Collectivisme

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Le collectivisme est l'idée de remplacer la propriété privée des moyens de production par la propriété collective. Ainsi ils sont gérés démocratiquement par la population, et cessent d'être des capitaux. Pour nous, communistes révolutionnaires, le collectivisme est l'objectif central pour aller vers une société où les moyens de production seront utilisés non plus pour la rentabilité capitaliste mais pour, et uniquement, répondre aux besoins de l'humanité.

1 Pourquoi le collectivisme ?[modifier | modifier le wikicode]

En bref, parce que la concurrence pour le profit, qui découle de la propriété privée des moyens de production, fait passer l'enrichissement de la classe capitaliste avant tout, et engendre misère, inégalités, et destructions écologiques. A l'inverse, le collectivisme permettrait de décider démocratiquement de quoi produire et comment produire.

2 Viabilité du collectivisme[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Contraintes du travail[modifier | modifier le wikicode]

Le travail implique par définition des contraintes plus ou moins fortes sur les individus, et d'ordres divers :

  • contraintes dans le choix du travail : dans les familles paysannes, pendant des générations innombrables, c'était une question qu'on n'avait tout simplement pas le luxe de se poser ;
  • contraintes dans le simple de fait de devoir s'entendre avec autrui pour coopérer dans le travail,
  • contraintes plus radicales lorsque le travail est exploité par autrui.

Une société ne peut être viable que si une majorité de ses membres consentent à ces contraintes (un paysan peut accepter un dur travail si malgré ce qui lui est prélevé il a assez pour vivre, un artisan peut préférer être à son compte pour avoir sa liberté s'il peut tenir, mais préférer basculer dans le salariat si la nécessité l'emporte sur cette liberté...).

2.2 Aspirations collectivistes anciennes[modifier | modifier le wikicode]

Les premières sociétés humaines, vivant de la chasse et de la cueillette, était de fait des sociétés collectivistes (« communismes primitifs »). Depuis que des classes dominantes sont apparues, l'aspiration à une société collectiviste s'est exprimée à de nombreuses reprises, que ce soit dans des mouvements populaires (millénarismes religieux...) ou dans des écrits d'intellectuels (utopies...). Le rêve d'une société dans laquelle on travaillerait en commun et profiterait des richesses en commun n'a jamais disparu, et exprime le meilleur de l'humanité face aux différents égoïsmes.

Cependant, il n'existait pas les conditions techniques et socio-économiques pour que ces mouvements puissent aboutir à un système collectiviste viable.

2.3 De le petite bourgeoisie à la grande[modifier | modifier le wikicode]

Dans des économies pré-industrielles, le travail en commun n'apportait pas un avantage significatif en terme de productivité, si bien qu'il ne pouvait pas dépasser un certain stade.

Dans l'agriculture (occupant longtemps la grande majorité de l'humanité), le travail en commun sur de grandes parcelles a existé, mais sous la forme de l'esclavage au profit de riches citoyens (antiquité romaine notamment). Ce système peut avoir un certain rendement pour les exploiteurs, mais limité (d'autant plus qu'il ne poussait pas à l'innovation dans les techniques agricoles). Sur le long terme, les formes d'agriculture un peu plus libres ont montré une "supériorité" : même dans le servage, le paysan peut conserver une partie de sa récolte, ce qui l'incitait à produire plus. De fait, cette tendance a conduit à associer unité familiale et unité de production agricole. Cependant, il a pu exister de très grandes variations dans les formes familiales et les formes de solidarités paysannes (aides au sein de villages en cas de difficultés, voire repartages des terres en fonction des besoins...).

Dans l'artisanat, de même, l'unité de base de la petite production a presque toujours correspondu avec l'unité familiale.

Cette correspondance du travail avec la famille s'explique par le fait que, globalement, les individus ont eu tendance à consentir davantage aux efforts de coopération dans le cadre familial (malgré tous les aspects oppressants et patriarcaux en son sein) qu'avec des configurations plus larges.

Malgré cette unité de base à la très grande longévité, le développement des forces productives a continué d'engendrer une division du travail de plus poussée, qui a rendu de fait les travailleur·ses de plus en plus interdépendants (les paysans ont besoin d'outils fabriqués par les artisans, les artisans se spécialisent toujours plus...). Cette interdépendance ne se traduit pas forcément par une augmentation des contraintes sur les individus, puisqu'elle augmente dans le même temps la productivité, donc bénéficie mutuellement (mais de fait, ce sont les classes possédantes qui ont toujours capté l'essentiel des gains de productivité). Pendant longtemps, cette interdépendance croissante s'est réalisée au travers d'une importance croissante des marchés permettant l'échange de produits (une part croissante de la production devenant marchandise).

L'essor des manufactures puis de l'industrie ont fait passer la division du travail à un stade supérieur, avec la prolétarisation massive de paysans et d'artisans (petite-bourgeoisie), basculant dans le salariat. Les moyens de production se sont vus concentrer dans les mains d'une minorité capitaliste, en face d'une majorité de salarié·es dépossédé·es. Les salarié·es n'ont pas leur mot à dire, mais de fait, leur quotidien est celui d'un travail coopératif. Et ce qui les oppose aux salarié·es des autres entreprises, c'est uniquement l'intérêt des patrons et l'organisation concurrentielle de la société. Cette concurrence engendre une concurrence entre travailleur·ses, et donc inégalités, chômage...

2.4 Collectivisme moderne[modifier | modifier le wikicode]

Avec le potentiel des techniques modernes (d'une productivité sans précédant), il est tout à fait concevable de mettre en place une organisation du travail souple (peu exigeante sur les individus) et efficace (donnant beaucoup aux individus). C'est pourquoi les travailleur·ses ont également intérêt à mettre en place une forme de collectivisme économique.

C'est cette idée qui est à la base du communisme d'inspiration marxiste, qui ne veut pas se contenter d'une vision utopique. C'est également une condition pour ne pas retomber sans fin dans les mêmes illusions réformistes, car toutes les tentatives d'encadrer le marché capitaliste pour lui donner un visage humain (social-libéralisme), aboutissent à trois fois rien.

Il s'agit de s'organiser en tant que classe exploitée pour exproprier les capitalistes et reprendre le contrôle démocratique des moyens de production. Cela permettrait d'établir une démocratie collégiale (autogestionnaire) dans les entreprises (des assemblées générales de travailleur·ses décideraient de l'organisation du travail), et une coordination entre ces entreprises pour que la production corresponde aux besoins et aux limites écologiques (planification). Personne ne pourra tirer quelque profit que ce soit de ces entreprises, mais le haut niveau de production (sans la course au productivisme actuelle) bénéficiera à tous·tes.

Quant à celles et ceux qui travaillent seuls – petits paysans, commerçants et artisans, la société les incitera à s’organiser collectivement pour bénéficier de moyens de production plus efficaces, sans le besoin de la contrainte. En effet, à côté de grandes entreprises socialisées, des entreprises avec très peu de salarié·es ne seraient pas susceptibles de poser problème. Par ailleurs, beaucoup de travailleur·ses de ces petites entreprises s'en iraient vers une entreprise socialisée si le petit patron était tenté d'exiger une surexploitation quelconque.

La logique capitaliste favorise structurellement la maximisation de l'écoulement de marchandises, plutôt que l'utilisation des gains de productivité pour dégager du temps libre. Au contraire, la collectivité favorisera le temps libre, qui est une condition nécessaire pour exercer la démocratie (assemblées générales fréquentes sur les lieux de travail, de vie... et votant pour les représentants aux différents échelons), et qui est plus propice à la désaliénation.

La société disposera d'un haut niveau de services publics de qualité (logement, éducation, santé, eau, énergie, moyens de communication, transports…) accessibles à tou·tes, ce qui diminue l'importance de la sphère marchande (l'ensemble des biens qui s'achètent et se vendent). Bien sûr celle-ci ne peut pas disparaître du jour au lendemain, pour des raisons économiques (difficulté du calcul économique) et psycho-sociale (l'idéologie méritocratique ne disparaîtra pas instantanément). C'est pourquoi il pourrait y avoir encore des différences de revenu selon des règles admises par tou·tes (par exemple, le choix d'être à mi-temps ou plein temps). Du moment que l'essentiel des grands moyens de production sont gérés démocratiquement, cette sphère marchande serait reléguée au rang d'outil et n'aurait pas le pouvoir de nuisance qu'elle a sous le capitalisme.

Dans une telle économie collectiviste, les différences de classe s'estomperaient au bout de quelques génération, et les mentalités évolueraient probablement rapidement, avec de moins en moins d'importance donnée à l'argent et plus aux autres formes de reconnaissance sociale (créativité, arts, recherche, aide aux personnes plus fragiles...). L'individu pourrait s'épanouir bien plus que sous le capitalisme. Il est possible de penser qu'alors l'État disparaîtrait à terme (si on le définit comme une entité séparée de la société), et que la distribution des biens de consommation pourrait se faire, dans un climat post-pénurie, par la prise au tas.

2.5 Étatisation bureaucratique[modifier | modifier le wikicode]

Que ce soit après un début d'expérience autogestionnaire comme en Russie (comités d'usine, soviets...), ou d'emblée, les pays dits « communistes » (staliniens) ont aboutit à une situation qui n'était pas un réel communisme.

La plupart des moyens de production y ont été étatisés, mais ce contrôle par l'État ne signifiait pas un contrôle par la population. Des bureaucrates d'État ont pris la place des anciens patrons. Cette situation tragique qui a terriblement nui à l'idée socialiste est due à un ensemble de facteurs : pauvreté et sous-industrialisation des pays dans lesquels ont eu lieu ces révolutions, domination du mouvement communiste par le stalinisme (phénomène qui est lui-même le produit de la bureaucratisation de la Russie soviétique) qui a transformé des partis communistes en appareils caporalisés hostiles à l'autogestion, amplification de ces problèmes par les nombreuses interférences impérialistes (à commencer par l'agression contre la Russie)...

Certains marxistes ont appelé ces régimes « États ouvriers dégénérés », d'autres « collectivismes bureaucratiques », d'autres encore « capitalismes d'État ».

2.6 Agriculture[modifier | modifier le wikicode]

Même si le mouvement de prolétarisation des paysans et de concentration des terres agricoles a commencé très tôt, et a même été un des signes précurseurs du capitalisme (enclosures...), il a ensuite été relativement plus lent que la prolétarisation de l'artisanat et la concentration du capital industriel. C'est une des raisons qui a fait que la collectivisation de l'agriculture est longtemps restée une question épineuse pour les socialistes. En effet, le principe du collectivisme a tendance à effrayer les petits paysans attachés à leur propriété, et il fallait donc élaborer des programmes de transition dans l'agriculture.

Si la question est toujours d'une grande importance dans certains pays, elle se pose différemment dans les pays du centre capitaliste, où la classe paysanne est aujourd'hui très réduite.

3 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]

Bien qu'il ait eu des périodes historiques (même en dehors de l'époque du capitalisme) de tentatives de collectivisation. Nous nous arrêterons ici à deux grandes périodes significatifs du mouvement ouvrier et du socialisme scientifique : la Commune de Paris et la Révolution Russe.

3.1 La Commune de Paris de 1871[modifier | modifier le wikicode]

La Commune de Paris peut-être considérée comme une sorte de prototype de la société socialiste de demain. Bien qu'elle ne resta qu'au stade embryonnaire, il y fut mené une politique concrète de collectivisation. Par exemple, l'atelier de réparation d’armes du Louvre se dote d’un règlement autogestionnaire : chaque atelier élit, pour quinze jours, au conseil de direction, un ouvrier chargé de transmettre les réclamations et d’informer ses camarades des décisions prises. Dans l’orbite des chambres syndicales ou de comités de l’Union des Femmes surgissent de nombreux ateliers coopératifs.

3.2 Deuxième internationale[modifier | modifier le wikicode]

Dans la Deuxième internationale, il n'y avait pas de volonté de décrire précisément la transition vers le socialisme, au nom de l'idée qu'il ne fallait pas verser dans l'utopisme, renforcée par une vision très optimiste du remplacement inéluctable du capitalisme par le socialisme. Il n'y avait donc pas de programme bien défini sur les modalités du collectivisme futur.

Mais pour autant, de facto, différents socialistes écrivaient pour développer des éléments programmatiques, et le faisaient dans des directions de plus en plus réformistes.[1][2][3]

3.3 Révolution russe de 1917[modifier | modifier le wikicode]

Après la Révolution d'Octobre, les bolcheviks décrètent l'abolition de la grande propriété foncière sans aucune indemnité (7 novembre), introduisent le contrôle ouvrier (8 novembre) et nationalisent les banques (27 décembre 1917).

Ensuite, peu à peu, au cours de l’année 1918, pour priver la bourgeoisie de ses ressources lors de la guerre civile, le commerce extérieur (2 mai 1918), l'industrie pétrolière (20 juin 1918) puis toute la grande industrie (28 juin 1918) furent nationalisés et intégrés à une planification centralisée.

Selon le numéro 19-20 du Bulletin communiste (première année) du 22 juillet 1920 : « La révolution bolchevik a dépossédé les capitalistes des manufactures, des minoteries, des mines, des terres, des institutions financières et a tout transmis à la classe ouvrière. » Et « la production est, dans chaque usine, dirigée par un Comité de trois membres : un représentant du Comité de Fabrique, un représentant du Comité Exécutif Central des Syndicats et un représentant du Conseil Supérieur de l'Économie populaire. »

Dans l'agriculture, ils ont mis en place une réforme agraire (première des revendications paysannes d'alors), tout en essayant de développer progressivement une agriculture collectiviste.

3.4 Guerre civile espagnole[modifier | modifier le wikicode]

Au cours de la guerre civile espagnole, un vrai processus révolutionnaire eut lieu au sein du prolétariat. Mais il ne réussit pas et ses dirigeants ne cherchèrent pas à acquérir l'hégémonie au sein du camp républicain (antifasciste). Des expériences de collectivisation ont eu lieu dans de nombreux endroits : communes paysannes, larges secteurs de l'économie à Barcelone...

4 Terme employé par certains courants[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Dans le socialisme français des années 1880, les guesdistes / marxistes se dénommaient collectivistes face aux possibilistes.[4]

4.2 Anarchisme[modifier | modifier le wikicode]

Le sens de collectivisme est aujourd'hui globalement associé à celui de communisme, mais il a un autre sens. Dans le courant anarchiste, il renvoie à un courant précis.

Après le reflux du socialisme qui suit la défaite de la Commune, la Première internationale scissionne (1872) entre un courant alors principalement influencé par Marx, et un courant anarchiste qui se réclamait du « socialisme anti-autoritaire ».

En 1880, à la Chaux-de-Fonds, lors du congrès international de la Fédération jurassienne (bastion anarchiste), qui regroupe notamment Reclus, Kropotkine, Dumartheray, Malatesta, Cafiero, un débat eu lieu sur l'objectif révolutionnaire. Tous sont toujours d'accord sur la socialisation des moyens de production, à opérer dès le premier jour de la révolution, mais divergent sur les conditions de la redistribution des biens produits :

  • les « collectivistes » soutiennent que chaque travailleur recevra l'équivalent en biens de consommation de son temps de travail, par exemple sous la forme de bons (« À chacun selon son travail. »), au moins dans un premier temps (période de transition) ;
  • les « communistes anarchistes » (une majorité derrière Kropotkine) veulent passer immédiatement à la répartition libre, communiste (« À chacun selon ses besoins. »)

Ainsi en 1929, Malatesta distinguait, au sein de l'anarchisme, les tendances individualistes (« possession individuelle des moyens de production et disposition intégrale du produit du travail »), collectivistes (« production en commun et répartition et disposition des produits selon le travail de chacun ») et communistes (« production associée et consommation égale pour tous »). Se revendiquant lui-même anarchiste communiste, il écrivait :

« Le collectivisme, dont on ne parle plus guère, est un système intermédiaire qui combine les mérites et les défauts des deux solutions proposées. Peut-être, à cause de cela, bénéficiera-t-il d'une large application, tout au moins dans la période transitoire entre l'ancienne et la nouvelle société. »[5]

5 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. John Spargo, Socialism. A summary and interpretation of socialist principles, June 1906
  2. Karl Kautsky, Le programme socialiste, 1892
  3. Emile Vandervelde, Le collectivisme et l'évolution industrielle, 1904
  4. Eduard Bernstein, The International Working Men’s Congress of 1889. A reply to the Manifesto of the Social Democratic Federation, 1 June 1889
  5. Errico Malatesta, La propriété après la révolution, publié dans Il Risveglio, 1929