Mouvement des enclosures

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Un acte d'enclosure datant de 1793.

Le mouvement des enclosures comprend les changements qui, dès le 12e siècle et surtout de la fin du 16e siècle au 17e siècle, ont transformé, dans certaines régions de l'Angleterre, une agriculture traditionnelle dans le cadre d'un système de coopération et de communauté d'administration de terres qui appartenaient à un seigneur local (openfield, généralement des champs de superficie importante, sans limitation physique).

Cela a abouti à limiter l'usage de ces terres seigneuriales à quelques personnes choisies par le propriétaire : chaque champ étant désormais séparé du champ voisin par une barrière, voire une haie comme dans un bocage.

Les enclosures, décidées par une série de lois du Parlement, les Inclosure Acts, marquent la fin des droits d'usage, en particulier des communaux, dont un bon nombre de paysans dépendaient.

1 Causes du mouvement[modifier | modifier le wikicode]

On peut trouver plusieurs raisons à ce mouvement d'enclosure :

  • une raison juridique : les potentats locaux souhaitaient conserver l'exclusivité des terres mais l'absence de cadastre nécessitait de matérialiser les limites foncières ;
  • une raison « naturelle » : les haies permettent de parquer les animaux et de se protéger des bêtes errantes ;
  • une raison « environnementale » : les haies absorbent l'eau et les fossés ayant permis la surélévation desdites haies drainent cette eau. On crée soit des haies d'arbres fruitiers (pour améliorer la production agricole) soit des ronciers pour mieux défendre encore les parcelles.

Mais la raison fondamentale est la suppression des droits d'usage (vaine pâture, communaux) qui permet la liberté des assolements.

2 Historique[modifier | modifier le wikicode]

Plan d'une seigneurie anglaise médiévale. Les « communs » sont indiqués en vert à l'Est.

Le mouvement des enclosures a commencé en Angleterre au 16e siècle. Des champs ouverts et pâturages communs cultivés par la communauté ont été convertis par de riches propriétaires fonciers en pâturages pour des troupeaux de moutons, pour le commerce de la laine alors en pleine expansion. Il s'ensuivit un très fort appauvrissement de la population rurale, entraînant parfois des mouvements de révolte, comme dans les Midlands en 1607. Le mouvement des enclosures s'est heurté à une résistance des populations bénéficiaires des communaux, et tout particulièrement des femmes, du 15e au 18e siècle. La révolte la plus connue est la rébellion de Kett en 1549 à Norfolk, du nom de son instigateur, Robert Kett[1], fermier et tanneur. 16 000 personnes y participèrent et parvinrent à prendre Norwich, alors la deuxième ville d'Angleterre. Un programme de 29 revendications demande notamment l'arrêt des enclosures, la baisse du niveau des rentes et la possibilité pour toute personne de jouir des communaux, ainsi que l'affranchissement des serfs. La répression de la rébellion fait 3 500 morts et les frères Robert et William Kett sont pendus.

En 1607, 37 femmes menées par une « Capitaine Dorothy » essaient de reprendre des communaux à Thorpe Moor dans le Yorkshire.

L'historienne Silvia Federici met en relation le mouvement des enclosures et la résistance des femmes à la suppression des communs avec la chasse aux sorcières[1], notant que les régions touchées par les enclosures ont souvent vu des procès importants pour sorcellerie par la suite.

Au 18e siècle, la Chambre des communes vote l'Enclosure Act qui met fin aux droits d'usage et démantèle les communaux.

Selon l'historien Patrick Verley, « l’historiographie a longtemps centré son attention sur le phénomène des enclosures et sur ses conséquences sociales, mais elles ne constituent pas une révolution agricole, elles n’en constituent qu’un préalable, qui n’entraîne pas automatiquement un progrès de la production et de la productivité »[2].

2.1 Liste des lois[modifier | modifier le wikicode]

Les lois de 1845 à 1882 :

3 Conséquences sociales[modifier | modifier le wikicode]

« Vos moutons, que vous dites d'un naturel doux et d'un tempérament docile, dévorent pourtant les hommes… »

— Thomas More, L'Utopie, 1516

Thomas More a dénoncé le processus à l’œuvre dans son célèbre ouvrage, mais lui-même a fait clôturer certaines de ses terres, et a dû être freiné dans ses ambitions. William Shakespeare également avait des terres partagées avec un autre propriétaire, William Combe, qui prit l'initiative de les clôturer, ce qui déclencha une révolte.[3]

Le mouvement des enclosures peut être vu comme un mouvement de désintégration sociale. Il s'est accompagné de progrès importants des pratiques agricoles, et est considéré par certains comme marquant la naissance du capitalisme (voir le documentaire Arte de Ilan Ziv Capitalisme, 1er épisode).

En particulier, il a engendré un vaste mouvement de prolétarisation de la paysannerie, qui engendré l'essentiel du prolétariat anglais. Ces paysans chassés ne sont pas immédiatement tous devenus des ouvriers, car la révolution industrielle est arrivée plus tard, les métiers potentiels de reconversion étaient dispersés et ingrats, mais aussi parce que beaucoup sont devenus des vagabonds ou des bandits, soit désocialisés, soit jaloux de leur liberté. Il y a eu une longue période de répression violente, d'exécutions, de déportations en Amérique, d'enfermement dans des workhouses...

Pendant la révolution anglaise (1641-1651), certains égalitaristes (les Niveleurs et surtout les Bêcheux) dénoncent cette situation sociale qui mène au vol. Gerrard Winstanley, leader des Bêcheux, écrivait ainsi : « [le pouvoir] enferme les faibles hors des terres, et soit il les affame, soit il les oblige par la misère à prendre à d'autres, et alors il les pend pour avoir agi ainsi. »[4]

4 Réactivation de la notion d'enclosure[modifier | modifier le wikicode]

Depuis la fin du 20e siècle, la réflexion sur les biens communs est réactivée dans différents domaines (écologie, numérique) et s'intéresse à nouveau au mouvement des enclosures.

5 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Federici, Silvia,, Caliban et la Sorcière : Femmes, corps et accumulation primitive, Entremonde, impr. 2014, 459 p. (ISBN 978-2-940426-31-7, OCLC 892816065, lire en ligne)
  2. Patrick Verley, La révolution industrielle, , 270 p. (ISBN 978-2-86676-194-3, lire en ligne), p. 204
  3. Marcus Rediker, Peter Linebaugh, L'hydre aux mille têtes - L'histoire cachée de l'Atlantique révolutionnaire, Editions Amsterdam, 2008
  4. George H. Sabine (dir.), The Works of Gerrard Winstanley, New York, Russell and Russell, 1965, p. 492