Infrastructure et superstructure
L'infrastructure est l'ensemble de l'organisation économique de la société (mode de production et division en classes sociales).
La superstructure est l'ensemble des formes politiques, juridiques et idéologiques qui sont en interaction avec l'infrastructure.
Ces concepts sont les éléments clés du matérialisme historique, la vision de l'histoire développée par Karl Marx.
1 La superstructure s'élève sur l'infrastructure[modifier | modifier le wikicode]
Sur cette "base", que comprend toute société humaine, s'élève des formes politiques, juridiques et idéologiques de la société, ces trois éléments constituant ce que Marx dénomme la superstructure de la société. Ainsi, c'est une illusion d'isoler un élément de la superstructure et de croire que son évolution au cours du temps est déterminé par une logique interne : les jeunes Marx et Engels affirmaient sans ambage face aux idéalistes : « Il n’y a pas d’histoire de la politique, du droit, de la science, etc., de l’art, de la religion, etc. »[1] Cela n'empêche pas que les éléments idéologiques du passé soient réutilisés, telles des briques que l'on récupère. Le droit bourgeois s'est ainsi en grande partie édifié sur le droit romain, redécouvert et réutilisé après une éclipse féodale.
1.1 Instance politique, ou formes d'État[modifier | modifier le wikicode]
L'État n'a pas toujours existé, il est apparu dans des conditions historiquement déterminées par l'apparition des classes sociales. Cet État, à toutes les époques, a pour fonction principale de gérer et de perpétuer (à travers ses institutions) le mode de production existant à son époque. L'État est l'expression du pouvoir politique de la classe dominante qui possède les moyens de production. Il fait en sorte que cette classe maintienne cette possession : il est donc l'outil qui permet l'exploitation de l'homme par l'homme. Tout État, quel que soit sa forme, est donc un instrument de domination d'une classe sur une autre.
1.2 Instance juridique[modifier | modifier le wikicode]
L'instance juridique exprime et codifie au travers des lois le type d'appropriation des moyens de production par une classe sociale déterminée à une époque déterminée. Elle est la garantie juridique qui fonde l'exploitation de l'homme par l'homme. Ainsi, dans le mode de production capitaliste, c'est la propriété privée qui est la base de toute l'instance juridique.
1.3 Instance idéologique[modifier | modifier le wikicode]
La manière dont les hommes nouent entre eux des relations pour produire leur moyens de subsistance ainsi que la manière dont certains s'approprient ces moyens déterminent les idéologies qui dominent telle ou telle époque. Ainsi, pour Marx :
« Les idées de la classe dominante sont, à toute époque, les idées dominantes; en d'autres termes, la classe détentrice de la puissance matérielle dominante de la société représente en même temps la puissance spirituelle qui prédomine dans cette société. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, et par là même, des moyens de la production spirituelle (...). Les idées dominantes ne sont rien d'autres que l'expression idéologique des conditions matérielles dominantes, celles-ci ayant pris la forme d'idées. »
Ces trois instances déterminées; types d'État, lois et idéologie dominante,déterminent à leur tour les formes de conscience qui prévalent à une époque déterminée
2 Causalité dialectique et non mécaniste[modifier | modifier le wikicode]
Le matérialisme historique n'affirme pas que la production matérielle (le "facteur économique") détermine directement et immédiatement le contenu et la forme de toutes les activités dites de la superstructure. La base sociale, ce n'est d'ailleurs pas l'activité productive en tant que telle, et encore moins la "production matérielle" prise isolément; ce sont les rapports sociaux que les hommes nouent dans la production de leur vie matérielle (et qui sont déterminés par cette dernière, mais pas de manière mécanique). Le matérialisme historique n'est donc pas un déterminisme économique mais plutôt un déterminisme socio-économique.
Ainsi quand Marx résume « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel »[2] il ne dit pas « Dans une société avec le moulin à bras vous aurez les troubadours, l'amour courtois, les Bénédictins et rien d'autre ».
Par ailleurs, les rapports de propriété ont parfois tendance à s'autonomiser partiellement, ce qui peut contribuer à masquer la compréhension des rapports sociaux sous-jacents. Par exemple Engels écrivait à propos du droit bourgeois :
« Dans un État moderne, il faut non seulement que le droit corresponde à la situation économique générale et soit son expression, mais qu'il possède aussi sa cohérence interne et ne porte pas en lui sa condamnation du fait de ses contradictions internes. Et le prix de cette création, c'est que la fidélité du reflet des rapports économiques s'évanouit de plus en plus (...). Le reflet des rapports économiques sous forme de principes juridiques a nécessairement aussi pour résultat de mettre les choses la tête en bas... »[3]
Les rapports sociaux de production sont donc le lien, le lieu de détermination et d'influence entre la superstructure et l'infrastructure. Les forces productives, à chaque moment de leur croissance, fournissent la base sur laquelle s'établissent les rapports de production qui eux-mêmes déterminent la superstructure. Mais en dernière instance, lorsque l'on démonte le fil des causalités, on retombe toujours sur une cause matérielle. En remontant ainsi jusqu'à l'origine de l'humanité, ce sont les infrastructures qui sont déterminantes puisque c'est à partir du moment où les hommes ont créé leurs propres moyens d'existence qu'ils sont sortis du stade "d'animalité".
Ce schéma, et l'application de la méthode dialectique, permet de comprendre que si les idées ont une place importantes et peuvent agir sur les bases matérielles, elles n'en sont pas moins déterminées par l'infrastructure. Le cours historique est fait du processus engendré par les contradictions des rapports économiques qui se reflètent dans les superstructures par des conflits entre les hommes (entre classes sociales). Ces conflits sont eux-mêmes transposés dans les esprits par des oppositions d'idées, lesquelles, en modifiant les actions humaines, réagissent sur les rapports économiques. L'erreur idéaliste consiste à prendre cette dernière réaction pour un commencement absolu.
3 Exemples[modifier | modifier le wikicode]
En 1948, le Japon fut l'un des premiers pays du monde à autoriser l'avortement, sans que cela soit le fruit d'une pression imposée par un mouvement féministe. Une des raisons est directement matérielle : après la Seconde Guerre Mondiale, la population avait tellement augmenté que le pays s'est vu dans le besoin de ralentir sa natalité. Mais d'autres pays qui ont fait face à la même situation n'ont pas pour autant autorisé l'avortement. Un facteur idéologique a sans doute été important dans le cas japonais : le fait que le bouddhisme ne considère pas que « l'âme » du bébé avorté est éliminée, mais se retrouve dans un autre être vivant. Ce facteur idéologique peut lui-même être expliqué de façon matérialiste, mais sa cause ne se situe en "instantané" dans la situation matérielle du Japon de 1948.
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ K. Marx - F. Engels, L'idéologie allemande, 1845
- ↑ Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847
- ↑ Friedrich Engels, Lettre à Schmidt, 27 octobre 1890