Croyances et superstitions

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Un ascenseur dans un immeuble résidentiel à Shanghai : les nombres 4, 13 et 14 manquent.

Les croyances sont toutes les opinions que l'on a et qui ne sont pas fondées sur un raisonnement personnel.

Rigoureusement, quasiment toutes les opinions d'un individu moyen sont des croyances, car nous fonctionnons essentiellement par la confiance dans le reste de nos congénères, et nous passons très rarement une opinion donnée au crible d'une analyse attentive. Cela ne veut pas dire que toute croyance se vaut. D'un point de vue épistémologique matérialiste, les opinions émises suite à des confrontations répétées avec le réel et cohérentes entre elles ont plus de probabilités d'être vraies que les autres. Selon leur socialisation, les individus et les groupes sociaux vont faire confiance à telle ou telle source d'opinion (médias, clergé, influenceurs divers, scientifiques...).[1]

Le terme de superstitition renvoie à une croyance particulière, souvent avec une connotation péjorative. Une religion peut être vue comme un ensemble de croyances organisées.

1 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

  • Beaucoup de personnes en Europe croient que le vendredi 13 porte malheur. Voire le chiffre 13 lui-même.[2]
  • En Asie de l'Est (Chine, Japon, Corée), c'est le chiffre 8 qui porterait bonheur, et le 4 qui est réputé porter malheur (tétraphobie). Dans de nombreux immeubles les étages sont numérotés en « sautant » les étages 4, 14, etc.
  • Au parlement britannique, les députés à la chambre des communes touchent du pied la statue de Churchill en entrant, ce qui est supposé leur donner de meilleures capacités d'orateurs.[2]
  • Depuis la Grèce antique, il existe une croyance que la Lune aurait une influence sur le nombre d'accouchements. Cette croyance reste populaire encore aujourd'hui, notamment parmi les personnels des maternités. Les statistiques permettent clairement de montrer que cette croyance est infondée.
  • Les nombreuses pseudo-médecines qui pullulent aujourd'hui sont basées sur des croyances non étayées, voire invalidées depuis longtemps.

2 Croyance et ignorance[modifier | modifier le wikicode]

On peut noter que dans certains cas, une croyance est conscientisée comme une croyance (par exemple lorsque l'on dit « je crois aux fantômes »), alors que dans d'autres cas, on peut être persuadé que l'opinion en question est tout aussi rationelle qu'une autre.

Par exemple, un certain nombre de personnes croient que l'astrologie est plausible parce qu'il y aurait des influences des planètes tout comme la Lune influence les marées sur Terre, et n'ont pas le sentiment d'avoir une croyance comparable à celui de quelqu'un qui croirait aux influences d'anges ou de démons. La plupart ignorent que l'astrologie est statistiquement invalidée depuis longtemps (il n'y a pas de lien entre jour de naissance et personnalité) et qu'ils entretiennent donc une croyance contraire à celle de presque 100% des scientifiques.

Ou encore, beaucoup de gens qui achètent des « remèdes » homéopathiques en pharmacie n'ont pas l'impression d'avoir une croyance particulière. Parmi eux beaucoup croient à tort que l'homéopathie est synonyme de « à base de plantes », et ignorent tout du mécanisme de « mémoire de l'eau » qu'elle suppose (et que la plupart des gens trouveraient sans doute peu plausible si on leur décrivait).

Cela peut expliquer en partie pourquoi il y a un grand écart entre la proportion de gens superstitieux et la proportion de gens se disant superstitieux.

Par ailleurs, un très grand nombre de croyances n'ont pas la moindre connotation « superstitieuse », mais sont pourtant des idées faussent qui continuent de circuler. Comme l'idée que les moustiques seraient attirés par la lumière, que l'on n'utiliserait que 10% de notre cerveau, que les vaccins causeraient l'autisme, et bien d'autres légendes urbaines.[3]

🔍 Voir : Croyance (Wikipédia).

3 Psychologie[modifier | modifier le wikicode]

Selon le docteur en psychologie Stuart A. Vyse, les superstitions sont le résultat naturel de plusieurs processus psychologiques, notamment la sensibilité humaine au hasard, le penchant à développer des rituels pour faire face à des épreuves (effet d'auto-relaxation face à l'incertitude, la peur de l'échec).[4]

Des chercheurs estiment que la tendance de l'esprit humain à élaborer des superstitions a pu être sélectionnée par l'évolution, comme de nombreux biais cognitifs, car elle aurait été globalement positive.[5]

Lorsqu'un individu tombe dans un état de superstition excédant démesurément le niveau de superstition moyen, il s'agit d'un problème psychiatrique (souvent associé à de la paranoïa, des troubles obsessionnels compulsifs...).

4 Sociologie des croyances[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Constats[modifier | modifier le wikicode]

Les croyances et superstitions sont présentes dans toutes les couches sociales, avec à peu près les mêmes proportions, même si les types de croyances populaires peuvent être très différents selon les milieux. Souvent, la superstition se mélange à la tradition, et il est difficile de démêler celui qui croit vraiment de celle qui lui prête attention par simple folklore.

La proportion de gens croyant dans les diverses superstitions a augmenté ces dernières années, et se retrouvent donc plus élevée chez les jeunes.[6] Certaines croyances sont plus genrées que d'autres, mais pour presque toutes les superstitions, les femmes ont des taux de croyances plus élevées que les hommes. Ainsi en 2020, plus de la moitié des femmes de 25 à 34 ans disent croire en la sorcellerie.[7]

Même si seulement 30% des Français·es se disent superstitieux en 2022, ils sont 62% à croire à au moins une mancie (astrologie, lignes de la main, cartomancie...). 44% disent croire à l'astrologie (34% des hommes, 54% des femmes).

Pour la plupart des superstitions, le niveau de croyance a tendance à être plus élevé à l'extrême droite qu'à gauche. Mais il y a des exceptions. Les macronistes se déclarent moins superstitieux que la moyenne. Par exemple, la croyance dans la sorcellerie serait partagée par 42% des électeurices de Mélenchon à la présidentielle de 2022, 19% des électeurices de Macron, et 35% des électeurices de Le Pen.

Le niveau de superstition est légèrement plus bas chez les diplomés du supérieur, mais à part cela, il n'est pas forcément lié au niveau d'études. Certaines personnes ayant le bac sont plus attirées par certaines croyances que les non diplômés, et vice-versa. C'est surtout parmi celles et ceux qui ont fait des études de sciences de la nature (physique en particulier) que les superstitions sont plus basses que la moyenne.

Plus d’un quart des Français ont déjà consulté un voyant ou autre au moins une fois au cours de leur vie.[7]

Les athées ont tendance à être moins superstitieux que ceux qui disent croire en une religion. Pour certaines superstitions, le taux de croyance est plus bas chez les pratiquants que chez les religieux non pratiquants.

Malgré tout, une très grande majorité des sondés superstitieux déclarent se méfier des charlatans.

4.2 Analyses[modifier | modifier le wikicode]

L'augmentation des superstitions ces dernières années est certainement liée à la dégradation des conditions sociales qui a suivi le tournant néolibéral des années 1980. Les gens qui consultent un voyant le font avant tout par anxiété face à la vie (face à des problèmes de santé et d'argent), ce qui signifie que l'augmentation des sources d'anxiété favorise les superstitions. Le rejet du système de santé officiel peut aussi conduire à des pseudo-médecines, et par fréquentation de ces milieux connexes, à d'autres superstitions. Or, le manque de moyen dans le système de santé public (parallèlement au vieillissement de la population et à l'augmentation de maladies difficiles ou impossibles à soigner comme les cancers) est une des causes de discrédit.

L'insuffisance de la formation à l'esprit critique à l'école est également une des pistes. Plus généralement, il y a une désaffection vis-à-vis des matières scientifiques à l'école ces dernières années, qui est susceptible de rendre plus perméable aux raisonnements fallacieux des pseudo-sciences.

Les intellectuels, et notamment les intellectuels de gauche, ont aussi leur part de responsabilité. En particulier, le courant postmoderne qui a gagné de l'ampleur au sein des sciences sociales dans les années 1990, a fortement relativisé voire nié toute objectivité d'une quelconque méthode scientifique, ce qui tend à désarmer les esprits. On peut penser par exemple à l'attribution d'un doctorat de sociologie à l'astrologue Elizabeth Teissier par des sociologues postmodernes en 2001.

Dans les années 2010, le féminisme est devenu très perméable à certaines formes d'ésotérisme (tarots, astrologie[8]...), et cela doit beaucoup à certaines figures comme Mona Chollet qui ont rendu « cool » l'image de la « féministe sorcière », en l'opposant à une « rationalité masculine » manquant d'empathie pour les femmes et la nature (régressant au passage vers un certain essentialisme). De nombreux médias de « gauche » font de la publicité à ce phénomène sans rien y trouver à redire.[9]

Il y a aussi un certain attrait pour le chamanisme, qui permet d'enrober la prise de drogues récréatives d'un discours pseudo-profond, souvent boosté par une bonne dose d'exotisation de cultures non occidentales.[10]

5 Superstition et religion[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de superstition est plus souvent utilisé pour désigner des croyances en des phénomènes surnaturels pris isolément, sans qu'ils soient forcément rattachés à une religion. Les religions forment quant à elles un ensemble de croyances avec une aspiration à un minimum de complétude (discours sur l'origine du monde, le sens de la vie, la morale...). Mais il n'y a pas de différence de nature entre une croyance religieuse et une superstition.

Crédulité, superstition et fanatisme, gravure de Hogarth, 1762.

De même que pour la différence entre secte et religion, l'opposition entre superstitutions et religion est fortement liée aux idées dominantes du moment. Le clergé d'une religion dominante a ainsi tendance à discréditer comme superstition les croyances concurrentes.

Dans de nombreuses croyances de l'Antiquité, on pouvait obtenir des faveurs divines en faisant des offrantes ou des sacrifices rituels, tout comme on croit pouvoir le faire par la prière chez les catholiques.

Les grands monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) ont ainsi combattu les croyances païennes qui préexistaient, notamment les cultes des idoles. Au 14e siècle, le terme de superstition signifiait « religion des idolâtres, culte des faux dieux ».

Les grandes religions ont cependant souvent dû intégrer certaines superstitions (souvent non officiellement, mais en reprenant la puissance de symboles préexistants et en les associant à des éléments de la nouvelle religion), formant un syncrétisme. De nombreux symboles et accessoires sont communs à des religions et à des superstitions plus larges : talismans, amulettes, grigris et fétiches africains, trèfle à quatre feuilles...

La religion catholique, dans sa recherche de médiations populaires, a développé un vaste système de croyances en un pouvoir des différents saints, en plus du pouvoir des anges et des démons, qui s'écarte significativement du principe monothéiste. Tout comme le fait de croire que la prière peut entraîner une intervention divine spécifique pour celui qui prie. C'est une des sources de la critique plus ou moins radicale qu'elle a subi en interne, par les courants protestants en quête d'un système de croyance plus cohérent, plus crédible pour des esprits plus bourgeois et lettrés.

Au siècle des Lumières (18e siècle), le terme de superstition en est venu à désigner les aspects surnaturels dans les croyances religieuses (notamment pour les déistes qui imaginent un Dieu ne faisant pas de miracles incompatibles avec la physique), voire la croyance religieuse elle-même, pour les athées.[11]

Alors que l'emprise de la religion diminue en Europe, en parallèle, un certain nombre de croyances nouvelles émergent (astrologie moderne, magnétisme animal, spiritisme...), parfois en lien avec de nouvelles technologies (radioactivité, quantique...).

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Monsieur Phi, LA SCIENCE EST UNE CROYANCE (si c'est vrai c'est très grave) | Quelques bases en épistémologie, 8 mai 2022
  2. 2,0 et 2,1 Bulletin d'information du parlement européen, Vendredi 13 : superstition et politique, 2006
  3. Genre humain, 50 légendes urbaines (ou rurales), Novembre 2017
  4. Stuart A. Vyse, Believing in Magic. The Psychology of Superstition, Oxford University Press, 2000, 272 p.
  5. Kevin R. Foster & Hanna Kokko, « The evolution of superstitious and superstition-like behaviour », Proceedings of the Royal Society, vol. 276, no 1654,‎ 7 janvier 2009, p. 31–37
  6. Sondage Ifop, Les Français et la superstition, mai 2022
  7. 7,0 et 7,1 Sondage Ifop, Les Français et les parasciences, Décembre 2020
  8. Marie Claire, L'astrologie, nouvel outil d'émancipation féminine, 2022 ?
  9. Alice Raybaud, La revanche des sorcières post-#metoo : « Les rituels sont des moments précieux pour s’arrêter dans un monde en accélération », Le Monde, 26 août 2024
  10. Le Monde, Chamanisme made in France, 28 août 2024
  11. Paul Thiry d'Holbach, La Contagion sacrée, ou Histoire naturelle de la superstition, Londres, 1768