Politique de l'offre

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Ronald Reagan lors d'un discours télévisé, présentant son plan de réduction des impôts, en juillet 1981.

La « politique de l'offre », ou « économie de l'offre » est un ensemble de politiques économiques d'orientation libérale, consistant à soutenir l'offre (c'est-à-dire les entreprises) pour stimuler la croissance économique, censée profiter à tout le monde.

On l'oppose principalement à la politique de la demande, d'inspiration keynésienne, qui insiste sur l'interventionnisme d'État pour stimuler la croissance.

Lorsqu'il est évident que des réductions d'impôts ou des subventions favorisent bien plus les riches et les grandes entreprises, les tenants de ces politiques expliquent que via leurs investissements, cela donnera de l'emploi et des salaires au plus grand nombre (« ruissellement »).

1 Concept[modifier | modifier le wikicode]

Selon les partisans de « l'économie de l'offre », l'objectif de croissance ne peut être atteint qu'en levant le plus possible les freins fiscaux et réglementaires qui entravent leur développement. Il s'agit donc de lever les freins à l'initiative privée en diminuant les prélèvements obligatoires pesant

Inversement, des subventions peuvent et doivent le cas échéant être accordées aux entreprises dans certains secteurs économiques, si les objectifs attendus le justifient.

Le courant de l'économie de l'offre se rattache à la pensée libérale. Il combat activement les écoles de pensée majeures à savoir :

Cette école de pensée voit le jour dans les années 1970, alors que les politiques sont hésitants (la politique de la demande keynésienne ne semble plus être efficace dans les pays développés) et ne savent quelle ligne de conduite adopter pour faire face aux chocs pétroliers et pour remédier à la situation de stagflation (situation de stagnation combinée avec une poussée de l'inflation).

Cette école de pensée a contribué à développer et à alimenter un vaste mouvement politique néo-liberal(inspiré par une philosophie conservatrice mise en œuvre dès les années 1980 aux États-Unis et au Royaume-Uni) dans lequel on trouve aussi des mouvements comme les libertariens (parfois appelés « anarcho-capitalistes »[1]).

2 Historique[modifier | modifier le wikicode]

2.1 École classique[modifier | modifier le wikicode]

Chez les premiers économistes libéraux (école classique), comme Adam Smith ou David Ricardo[2], l'importance de l'offre est déjà mise en avant.

Ainsi la Loi de Say (dite aussi « Loi des débouchés ») pose le principe selon lequel « l’offre crée sa propre demande ». Dit autrement, « c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits »[3].

2.2 Tournant néolibéral[modifier | modifier le wikicode]

Cependant, ce que l'on appelle « l'économie de l'offre » désigne surtout le tournant néolibéral des années 1980. Alors que depuis les années 1930, l'idée d'inspiration keynésienne de soutenir la demande pour soutenir la croissance était timidement acceptée, elle est alors combattue.

Dans le discours, les néolibéraux parlent de revenir au laissez-faire en détricotant le « carcan » fiscal et réglementaire freinant les investissements. Dans la pratique, si des pans entiers de l'État providence commencent à reculer, le poids de l'État dans l'économie reste majeur, et les dépenses publiques continuent même à augmenter, quoique moins vite. Au lieu de moins d'État, c'est surtout à une redirection des dépenses de l'État que l'on assiste, avec plus de subventions aux entreprises et moins de redistribution sociale.

2.2.1 Reaganomics[modifier | modifier le wikicode]

Le terme « économie de l'offre » fut forgé par le journaliste Jude Wanniski en 1975. Ce courant est souvent associé à la présidence de Ronald Reagan (1981-1989) au point qu'on la désigne souvent par le terme « reaganomics » [4].

Alors que Reagan était gouverneur de Californie, des groupes de pression réussissent à faire voter en 1978 par cet État une réduction de taxes[5]. A ce moment-là, des secteurs revanchards du patronat états-unien sont particulièrement déterminés à revenir sur les concessions des dernières décennies, et à obtenir des politiques plus ouvertement pro-capital[6][7].

Toute une nouvelle école d'économistes va se mettre au service de ce tournant, justifiant idéologiquement ces politiques, avec des travaux très peu scientifiques.

2.2.2 Courbe de Laffer[modifier | modifier le wikicode]

Parmi ces économistes, un de ceux qui aura le plus d'impact est Arthur Laffer. En 1979, il co-publie The Economics of the tax revolt[8].

Laffer est surtout connu pour la « courbe de Laffer ». Cette « courbe » était à l'origine un simple concept dessiné sur un coin de nappe, illustrant l'idée élémentaire qu'il existe en théorie un taux d'imposition optimal, puisque des taux trop élevés découragent toute initiative. Il en déduit donc que les recettes fiscales totales diminuent au delà d'un certain taux d'imposition, devenant contre-productives.[V 1]

Il est évident qu'en imaginant le cas limite d'un taux d'imposition de 100% (« l'État prend tout »), il n'y aurait plus aucun intérêt pour un investissement privé. Il est de toute façon irréaliste d'imaginer un État capitaliste s'approchant de ces 100% dans le cadre d'une économie capitaliste.

En revanche cette idée générale ne donne aucune indication sur la forme qu'aurait la courbe (symétrique ou non, un seul maximum ou plusieurs...), et même en supposant un seul maximum, rien ne permet de prouver que le taux d'imposition des États-Unis de l'époque était au dessus de cet optimum.

C'est pourtant pour défendre de façon rhétorique cette idée que ce schéma va être massivement utilisé.

2.2.3 Influence progressive[modifier | modifier le wikicode]

Le matraquage idéologique des partisans de l'économie de l'offre va se diffuser progressivement, avec plus ou moins de rapidité selon les pays, notamment en fonction des résistances du mouvement ouvrier. Aux États-Unis, la répression de la grève des contrôleurs aériens (alors employés de l'État fédéral) de 1981 sera une grande défaite symbolique.

Au Royaume-Uni, Thatcher sera l'équivalent de Reagan, et le mouvement syndical connaîtra lui aussi une défaite majeure (grève des mineurs de 1984-1985).

En France, après une courte tentative de relance (politique de la demande) en 1981, Mitterrand se lancera dans un tournant de la rigueur en 1983.

Les économistes néolibéraux auront une influence majeure dans la construction de l'Union européenne.[9]

Les partis socialistes et sociaux-démocrates assumeront plus ou moins rapidement d'avoir abandonné l'horizon socialiste, puis carrément d'avoir remplacé la politique de la demande par la politique de l'offre (c'est-à-dire d'avoir basculé vers le social-libéralisme). Par exemple, le Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) et le Parti travailliste britannique seront les premiers, et le PS français un des derniers.[10]

3 Controverses[modifier | modifier le wikicode]

Selon Joseph Stiglitz, économiste nouveau keynésien, l'économie de l'offre est complètement discréditée et ce n'est même plus un sujet de débat chez les économistes de ce début de 21e siècle[11]. Selon lui, abaisser les impôts ou les charges des entreprises ne contribue pas à relancer l'économie.

4 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

Textes

  1. La Pensée économique depuis Keynes, Op cit.
  2. « David Ricardo », Les Échos, 20 août 2007, p. 13
  3. Jean-Baptiste Say, Traité d'économie politique, Livre I, chap. 15, édition 1841, page 138
  4. La Pensée économique depuis Keynes, par M Beaud et G Dostaler, Le Seuil, coll. « Points Économie », 1996.
  5. La pensée économique depuis Keynes, déjà cité
  6. Doug Henwood, Take Me to Your Leader: The Rot of the American Ruling Class, Jacobin Magazine, Avril 2021
  7. Benjamin C. Waterhouse, The Political Wing of American Capital, Jacobin Magazine, Avril 2021
  8. The Economics of the tax revolt, New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1979
  9. « Néo-libéralisme ou néoliberalisme : Les politiques économiques néo-libérales », sur universalis.fr (consulté le 12 septembre 2024).
  10. Laurent de Boissieu, « François Hollande est-il social-démocrate ou social-libéral ? », sur La Croix.com, 28 août 2014
  11. « Selon Stiglitz, baisser les impôts des entreprises est "une idée vraiment stupide" », sur lexpress.fr, L'Express, (consulté le 21 août 2020).