Économie marxiste

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Karl Marx

L'économie marxiste est l'économie politique proposée dans les travaux de Karl Marx, et par extension les théories qui s’en sont inspirées, constituant le volet économique de la pensée marxiste.

La séparation du marxisme en différentes branches (marxisme économique, politique et sociologique) n'est pas considérée comme pertinente par tous les marxistes. Karl Korsch la conteste par exemple vigoureusement.

1 Écrits économiques de Karl Marx[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Place de l'économie dans le marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Karl Marx et Friedrich Engels sont d'abord connus pour avoir développé une conception matérialiste de l’histoire inspirée des prédécesseurs matérialistes, et de la philosophie allemande. De celle-ci, ils retiendront une façon de pensée dialectique, qui met l'accent sur le développement interdépendant et contradictoire des phénomènes et des idées, par opposition avec l'idée de lois absolues et de progrès linéaire.

En rompant avec l'idéalisme, ils ont souligné que les hommes font leur propre histoire, mais sur la base de conditions données, héritées du passé. Un mode de production est composé d'une infrastructure (forces productives comme les outils et le travail, organisé selon certains rapports sociaux) qui a une influence majeure sur la superstructure (religion, Droit, morale, idéologies, science...). Ces modes de production évoluent en fonction d'évolutions et de révolutions dans les forces productives et les rapports sociaux, en premier lieu la lutte des classes.

Pour comprendre la dynamique de ces changements, il est donc fondamental d'étudier « l'économie », au sens large d'étude de la façon dont nous produisons et reproduisons ce qui nous fait vivre. Mais il ne s'agit pas d'une économie qui serait faite de lois anhistoriques (travers « économiciste »), chaque mode de production ayant ses propres lois, elles-mêmes fortement influencées par des facteurs sociaux. Le capitalisme, en tant que mode de production fondé sur des marchés particulièrement développés, a des « lois économiques » plus complexes que les sociétés antérieures, et qui s'imposent plus fortement aux individus, donnant l'impression de « lois naturelles ». Cela a poussé à la formation d'une discipline économique distincte.

Dans la mesure où cette discipline économique cherche à établir des lois, elle peut avoir un aspect scientifique. Cependant, il s'agit d'un des domaines les plus fortement biaisés par les enjeux idéologiques, et où les validations empiriques sont les plus difficiles. Les économistes dominants, qui sont de fait des économistes bourgeois, ont sans cesse tendance à justifier l'ordre établi et les politiques en faveur des capitalistes. Pour cela, ils naturalisent la plupart du temps les lois économiques.

L'analyse marxiste est transdisciplinaire, héritant d'au moins trois courants d'idées du 19e siècle : la philosophie allemande, l'économie anglaise et le socialisme français. [1]

L'économie de Marx a été influencée par des aspects politiques. Par exemple, l'idée que l'avenir de l'humanité réside dans la socialisation des moyens de production vient de l'héritage des idées socialistes, et la notion d'exploitation a été inspirée par des socialistes français comme Proudhon. Cependant, après s'être plongé dans l'étude des économistes (anglais mais pas seulement[2]), Marx a en grande partie remodelé sa pensée. Sa vision de l'exploitation s'est nettement distinguée de celle naïve du « vol » comme chez le premier Proudhon, et il a rejeté les idées les plus utopiques au sujet de la socialisation et du communisme.

1.2 Principe de l'exploitation[modifier | modifier le wikicode]

Étudiant le mode de production capitaliste, Marx considère qu'il révèle une opposition entre deux classes sociales (bien qu'il y ait des classes intermédiaires) : la classe bourgeoise qui détient le capital, et la classe prolétarienne, qui ne dispose que de sa force de travail. S'inspirant de l'idée d'exploitation des travailleurs et de la pensée ricardienne qui ramène la valeur économique à la valeur-travail, Marx montre que le capitaliste exploite le travailleur en lui subtilisant une plus-value (c’est le « sur-travail »). En effet le capitaliste ne paye que la valeur de la force de travail. Or la valeur de la force de travail et la valeur que cette force produit sont deux choses différentes. Ce que coûte un ouvrier pour pouvoir travailler et le coût réel de son produit diffèrent énormément. Un travailleur produit plus de valeur qu'il ne lui en coûte pour travailler et vivre lui et sa famille. Le capitaliste tire son profit de cette différence, qui est la plus-value.

Dans la valeur du produit il y a ainsi :

  • la valeur des moyens de production consommés dans la fabrication du produit (capital constant) ;
  • la valeur du travail payé (constitué par la valeur de la force de travail utilisée, donc le montant des salaires) ;
  • et une autre partie du travail fourni par l'ouvrier qui n'est pas payée et qui constitue la plus-value empochée par le propriétaire des moyens de production qui devient par ce mécanisme un capitaliste.

Il tire de ces fondamentaux une théorie selon laquelle les tendances internes du système capitaliste recèlent des contradictions indépassables qui vont déclencher systématiquement et de manière récurrente, des crises économiques.

Le mécanisme économique qu'il décrit est le suivant[3].

1.2.1 Circuit économique[modifier | modifier le wikicode]

Marx emprunte certains éléments de réflexion à Ricardo. Il distingue tout d'abord, les biens qui sont produits et consommés par le producteur direct (et la communauté dans laquelle il vit) et les marchandises qui sont produites pour l'échange direct ou le commerce. Ensuite, Marx utilise la distinction entre valeur d'usage d'une marchandise (subjective et variable d'un agent à un autre et qui change aussi avec le développement technique) et valeur d'échange (acceptable par tous les agents, ceci pour permettre justement l'échange). Enfin, Marx suppose que la « valeur » d'une marchandise est une donnée objective, fixée par la quantité de travail incorporée en elle, c'est le temps socialement nécessaire pour la produire. Elle prend forme ou se réalise grâce à l'échange et apparait comme « valeur d'échange ».

Ce qui intéresse Marx, c'est de comprendre la logique qui amène dans un premier temps la circulation simple des marchandises et celle du capital ensuite. Si la circulation simple de marchandises M-A-M (échange marchandise-argent et ensuite échange argent-marchandise) où l'argent intervient comme moyen de circulation (moyen d'achat) et fonctionne comme équivalent général, le troc M-M (échange marchandise contre marchandise) est caractérisé par un échange direct de valeurs où l'argent n'est pas nécessaire. La circulation M-A-M aboutit à échanger un produit contre un autre par l'intermédiaire de l'argent. Le but de l'échangiste, qui après avoir vendu quelque chose dont il n'a pas besoin, achète la marchandise qu'il désire, c'est de consommer mieux et plus. En revanche la circulation du capital A-M-A renferme en elle un objectif tout autre qui est celui d'acheter des marchandises pour les vendre plus cher. Là le but n'est pas la consommation mais l'enrichissement, faire avec l'argent plus d'argent, c'est faire du capital. Le capital est le résultat d'un long processus de développement social et n'apparait que là où la circulation simple des marchandises est déjà très développée. Enfin au stade plus évolué le capital s'assujettit la production proprement dite pour la transformer en mode de production capitaliste c’est-à-dire produire non seulement des objets d'utilité sociale, des valeurs d'usage mais surtout des marchandises, des valeurs et par-dessus tout de la plus value. Produire de la plus value est le but du mode de production capitaliste. C'est sa raison d'être. Il ne stimule la production que là où il y a de la plus value.

1.2.2 Exploitation du travailleur et principe de la plus-value[modifier | modifier le wikicode]

Marx considère que les capitaux engagés A se décomposent en deux parts : le capital constant c (les machines, les matières premières et les matières auxiliaires) et le capital variable v (les salaires). La valeur de A est donc A = c + v.

Il suppose de plus que le capital constant ne fournit aucun surplus au capitaliste, ce n'est que le capital variable qui est source de valeur, et cette valeur est proportionnée au temps de travail social nécessaire à la production de la marchandise. Celui-ci comprend le travail indirect et le travail direct.

L'exploitation des capitalistes s'exprime alors dans le fait que la force de travail utilisée n'est pas payée par le capitaliste au prorata de sa valeur. Le travailleur est payé, dans la logique de l'économie classique, au minimum vital qui permet sa subsistance. Sous la pression d'un chômage permanent, les salaires seront toujours ramenés à long terme vers le salaire minimum. Le capitaliste récupère donc une différence : la plus-value, notée pl. On a donc : A' = c + v + pl. On peut dès lors définir :

  • le taux de plus value : pl/v qui exprime le niveau d'exploitation du travailleur.
  • le taux de profit : pl/(c+v), qui mesure le gain du capitaliste sur le capital engagé.

La valeur produite se répartit alors dans :

  • Les salaires qui tendent vers le minimum vital.
  • Les profits, donnés par la somme des plus-values, différence entre le travail total mis en œuvre et le travail nécessaire.
  • Les intérêts et les rentes. Ils sont considérés par Marx comme une répartition de second degré prélevés sur les profits. Ils dépendent de facteurs monétaires ou financiers.

Trois possibilités s'offrent aux capitalistes pour accroître la plus value :

  • Augmenter la durée du travail (c'est la plus-value absolue).
  • Diminuer le temps de travail pour produire l'équivalent du minimum de subsistance (c'est la plus-value relative), en pesant par exemple sur la production agricole, en améliorant le progrès technique ou en important de l'étranger.
  • Produire une quantité de produit plus importante pour un même temps de travail en découvrant une innovation technologique (c'est la plus-value différentielle). Seulement, lorsque cette innovation est généralisée, du fait de la concurrence, la plus-value relative disparaît, le prix de vente rejoint le prix de production.

1.2.3 Baisse tendancielle du taux de profit[modifier | modifier le wikicode]

Marx explique donc la répartition du capital et l'exploitation des travailleurs, mais il lui reste à expliquer la contradiction fondamentale du capitalisme qui conduit à l'apparition récurrente de crises.

Il l'explique par le concept de baisse tendancielle du taux de profit. Marx considère que les capitalistes sont tentés d'accroître leurs capacités de production par des innovations technologiques pour obtenir un avantage temporaire sur leurs concurrents, appelé plus-value relative. Il s'ensuit qu'ils substituent des machines à la main d'œuvre, autrement dit ils substituent du capital constant c à du capital variable v, ce qui a pour conséquence d'augmenter l'intensité capitalistique de la composition organique du capital (proportion de c et v dans le capital). Comme la plus-value est donnée par l'utilisation de travail direct, et que le taux de profit est pl / (c + v), il vient une baisse tendancielle du taux de profit qui provoque des crises. En clair le capitaliste a tendance à rechercher la meilleure combinaison capital/travail, à augmenter au mieux l'intensité capitalistique de façon à réduire le prix de vente dans une situation concurrentielle vis-à-vis des autres producteurs ; cependant cette substitution de la machine c au travailleur v a pour conséquence à terme la réduction de la plus-value du capitaliste puisque celle-ci provient de la baisse du salaire du travailleur ou du jeu fait sur celui-ci.

Cependant, Marx dit qu'il existe des contre-tendances à cette baisse. Les capitalistes tentent de la compenser en accroissant leur débouchés (impérialisme), ou en augmentant le taux de plus-value (qui est le taux d'exploitation pl / v, donc en baissant les salaires par exemple), et on pourrait envisager un état stationnaire, mais le problème est que la substitution du travail par le capital engendre de plus en plus de chômage, une armée de réserve de travailleurs, ce qui conduit inexorablement la société vers des conflits sociaux.

2 L'économie marxiste après Marx[modifier | modifier le wikicode]

Le marxisme économique a eu une grande influence sur la pensée économique du 19e et du 20e siècle. Celle-ci s'est exercée de différentes manières.

2.1 Courants se revendiquant du marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Un des principaux points de clivage au sein de l'économie marxiste est sur la théorie des crises économiques. Contrairement aux écoles mainstream (néoclassiques et keynésiens), les marxistes expliquent que les crises découlent structurellement des contradictions du capitalisme. Mais leur façon de décrire les mécanismes de ces contradictions sont très variables. On peut distinguer deux grands pôles : celleux qui insistent sur la baisse tendancielle du taux de profit (BTTP)[4][5], et celleux qui insistent sur la sous-consommation. Les premiers voient le problème plutôt dans la profitabilité dans la sphère de la production, tandis que les seconds le voient dans la demande dans la sphère de la circulation (et sont plus proches des keynésiens).

Par ailleurs, on distingue généralement les marxiens des marxistes (on introduit aussi parfois le terme de marxologue pour désigner les chercheurs qui étudient l'œuvre de Marx). La délimitation est cependant assez floue. Les marxiens sont plutôt des universitaires qui se revendiquent du Marx scientifique en prétendant le séparer du Marx communiste.

Les marxistes sont de fait considérés comme « économistes hétérodoxes ». Certains participent aux colloques de l'Association of Heterodox Economists, dominée par les post-keynésiens.[6]

2.1.1 Pôle « BTTP »[modifier | modifier le wikicode]

2.1.1.1 Centralité de la production[modifier | modifier le wikicode]

Marx considérait que la clé pour comprendre l'économie capitaliste se situe dans la production : la loi de la valeur explique la création d'une survaleur par l'exploitation de la force de travail dans les entreprises. Il s'est opposé à de multiples reprises à des économistes ou des socialistes qui voyaient le problème central dans l'échange marchand et la monnaie.

Des marxo-keynésiens comme Robinson ou Kalecki ont au contraire accepté de Keynes la centralité de la demande et de la monnaie. Robinson conserve de Marx l'idée de contradictions du capitalisme, mais affirme qu'elles se situent en fait dans la sphère de la circulation (et elle abandonne la loi de la valeur, et la BTTP), dans la sous-consommation des masses.

A l'inverse, les marxistes les plus critiques du keynésianisme considèrent que les problèmes de consommation sont surdéterminés par la sphère de la production.

2.1.1.2 Centralité de la profitabilité[modifier | modifier le wikicode]

Plus précisément, au sein de la production, c'est la profitabilité qui est centrale pour ces marxistes. D'une part, parce que le profit est la motivation immédiate des capitalistes, d'autre part parce que le taux de profit détermine l'attractivité des investissements, et donc la dynamique de l'accumulation capitaliste (croissance, stagnation...). Ainsi, alors que la loi de Kalecki affirme que les investissements engendrent les profits, ce courant marxiste soutient l'inverse.

Ainsi, si dans les années 1930 ou dans la période actuelle il y a un fort ralentissement économique, c'est parce que le taux de profit de "l'économie réelle" est trop faible. En revanche, les capitalistes favorisent les délocalisations (vers des pays aux taux de profits supérieurs) et la financiarisation, dans laquelle ils peuvent atteindre une rentabilité record (mais avec du capital fictif). Mais cette financiarisation est source de bulles spéculatives, et lorsque celles-ci éclatent, des branches entières se retrouvent en situation de surproduction.[7]

La vision keynésienne la plus basique est de supposer qu'il y a une part des marchandises produites qui ne sont pas vendues, et qu'augmenter les salaires permettrait de les écouler. Or, les capitalistes font des études de marché, en moyenne, il ne produisent pas massivement des marchandises qui resteraient invendues (les situations de surproduction sont des crises ponctuelles).

En revanche, il est clair qu'il y a une sous-utilisation des capacités de production, comme le soulignent en général aussi les keynésiens. Ainsi, une politique de relance pourrait certainement augmenter à court terme le taux d'utilisation des capacités de production existantes. Mais pour qu'elle conduise à de nouveaux investissements, il faudrait que l'augmentation de la consommation soit suffisamment forte pour que que les capacités de production existantes deviennent insuffisantes, et que les capitalistes estiment que de nouveaux investissements productifs sont suffisamment rentables pour être réalisés. Or, si l'augmentation de la consommation est forte, donc l'augmentation des salaires est forte, c'est que les profits ont été fortement réduits. Or une baisse des taux de profits rend les investissements moins attractifs pour les capitalistes. Le keynésianisme ne permet pas de sortir des contradictions du capitalisme.[8]

C'est pourquoi une grande partie de l'effort de ce courant marxiste est la mesure statistique du taux de profit, une mesure complexe et délaissée par les autres économistes.

2.1.1.3 Multiplicateur marxiste[modifier | modifier le wikicode]

Différents auteurs ont critiqué le multiplicateur keynésien, et lui opposent un multiplicateur marxiste.[9][8] Ils soutiennent que les données empiriques donnent tort aux keynésiens, et que ce sont les profits qui génèrent l'investissement, et pas l'inverse.[10][11]

Michael Roberts développe une réactualisation de l'économie marxiste insistant sur la sphère de la production et de la profitabilité, et qui de ce fait critique les théories keynésiennes.

Selon l'économiste marxiste Michael Roberts[12], lors de presque chaque récession aux États-Unis depuis 1945, ce sont les investissements qui ont plongé en premier alors que la consommation n'a pratiquement pas baissé, ce qui s'oppose à l'idée keynésienne que la demande est le moteur de l'économie.

2.1.2 Pôle « sous-consommation »[modifier | modifier le wikicode]

2.1.2.1 École de la régulation[modifier | modifier le wikicode]

L'école de la régulation s'inscrit dans une lignée « marxienne », universitaire.

2.1.3 Autres[modifier | modifier le wikicode]

D'autres auteurs marxistes considèrent qu'il faut dépasser l'opposition entre sous-consommation et BTTP. C'est le cas d'Ernest Mandel, de Sam Williams[13]...

2.1.3.1 Negri et Hardt[modifier | modifier le wikicode]

Dans la mouvance de l'altermondialisme, des auteurs marxistes comme Michael Hardt et Antonio Negri ont développé des thèses particulières, très critiquées par d'autres marxistes.

2.1.3.2 Michael Hudson[modifier | modifier le wikicode]

Michael Hudson, fils d'un militant trotskiste se revendique marxiste, même si son approche est assez différente de celle de la plupart des marxistes. Il insiste sur le parasitisme des rentiers dans l'économie, et considère erronée la vision de Marx selon laquelle le capital industriel était en train de vaincre la rente foncière (même s'il estime que Marx, dans ses brouillons des volumes II et III du Capital, était en train de changer cette vision).

2.1.3.3 Fred Moseley[modifier | modifier le wikicode]

Moseley a contribué à discussion sur la théorie de la valeur-travail, la baisse du taux de profit, ou le problème de la transformation. Pour lui, la valeur chez Marx est une variable « macro-monétaire » et il n'existe pas de valeur d'une marchandise individuelle. C'est la quantité totale de travail ajoutée au cours d'une année donnée, plus la dépréciation du capital fixe au cours de cette année, qui se concrétise ensuite au niveau des prix individuels de production.

2.1.3.4 Monthly Review[modifier | modifier le wikicode]

La Monthly Review, revue marxiste fondée en 1949 aux États-Unis, représente un courant de l'économie marxiste.

Paul Sweezy (1910-2004) et Paul Baran (1910-1964) en ont été des membres importants. Ces dernières années, John Bellamy Foster est son principal chef de file. [14]

Ce courant reprend l'idée léniniste que le capitalisme de la libre-concurrence a laissé place au capitalisme monopolistique à la fin du 19e siècle. Par conséquent, le capitalisme serait entré dans une phase de stagnation séculaire. Concernant la question de la profitabilité versus sous-consommation, Foster déclare qu'il s'agit d'un « problème d’œuf et de poule ». Selon Roberts[15] ou Carchedi[8], ce courant est plus proche de l'analyse keynésienne que de la leur. En 2009, Foster écrivait : « Théoriquement, toute augmentation des dépenses publiques à l’heure actuelle peut contribuer à atténuer le ralentissement économique et même à la restauration éventuelle de la croissance économique. »[16]

2.1.3.5 Anwar Shaikh[modifier | modifier le wikicode]

Anwar Shaikh est parti de la critique des néoclassiques pour aller vers Keynes et Marx. Des marxistes comme Carchedi critiquent le fait qu'il estime possible de mettre fin à la crise par des investissements d'État.[17][8]

2.1.3.6 TSSI[modifier | modifier le wikicode]

Certains économistes marxistes ont commencé à développer dans les années 1980 une nouvelle interprétation de la théorie de la valeur, qui permet de défendre sa validité par rapport à certaines critiques. Il s'agit l'interprétation temporelle mono-système (temporal single-system interpretation, TSSI).

Les partisans de la TSSI comprennent, entre autres, Guglielmo Carchedi, John Ernst, Alan Freeman, Andrew Kliman, Eduardo Maldonado-Filho, Ted McGlone, Nick Potts, et Alejandro Ramos Martinez.

Alan Freeman a critiqué la vision de Moseley selon laquelle les prix de marché oscillent autour des prix de production à long terme, reliant ainsi les prix aux valeurs du travail. Freeman y voit une théorie de l'équilibre d'inspiration néoclassique, vision rejetée par Marx dans son approche temporelle.[18]

Ces économistes sont souvent plutôt partisans des explications par la BTTP et critiques de l'idée de relance keynésienne, mais ce n'est pas systématique. Par exemple, Carchedi critique Freeman lorsqu'il écrit que cela pourrait mettre fin à la crise de 2009.[19][8]

2.2 Courants s'inspirant du marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Le marxisme économique a inspiré les travaux de nombreux économistes. Les concepts introduits par Marx se sont retrouvés dans des travaux aux origines très diverses. Il est donc devenu presque impossible de décrire exhaustivement l'influence de son œuvre.

2.2.1 École historique allemande[modifier | modifier le wikicode]

L'économie politique de Marx a fortement influencé l'école historique allemande. Les travaux de Joseph Schumpeter traduisent ainsi un intérêt marqué pour les écrits de Marx.

2.2.2 École du circuit[modifier | modifier le wikicode]

L'école du circuit est un courant en partie d'inspiration marxiste qui insiste essentiellement sur les travaux de Marx qui sont relatifs à sa conception du circuit économique. Un des principaux représentants de ce courant est l'économiste Frédéric Poulon.

2.2.3 Certains néo-classiques[modifier | modifier le wikicode]

Les travaux d'Oskar Lange ou Michio Morishima, dans la lignée de ceux de John von Neumann sur l'équilibre général, ouvre des passerelles entre la pensée de Marx et celle de Léon Walras, jugées jusque-là antagonistes.

2.2.4 Marxo-keynésiens[modifier | modifier le wikicode]

Le marxisme a donné lieu à des synthèses avec les travaux des keynésiens. On peut citer par exemple Michał Kalecki ou Joan Robinson.

🔍 Voir : Marxo-keynésiens.

2.2.5 Marxisme analytique[modifier | modifier le wikicode]

Dans les pays anglo-saxons se profile un courant marxiste assez particulier, le marxisme analytique. Les marxistes analytiques réinterprètent les propositions fondamentales de Marx en les éclairant à la lumière des théories individualistes (rationalité, intérêt...), de la microéconomie et de la philosophie analytique. Gerald Cohen, John Roemer, Philippe Van Parijs, Jon Elster ont fait partie, à des degrés divers, de ce mouvement (Elster s'en étant distancé dans les années 1990 et Van Parijs ayant participé aux travaux du groupe de Septembre sans pour autant se proclamer marxiste).[20]

Le marxisme analytique prend place parmi les débats ouverts par la Théorie de la justice (1971) de John Rawls et sa critique libertarienne par Robert Nozick dans Anarchie, État et utopie (1974).

2.2.6 Post-marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Certains courant se proclament ou ont été nommés « post-marxistes ».

3 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Notes

  1. Lénine, Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme, mars 1913
  2. Il s'inspire par exemple de la théorie du circuit des physiocrates.
  3. Pour cette partie, voir Delfaud, 1997.
  4. Carchedi, Guglielmo, Behind the Crisis: Marx’s Dialectics of Value and Knowledge, Historical Materialism 26 (Brill), 2011
  5. Guglielmo Carchedi, Behind and beyond the crisis, International Socialism n°132, 11th October 2011
  6. Michael Roberts, A world rate of profit revisited with Maito and Piketty, 2014/04/23
  7. Michael Roberts, Les principes du post-keynésianisme, 26 avril, 2021
  8. Revenir plus haut en : 8,0 8,1 8,2 8,3 et 8,4 Guglielmo Carchedi, Could Keynes end the slump? Introducing the Marxist multiplier, 2012
  9. Michael Roberts, Keynes, the profits equation and the Marxist multiplier, June 13, 2012
  10. José A. Tapia Granados, Does investment call the tune? Empirical evidence and endogenous theories of the business cycle, mai 2012
  11. Michael Roberts, The smugness multiplier, octobre 2012
  12. Michael Roberts, Too much profit, not too little?, novembre 2015
  13. A Worker at Large, A Complete Theory of Capitalist Economic Crises? An Appreciation of the Work of Sam Williams, April 15, 2017
  14. The Monthly Review School (description par Sam Williams), 2010
  15. Michael Roberts, John Bellamy Foster and permanent stagnation, July 5, 2016
  16. John Bellamy Foster, Keynes, Capitalism and the Crisis, interview by Brian Ashley, 2009
  17. Anwar Shaikh, The First Great Depression of the 21st Century, Socialist Register 2011 (Merlin)
  18. Michael Roberts, AHE 2024: value, profit and output, July 13, 2024
  19. Alan Freeman, Investing in Civilization, MPRA, 2009
  20. Fabien Tarrit, Guide de lecture : Le marxisme analytique, décembre 2017

Articles

Bibliographie

  • Pierre Delfaud, Les théories économiques, p. 23-32, Paris, PUF, collection Que sais-je, 1997.
  • Henryk Grossmann, Marx, l'économie politique classique et le problème de la dynamique, éd. Champ libre, 1975.
  • Frédéric Poulon, Macroéconomie approfondie - Équilibre, déséquilibre, circuit, 1982.
  • Rosa Luxemburg, L’Accumulation du capital, 1913.
  • Antonio Negri et Michael Hardt, Empire, Exils, 2000.
  • Karl Marx, Le Capital, 1867.
  • Karl Marx, Œuvres, tomes 1 et 2 : « Économie 1 » et « Économie 2 », La Pléiade, éditions dirigées par Maximilien Rubel, (ISBN 2-070-10346-3 et ISBN 2-070-10347-1).
  • Gérard Maarek, Introduction au Capital de Karl MARX, Préface d'Edmond Malinvaud, coll. « Perspectives de l'économique : Critique », ed. Calmann-Lévy, Paris, 1975.
  • Paul Mattick, Marx et Keynes, Gallimard, 2010.
  • Michio Morishima, Marx's Economics: A dual theory of value and growth, Cambridge University Press, 1973.