Science

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La science (latin scientia, « connaissance ») est l'ensemble des connaissances considérées comme vraies et les théories pour les expliquer.

Le terme englobe aussi plus ou moins implicitement l'ensemble des institutions et conditions sociales qui déterminent la recherche scientifique.

1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Sciences de la nature et sciences humaines[modifier | modifier le wikicode]

Une des grandes distinctions généralement faites dans les domaines de recherche scientifique est celle entre :

Les sciences de la nature sont souvent réputées « plus exactes ». On parle parfois de « sciences dures vs sciences molles », mais ces termes entretiennent une rivalité qui n'a pas lieu d'être. Si les sciences humaines sont moins exactes, c'est parce que leur objet d'étude est en général plus complexe à étudier. En particulier, il est beaucoup plus difficile, voire impossible, de faire des expériences reproductibles en sciences humaines. Lorsqu'il se passe quelque chose dans une société ou chez un individu, il est impossible de retrouver une société ou un individu identique pour l'étudier à nouveau (sans interagir) ou pour tester une hypothèse (en agissant sur tel facteur cela aurait précisément telle conséquence...). Seuls les outils statistiques et les modèles peuvent permettre de progresser vers une compréhension un peu plus plausible.

Ce sont deux grands pôles, mais il n'y a pas de frontière très nette et étanche entre les deux. Certaines disciplines scientifiques sont au croisement des deux. Par exemple l'archéologie fait appel autant à des techniques physiques (datation au carbone 14) et biologiques (analyses ADN) qu'à des sciences sociales. Ou encore la psychiatrie est au croisement de la psychologie comme science sociale et des neurosciences comme champ de la biologie. Par ailleurs il existe aussi des limites à la possibilité de faire des expériences dans les sciences de la nature :

  • en météorologie, il est quasiment impossible de faire des expériences reproductibles (sauf à échelle très locale), et les systèmes étudiés sont des systèmes chaotiques (par ailleurs influencés par l'humanité) dans lesquels il est seulement possible de dégager des tendances ;
  • en astronomie, il est impossible de faire des expériences sur les planètes et les étoiles, seulement d'inférer des lois à partir de leurs mouvements ;
  • en biologie et en médecine, les systèmes étudiés sont tellement complexes et dynamiques que les expériences ne se font jamais exactement sur des sujets identiques, ce qui rend les statistiques tout aussi nécessaires qu'en sociologie...

1.2 Résultats et méthode scientifique[modifier | modifier le wikicode]

Les sciences évoquent intuitivement un ensemble de lois affirmant des relations entre objets (la loi de la gravitation, la loi de la sélection naturelle de Darwin, l'histoire comme lutte des classes...). Toutefois, le contenu précis de ces résultats évolue dans le temps : la gravitation de Newton a été dépassée par la gravitation d'Einstein, la théorie de l'évolution a continué à progresser depuis Darwin, etc. Même si ce tâtonnement se fait rarement en rejetant totalement les résultats précédents (l'interprétation en termes de forces de Newton a été abandonnée, mais les résultats de ses formules mathématiques restent proches de ceux d'Einstein à notre échelle). Les résultats scientifiques évoluent, et sont donc relatifs. Mais les sciences affirment qu'à un instant donné, ses résultats provisoires sont plus fiables que les résultats précédemment admis, et surtout, plus fiables que les croyances non basées sur les sciences. Les sciences sont donc indissociables de la méthode pour aboutir aux résultats, sans quoi ces affirmations n'auraient pas de crédibilité.

Les sciences sont une accumulation de données (en particulier d'observations de corrélations) et une quête de perfectionnement des modèles/théories permettant de donner du sens à ces données. Les deux sont indissociables : s'il n'y avait pas eu des progrès techniques permettant d'accumuler des données (fabrication de lunettes astronomiques, de microscopes...) certaines théories n'auraient jamais pu êtres imaginées (d'où l'importance d'une analyse matérialiste de l'histoire des sciences). Inversement, certaines théories ont orienté la fabrication de moyens techniques très spécifiques pour obtenir des données précises (accélérateurs de particules, détecteurs d'ondes gravitationnelles...).

La méthode scientifique permettant de donner du sens à ces données n'est pas encore quelque chose de consensuel, et il est difficile d'en donner une définition globale valable pour toutes les disciplines. Il y a cependant quelques lignes générales :

  • l'importance de vérifier qu'une théorie ne comporte pas de contradiction interne sur le plan logique,
  • l'importance de la confrontation aux données disponibles pour abandonner les théories fausses (ou les compléter),
  • l'importance de prendre des mesures pour que les données d'expérimentation ou d'observations comportent le moins de biais possibles (ce qui, en fait, revient à utiliser des théories pour sélectionner des données).

Dans le domaine des sciences sociales, il a aussi été nécessaire pour l'humanité de compiler un grand nombre de données (documents permettant un minimum de mémoire historique et de recul sur la diversité des vécus humains) pour commencer à entrer dans une démarche scientifique.

Cette démarche scientifique est cependant encore loin d'être pleinement développée, tant les enjeux politiques et idéologiques (surtout dans les sciences sociales) parasitent les réflexions, les chercheur·ses étant des individus insérés dans les rapports sociaux et donc biaisés.

Par exemple, pour protéger leurs profits, les multinationales pétrolières ont pendant des décennies injecté de l'argent pour brouiller et retarder l'aboutissement des recherches sur l'effet de serre et la climatologie. De même, l'ensemble des idéologues réactionnaires au service de la bourgeoisie s'est employé et s'emploie encore à dénigrer la sociologie lorsqu'elle souligne l'invalidité totale des arguments pro-capitalistes du type « méritocratie ». Les constats sont plus difficiles à nier que les conclusions à en tirer : aujourd'hui, il est moins fréquent que des personnes nient totalement le phénomène du changement climatique ou celui de la reproduction sociale, qui sont tous deux des exemples de consensus scientifiques dans leurs domaines respectifs. Mais cela n'empêche pas les politiciens de déployer des trésors de communication pour justifier leur inaction climatique et leur inaction sociale, voire leurs politiques anti-sociales.

1.3 Sciences et non sciences[modifier | modifier le wikicode]

La philosophie est parfois classée comme science humaine et sociale. Ce sujet provoque des controverses, notamment entre philosophie analytique, qui se veut scientifique, et philosophie continentale, qui y attache moins d'importance, voire embrasse la métaphysique (l'ensemble de ce qui est hors du champ du monde physique, et donc hors de portée de toute démarche scientifique, en tout cas empirique).

L'histoire est aujourd'hui considérée comme une science sociale, mais avant tout sous l'angle de la collecte méthodique de faits historiques, en essayant d'établir ces derniers à travers les différentes sources plus ou moins fiables. Il existe une autre ambition dans le domaine de l'histoire, celle de dégager des lois tendancielles du développement historique de l'humanité. Au 19e siècle, cette recherche avait une certaine popularité, d'abord chez des historiens bourgeois, puis surtout dans le marxisme (avec le matérialisme historique). Aujourd'hui, en lien avec le recul du marxisme, c'est un aspect sur lequel les historiens osent beaucoup moins s'avancer.

2 Le développement tendanciel des sciences[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Les origines matérielles[modifier | modifier le wikicode]

« La pratique a fait naître la théorie et l'a poussée en avant. L'astronomie, par exemple, à sa source dans le besoin de s'orienter d'après les étoiles, dans le besoin de définir l'importance des saisons pour l'agriculture, dans la nécessité d'une division exacte du temps (on vérifie les montres par les méthodes astronomiques), etc... La physique était en rapport direct avec la technique de la production matérielle et de l'art de la guerre. La chimie à son origine dans le développement de la production industrielle et en particulier de l'industrie minière. (Nous trouvons déjà un début de chimie en Égypte et en Chine, en corréla­tion avec la fabrication du verre, avec la teinturerie, avec l'art de l'émail, avec la préparation des couleurs, avec la métallurgie, etc...; le mot « chimie » provient du mot « chemi », c'est-à-dire noir et indique son origine égyptienne). L'alchimie était connue déjà des Égyptiens et s'explique par le désir de trouver la méthode de changer les métaux en or ; au 15e siècle la chimie a reçu aussi une impulsion de la médecine. La minéralogie a ses origines dans l'emploi industriel des minerais et l'étude de leurs propriétés, pour les besoins de la production. La botanique avait primitivement pour base l'étude des plantes médicinales, ensuite des plantes utiles en général, et enfin de toutes les plantes. La zoologie, c'est-à-dire la science des animaux, s'est développée grâce à la nécessité de connaître leurs propriétés utiles et nuisibles. L'ana­tomie, la physiologie et la pathologie ont leur origine dans la médecine pratique (les premiers « savants » dans ce domaine furent des médecins égyptiens, hindous, grecs et romains : par exemple le Grec Hippocrate, le Romain Claude Galien et autres). La géographie et l'ethnographie se sont développées sur le terrain du commerce et des guerres coloniales. Les peuples les plus commerciaux de l'antiquité (par exemple, les Phéniciens, les Carthaginois, etc. ...) étaient en même temps les meilleurs géographes. Au Moyen Âge, la science de la géographie s'est arrêtée dans son développement. Elle commence à faire d'énormes progrès, dans les temps modernes, dès le XVe siècle, à l'époque des guerres coloniales, commerciales et capitalistes et des grands voyages qui s'y rattachent et qui portent un caractère mi- commercial, mi- scientifique et en partie aussi de rapine. Parmi les États qui ont fourni le plus grand nombre de voyageurs et d'explorateurs, la première place revient au Portugal, à l'Espagne, à l'Angleterre et à la Hollande. L'ethnographie S'est développée aussi avec la politique coloniale (la question se pose pratiquement ainsi : comment amener les sauvages à travailler pour la bourgeoisie « civilisée ». Les mathématiques, une des sciences, semble-t-il, les plus éloignées de la vie pratique, sont néanmoins complètement rattachées à celle-ci par leur origine. Ses premiers instruments, tout comme ceux de la production matérielle, furent les doigts des mains et des pieds (compter sur les doigts ; le système de compter par cinq, dix, vingt ; le système primitif de mesurer des angles, etc... par la flexion des genoux ; une idée de mesure de l'espace, avec les coudes, les pieds), etc... (Voir M. Cantor : Vorlesungen ûber die Geschichte der Mathematik. Lectures sur l'Histoire des mathématiques. Leipzig, 1907). Leur matière était constituée par les besoins de la production : la mesure des champs (géométrie signifie science de mesurer la terre), la construction, la mesure du contenu des vases, la cons­truction des navires avant même le dénom­brement des troupeaux ; aux époques commerciales, les calculs des bilans, etc... Les géomètres égyptiens et grecs, ainsi que romains, les ingénieurs d'Alexandrie (comme, par exemple, Héron d'Alexandrie qui avait inventé une espèce de turbine à vapeur) furent aussi les premiers mathématiciens. (Voir : Rudolf Eisler : Geschichte der Wissenschaften, Histoire des Sciences, Leipzig, 1906). (...)

Chez les Babyloniens, les sciences mathématiques sont nées et se sont développées grâce à la nécessité de mesurer les champs, la capacité des vases, de diviser exactement le temps (calendrier) en années, jours, heures, etc... Les premiers « ins­tru­ments » mathématiques furent d'abord les doigts, puis les compteurs à boules, en géomé­trie, une corde munie de piquets, qu'on désignait par le mot tim dans la langue sumérienne, ensuite instrument qui rappelle un peu l'astrolabe. Les sciences mathématiques se mêlaient étroitement à la religion, les chiffres représentaient en même temps des dieux, leur rang céleste, etc... Chez les anciens Égyptiens, les mathématiques ont atteint un haut degré de développement. Dans le très ancien Code Ahmès qui porte le nom du copiste (le titre exact du Code est : Instruction pour atteindre à la connaissance de toutes les choses mystérieuses et de tous les secrets conte­nus dans les choses, etc.). On trouve les chapitres suivants : Règles pour mesurer un magasin de forme ronde pour les fruits ; Règles pour mesurer les champs ; Règles pour exécuter des ornements, etc... (l. c.). Les opérations arithmétiques et en partie algébriques sont exposées sous forme de problèmes, dont les sujets permettent de juger de leur application pratique : C'est le partage des pains, la distribution du seigle, le calcul des revenus, etc... La conclusion de ce manuel de mathématiques indique aussi ses rapports avec l’agriculture ; elle est rédigée sous forme d'un appel au lecteur : « Attrape les insectes nuisibles, les souris ; cherche les mauvaises herbes fraîches, les araignées nombreuses. Prie Ra (dieu égyptien, N. B.) qu'il donne la chaleur, le vent, les eaux hautes. Les premiers, instruments de calcul ont été apparemment les doigts, ensuite quelque chose dans le genre du compteur à boules (des ficelles avec des cailloux comme chez les habitants du Pérou). C'est la nécessité de mesurer les champs qui a donné naissance à la géométrie. En même temps que les problèmes concernant la mesure des parcelles de terre, Ahmès indique aussi les problèmes concernant la capacité des vases (volume et capacité des entrepôts et des magasins pour la conservation des fruits). L'historien grec Diodore écrit au sujet des Égyptiens : « Les prêtres enseignent à leurs fils deux genres d'écriture : l'écriture qu'on appelle sacrée, et celle qu'on nomme vulgaire. Ils s'occupent avec zèle de géométrie et d'arithmétique. Car le fleuve (c'est-à-dire le Nil) changeant plusieurs fois par an la configuration du sol, des discussions nombreuses éclatent entre voisins au sujet des frontières ; tous ces conflits ne peuvent être réglés facilement, si un géomètre ne rétablit pas les rapports réels par des mesures directes. L'arithmétique leur sert (c'est-à-dire aux Égyptiens, N. B.) dans l'économie domestique ». Les règles astronomiques, géométriques, algébriques, étaient liées également aux cérémonies religieuses ; c'étaient des mystères sacrés où les seuls initiés étaient admis. Les « harpedonaptes » (« les tendeurs de ficelles ») possédaient le secret professionnel pour tendre la ficelle et disposer les piquets par rapport au méridien, etc... (En général, les angles des pyramides, leurs côtés, la disposition de leurs différentes parties, tout cela avait un sens sacré, scientifique et astronomique et c'est probablement pour cette raison que ces travaux étaient confiés aux « fils de prêtres ».

Chez les Romains, la géométrie se développait avec les besoins de la propriété foncière qui était sacrée au point que les dieux en étaient censés les propriétaires. Les mathématiciens atteignent leur plus haut degré de développement (« cas exceptionnel », suivant Cantor) à l'époque de Jules César. Cette floraison est conditionnée par deux tâches pratiques : l'établis­sement du calendrier (calendrier Julien) ; César lui-même a écrit un livre sur les astres De astris, et mesure des terres appartenant à Rome. Ce dernier problème a été résolu au temps d'Auguste et le célèbre ingénieur et mathématicien grec Héron d'Alexandrie fut, dit-on, invité à participer à ces travaux ; pour la première fois, une carte de l'Empire fut dressée. Plus tard, nous trouvons chez Columelle l'étude des mathématiques appliquées à l’agriculture ; chez Sexte Jules Frontinus - le calcul très important pour les mathématiques, du rapport de la circonfé­rence au diamètre (nombre appliqué au calcul des conduites d'eau) ; dans le Code Arcérien, (guide de droit et de statistique pour les fonctionnaires des vue vil, siècles avant J.-C.) nous trouvons des chapitres concernant la mesure de la terre, appliquée aux problèmes de l'imposition fiscale.

Quant à l'arithmétique, son développement a été conditionné surtout par le développement du commerce. Les calculs d'intérêts qui selon Horace étaient une besogne de tous les jours, les calculs des parts d'héritiers, étant donnée l'extrême complication des lois romaines à ce sujet, et les comptes des commerçants, sont les causes principales du développement de cette branche des mathématiques.

Chez les anciens Hindous, l'astronomie, l'algèbre et le commencement de la trigonométrie étaient particulièrement développés. On trouve ici beaucoup de points de contact avec les autres peuples de l'antiquité. Dans les chapitres mathématiques d'un recueil scientifique (Ariabhala), les noms et le contenu des problèmes indiquent la base vitale des mathématiques hindoues. Voici, par exemple, un verset expliquant un procédé mathématique : « La multiplication devient division, la division multiplication ; le revenu se transforme en perte, la perte en reve­nu » ailleurs, on trouve un problème ainsi conçu : « une esclave de 16 ans coûte 32 pièces de monnaie, combien coûtera une esclave de 20 ans suivent des problèmes d'intérêts (le taux mensuel est de 5%) ensuite des pro­blè­mes sur le calcul de diverses opérations commerciales, etc... Ce qui dans notre algèbre est désigné par les lettres x, y, etc ... (inconnues), les Hindous l'appelaient « monnaie » (rûpakâ) ; les nombres positifs étaient désignés par le mot « bien » (dhana ou sva), les nombres négatifs par « dette » (rina ou kshaya). L'architecture et ses lois mathématiques étaient aussi des mys­tè­res sacrés et avaient un sens particulier astronomique et divin. La mesure de la terre, la cons­truction des palais et des temples, le calcul des volumes, ont donné une impulsion à la géométrie hindoue. Chez les anciens Chinois, le développement des sciences mathématiques a suivi à peu près la même voie. Peut-être le même caractère de classe de la science, la monopolisation, a-t-il été marqué chez eux d'une façon plus évidente. (C'est ainsi, par exemple, qu'il existe trois manières d'écrire les chiffres : une, employée par les fonctionnaires et par l’État ; une autre scien­tifique et une troisième employée par les citoyens en général et par les commerçants.) Dans un recueil de lois (Tchéou-li), nous trouvons les charges de mathématiciens suivantes : la charge héréditaire d'astronome de la cour (fond-siang-chi) et d'astrologue de la cour (pao-tchang-chi), de chef principal des travaux de mensuration (lian-djin) qui établissait les plans des murs, aussi bien des palais que des villes; il y avait ensuite un fonctionnaire spécial (tou-fang-chi) qui, à l'aide d'un instrument particulier, projetant l'ombre (kouen), faisait divers calculs, etc... »[1]

2.2 Les sciences dans l'Antiquité[modifier | modifier le wikicode]

« la technique se développait très lentement dans le monde antique ; aussi les connaissances techniques progressaient-elles très lentement. « Ce mépris de la technique a des causes diverses. D'abord, le monde antique... a des tendances extrêmement aristocratiques. Les artistes les plus éminents eux-mêmes, tel Phidias, sont estimés comme des artisans et ne brisent pas ce mur d'airain qui sépare les milieux aristocratiques... des artisans et des paysans... Une autre cause du faible développe­ment des inventions techniques... réside dans l'économie antique, basée sur l'esclavage... Les impulsions manquaient pour introduire les machines qui remplacent le travail manuel... La science... était morte et l'intérêt pour les problèmes techniques (à l'exception de quelques objets amusants tels que l'horloge ou l'orgue hydraulique) s'était perdu (Hermann Diels : Wissenschaft und Technik bei den Hellenen, dans « Antike Technik »; la science et la technique chez les Hellènes dans la technique antique, édition Teubner, Leipzig et Berlin, 1920, pp. 31-32-33). Ce sont ces conditions qui ont déterminé le caractère de la science, à cette époque : « Les sciences natu­relles se sont développées, en partant des métiers, à titre accessoire. Mais le métier, et, en géné­ral, le travail physique, étaient méprisés dans l'antiquité, et il existait une ligne de démarcation très nette entre les esclaves occupés au travail physique et observant la nature, et les maîtres qui philosophaient à loisir, mais qui souvent ne connaissaient la nature que d'ouï-dire. C'est ainsi que s'explique en partie tout ce qu'il y a de naïf, de nébuleux et de fantaisiste dans les sciences naturelles de l'antiquité » (E. Mach : La Connaissance et l'Erreur). »[1]

2.3 Les sciences au Moyen-Âge[modifier | modifier le wikicode]

« Au moyen âge, nous avons une technique faible, qui se développe mal et dans la vie économique des rapports de servage féodal où s'établissait toute une échelle de pouvoirs superposés, aboutissant au principal hobereau qui était en même temps le monarque. Ainsi s'explique que la pensée domi­nante fût peu mobile, oppo­sée à toute nouveauté (on écartelait et on brûlait les hérétiques); on n'étudiait pas la nature, mais on se plongeait dans les problèmes de théologie en cherchant, par exemple, à résoudre la ques­tion de savoir « quelle était la taille d'Adam, s'il était brun ou blond », pour combien d'anges y avait-il de place sur la pointe d'une aiguille, etc... ? Ce caractère immobile, con­ser­vateur, théologique, vide (formel, « scolastique »), de la science, ennemie des recherches expé­ri­mentales, s'explique par les conditions de la vie sociale et, en fin de compte, par les conditions techniques et économiques qui étaient à la base de l'évolution sociale. »[1]

Néanmoins, cet immobilisme du Moyen-Âge a été grandement exagéré, à la fois par les difficultés objectives à analyser les évolutions techniques diffuses et peu documentées, et par l'intérêt de l'historiographie bourgeoise à dépeindre l'Ancien régime comme une ère d'obscurantisme total. On sait désormais que dans le domaine agricole en particulier, des innovations ont permis de développer les rendements par rapport à l'Antiquité (dans laquelle l'esclavage agricole limitait l'incitation à l'innovation).

A l'Epoque moderne, il y a eu une tendance des classes dominantes à s'approprier les savoirs scientifiques et à minimiser l'apport des classes populaires (notamment des artisans, peu à peu dépossédés) dans l'accumulation de savoir-faire et de savoirs (fortement liés à la pratique).[2]

2.4 L'essor du capitalisme et des sciences[modifier | modifier le wikicode]

Une laborantine en Suisse en 1964

Historiquement, l'affirmation politique de la bourgeoisie en Europe a eu tendance à aller de pair avec l'affirmation de la science vis-à-vis de la religion. Galilée avait osé affirmer, contre l'Eglise, qu'il pouvait voir grâce à sa lunette que la Terre tourne autour du Soleil. Ce genre de découverte nécessitait de l’audace, une certaine curiosité et surtout disposer de la lunette inventée par les Hollandais. Les conditions sociales de ces découvertes sont clairement les productions d’une société à un certain moment.

L'essor de la bourgeoisie a aussi eu tendance à favoriser le développement scientifique et technique par l'harmonisation des poids et mesures.

Le capitalisme porte les connaissances scientifiques à un niveau sans précédant dans l'histoire, mais maintient l'immense majorité des humains dans l'ignorance. Ce qui fait dire à Marx que dans ce système, la « lumière limpide de la science [brille] sur le fond ténébreux de l’ignorance ».[3] C'est pourquoi aujourd'hui l'on trouve non seulement des anti-sciences, mais aussi des courants qui refusent certaines connaissances scientifiques en y opposant d'autres notions "scientifiques" mal comprises.[4]

Marx analysait également que la science est un facteur de productivité en elle-même (une masse donnée de capital peut se retrouver valorisée du fait d'une nouvelle découverte). Il donnait l'exemple de progrès dans la chimie qui permettent de recycler des sous-produits d'un procès de production qui, avant ce progrès, étaient des déchets.[5]

2.5 Le capitalisme freine et déforme les sciences[modifier | modifier le wikicode]

Le capitalisme influence la recherche scientifique de nombreuses façons :

  • Les sujets de recherche sont favorisés selon le profit dont on peut en tirer. Dans la recherche privée, cet effet est direct : les laboratoires de recherche et développement des grands groupes industriels sont orientés vers des recherches qui peuvent déboucher sur des marchandises répondant à un marché solvable.
  • Même si l'on peut trouver quelques crédits pour la recherche fondamentale dans la recherche publique, celle-ci n'est pas déconnectée du capitalisme. L'Etat est au service de l'intérêt à plus long terme des capitalistes de son pays, en finançant des recherches qui a priori ne sont pas sûres de déboucher. Ce secteur étant moins rentable, il est financé par la population... Dès qu'une découverte est potentiellement rentable, des partenariats avec des groupes privés sont mis en place.
  • Pour ces mêmes raisons, les sciences sociales sont structurellement moins financées que les sciences de la nature.

« Dans n'importe quelle société divisée en classes, les "sciences humaines" se traînent loin derrière les sciences naturelles — la classe possédante n'a aucun intérêt à révéler le mécanisme de sa domination. L'époque bourgeoise constitue l'illustration la plus frappante de ce fait. »[6]

  • Les résultats de recherche ne sont pas aussi largement partagés qu'ils pourraient l'être, en raison des enjeux de concurrence et de profit.
    • Les entreprises peuvent garder pour elles des secrets industriels, ou déposer des brevets. Dans le domaine des médicaments, les brevets et l'image de marque des grands laboratoires pharmaceutiques sont la cause de prix plus plus élevés que nécessaire (rentes de situation), ce qui les rend moins accessibles. Même si les génériques limitent ce phénomène (après expiration des 20 ans de brevet), les procédures d'autorisation de mise sur le marché doivent être multipliées inutilement (près de 90% des essais cliniques dans le monde seraient réalisés pour tester des génériques[7]).
    • Les revues scientifiques sont aujourd'hui dans une situation de quasi-monopole privé (Springer, Elsevier...). Cela créé une situation de rente pour ces entreprises, et des tarifs prohibitifs pour beaucoup de chercheurs, voire d'universités entières qui renoncent à leur abonnement.[8][9]
  • Il y a un certain nombre de cas de fraudes dans certaines études scientifiques. Un phénomène qui est marginal comparé au total des articles publiés, mais qui reste scandaleux.[10]
  • Certains lobbies parviennent à déformer le paysage scientifique, en produisant une abondance d'études scientifiques biaisées, détournant l'attention ou faisant apparaître un semblant de controverse au lieu de laisser s'établir un consensus. Ce pouvoir de fabriquer du doute est devenu l'objet d'un champ de recherche (agnotologie). Des lobbies réactionnaires bloquent ou ralentissent des recherches, comme la Fondation Jérôme-Lejeune avec les recherches sur l'embryon humain.[11]
  • Les chercheurs ne sont pas des machines logiques détachées de la société. Ils sont en général, aujourd'hui, mâles, blancs, écrivant l’anglais et d’origine sociale plutôt favorisée, travaillant pour le privé ou pour l’armée (50% de la R&D est dédiée au secteur militaire aux États-Unis). De ce fait, on peut bien sûr suspecter de nombreux biais dans leur façon de faire de la recherche.
🔍 Voir aussi : Guerre et sciences.

2.6 Quelques exemples concrets[modifier | modifier le wikicode]

2.6.1 Amiante[modifier | modifier le wikicode]

L'amiante est un matériau isolant et ignifuge qui a beaucoup été utilisé dans le bâtiment. Dès les années 1900, des études ont commencé à établir un lien entre l'exposition à l'amiante et des maladies graves comme des cancers du poumon.

Malgré cela, pendant la plus grande partie du 20e siècle, les industriels ont fait un lobbying intense pour minimiser les risques, financer des études biaisées, corrompre des politiciens, pour faire en sorte qu'aucune mesure contraignante ne soit prise.

Ce n'est qu'à partir des années 1970 que le rapport de force de celles et ceux voulant protéger la santé des travailleur·ses commence emporter des victoires. Les preuves scientifiques deviennent trop claires pour pouvoir être écartées, et l'OMS déclaré l'amiante cancérigène en 1977.

De nombreux pays ont ensuite adopté des mesures pour limiter l'utilisation de l'amiante, comme l'interdiction de certains types d'amiante ou l'imposition de réglementations strictes sur son utilisation dans le secteur du bâtiment. Cependant, certains pays qui ont interdit l'amiante sur leur propre sol ne se gênent pas pour en exporter vers des pays sans réglementation (Canada, Russie, Brésil...).

2.6.2 Tabac[modifier | modifier le wikicode]

Les effets nocifs du tabac commencent à être connus dès les années 1950, mais le lobby du tabac va activement contribuer à retarder la prise de conscience publique (avec de la communications retorse) et le consensus scientifique (avec une production abondante d'études biaisées ou détournant l'attention). Ils ont ainsi gagné 40 ans, et fait perdre d'innombrables années de vie et d'années de bonne santé.[12]

2.6.3 Sucre[modifier | modifier le wikicode]

En 2016, des études de la littérature scientifique montrent que pendant des décennies, le lobby du sucre est parvenu à dévier l'attention des risques d'une alimentation trop sucrée en focalisant exagérément l'attention sur les risques du gras.[13]

2.6.4 Changement climatique[modifier | modifier le wikicode]

De très nombreuses études montrent qu'il y a une très forte corrélation entre ces positions climato-sceptiques, et le fait d'être de droite, d'avoir d'être un homme blanc conservateur.[14][15][16][17]

Assez logiquement, les capitalistes ont plus intérêt que des prolétaires à nier des résultats qui viennent remettre en question la façon dont ils s'enrichissent. C'est en particulier le cas du patronat du secteur des énergies fossiles. Les compagnies pétrolières ont financé de nombreuses études sur le climat dans le but de fabriquer du doute, et ont retardé l'émergence du consensus scientifique sur la question. Encore aujourd'hui, aux États-Unis, le lobby de ce secteur s'active contre toute mesure contraignante. Il a massivement soutenu l'élection de Donald Trump, qui une fois arrivé au pouvoir a retiré les États-Unis de l'accord de Paris et a ordonné à l'agence environnementale fédérale (EPA) de cesser toute mention du changement climatique.

Les plus fervents idéologues du laisser-faire économique ont aussi tendance à nier le changement climatique, parce qu'il est un exemple flagrant d'inefficacité du libre-marché.

3 Science et idéologie[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Influence des sciences sur l'idéologie[modifier | modifier le wikicode]

Nombre d'universitaires démocrates par rapport aux républicains, selon la discipline. (USA)

Les scientifiques tendent à être légèrement plus à gauche que la moyenne des populations.

C'est surtout vrai pour les sciences humaines et sociales (sociologie, anthropologie, histoire, psychologie...). Les conservateurs s'en plaignent, et dénoncent un milieu biaisé, idéologique, etc.[18] En réalité c'est la nature même des faits scientifiques qui produit ce résultat : il est trop évident lorsque l'on maîtrise ces faits que les idéologies justifiant l'ordre établi de façon grossière (méritocratie, racisme, sexisme...) sont fausses. Cela ne veut pas dire que les scientifiques de ces disciplines échappent totalement à l'idéologie dominante : en général ils sont plutôt de gauche réformiste que marxistes révolutionnaires.

Les chercheurs en sciences environnementales sont eux aussi poussés à constater que le laissez-faire économique est irresponsable au regard des crises écologiques.

Pour les sciences de la nature, l'effet idéologique est beaucoup moins frappant, mais néanmoins ils ont plus tendance à être de gauche que de droite. On peut supposer que c'est la disposition à l'esprit critique développé par les sciences, ou la plus grande tendance à avoir confiance dans des collègues chercheurs dans leur domaines de compétence respectifs, qui les rends plus réceptifs aux idées plus argumentées (généralement plus présentes à gauche).

3.2 Influence de l'idéologie sur les sciences[modifier | modifier le wikicode]

Les sciences ont une base objective réelle tout en étant affectées par les idéologies dominantes. La question du rapport entre sciences et idéologies est un champ de débats complexes pour les marxistes. Pour schématiser, les deux principaux écueils sont de :

  • considérer que les sciences sont hors du champ des idéologies et sont des vérités au delà des luttes de classe (position "scientiste") ;
  • considérer que toute science est entièrement idéologique (position "relativiste").

Pour prendre un exemple dans le domaine de l'économie, Marx considérait que l'Ecole classique (Adam Smith, David Ricardo...) exprimait à la fois des résultats scientifiques incontestablement plus solides que d'autres théories, et à la fois les intérêts de la bourgeoisie.

Marx relevait ainsi que les scientifiques disent généralement des banalités non scientifiques quand ils font des affirmations qui sortent de leur domaine :

« Pour ce qui est du matérialisme abstrait des sciences naturelles, qui ne fait aucun cas du développement historique, ses défauts éclatent dans la manière de voir abstraite et idéologique de ses porte-parole, dès qu'ils se hasardent à faire un pas hors de leur spécialité. »[19]

Ou comme l'écrira plus tard le marxiste Plékhanov :

« Avoir une conception matérialiste de la nature ne signifie pas nécessairement qu'on possède une conception matérialiste de l'histoire. Les matérialistes du [18e siècle] considéraient celle-ci avec des yeux d'idéalistes, et d'idéalistes fort naïfs. » Pour eux « le cours des choses, dans la société, est déterminé par le cours des idées, et celui-ci par on ne sait quoi : les règles de la logique formelle, ou l'accumulation des connaissances, par exemple. »[20]

Lénine reconnaissait un caractère objectif à la science, s'appuyant par exemple sur le "matérialisme inconscient" de l'immense majorité des physiciens dans leur méthode de recherche quotidienne. Par contre, il affirmait que les considérations générales sur la théorie des connaissances (la gnoséologie) sont totalement imprégnées d'idéologie, et se divisent selon le grand clivage idéalisme / matérialisme. [21]

Trotski partageait cette idée que les sciences naturelles parviennent à plus d'objectivité tandis que les sciences humaines sont chargées d'idéologie (même s'il n'y a pas de « mur infranchissable ») :

« Tandis que le socialisme manifeste une grande confiance envers les sciences consacrées à l'étude directe de la nature, il doit appliquer une non moins grande méfiance critique aux sciences et pseudosciences étroitement liées à la structure de la société humaine, à son organisation économique, à l'Etat, au droit, à la morale, etc. D'ailleurs, ces deux sphères ne sont pas séparées par un mur infranchissable. Mais c'est un fait incontestable que l'héritage est de plus de valeur dans ces sciences qui ne concernent pas la société humaine mais la matière, dans les sciences naturelles.  »[22]

La plupart des marxistes conservent ce point de vue nuancé sur les rapports entre science, idéologie et vérité.[23]

3.2.1 Science bourgeoise vs science prolétarienne ?[modifier | modifier le wikicode]

Pour les raisons expliquées ci-dessus, on ne peut pas rigoureusement parler de science bourgeoise ni de science prolétarienne. Même si dans les individus concrets qui font de la science, les biais de classes cohabitent avec les raisonnements scientifiques, cela ne génère pas une doctrine à part, purement coupée du réel. Pour qu'une doctrine puisse être coupée du réel, il faudrait par définition qu'elle n'ait plus rien de scientifique.

« Il n’y a pas de «science bourgeoise ». Il y a des savants qui sont en même temps des idéologues bourgeois. Dans la mesure où leur activité est scientifique, elle n’est pas bourgeoise. Dans la mesure où elle est bourgeoise, elle n’est pas scientifique. (...) Il n’y a rien qui mérite la définition de «science prolétarienne ». Il y a la science tout court, n’obéissant qu’à ses lois propres, abstraction faite de toute détermination de classe directe. Que serait sinon la science dans la société sans classes ? »[24]

Il est arrivé que des marxistes utilisent, spécifiquement pour le marxisme, ou le socialisme scientifique, le terme de science du prolétariat. Il s'agit d'une utilisation dans un sens bien précis : la doctrine regroupant les résultats (économiques, sociologiques, historiques...) qui pris ensemble montrent que l'intérêt général coïncide avec l'émancipation du prolétariat et le socialisme. Par exemple, Hilferding disait :

« Le maintien de la domination de classe est liée à la condition que ceux qui y sont soumis croient à sa nécessité. Reconnaître son caractère provisoire, c'est en préparer la chute. D'où la répul­sion insurmontable qu'éprouve la classe dominante à accepter les résultats du marxisme. En outre, la complexité du système exige une étude que seul peut s'imposer celui qui n'est pas convaincu d'avance du caractère nuisible des résultats. C'est ce qui explique que le marxisme, qui est une science objective, exempte de tout jugement de valeur, reste nécessairement la propriété des porte-parole de la classe dont la victoire est pour lui le résultat de son étude. C'est dans ce sens seulement qu'il est la science du prolé­tariat, opposée à la science économique bourgeoise, tout en maintenant fermement la prétention qu'a toute science à la valeur objective de ses résultats. »[25]

Mais cela ne signifie en aucun cas que ces résultats économiques ou sociologiques seraient établies par une méthode scientifique qui serait différente des autres.

Ce sont surtout les staliniens qui ont systématisé la caractérisation de toute production intellectuelle et établi des frontières entre culture bourgeoise / culture prolétarienne, science bourgeoise / science prolétarienne, etc.

3.2.2 Science et féminisme[modifier | modifier le wikicode]

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Étant donnée la prépondérance des hommes parmi les scientifiques, des féministes comme Catherine Vidal ont dénoncé le sexisme dont peuvent être imprégnées leurs recherches. Dès 1908, Madeleine Pelletier écrivait :

« Comme les autres hommes, les savants sont pénétrés de ce vieux mépris de la femme, reste ancestral des âges où la force musculaire était tout ; il n’est donc pas étonnant qu’ils aient lu son infériorité dans l’anatomie, la physiologie et la psychologie.  »[26]

Dans les années 1950, certains psychologues tenants du behaviorisme accusaient certaines femmes d'être des « mères réfrigérantes », dont la « froideur » favoriserait l'autisme et la schizophrénie chez leurs enfants. Cette critique était surtout dirigée contre des femmes indépendantes, plus tournées vers leur propre carrière que la moyenne.[27]

3.2.3 Science et racisme[modifier | modifier le wikicode]

Des scientifiques conservateurs ont commencé à développer des théories racistes dès le 19e siècle (théorie des races biologiques, physiognomonie...). Même si la base scientifique de ces théories s'est avérée nulle, elles ont contribué pendant toute une période à nourrir et justifier un sentiment de supériorité raciste dans le monde occidental. Tout un milieu de scientifiques a collaboré avec les nazis et s'est livré à des expériences inhumaines. Certains scientifiques se sont emparés de la génétique en espérant en faire l'outil qui prouverait leurs théories racistes. Cependant, il est apparu dans l'après-guerre un consensus parmi les généticiens pour invalider le racisme biologique.[28]

3.2.4 Relativisme[modifier | modifier le wikicode]

En tant que critique des biais idéologiques de la science sous le système capitaliste, le marxisme « relativise » par nature les productions scientifiques. Engels écrivait par exemple que la science tend à approcher la réalité physique, mais qu'individuellement chaque scientifique a une vision déformée :

« La souveraineté de la pensée humaine se réalise dans une série d’hommes dont la pensée est extrêmement peu souveraine, et la connaissance forte d’un droit absolu à la vérité, dans une série d’erreurs relatives ; ni l’une ni l’autre (ni la connaissance absolument vraie, ni la pensée souveraine) ne peuvent être réalisées complètement sinon par une durée infinie de la vie de l’humanité.  »[29]

Lénine reprend la même idée en termes plus simples: « Nous nous rapprocherons de la vérité objective (sans toutefois l’épuiser jamais) »[21]

Dans les années 1970, les sociologues David Bloor et Barry Barnes développent le « programme fort », pour qui « le contenu de n’importe quelle science est social de part en part ». La sociologue marxiste Hillary Rosa soutiendra aussi que la science n'est « pas objective » sous le capitalisme[30]. Depuis les années 1990, le relativisme a connu un fort essor dans le champ philosophique. On peut citer notamment le livre de Bruno Latour, La Science en action (2005) qui défend ces conceptions. Un exemple de raisonnement de Bruno Latour : il remet en question le fait que Ramsès II serait mort de la tuberculose (ce que des recherches récentes ont montré), parce que le virus de la tuberculose, le bacille de Koch, n'avait pas été découvert à l'époque.

« La réponse de bon sens (...) consiste à dire que les objets (bacilles ou ferments) étaient déjà là depuis des temps immémoriaux, et que nos savants les ont simplement tardivement découverts (...) Dans cette hypothèse, l’histoire des sciences n’a qu’un intérêt fort limité. »

Les relativistes défendent généralement l'idée que ce que l'on considère comme vérité scientifique n'est en fait que le résultat d'un rapport de force : le réseau de scientifiques les plus forts arrivent à faire passer leur point de vue comme "vrai". La rationalité est alors disqualifiée :

« Un concept n’est pas doué de pouvoir en vertu de son caractère rationnel, il est reconnu comme articulant une démarche rationnelle parce que ceux qui le proposaient ont réussi à vaincre le scepticisme d’un nombre suffisant d’autres scientifiques, eux-mêmes reconnus comme  ‘‘compétents’’ ». Isabelle Stengers (Les concepts scientifiques, 1991)

Ce courant, qui se veut critique de toutes les idéologies, est globalement marqué à gauche. Certains militants marxistes critiquent le fait que ce relativisme gagne une certaine influence dans l'extrême-gauche.[31]

L'adhésion à un relativisme total peut conduire à une certaine indifférence à la science et au fait qu'il y ait des coupes budgétaires dans la recherche. Les scientifiques ne sont plus vus sous l'angle de personnes travaillant à une recherche (au moins partielle) de la vérité, mais uniquement sous l'angle d'agents reproduisant des idéologies dominantes (bourgeoise, sexiste, raciste...).

3.3 Science et progrès[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de progrès est longtemps resté utilisé comme une catégorie englobante, faisant à la fois référence au progrès social et au progrès technique, les deux étant souvent vus comme allant dans la même direction, même si pas forcément au même rythme. Jaurès évoquait « ce sentiment de générosité humaine que développent presque toujours la haute éducation et la science »[32].

A partir de la deuxième moitié du 20e siècle, et particulièrement à partir des années 1970 et de la prise de conscience des dangers écologiques, la marche en avant des sciences et techniques a cessé d'être vue comme forcément synonyme de progrès. Par ailleurs cette marche en avant est vue comme largement indépendante du « progrès social ». Plus largement, les horreurs du 20e siècle ont produit des désillusions dans l'idée de progrès (qui était une des composantes de l'idéologie bourgeoise), et le socialisme qui disputait à la vision dominante l'idée d'un progrès social à développer, a été affectée par contrecoup. Si bien qu'aujourd'hui, le terme de progrès n'est plus en vogue parmi les intellectuels, ce qui est amplifié par la prégnance de certaines idées postmodernes en philosophie.

Au niveau de la production de science : les biais idéologiques peuvent engendrer de la mauvaise science, et prendre le parti de l'intérêt général de l'humanité, donc des opprimé·es, est une condition pour faire de la bonne science. Au niveau des applications de la science : la sortie du capitalisme qui implique une absence de contrôle des forces économiques et techniques, est nécessaire pour développer tout le potentiel positif des sciences. « En ce sens, il y a un lien dialectique indestructible entre science et émancipation. »[24]

Dans le domaine de la technique, les capitalistes mettent aujourd'hui plus en avant le terme d'innovation que celui de progrès.

3.4 Science et marxisme[modifier | modifier le wikicode]

3.4.1 La science chez Marx et Engels[modifier | modifier le wikicode]

Il existe de nombreux débats sur ce que pensaient Marx et Engels de la science, et ces débats sont complexes parce que la science (en général) n'était pas le cœur de leurs études (ils s'appuyaient sur les découvertes scientifiques du 19e siècle mais sans expliciter de point de vue général), et parce que la définition de la science est elle-même un débat qui n'est toujours pas refermé.

« Au moment où se fragmente le socle épistémologique et où se cristallisent des sciences « positives » ou « anglaises », Marx maintient la problématique d’une science comme savoir, au sens habituel de la culture allemande, qui remonte, par-delà Hegel, Schelling, Fichte, et Kant jusqu’à Jacob Böhme. »[33]

Marx méprisait profondément ce qu’il appelait « cette merde de positivisme »[34]. A propos de ses travaux théoriques, il disait : « Dans une œuvre comme la mienne […], la composition et l’articulation d’ensemble constituent un triomphe de la science allemande […], l’économie comme science au sens allemand est encore à faire. »[35]

Cette science aurait sa parenté dans la "science du troisième type" de Spinoza, la "science du contingent" de Leibniz, puis la "science spéculative" de Hegel. Marx et Engels se revendiquaient à la fois des matérialistes français du 18e siècle (sans la « métaphysique »), des sciences positives anglaises alors en plein essor (sans leurs conclusions bourgeoises), et de la dialectique hégélienne (« remise sur ses pieds », convertie de l'idéalisme au matérialisme). Pour ces raisons, d'un côté certains leur reprochent un travers « scientiste », de l'autre certains leur reprochent des éléments « non-scientifiques » (notamment la dialectique).

Par exemple, le matérialiste Eugen Dühring ironisait sur les « miracles dialectiques » dispensés par Marx. En réaction, Engels écrivit Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science[29]. Max Adler a beaucoup écrit sur la question de la causalité dans la science sociale dans ses études sur Marx.

Le 19e siècle fut un siècle d'accélération sans précédant des découvertes scientifiques, qui remettaient en question des dogmes bien établis, et qui favorisaient une vision du monde bien plus dynamique que par le passé. Exemple célèbre, Charles Darwin avait publié en 1859 L'origine des espèces[36], démontrant l'évolution des espèces vivantes. Ouvrage que Marx et Engels avaient lu et qu'ils considéraient comme le complément dans le domaine biologique de leur vision dynamique de l'histoire humaine.

L'étude du mouvement par la physique, centrée sur les lois de Newton, se réduisait essentiellement à de la cinématique réversible. La physique commence alors à découvrir à quel point « tout se transforme ». En physique, J. P. Joule avait démontré que la chaleur pouvait être transformée en énergie mécanique et inversement. En géologie, C. Lyell avait découvert la création continue et la destruction des couches de la croûte terrestre.

Marx avait été formé à la géologie par J. Steininger, lui-même un élève d'A. Werner – un des premiers à soutenir l'idée, alors radicale, que la terre avait une histoire. Plus généralement, Marx et Engels s'intéressaient à toutes les sciences. Marx suivait attentivement à partir des années 1860 les travaux du chimiste J. Liebig sur le cycle des nutriments dans l'agriculture et ses conséquences environnementales. Marx suivait également les travaux de J. Tyndall, qui envisageait dès 1861 l'effet potentiel du CO2 sur l'effet de serre planétaire.

Pour Marx, l'approche scientifique est nécessaire pour découvrir la vérité, en sciences humaines comme en sciences naturelles, parce que la vérité n'est pas intuitive. Concernant l'exploitation par exemple, il s'oppose à la vision simpliste qui fait croire à un simple vol :

« Ainsi donc, pour expliquer la nature générale du profit, il vous faudra bien partir de ce théorème : en moyenne, les marchandises se vendent selon leurs valeurs réelles et l’on en retire du profit en les vendant selon leur valeur, c’est-à-dire à proportion de la quantité de travail qui s’y trouve réalisée. Si vous ne pouvez pas expliquer le profit par cette hypothèse, vous ne pouvez pas l’expliquer du tout. Voilà qui est paradoxal, et contraire aux constatations de chaque jour. Un autre paradoxe, c’est que la terre tourne autour du soleil, ou que l’eau se compose de deux gaz extrêmement inflammables. La vérité scientifique est toujours paradoxale à l’expérience journalière, qui ne saisit que l’apparence trompeuse des choses. »[37]

Engels avait même suffisamment de connaissances pour avancer certaines thèses. Dans Le rôle joué par le travail dans la transformation du singe en homme[38] (1876), il explique que la bipédie adoptée par les humains a libéré leurs mains et leur a permis de développer l'usage des outils, qui eut lieu en même temps que le développement d'un cerveau plus volumineux. Cette idée a suscité l'admiration de Stephen Jay Gould, qui y voit le premier exemple de ce qu'il appelle gene-culture coevolution.

Au début des années 1880, Serge Podolinsky, socialiste et populiste ukrainien, publie un article intitulé Le Socialisme et l’unité des forces physiques, dans lequel il essaie de comprendre en terme de flux énergétiques comment le travail humain parvient, en apparence, à une accumulation (donc à produire plus que ce qui a été dépensé pour réaliser ce travail). Dans sa lettre à Marx du 8 avril 1880, Podolinsky présente sa démarche comme « une tentative d’harmoniser le surtravail et les théories physiques actuelles ». Marx demande alors son avis à Engels, qui lui écrit :

« Voilà comment je vois l’histoire de Podolinsky : sa véritable découverte est que le travail humain est capable de retenir et de prolonger l’action du soleil à la surface de la terre au-delà de ce qu’elle durerait sans ce travail. Toutes les considérations économiques qu’il en tire sont fausses […]. À partir de sa très importante découverte, Podolinsky a fini par faire fausse route parce qu’il a voulu trouver une nouvelle preuve scientifique de la justesse du socialisme et qu’il a mêlé de ce fait la physique et l’économie. »[39][33]

Une des questions que cela soulève est donc celle de l'existence ou non d'une science globale (qui intègrerait aussi bien la physique que l'économie, la biologie que la psychologie, etc.). Pour Marx : « Les sciences de la nature comprendront plus tard aussi bien la science de l’homme que la science de l’homme englobera les sciences de la nature : il y aura une seule science. »[40]

Dans L'Idéologie allemande, Marx et Engels écrivaient encore :

« Nous ne connaissons qu’une science, la science de l’histoire. Seule l’histoire peut être considérée sous les deux aspects, se divisant en histoire de la nature et histoire de l’humanité. Cependant, il ne faut pas séparer ces deux aspects ; dans la mesure où les hommes existent, l’histoire de la nature et l’histoire des hommes se conditionnent réciproquement. »

En ce qui concerne la méthode scientifique, Engels a clairement défendu une unicité : les lois de la dialectique qu'il entendait exposer dans La dialectique de la nature.

3.4.2 Socialisme scientifique[modifier | modifier le wikicode]

Engels a publié une brochure nommée Socialisme scientifique et socialisme utopique, dans laquelle il présente le socialisme fondé sur le matérialisme historique comme un socialisme scientifique, par opposition aux socialismes idéalistes. Certains marxistes considèrent que cette formule est une exagération d'Engels, même si l'on trouve chez Marx la mention d'un « socialisme rationaliste critique »[41]. Il est fréquent, même parmi les marxistes, d'entendre qu'il faut séparer l'analyse (historique, sociologique, économique), fondée sur la science, de l'activisme politique socialiste, qui lui ne pourrait être que moral et subjectif.

3.4.3 Le socialisme et la réaction face à la science[modifier | modifier le wikicode]

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Au 19e siècle, beaucoup de découvertes scientifiques ont remis en question des discours dominants, par exemple le darwinisme contre le créationnisme... Cela a conduit les mouvements réactionnaires à adopter longtemps une attitude hostile envers la science, et à l'inverse les libéraux et les socialistes à la considérer comme une alliée. Par ailleurs, quand le capitalisme est en crise ou en stagnation, les budgets de la recherche sont souvent sacrifiés, ce qui peut conduire à une radicalisation des scientifiques.

3.4.4 Lénine et les marxistes russes[modifier | modifier le wikicode]

Le courant de l'empiriocriticisme fondé par Richard Avenarius, puis le livre du physicien Ernst Mach, L'analyse des sensations (1886) eut un grand écho parmi les social-démocrates russes, suscitant notamment l'Essai de conception réaliste du monde(1904) de Vladimir Bazarov, l'Essai de la philosophie marxiste (1908) d'Alexandre Bogdanov, ou encore l'Essai de philosophie collective d'Anatoli Lounatcharski. Ces derniers veulent réconcilier religion et marxisme pour relancer l'élan révolutionnaire de la masse, affaibli par le reflux de la révolution de 1905. Ils sont ainsi liés au courant « de la construction de Dieu » qui prône un retour à la thèse de Feuerbach selon laquelle l'homme serait Dieu.

En 1909, Lénine écrit en réponse Matérialisme et empiriocriticisme[42], et reproche aux empiriocriticistes de « renoncer au matérialisme en recourant à une théorie de la connaissance idéaliste ». Il y exprime également sa divergence par rapport à la conception matérialiste de Plekhanov. Il voit dans la théorie des hiéroglyphes de Plekhanov une négation de l'objectivité et une impossibilité de connaître les choses elles-mêmes.

3.4.5 La science en URSS[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1920, de nombreux travaux scientifiques novateurs fleurissent dans la jeune Russie soviétique.

  • Valentin Volochinov, Le Marxisme et la philosophie du langage[43] ;[44]
  • Lev Vigotski, sur la psychologie[43] ;[45]
  • Vladimir Vernadsky, La Biosphère (1926) : Vernadsky y développe en précurseur l'écologie globale, et signale une dégradation inquiétante qui n’aurait de solution que dans le changement des modèles alimentaires et des sources d’énergie. De nombreux instituts de recherche et d’enseignement consacrés à l’écologie sont alors ouverts.

Le psychologue Alexandre Luria témoigne de l'atmosphère qui régnait alors :

« J'ai commencé ma carrière dans les premières années de la grande révolution russe. Il était évident dès le départ que je ne pourrais pas suivre une éducation systématique et bien ordonnée qui est la pierre angulaire de la plupart des carrières scientifiques. A la place la vie m'a offert l'atmosphère incroyablement stimulante d'une société active et changeant rapidement. Toute ma génération a été nourrie de l'énergie du changement révolutionnaire, l'énergie libératrice que les gens ressentent quand ils prennent part à une société qui accomplit d'énormes progrès en une période très courte. »[46]

En 1925, Trotski est président du Conseil Scientifique et technique de l’industrie et prend la parole devant un auditoire de chimistes. Son discours fait un éloge appuyé de « l’optimisme technico-scientifique » du grand savant russe Mendeleïev. Il vante la société socialiste comme meilleure pour favoriser le développement scientifique :

« Par la bouche d'un de ses savants, Du Bois Reymond, la classe sociale quittant la scène historique nous confie sa devise philosophique : "Ignoramus, ignorabimus !" c'est-à-dire : "Nous ne comprenons pas, nous n'apprendrons jamais". Mensonge, répond la pensée scientifique qui lie son sort à celui de la classe montante. L'inconnaissable n'existe pas pour la science. Nous comprendrons tout ! Nous apprendrons tout ! Nous reconstruirons tout !  »[22]

En mars 1926, il tient un discours sur les sciences et les techniques.[47] Il y défend que la technique progresse de façon plus linéaire que la culture, qui elle connaît des zigzags plus importants. Il présente la radioactivité comme un « triomphe suprême de la pensée dialectique », car elle a battu en brèche l'idée d'éléments atomiques invariants, confirmant que la matière est en transformation perpétuelle.

En revanche, la bureaucratisation de l'URSS va transformer cette effervescence en son contraire : une glaciation de la recherche, une forte censure et auto-censure des chercheurs. Le dogme devient le matérialisme dialectique (abrégé « diamat » en russe). La version de la dialectique qu'utilisaient les staliniens était une application rigide des trois lois de la dialectique selon Engels. Les lois étaient martelées par Staline et ses partisans acceptaient sans y voir la moindre difficulté le concept d'une dialectique de la nature.[48]

Des scientifiques reconnus dans leur discipline furent purgés parce qu'ils ne montraient pas assez qu'ils appliquaient le « diamat » dans leur science. Ils étaient alors remplacés par de jeunes collègues qui avaient proclamé leur allégeance au matérialisme dialectique stalinien. C'était, en partie, un effort pour contraindre la science à s'adapter aux besoins spécifiques de l'Union soviétique pour se maintenir comme puissance mondiale. Il ne pouvait plus être question de science pure. Les scientifiques devaient justifier leur travail en démontrant sa pertinence dans le cadre du Plan quinquennal de développement économique de Staline. Mais c'était aussi un effort idéologique pour justifier l'État soviétique, tant aux yeux de ses propres citoyens que pour les sympathisants d'Occident, comme une société totalement organisée selon les intérêts du prolétariat.

Cela pouvait aller jusqu'à l'incompétence flagrante et même la contradiction frontale avec le savoir scientifique accumulé jusque là. Par exemple, Trofim Lissenko, qui rejetait la génétique comme une déviation bourgeoise, fut nommé directeur de l'Institut de génétique, et son opposant, le brillant botaniste et généticien Nikolai Vavilov, fut victime des grandes purges.[49]

Cette réaction intellectuelle sera à son comble jusqu'à la mort de Staline (1953), et s'atténuera par la suite. Néanmoins, si les scientifiques ne risquent plus la purge pour de simples recherches, l'omniprésence de la bureaucratie continue à constituer un frein permanent au progrès. C'est notamment le thème du roman L'Homme ne vit pas seulement de pain, publié par Vladimir Doudintsev en 1956.

3.4.6 Autres sientifiques marxistes[modifier | modifier le wikicode]

Anton Pannekoek : L'anthropogenèse (1944)[50]

3.4.7 Les scientifiques communistes en Angleterre[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, l'université prestigieuse de Cambridge était devenue un repaire de communistes ou du moins de compagnons de route.[51] A ce moment-là non seulement il y avait des coupes budgétaires au Royaume-Uni, mais le nazisme et l'essor du fascisme en général faisait craindre une vague irrationnelle sur le monde entier. La promesse du socialisme d'organiser au contraire plus rationnellement la société apparaissait crédible. Malheureusement ce socialisme était alors surtout incarné par le stalinisme, et beaucoup de scientifiques mettaient leur esprit critique en veilleuse quand il s'agissait de ce qui se passait en URSS, ou au niveau de la démocratie interne des PC...

Le Second congrès international d'histoire des sciences et technologies se tint à Londres en 1931. Une délégation nombreuse venue d'Union soviétique eut un fort impact sur les scientifiques présents. Elle était dirigée par Boukharine, qui définit les sciences comme un aspect (central) des forces productives, et défendit l'idée qu'à ce titre elles sont freinées par le capitalisme. Le physicien russe Boris Hessen expliqua que les découvertes de Newton étaient le fruit des contradictions qui suivirent la révolution anglaise. L'idée de l'influence de la société sur les sciences fut de plus en plus admise au fil des années 1930, y compris par des libéraux comme Julian Huxley. Ces idées furent développées par exemple dans le livre du physicien marxiste J.D. Bernal, The Social Function of Science (1939).

Les scientifiques de gauche furent aussi parmi les plus fervents défenseurs de la vulgarisation, une activité qui était dénoncée par les conservateurs comme une distraction par rapport à la pureté de la recherche, voire une perte de temps, les ouvriers n'étant pas capables de comprendre des idées scientifiques. Dès 1931, le mathématicien Hyman Levy, un des premiers scientifiques à rejoindre le PC, participa à une émission de la BBC sur le thème de « la science dans un monde qui change ». Plus tard il réalisa des entretiens sur la science avec un ouvrier.

Le biologiste J.B.S. Haldane fut un autre exemple de scientifique éminent qui se rallia au marxisme. En 1923, il disait : « Dans notre pays, le parti travailliste est la seule organisation politique à inclure la promotion de la recherche dans son programme officiel. » [52] De la gauche du Labour, il évolua vers le PC. Au cours de sa vie, Haldane fut de plus en plus convaincu de la puissance explicative de la méthode dialectique, déclarant dans sa préface à la Dialectique de la nature que si elle avait été publiée plus tôt, elle lui aurait épargné beaucoup de « réflexion confuse ».

Dans l'après-guerre, ce mouvement connut une brusque chute de popularité. Une des raisons fut le début de la guerre froide et la vague d'anticommunisme (alimentée par la diffusion plus large d'informations sur la réalité de l'URSS). Une autre raison fut le retour massif des investissements dans la recherche, qui diminuait la défiance envers le capitalisme. Le courant qui se maintient glisse vers des positions plus simplistes, et sans critique vis-à-vis de l'URSS, comme on peut le voir dans La science dans l'histoire de Bernal, paru en 1952.

3.4.8 Les scientifiques et la New Left aux États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Aux États-Unis, tout un courant dit de la New Left (Nouvelle gauche) émergea dans les années 1960 et 1970, notamment dans les milieux universitaires. Ils se radicalisèrent en particulier contre la guerre du Vietnam (et l'utilisation massive d'Agent orange, contre l'utilisation de la science à des fins destructrices en général).

En 1969, le psychologue Arthur Jensen publia un article soutenant que les résultats scolaires plus mauvais que la moyenne chez les afro-américainn-e-s seraient dues à des causes génétiques. Des scientifiques comme Richard Lewontin, Stephen Jay Gould ou Steven Rose jouèrent un rôle important dans la lutte contre ce type d'idéologies racistes et contre toute de discours de type « darwinisme social ».[30][53][28] Lorsqu'en 1969, le généticien Jonathan Beckwith reçoit un prix de 1000$ pour avoir été le premier à isoler un gène en laboratoire, il remet publiquement l'argent au Black Panther Party. Le biologiste moléculaire Mark Ptashne se rendit au Nord-Vietnam en solidarité...

Des femmes menèrent un combat similaire au sujet des arguments biologiques justifiant les positions sociales inférieures des femmes (en particulier dans la hiérarchie scientifique) : les psychologues Ethel Tobach et Ruth Bleier, la biologiste moléculaire Rita Arditti, la biochimiste Ruth Hubbard...

Au cours des années 1980, ce mouvement perdit de son dynamisme, notamment face aux néoconservateurs, en parallèle du reflux général du mouvement ouvrier à cette période. Il y eut aussi des divergences entre scientifiques de gauche, par exemple sur l'attitude à adopter face aux progrès de la génétique. Un certain nombre d'entre eux s'opposèrent à la création d'ADN recombinant (ADN obtenu en laboratoire en combinant de l'ADN de plusieurs sources), en la dénonçant comme dangereuse, ou en affirmant que la science n'est « pas objective » sous le capitalisme[30]. Certains comme Richard Lewontin ou Steven Rose s'opposèrent même au Projet génome humain (séquence de l'ADN humain) entrepris en 1990 (et achevé en 2003). Mark Ptashne a déclaré avoir rompu avec la gauche en raison de l'opposition de celle-ci à la technique de l'ADN recombinant. A l'inverse des scientifiques marxistes ont avancé qu'il ne fallait pas tourner le dos aux avancées médicales permises par de meilleures connaissances génétiques[54].

Le débat sous-jascent était un débat qui se pose toujours sur différentes techniques (OGM, nanotechnologies...). Certains considèrent que sous le capitalisme, les technologies (ou certaines du moins) engendrent plus de dangers que de promesses, et qu'il faut donc s'y opposer.

Après l'élection de Donald Trump, une organisation nommée Science for the people s'est formée à partir de scientifiques (une organisation de ce nom a existé dans les années 1970)[55].

3.4.9 Science et dialectique de la nature[modifier | modifier le wikicode]

Beaucoup de penseurs et de scientifiques ont soutenu que le marxisme était utile à la science, ou que les deux ont une base commune. L'angle le plus évident est celui du matérialisme, vu à la fois comme touchant ce qui est directement matériel et comme sur-déterminant les sociétés et donc influançant les scientifiques. Mais d'autres ont également mis en avant le fait que la science confirmait la dialectique, ou que la dialectique permettait de faire de la meilleure science. La difficulté à définir la dialectique pose bien sûr problème. Certains parlent surtout de la dialectique comme d'une méthode, applicable aux sciences en général. D'autres soutiennent surtout que c'est la nature elle-même qui obéit à des lois dialectiques.

En 1985, Richard Levins et Richard Lewontin ont publié une série d'essais intitulés The Dialectical Biologist, dans lesquels ils expliquent avoir adopté la dialectique dans leur pratique de biologistes. Ils considèrent l'organisme à la fois comme sujet et comme objet de l'évolution. Ils critiquent d'une part les darwiniens classiques qui voient les organismes comme réagissant à des forces agissant sur eux de l'extérieur (les contraintes de l'environnement), et d'autre part les déterministes génétiques (comme Richard Dawkins et sa théorie du « gène égoïste ») pour qui le développement des organismes dépend avant tout du code génétique préétabli. Pour Levins et Lewontin, on ne peut pas considérer qu'une niche écologique adéquate à telle espèce préexiste, mais que les niches sont créées par un processus commun des organismes et de l'environnement (dont d'autres organismes). L'environnement modifie les organismes, mais les organismes modifient aussi l'environnement (les castors créent des barrages, les racines de plantes modifient le sol, la vie a modifié la composition de l'atmosphère...).

Stephen Jay Gould et Niles Eldredge ont aussi considéré que l'évolution suit un mouvement dialectique : dans leur théorie de l'équilibre ponctué, l'évolution est caractérisée par de longues périodes statiques parsemées de moments dans lesquels les espèces évoluent très rapidement. Gould déclarait que « la pensée dialectique devrait être prise plus au sérieux par les chercheurs occidentaux ».

Steven Rose, chercheur en neurologie et vulgarisateur de la philosophie de la biologie, cite la tradition dialectique comme l'une des influences qu'il a subies. Il soutient que les systèmes complexes ont des propriétés qui ne peuvent être expliquées en examinant isolément chacun de leurs éléments.

Christof Niehrs, embryologiste allemand, a noté de façon explicite, dans un article scientifique de 2011, les similitudes formelles entre les processus biologiques et les lois de Hegel[56].

Dans le domaine de la géographie, plusieurs penseurs éminent ont développé une pensée marxiste, y compris sur les rapports du marxisme avec leur propre discipline. Le fait que celle-ci soit à la croisée des sciences sociales et des sciences naturelles les conduit souvent à s'interroger sur la dialectique, la dialectique de la nature...

Par exemple Neil Smith a publié sa thèse de doctorat sous le titre Uneven Development (1990). Neil proclamait que nombre de nos idées au sujet de la nature peuvent être reliées à l'idéologie des sociétés de classe. Il critiquait les conceptions séparant d'un côté la nature (extérieure et immuable) et l'homme. Conception qui est un point commun à la plupart des écologistes (pour qui cet extérieur doit rester intact) et les technocrates (qui mettent la technique au service du pouvoir capitaliste pour prôner l'utilisation totale de la nature). L'image d'une nature immuable est aussi invoqué par les conservateurs pour dire que la société ne doit pas changer, "comme la nature". A l'inverse, Neil Smith soutenait que la nature est en partie produite par l'humanité.

Une autre question se pose : si la dialectique matérialiste a quelque chose d'objectif, pourquoi n'y a-t-il pas davantage de scientifiques dialecticiens ? La réponse la plus immédiate est que les scientifiques observent le monde réel, mais à travers un prisme déformant qui est l'idéologie dominante du capitalisme. Ainsi les scientifiques seraient poussés à voir le monde de façon parcellaire, réductionniste et utilitariste, notamment comme reflet de l'individualisme dans la société capitaliste.[57] Tout comme les économistes sont poussés à considérer le capital comme un fonctionnement normal de la société qu'il s'agit juste de réguler plus ou moins.

4 Analyse systémique[modifier | modifier le wikicode]

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5 Science, déterminisme et hasard[modifier | modifier le wikicode]

Le déterminisme est inséparable de la science : la démarche scientifique consiste à chercher des lois (physiques, chimiques, sociales...). A priori, il est impossible de démontrer que "la totalité du monde est déterministe". C'est une démarche philosophique que de rechercher ces lois, tout comme la démarche qui consiste à croire et affirmer qu'il y a et qu'il y aura toujours de "l'inexplicable". Une différence majeure cependant : la démarche scientifique a étendu sans cesse la sphère de l'explicable, alors que la démarche anti-déterministe n'a jamais fait que se retrancher des les zones d'ombres de la science.

Déterminisme ne signifie pas forcément prédictibilité. On peut acquérir la certitude scientifique qu'un système donné est déterministe, alors même que l'on est incapable de calculer précisément sa trajectoire, son devenir, etc.

Dans une optique déterministe, le "hasard" est seulement une façon de désigner un manque d'information.

Des dés lancés en l'air retomberont dans une certaine position "au hasard". Mais si l'on pouvait mesurer précisément dans quelle direction les dés sont lancés, à quelle hauteur, avec quel mouvement de rotation initial, avec quelle dureté du sol, quel vent... on pourrait déterminer sur quelle face les dés retomberont.

Le hasard intervient aussi dans la transmission génétique des parents à leurs enfants. La reproduction sexuée est caractérisée par le fait que les gènes d'un individu ne sont pas la simple réplique des gènes d'un parent, ce qui serait du clonage, mais un mélange et une sélection des gènes provenant des deux parents. Cette sélection des gènes des parents se fait « au hasard . Là encore, derrière ce phénomène, il y a une très grande quantité de processus chimiques qui tous pris les uns indépendamment des autres sont absolument déterminés, mais dont le résultat final est imprévisible.

Le mouvement brownien, qui paraît complètement chaotique, est en fait déterminé par les multiples chocs des molécules.

La théorie du chaos, qui est un modèle appliqué notamment à la météorologie, ne contredit absolument pas le déterminisme. Elle postule seulement que certains systèmes complexes deviennent imprévisibles par manque de données, ou parce que des données a priori négligeables ou indétectables finissent par avoir des impacts sur le long terme qui font échouer les estimations faites initialement.

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 1,1 et 1,2 Boukharine, La théorie du matérialisme historique, 1921
  2. Clifford D. Conner, Histoire populaire des sciences, 2005
  3. K. Marx, Les révolutions de 1848 et le prolétariat, 1856
  4. Par exemple des gens qui brandissent l'épigénétique (une branche de la biologie très sérieuse), qui nuance l'idée que les traits acquis ne peuvent se transmettre génétiquement, en niant la génétique... Ou encore des gens qui invoquent pêle-mêle "théorie du chaos" et "incertitude de Heisenberg", pour affaiblir en général l'idée de déterminisme. Plus généralement le domaine "quantique" alimente toutes sortes de charlataneries.
  5. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XXIV : Transformation de la plus-value en capital - IV, 1867
  6. Jean van Heijenoort, L'Algèbre de la Révolution, 18 février 1940
  7. Le Monde, Essais cliniques : vers un code de bonne conduite pour le recours aux volontaires sains, 16 août 2023
  8. Olivier Ertzscheid, « Je ne publierai plus jamais dans une revue scientifique », mai 2016
  9. Nouveau Parti Anticapitaliste, Science : qu’on s’attaque à Elsevier plutôt qu’à Sci-hub !, avril 2019
  10. Marc Gozlan, La fraude scientifique, fléau de la littérature biomédicale, Blog Le Monde, Décembre 2013
  11. Jean-Baptiste Jacquin, Comment la Fondation Jérôme Lejeune entrave la recherche française, Le Monde, 16 septembre 2024
  12. Afis Science, Golden holocaust. La conspiration des industriels du tabac, janvier 2015
  13. Huffington Post, Comment le lobby du sucre a fait croire depuis 50 ans que le seul ennemi, c'était le gras, Septembre 2016
  14. Matthew J. Hornsey, Emily A. Harris, Paul G. Bain and Kelly S. Fielding, ‘Meta-Analysis of the Determinants and Outcomes of Belief in Climate Change’, Nature Climate Change 6 (2016): 623.
  15. E.g. Bruce Tranter and Kate Booth, ‘Scepticism in a Changing Climate: A Cross-National Study’, Global Environmental Change 33 (2015): 154–64
  16. McCright et al. ‘Ideology’; Aaron M. McCright, Riley E. Dunlap and Sandra T. Marquart-Pyatt, ‘Political Ideology and Views about Climate Change in the European Union’, Environmental Politics 25 (2016): 338–58.
  17. Samantha K. Stanley, Marc S. Wilson and Taciano L. Milfont, ‘Exploring Short-Term Longitudinal Effects of Right-Wing Authoritarianism and Social Dominance Orientation on Environmentalism’, Personality and Individual Differences 108 (2017): 174–7.
  18. Mitchell Langbert, Homogenous: The Political Affiliations of Elite Liberal Arts College Faculty, Academic Questions, National Association of Scholars, Summer 2018
  19. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XV : Machinisme et grande industrie, 1867
  20. Gheorghi Plekhanov, Pour le 60° anniversaire de la mort de Hegel, 1891
  21. 21,0 et 21,1 Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, 1908
  22. 22,0 et 22,1 Trotski, Mendeleïev et le marxisme, 17 septembre 1925
  23. John Parrington, Science, socialism and the Russian Revolution, juin 2017
  24. 24,0 et 24,1 Ernest Mandel, Emancipation, science et politique chez Karl Marx, 1983
  25. Rudolf Hilferding, Préface du Capital financier, 1910
  26. Madeleine Pelletier, La prétendue infériorité psychophysiologique des femmes, La Revue socialiste, janvier 1908
  27. Victoria Costello, NeuroTribes, Steve Silberman on a Haunting History and New Hope for Autistic People, PLOS Blogs, 2 novembre 2015
  28. 28,0 et 28,1 Steven Rose, Scientific Racism and Ideology: The IQ Racket from Galton to Jensen, 1976
  29. 29,0 et 29,1 Engels, Anti-Dühring, Monsieur E. Dühring bouleverse la science, 1878
  30. 30,0 30,1 et 30,2 How Genes Failed: Hilary Rose and Steven Rose on the Limitations of Biological Determinism, Socialist Worker, 11 décembre 2012
  31. Hubert Krivine, La science n’est pas un « discours » comme un autre, 2013
  32. Jean Jaurès, Le Capitalisme, la Classe moyenne et l’Enseignement, 10 mars 1889
  33. 33,0 et 33,1 Daniel Bensaïd, Marx, productivisme et écologie, 1993
  34. Karl Marx, Lettre à Engels du 7 juillet 1866
  35. Marx-Engels, correspondance, Éditions sociales, Paris 1975-1981, lettres du 20 février 1866, tome VIII, p. 219, et du 12 novembre 1858, tome V, p. 234.
  36. http://classiques.uqac.ca/classiques/darwin_charles_robert/origine_especes/origine_especes.html
  37. Karl Marx, Salaire, prix, plus-value, 1865
  38. Friedrich Engels , Le rôle joué par le travail dans la transformation du singe en homme, 1876
  39. Engels, « Lettres sur les sciences de la nature », Éditions sociales, Paris 1973, p. 103.
  40. K. Marx, Manuscrits de 1844
  41. Georges Haupt, De Marx au marxisme, « L'Historien et le Mouvement social », La Découverte, 1980, p. 93.
  42. Lénine, Matérialisme et empiriocriticisme, 1909
  43. 43,0 et 43,1 http://www.contretemps.eu/interventions/laffaire-bakhtine-cas-vygotski-marx-penseur-lindividualit%C3%A9-humaine
  44. John Parrington, In Perspective: Valentin Voloshinov, International Socialism 75, été 1997
  45. Lev Vygotsky, The Historical Meaning of the Crisis in Psychology: A Methodological Investigation, 1927
  46. Alexander Luria, The Making of Mind: A Personal Account of Soviet Psychology, Harvard University Press, 1979
  47. Leon Trotsky, Radio, Science, Technique and Society, 1er mars 1926
  48. John Parrington, Stalin and the Scientists, Socialist Review, Décembre 2016
  49. Jan Witkowski, [http://www.nature.com/nature/journal/v454/n7204/full/454577a.html Stalin’s War on Genetic Science, Nature, issue 454, 2008
  50. http://www.marxists.org/francais/pannekoek/works/1944/00/pannekoek_19440000.htm
  51. John Parrington, The red professors, mars 1997
  52. J.B.S. Haldane, Dédale ou la science de l’avenir, 1923
  53. Steven Rose, Richard Levins, Richard Lewontin, Not in our Genes: Biology, Ideology and Human Nature, Penguin, 1984
  54. John Parrington, The Human Genome Project: Brave New World of Scientific Understanding or False Dawn?, International Socialism 139, été 2013
  55. Jeffrey Mervis, As Scientists Prepare to March, Science for the People Reboots, Science, 4 avril 2017
  56. Christof Niehrs, Dialectics, Systems Biology and Embryonic Induction, Differentiation, volume 81, numéro 4, 2011
  57. Phil Gasper, Bookwatch: Marxism and Science, International Socialism 79, 1998