste et ne doit pas être modifiée par l'État.
Capital Fruit de l'exploitation de la survaleur produite par les salarié·es. Surplus nécessaire au-delà des salaires Théorie de la productivité marginale : fonctions de production à facteurs substituables Théorie de la productivité marginale : fonctions de production à facteurs substituables
Emploi Le capital favorise le chômage, et entretient un dilemme entre précarité et chômage. N'importe quel niveau d'emploi est possible ; le plein emploi est souhaitable Le plein emploi est possible. Le sous-emploi est une situation de déséquilibre. Le plein emploi est postulé à long terme ; pas de théorie explicite de l'emploi à court terme.
Inflation Avant tout un phénomène monétaire lié à l'offre de monnaie. Les bulles de capital fictif peuvent cependant être des révélateurs de crises. Due au salaire nominal ou aux variations des marges de profit. À long terme un phénomène monétaire lié avant tout à l'offre de monnaie. À court terme relation possible avec la courbe de Phillips. Avant tout un phénomène monétaire lié à l'offre de monnaie.

2 Historique[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

2.1.1 Antiquité et Moyen-Âge[modifier | modifier le wikicode]

Parmi les premières considérations théoriques sur l'économie, il y a les penseurs grecs. On trouve chez Aristote une distinction entre l'économie, vue comme la production/accumulation de richesses matérielles, et la chrématistique, l'art du négoce ou de l'usure, qu'il dénonce.

Dans l'Europe médiévale, les rares penseurs traitant d'économie sont des théologiens. Au sein d'une économie qui était redevenue quasi-exclusivement agricole et non-marchande, le développement du commerce est surveillé de près par les idéologues chrétiens. Thomas d'Aquin (13e siècle) insiste sur le fait que les marchands doivent pratiquer un "juste prix", doivent gagner leur argent sur un service (au moins le transport des marchandises), mais absolument pas "de l'argent avec de l'argent" et à ce titre il condamne les prêts avec intérêt.

Au 14e siècle, de l'autre côté de la Méditerranée, Ibn Khaldoun va plus loin et propose en plus des considérations moralistes des éléments d'explication économique (notamment de la formation des prix, du lien entre division du travail et croissance...) ce qui en fait un précurseur de l'économie moderne.

2.1.2 Le mercantilisme[modifier | modifier le wikicode]

Le mercantilisme est le début de la pensée économique moderne. À partir du 15e siècle en Europe, le développement du commerce, les « grandes découvertes », l'accumulation du capital commencent à transformer les sociétés féodales. Les royaumes absolutistes suivent les conseils de penseurs qui les incitent à prendre des mesures protectionnistes pour renforcer leur puissance, qui passe de plus en plus par l'économie.

2.1.3 Les physiocrates[modifier | modifier le wikicode]

La bourgeoisie commerçante est la plus grande bénéficiaire de l'essor économique. Elle va alors développer des thèses visant à la libérer : c'est en quelques sortes le point de départ du libéralisme économique. Au 18e siècle, les physiocrates français menés par François Quesnay affirment que la richesse d'un pays est la richesse non pas de l'État mais de ses habitants (comprendre : ses bourgeois), et ils prônent le "laissez-faire".

2.1.4 L'école classique[modifier | modifier le wikicode]

Outre-Manche, Adam Smith observe le formidable enrichissement de l'Angleterre et des Pays-Bas et tente d'en décrire les mécanismes. Il dresse un premier système théorique cohérent, avec des apports majeurs dans la compréhension de la division du travail, de la valeur-travail, de la monnaie et du capital. Mais surtout, il décrit le fonctionnement du marché, qu'il voit comme une force conduisant à l'optimum social ("main invisible").[3]

David Ricardo reprit et systématisa les travaux d'Adam Smith, tout en approfondissant plusieurs aspects, comme la loi des rendements décroissants (d'abord étudiée par Malthus) et la rente foncière . Il représente l'apogée de l'économie dite classique.

Il est à noter que les économistes classiques ne niaient pas encore l'exploitation du monde ouvrier, comme le relevait Marx :

Il n'est pas jusqu'à J. B. Say qui ne dise : « Les épargnes des riches se font aux dépens des pauvres. » « Le prolétaire romain vivait presque entièrement aux frais de la société... On pourrait presque dire que la société moderne vit aux dépens des prolétaires, de la part qu'elle prélève sur la rétribution de leur travail. » (Sismondi, Etudes, etc., t. 1, p. 24.)[4]

Marx faisait une différence entre économistes classiques et économistes vulgaires, qui étaient beaucoup plus idéologues et beaucoup moins scientifiques :

« Je fais remarquer une fois pour toutes que j'entends par économie politique classique toute économie qui, à partir de William Petty, cherche à pénétrer l'ensemble réel et intime des rapports de production dans la société bourgeoise, par opposition à l'économie vulgaire qui se contente des apparences, rumine sans cesse pour son propre besoin et pour la vulgarisation des plus grossiers phénomènes les matériaux déjà élaborés par ses prédécesseurs, et se borne à ériger pédantesquement en système et à proclamer comme vérités éternelles les illusions dont le bourgeois aime à peupler son monde à lui, le meilleur des mondes possibles. »[5]

On peut aussi rattacher à ce courant Senior, Sidgwick, Cairnes.

Les premiers économistes ont été assez friands d'expériences de pensée se plaçant sur une île déserte à la Robinson Crusoé, pour exposer leur modèle économique de façon simplifiée. Marx se moquait souvent de cette mode, mais répond néanmoins dans le Capital par un passage avec sa propre robinsonnade.

2.2 Courants modernes[modifier | modifier le wikicode]

2.2.1 Le marxisme[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Économie marxiste.

Les travaux de Marx et Engels se situent à la fois en profonde continuité avec les avancées de l'économie classique de leur époque, et en rupture révolutionnaire. Le socialisme scientifique reprend la description de la valeur travail, de la division du travail, du capital... mais déborde systématiquement du champ de "l'économie pure" : pour comprendre la société moderne, il faut à la fois une sociologie, une économie et une étude de l'histoire. Il n'y a pas de lois intemporelles de l'économie, qui permettraient à elles seules d'expliquer les profondes transformations des modes de production.

Au sein du mode de production capitaliste, les facteurs économiques ont de fait pris une plus grande importance que dans les autres sociétés, car les marchés ont été étendues à des échelles très larges (États-nations, et partiellement à l'échelle mondiale), ce qui fait que les règles purement économiques exercent une forte pression sur les sociétés. L'étude de l'économie est donc pour les marxistes d'une importance clé pour comprendre les contradictions structurelles de ce système, dont les plus manifestes sont l'exploitation du prolétariat et les crises cycliques. La compréhension de l'économie permet également d'expliquer pourquoi les États bourgeois gouvernement d'une façon qui bénéficie très majoritairement à la bourgeoisie. Contrairement à des explications reposant exclusivement sur du lobbying (voire sur du complotisme), il faut bien comprendre que les politiques économiques ont une certaine rationalité dans le cadre du système.[6]

Cependant même sous le capitalisme, aucune explication satisfaisante ne peut se contenter de l'économie pure. Les grèves, les différences de combativité entre secteurs de la classe ouvrière, les effets à long terme des acquis des luttes ou au contraire les défaites, ont une influence profonde sur les taux de profits, les différences de compétitivité entre pays, et le niveau plus ou moins offensif du patronat dans ses attaques anti-sociales. Surtout, contre tout mythe d'un optimum dans la société bourgeoise, une révolution est nécessaire pour renouer avec le progressisme et établir une société humaine consciente.

2.2.2 L'historicisme[modifier | modifier le wikicode]

L'historicisme est un courant qui a émergé en Europe dans la deuxième moitié du 19e siècle, d'abord en Allemagne (l'École historique allemande) puis, de manière plus diffuse, en Grande-Bretagne et en France.

L'élément fédérateur de ce courant est un rejet successif de la méthode et des thèses de l'économie classique britannique et du marginalisme (Walras, Menger, Jevons).

🔍 Voir sur Wikipédia : Historicisme (économie).

2.2.3 L'école autrichienne[modifier | modifier le wikicode]

L'école autrichienne est une école prônant un laissez-faire économique extrême. Elle a été nommée école de Vienne, « école psychologique », mais c'est le terme d'école autrichienne (venant d'abord, de l'école historique allemande, dans un sens péjoratif) qui est resté.

Son fondateur est Carl Menger, qui a par ailleurs contribué à l'essor du marginalisme. Une partie d'entre eux vont se rapprocher de l'économie néoclassique, comme Schumpeter et Hayek. D'autres comme Ludwig von Mises vont cultiver la différence de cette école, qui s'est développée à travers un certain nombre de polémiques :

  • la Methodenstreit opposait Menger à l’école historique allemande, qui soutenait qu’il n’existe pas de lois générales en économie, et qu'on ne peut faire que des études statistiques et contextuelles ; à l'inverse l'école autrichienne rejetait les statistiques et toute idée issue des sciences naturelles, défendant une méthode partant de l'individu pour déduire par la logique les lois économiques ;
  • l'opposition à Walras et aux néoclassiques, inaugurée par Menger et poursuivie par Böhm-Bawerk et Mises ;
  • l'opposition aux marxistes (à la conception objective de la valeur, à la planification rejetée comme inefficace...) ;
  • l'opposition à Keynes et aux macro-économistes, lancée par Mises et développée par Hayek ; en effet l'école autrichienne rejette comme vides de sens les agrégats macro-économiques, en lien avec son individualisme méthodologique.

2.2.4 L'école néoclassique[modifier | modifier le wikicode]

À la fin du 19e siècle a lieu un grand changement de paradigme parmi les économistes bourgeois. Ceux-ci vont chercher à refouler tout ce qu'il y avait de subversif dans les fondements de l'économie classique, et en particulier, la théorie de l'utilité marginale remplace la valeur travail.

Le marginalisme est développé par Walras, Jevons et Menger.

Intellectuellement, c'est une formidable réaction bourgeoise. Mais cette école est au cœur de l'économie "orthodoxe" enseignée aujourd'hui.

2.2.5 L'école keynésienne[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Keynésianisme.

Lors de la grande dépression des années 1930, le crédo du laissez-faire libéral est en perte de crédibilité. Les faillites d'entreprises se sont succédé, le PIB s'est contracté et la croissance peine à reprendre, un chômage de masse et une pauvreté galopante s'installe.

Notamment sous l'influence des luttes sociales et des idées keynésiennes, des politiques économiques de soutien à la demande sont mises en place, comme le New Deal. Il s'agit toujours de viser la croissance capitaliste, mais avec une politique de la demande justifiant que l'État serve de béquille au secteur privé.

Le courant keynésien a été assez varié et a aussitôt donné naissance à des écoles post-keynésiennes assez différentes.

2.2.6 La synthèse néoclassique[modifier | modifier le wikicode]

Après la seconde guerre mondiale, un boom économique sans précédant a lieu, grâce aux destructions de capital qui ont fait remonter les taux de profits. Pendant un temps, ce qui domine en économie est un courant prétendant être une synthèse entre l'économie néo-classique et le keynésianisme.

La pensée économique dominante est alors le reflet du compromis fordiste de l'époque. En faisant certaines concessions au mouvement ouvrier (qui est très bureaucratisé mais numériquement puissant), il préserve fondamentalement l'exploitation capitaliste. L’État dit providence permet de réguler une partie du marché, de garantir les taux de profit et de lisser les crises. Les salaires socialisés permettent de garantir la réalisation de la valeur dans le temps et de planifier le développement des secteurs de production et d’accroître notablement la production de biens de consommation.

2.2.7 Le tournant néolibéral[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1970, le boom économique laisse place à un ralentissement économique, bien plus durable que les seuls chocs pétroliers. En contradiction avec ce que prévoyait le modèle de la synthèse néoclassique, une poussée de l'inflation apparaît malgré la stagnation économique (« stagflation »).

Les politiques de relance keynésiennes ne semblent plus fonctionner, et n'engendrent plus que de la dette publique sans effet positif clair. Les politiciens deviennent hésitants, et le contexte est propice à un changement de paradigme économique. C'est ce qui va permettre aux néolibéraux de revenir en force à la fin des années 1970 et dans les années 1980. Ils développent alors la nouvelle économie classique.

Dans le discours, les néolibéraux parlent de revenir au laissez-faire en détricotant le « carcan » fiscal et réglementaire freinant les investissements. Dans la pratique, si des pans entiers de l'État providence commencent à reculer, le poids de l'État dans l'économie reste majeur, et les dépenses publiques continuent même à augmenter, quoique moins vite. Au lieu de moins d'État, c'est surtout à une redirection des dépenses de l'État que l'on assiste, avec plus de subventions aux entreprises et moins de redistribution sociale.

Les néolibéraux ont des nuances entre eux. Par exemple, les monétaristes mettent l'accent sur la lutte contre l'inflation : la banque centrale ne doit avoir aucun autre objectif que la tâche immédiate d'ajuster la quantité de monnaie émise pour maintenir une inflation basse. Ceux que l'on appelle les partisans de la politique de l'offre, de leur côté, visent l'objectif de plus long terme de développer les capacités de production, en soutenant les entreprises.

2.2.8 Nouvelle synthèse néoclassique[modifier | modifier le wikicode]

Le monétarisme commence à perdre en influence dès la fin des années 1980, sauf au niveau de la Banque centrale européenne. Mais en dehors des politiques monétaires, pour l'orthodoxie, il n'est pas question d'augmenter massivement les salaires ou de taxer le capital. Au niveau des politiciens, la politique de l'offre continue d'être la justification principale des politiques pro-capitalistes.

Vers la fin des années 1990, beaucoup considèrent qu'une nouvelle synthèse néoclassique a été formée, par la fusion de la nouvelle économie keynésienne et de la nouvelle économie classique.

🔍 Voir sur Wikipédia : Nouvelle synthèse néoclassique.
Principaux courants en économie aujourd'hui selon Des économistes et des hommes

2.2.9 Théorie des jeux[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Théorie des jeux.

2.2.10 Économie expérimentale[modifier | modifier le wikicode]

L'économie expérimentale est une branche en développement, qui consiste à essayer d'évaluer empiriquement des comportements économiques. Vu les coûts pour réaliser de telles études à grande échelle, elles ont souvent une portée très réduite (ex: comparaison de l'efficacité du micro-crédit en comparant deux villages ; études sur le revenu de base avec peu de personnes...). En soi, l'économie expérimentale est un outil qui peut être utilisé par n'importe quel courant de pensée.

3 Quelques termes[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Origine étymologique[modifier | modifier le wikicode]

Le terme « économie » a été utilisé dès l'antiquité grecque, mais avec un sens plus large et moins fixé. Composé des mots « οἶκος »(maison) et « νόμος » (loi), il signifiait littéralement "administration d'un foyer". Xénophon et Aristote écrivent tous deux des livres nommés Économie. Le terme a également été utilisé pour décrire la composition d'une œuvre littéraire.

3.2 Économie politique[modifier | modifier le wikicode]

Mais c'est surtout avec le développement de la société marchande que des penseurs ont été amenés à utiliser un concept pour décrire "la façon dont un pays est organisé". Pour bien insister sur ce nouveau sens, le terme d'économie politique s'est répandu à partir du début du 17e siècle.

Mais le terme d'économie tout court a remplacé le terme d'économie politique à la fin du 19e siècle, en partie pour des raisons pratiques (l'économie politique est devenue un sujet majeur, et les autres sens du mot économie ont été marginalisés, ne rendant plus nécessaire de préciser) et en partie pour une raison idéologique (le triomphe de l'école néoclassique à cette époque allait de pair avec une certaine vision harmoniciste de l'économie comme un ensemble de lois autonomes du capital, auxquelles il ne fallait pas toucher, et donc il fallait écarter la « politique »).

3.3 Politiques économiques[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, sous l'effet de la Grande dépression, le libéralisme économique dominant est fortement critiqué, y compris par des penseurs qui défendent un capitalisme plus régulé, comme Keynes. A partir de ces années, même dans les sphères dominantes, on commence à considérer qu'il y a plusieurs écoles économiques en débat.

Les différentes préconisations de ces écoles et leur mise en pratique par les États sont appelées les politiques économiques.

Aujourd'hui de fait tout État est plus ou moins interventionniste, et applique donc de fait une politique économique, qu'elle repose sur une référence théorique précise ou qu'elle soit plus éclectique.

3.4 Micro et macro-économie[modifier | modifier le wikicode]

Exemple de modélisation macro-économique

On distingue généralement :

  • La microéconomie est la branche de l'économie qui modélise le comportement des agents économiques (consommateurs, ménages, entreprises, etc.) et leurs interactions notamment sur les marchés.
  • La macroéconomie modélise les relations existantes entre les grands agrégats économiques, le revenu national, l'investissement, la consommation, le taux de chômage, l'inflation, etc.

L'insistance sur l'un ou l'autre de ces aspects est rarement neutre idéologiquement. Généralement, les courants de droite insistent sur la microéconomie et justifient l'ordre établi en expliquant que l'économie repose sur la généralisation des choix rationnels des individus. A l'inverse, les courants de gauche insistent sur le fait que les phénomènes macroéconomiques sont émergents, et ne peuvent pas être déduits de la microéconomie. Ils ont des effets qui dépassent souvent la volonté des individus (paradoxe de l'épargne...[V 1]).

La macro-économie peut également s'intéresser aux rapports économiques entre pays, à analyser la mondialisation et le protectionnisme... D'un point de vue marxiste, cela peut servir à analyser les rapports de pouvoir entre puissances impérialistes, et les rapports de domination néocoloniaux qui passent en grande partie par l'économie.

4 Science et/ou idéologie ?[modifier | modifier le wikicode]

L'économie est-elle une science et/ou une idéologie ? La question soulève des débats complexes.

4.1 Point de vue dominant[modifier | modifier le wikicode]

Quelques économistes néoclassiques défendant des modèles particulièrement idéalistes considèrent l'économie quasiment comme une « science dure ». Mais la plupart des économistes reconnaissent que la scientificité de l'économie relève davantage du modèle des sciences sociales, pour plusieurs raisons :

  • Il est très difficile de réaliser des expériences contrôlées en économie. Même si certaines études de ce type se développent (économie expérimentale), elles représentent une faible proportion des publications, et ont une portée très réduite.
  • La prédiction est quasiment impossible, étant donné que de nombreux paramètres sont imprévisibles. Or, la prédiction est une autre des façons de confronter une théorie au réel.[V 2]

4.1.1 Économie orthodoxe et hétérodoxe[modifier | modifier le wikicode]

Comme l'économie est un domaine dans lequel la scientificité est faible et l'idéologie importante, les paradigmes dominants sont loin d'être consensuels et sont particulièrement fluctuants.

On utilise souvent les termes d'orthodoxie et d'hétérodoxie en économie, et être un économiste hétérodoxe[7] paraît beaucoup plus raisonnable que nier le consensus scientifique dans d'autres disciplines (être platiste ou climatosceptique).

De fait, l'orthodoxie est toujours une idéologie qui légitime le marché capitaliste, même si elle peut inclure des éléments modérés de keynésianisme. L'hétérodoxie inclut généralement les courants keynésiens de gauche et les marxistes. Les courants ultralibéraux comme l'école autrichienne peuvent aussi être considérés hétérodoxes selon les moments.

4.2 Points de vue marxistes[modifier | modifier le wikicode]

4.2.1 Karl Marx[modifier | modifier le wikicode]

Pour prendre un exemple, Marx considérait que l’École classique (Adam Smith, David Ricardo...) exprimait à la fois des résultats scientifiques incontestablement plus solides que d'autres théories, et à la fois les intérêts de la bourgeoisie. Ainsi il disait de la théorie de Ricardo sur la rente foncière qu'elle est « un système scientifique »[8], et en même temps, qu'elle « n'est que l'expression économique d'une lutte sans merci des bourgeois industriels contre les propriétaires fonciers. ».

Il critiquait durement le protectionniste allemand Friedrich List lorsque celui-ci accusait les économistes anglais de n'avoir défendu qu'une idéologie anglaise :

« Comme il s'agit, en effet, pour le bourgeois allemand, de droits protecteurs, il est naturel que tout le développement de l'économie depuis Smith n'ait aucun sens pour lui, étant donné que les représentants les plus remarquables de cette économie ont pour point de départ la société bourgeoise actuelle de la concurrence et du libre-échange. Le philistin allemand montre ici, de mainte façon, son caractère « national ». Dans toute l'économie politique, il ne voit que systèmes élucubrés dans les cabinets d'étude. Que le développement d'une science telle que l'économie soit liée au mouvement réel de la société, ou même en soit seulement l'expression théorique, M. List ne le soupçonne même pas : c'est un théoricien allemand. Étant donné que sa propre théorie (son ouvrage) recèle un but caché, il flaire partout des buts secrets. »[9]

Dans le même ordre d'idée, il dira bien plus tard qu'il n'y avait jamais réellement eu les conditions pour que l'économie allemande soit un minimum scientifique, comme elle avait pu l'être en Angleterre à ses débuts :

« Depuis 1848, la production capitaliste s'est de plus en plus enracinée en Allemagne, et aujourd'hui elle a déjà métamorphosé ce ci-devant pays de rêveurs en pays de faiseurs. Quant à nos économistes, ils n'ont décidément pas de chance. Tant qu'ils pouvaient faire de l'économie politique sans arrière-pensée, le milieu social qu'elle présuppose leur manquait. En revanche, quand ce milieu fut donné, les circonstances qui en permettent l'étude impartiale même sans franchir l'horizon bourgeois, n'existaient déjà plus. En effet, tant qu'elle est bourgeoise, c'est-à-dire qu'elle voit dans l'ordre capitaliste non une phase transitoire du progrès historique, mais bien la forme absolue et définitive de la production sociale, l'économie politique ne peut rester une science qu'à condition que la lutte des classes demeure latente ou ne se manifeste que par des phénomènes isolés. »[10]

Pour Marx, l'économie était un domaine dans lequel les intérêts capitalistes pesaient bien plus lourdement que sur n'importe qu'elle autre discipline. Comme il l'écrivait lors de la première publication du Capital :

« Sur le terrain de l’économie politique la libre et scientifique recherche rencontre bien plus d’ennemis que dans ses autres champs d’exploration. La nature particulière du sujet qu’elle traite soulève contre elle et amène sur le champ de bataille les passions les plus vives, les plus mesquines et les plus haïssables du cœur humain, toutes les furies de l’intérêt privé. »[11]

Par ailleurs, il soulignait qu'une partie du fait que l'économie soit très chargée d'idéologie vient de la difficulté elle-même de son objet d'étude.

« La forme de la valeur réalisée dans la forme monnaie est quelque chose de très simple. Cependant l'esprit humain a vainement cherché depuis plus de deux mille ans à en pénétrer le secret, tandis qu'il est parvenu à analyser, du moins approximativement, des formes bien plus complexes et cachant un sens plus profond. Pourquoi ? Parce que le corps organisé est plus facile à étudier que la cellule qui en est l'élément. D'un autre côté, l'analyse des formes économiques ne peut s'aider du microscope ou des réactifs fournis par la chimie; l'abstraction est la seule force qui puisse lui servir d'instrument. Or, pour la société bourgeoise actuelle, la forme marchandise du produit du travail, ou la forme valeur de la marchandise, est la forme cellulaire économique. »[11]

Il estimait que des sujets comme « l'économie politique et la religion » ne devaient pas être enseignés à l'école, pour laisser les adultes se faire leur opinion sur ces sujets.[12]

4.2.2 Lénine[modifier | modifier le wikicode]

Lénine avait aussi cette vision par rapport à l'économie. Il soulignait que les économistes dominants pouvaient faire des études factuellement solides sur des sujets précis, tout en ayant une vision d'ensemble (la théorie globale du marché capitaliste) chargée d'idéologie :

« On ne peut croire un mot d'aucun des professeurs d'économie politique, capables d'écrire des ouvrages de très grande valeur dans le domaine des recherches spéciales, au sujet des faits réels, dès qu'il est question de la théorie générale de l'économie politique. Car cette dernière est, tout autant que la gnoséologie, dans la société contemporaine, une science de parti. Les professeurs d'économie politique ne sont, de façon générale, que de savants commis de la classe capitaliste. »[13]

4.2.3 Économie bourgeoise[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes utilisent fréquemment le terme « d'économie bourgeoise ». Cette caractérisation n'a pas de rapport direct avec la position sociale de ceux/celles qui produisent cette science. Pour des raisons matérielles, l'essentiel des économistes étaient issus de la bourgeoisie, même ceux qui critiquent le capitalisme comme Marx. Avec le développement du capitalisme et la démocratisation de l'enseignement supérieur, on trouve davantage de penseurs issus du prolétariat, et pour autant les théories économiques dominantes restent "bourgeoises" pour des raisons structurelles.

Le conflit d’intérêts est fréquent chez les économistes dominants. Beaucoup se font financer par des organisations patronales, et expliquent ensuite que les mesures (pro-capitalistes) qu'ils proposent sont de la pure science...[14] Cependant la plupart de ces économistes n'ont pas besoin de recevoir de l'argent du patronat pour être convaincus que « le marché » est une forme d'économie supérieure (même la majorité des « économistes hétérodoxes », keynésiens ou autres, raisonnement dans le cadre d'un marché). A l'échelle mondiale et historique, c'est le dynamisme du capitalisme qui est le principal facteur explicatif de la force de l'idéologie bourgeoise, bien plus que les facteurs directement « intentionnels ».

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

  1. #6. En économie, 1 et 1 ne font pas 2 (1/2) - Paradoxe de l'épargne, Des économistes et des Hommes, 10 janv. 2019
  2. #10. L'économie est-elle une science exacte ?, Des économistes et des Hommes, 7 mars 2019

Textes

  • Jacques Valier, Brève histoire de la pensée économique d’Aristote à nos jours, 2005
  • Économie de marché et anarchie capitaliste, Formation de l'ex-LCR sur La brèche numérique
  • Emmanuelle Bénicourt, Bernard Guerrien, La théorie économique néoclassique, 2020