Racisme

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Un manuel scolaire de 1877 parlant de « La race blanche, la plus parfaite des races humaines »...

Le racisme est une attitude ou un sentiment d'hostilité envers des personnes d'ethnies différentes (ou supposées différentes), allant souvent avec une déshumanisation[1]. Le racisme se base souvent sur des théories des races (racialisme) plus ou moins formalisées, qui sont elles mêmes fréquemment partie intégrante d'une idéologie d'extrême droite.

La xénophobie (peur de l'étranger) est très proche, même si elle a une connotation plus diffuse, moins théorisée.

1 Biologie et humanité[modifier | modifier le wikicode]

Le large consensus scientifique parmi les biologistes est que l'on ne peut pas parler de races au sens biologique au sein de l'humanité, parce que les différences biologiques qui existent entre les différentes ethnies sont très faibles (par comparaison avec les différences qui existent chez certaines espèces). La raison est que l'espèce humaine, qui est apparue relativement récemment et a été très mobile, n'a pas eu le temps de se différencier (il faut pour cela que des groupes restent isolés suffisamment longtemps). Les rares différences qui existent (et qui sont souvent des moyennes avec de fortes variations individuelles) entre ethnies (différences de couleur de peau, différences de sensibilités à certaines maladies...) ne correspondent pas aux affirmations racistes.[2]

2 Causes du racisme[modifier | modifier le wikicode]

2.1 "Nature humaine" ?[modifier | modifier le wikicode]

Un discours parmi les plus courants, qui se veut découler du "bon sens", est que la tendance au racisme serait inscrite dans la "nature humaine". De la même façon que l'exploitation ou la guerre, ce serait le produit de la "méchanceté" éternelle de l'homme.

Les études scientifiques sur le sujet semblent peu nombreuses et ne permettent pas vraiment de conclure. Chez l'enfant par exemple, on observerait une tendance raciste, mais qui serait due au fait que l'enfant se conforme au sentiment le plus répandu dans la société[3].

Quoi qu'il en soit, et même en admettant que le racisme latent pourrait avoir une racine dans une peur de la différence (hétérophobie au sens d'altérophobie), cette explication est bien insuffisante pour expliquer les grands mouvements racistes, en particulier ceux qu'a connu l'époque contemporaine. Comment une société peut-elle fortement développer un sentiment raciste et l'abandonner ensuite ? L'explication de ces dynamiques, complètement liées au plan politique, ne peuvent pas reposer sur la biologie.

2.2 Population trop ignorante ?[modifier | modifier le wikicode]

RacismeCerveaux.jpg

Selon une autre vision, le problème principal résiderait dans le manque d'instruction de la population, qui laisserait le champ libre aux préjugés (préjugés là encore souvent vus comme ayant une part d'origine "naturelle"). Plus une société est cultivée et éclairée, plus il y aurait de chances que les gens comprennent qu’il n’y a pas de hiérarchie biologique entre Européens, Africains, Asiatiques...

Or, cette intuition est contredite par les faits. Il faut d'abord rappeler que les grandes théories racistes ont été forgées par des intellectuels liés aux classes dominantes, et notamment à des époques où la masse de la population européenne n'était pas en contact de la masse des populations dominées à l'étranger.

Par ailleurs le racisme a précisément atteint des sommets au sein de l'Europe des 19e et 20e siècles, où l'éducation a connu les progrès les plus rapides. Paroxysme du contre-exemple : dans les années 1920, l’Allemagne est la capitale culturelle de l’Europe et c’est en son sein que l’idéologie antisémite va le plus se faire entendre. A l'inverse, les communards de 1871 faisaient preuve d'un remarquable antiracisme pratique, alors que leur niveau d'éducation était probablement bien en dessous des racistes français d'aujourd'hui.

De façon plus générale, avec une telle logique, on devrait s'étonner que la classe capitaliste, plus instruite, ne se "rende pas compte" qu'elle est exploiteuse, que les travailleurs sont traités injustement, etc... C'est l'erreur que l'on commet si l'on ne voit pas que les dominations (de classe, de sexe...) ont des bases matérielles. Tant que ces bases existent, en réalité, la culture et la morale servent principalement de justification aux dominants, au lieu d'entrer en conflit avec cette domination. La culture dominante a vocation à montrer la supériorité de la classe dominante, la morale dominante a vocation à faire paraître scandaleuse toute atteinte à l'ordre dominant...

2.3 Lutte de classe et impérialisme[modifier | modifier le wikicode]

En fait l’histoire du racisme est inséparable des principales contradictions qui divisent les sociétés et les peuples : la lutte de classe et l'impérialisme. Le colonialisme est quasi-automatiquement empreint de racisme et de racialisme pour légitimer l'invasion de pays étrangers, la domination de peuples ethniquement différents, etc... Cela permet de souder le peuple du pays envahisseur autour de ses chefs, et à l'inverse cela tend à humilier les vaincus en leur faisant intérioriser leur "infériorité".

Ce genre de phénomène est perceptible dès l'antiquité, probablement latent dès l'apparition de la division en classes qui fait apparaître les premières formes de colonialisme.

Peinture censée représenter la première vente d'esclaves (1655) à La Nouvelle-Amsterdam (New York)

Mais le racisme à grande échelle (celui qui continue le plus à marquer notre présent) se développe à l'époque moderne, parallèlement à la colonisation européenne. Non pas que celle-ci ait été la première vague de colonisation, mais elle prenait un caractère bien plus massif et systématique, du fait des avantages techniques et économiques créant un rapport de force croissant en faveur de l'Europe (Great divergence).

Du 16e au 18e siècle le capital marchand amorce une première phase de mondialisation, au prix de la mise en esclavage de plusieurs dizaines de millions d’Africains, qui étaient « importés » en Amérique, dans les plantations. Cette force de travail coûtait beaucoup moins cher qu’un salarié occidental. Pour justifier cette déshumanisation en masse, il fallait développer les théories racistes. Les premiers responsables de l'élaboration de ces théories ont été les classes dominantes et leurs intellectuels. Le racisme, en tant qu'élément au service de l'accumulation primitive du capital, a contribué à l'essor du capitalisme, qui lui même entretient le racisme. Il faut par ailleurs souligner qu'il y avait à l'origine en Amérique des esclaves européens, qui se révoltaient aux côtés des Noirs, et qu'au cours du 17e siècle, les autorités ont activement pris des mesures pour différencier leurs conditions de servitude et briser les solidarités.

Il faut souligner par ailleurs que la racialisation touchait à cette époque également les Irlandais et même la masse prolétaire anglaise (de nombreux paysans expropriés par les enclosures étaient devenus des vagabonds, des bandits ou des ouvriers faisant des tâches ingrates). Un aristocrate parlait de « troupeau de l'humanité [formant] une espèce différente », des « membres isolés de la communauté quoique nés dans le pays », « marqués comme les Juifs, une race distincte de coupeurs de bois et de puiseurs d'eau ».[4]

Le racisme actuel, qui traverse les sociétés européennes blanches, envers les peuples d’Afrique par exemple, et plus largement envers les non-blanc·hes, n’est pas qu’un reste du temps colonial. Il s'entretient aussi de par l’impérialisme économique : les mécanismes de marché qui maintiennent le transfert de richesse Sud-Nord ne sont pas visibilisés, et permettent des discours méprisants et infantilisants sur la misère, qui permettent aussi de justifier du maintien de bases militaires dans le monde. Par ailleurs l’islamophobie est très présente dans la justification des interventions militaires depuis les années 2000, pour « apporter la démocratie » (en fait essentiellement maintenir l'ordre pour protéger des intérêts stratégiques).

L'immigration est fortement liée au système impérialiste : chaque puissance a puisé des ressources et de la main d’œuvre dans ses anciennes colonies, et continue de le faire depuis les décolonisations. L'immigration a une conséquence directe en terme de classe : l'immigré·e venant d'un pays dominé est presque automatiquement déclassé·e, se retrouvant presque toujours tout en bas de la hiérarchie sociale du pays d'arrivée. Même dans les cas où il ou elle a des qualifications, elles sont rarement reconnues, et la méconnaissance des codes du pays d'accueil (barrière de la langue...) contribue à un déclassement. Inévitablement, dans des conditions d'exploitation de la force de travail et de concurrence entre salarié·es, cette situation tend à générer du racisme envers les immigré·es (même lorsqu'ils sont blanc·hes, comme les Irlandais·ses en Angleterre au 19e s.).

Caricature montrant le rejet des immigrés par d'anciens immigrés aux États-Unis qui y ont réussi (1893)

Les politiques des États sur l'immigration varient en fonction des cycles économiques. Dans l'après-guerre, l'immigration était autorisée en masse (forte croissance), elle est devenue toujours plus criminalisée depuis le tournant néolibéral des années 1980. Cette criminalisation a l'effet de créer une couche de sans-papiers avec très peu de droits, qui est sur-exploitée par les patrons dans certains secteurs. Les mêmes politiciens hypocrites qui attisent le racisme à demi-mots (il suffit de déclamer contre « les immigrés clandestins » pour que le message subliminal soit compris), savent très bien que leurs amis capitalistes ont en fait besoin de ces sans-papiers.

Les périodes de crise du capitalisme ont tendance à renforcer les clivages racistes, à la fois :

  • par des effets directs : renforcement de la concurrence entre travailleur.ses ou entre États, ce qui peut renforcer les discours violemment racistes
  • par des effets idéologiques : les politiciens bourgeois, qui ne peuvent capter de la popularité par des mesures sociales profitant à tous.tes, tendent à avoir recours aux boucs émissaires.

Dans certains cas, le racisme est quasiment confondu avec le mépris de classe, comme en Afrique du Sud, où la classe dominante est très majoritairement blanche et le prolétariat très majoritairement noir.

2.4 Affrontements entre nationalismes[modifier | modifier le wikicode]

Les idées racistes peuvent aussi servir à justifier l'affrontement avec d'autres nationalismes. Il s'agit alors de formes de racismes inter-impérialistes différentes. Il est alors attisé par des politiciens pour cimenter la nation, voire préparer les mentalités à la guerre.

Là encore, ce racisme est avant tout une idéologie de sa classe dominante, même si celle-ci se diffuse dans les autres classes. C'est le tsar Nicolas II qui déclare qu'il va écraser ces « insolents macaques » au début de la guerre contre le Japon en 1904 (avant de subir une défaite cuisante qui choquera durablement les racistes blancs). C'est "l'élite" de la nation française qui encourageait la haine du "boche" en préparation de la Guerre de 1914-1918.

En particulier les régimes fascistes dans les années 1930 développent à une échelle sans précédant la vision raciste du monde, distillant des idéologies de conquête et de domination des Untermenschen (« sous-hommes »). Plus généralement pendant la Seconde guerre mondiale, le racisme explose. Aux États-Unis la minorité japonaise est stigmatisée et parquée dans des camps, en Russie la minorité allemande est ciblée...

Pendant la guerre froide, la « red scare » aux États-Unis s'apparente très souvent à une russophobie essentialisante.

Plus récemment, la montée des tensions entre le bloc des vieux pays impérialistes d'un côté, la Chine et la Russie de l'autre, s'accompagne d'une montée de formes de mépris sinon de racisme[5]. Comme les déclarations anti-chinoises de Trump[6].

L'hystérie réactionnaire peut être particulièrement forte lorsque des politiciens alimentent des discours contre un « ennemi extérieur » et un « ennemi intérieur » formant une cinquième colonne (les russes dehors et les communistes dedans, les Japonais et les immigrés japonais...).

2.5 Les diasporas et le complotisme[modifier | modifier le wikicode]

D’autres facteurs matériels peuvent jouer, comme les circonstances historiques qui ont créé des diasporas.

En Europe la présence des Juif·ves dans plusieurs pays européens a favorisé le discours complotiste contre les « riches-cosmopolites-dirigeant-le-monde ». Une prose qui prend son essor en particulier au 19e siècle, alors que des idéologies (qui tendent à être de plus en plus étroites) sur les États-nations émergent, mais que les Juif·ves ne rentrent pas dans les cases. Ces discours antisémites ont à la fois été élaborés par des nationalistes et des socialistes, créant des passerelles confusionnistes entre la réaction et une vision faussée de l'anticapitalisme (qui serait une dénonciation d'une finance insaisissable, plutôt que de la bourgeoisie)…[7] C'est pourquoi l'antisémitisme a été appelé « le socialisme des imbéciles ».

La communauté arménienne a elle aussi subi des formes de rejets racistes extrêmes proches de ceux visant la communauté juive.

Dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, les minorités chinoises sont dans une situation qui présente de nombreux points communs.[8]

2.6 Diviser pour mieux régner[modifier | modifier le wikicode]

A partir de ces divisions qui génèrent des racismes structurels, des fluctuations en fonction des enjeux politiques de plus court terme vont avoir lieu. Certains courants politiques vont s'ériger en défenseurs d'une communauté contre une autre, discours malheureusement d'une certaine efficacité lorsque les sentiments de solidarité sont faibles.

Ces enjeux politiques sont eux aussi la plupart du temps très dépendants de la lutte des classes. Dans certaines périodes de prospérité, les discours de haines portent moins. Lorsque des politiciens bourgeois sont incapables de faire face aux crises économiques, et donc d'améliorer la situation sociale des masses (sans toucher aux profits), il devient tentant pour eux d'utiliser la tactique du bouc émissaire. Pire, la « concurrence politique » pousse dans ce sens : entre deux politiciens bourgeois, celui qui a recours à cette rhétorique va gagner en popularité au détriment de celui qui se contente d'un discours humaniste impuissant.

Travailleurs français immigrés unis.jpg

Par exemple au 17e siècle aux États-Unis, certaines révoltes mêlaient blancs pauvres et esclaves noirs, ce qui terrifiait les possédants. A cette époque, les possédants ont contre-attaqué en mettant beaucoup en avant le racisme, pour diviser.[9][10] Hypocritement, ils prônaient l'unité des blancs alors même qu'ils avaient abondamment dénigré comme « white trash » les plus miséreux. Dans les dernières décennies en France, c'est souvent le racisme anti-maghrébins et l'islamophobie qui ont été attisés pour diviser.

Ce type d'utilisation politicienne est chronique dans le cadre du capitalisme, au point qu'on peut dire qu'elle est structurelle, et fait partie des ressorts des idéologies bourgeoises, aux côtés du nationalisme qui joue un rôle très proche. Car le sentiment de faire partie du même « bloc national-racial » que la majorité des capitalistes de son pays est de nature à désamorcer la lutte de classe. A l'inverse, la conscience de classe (complète) suppose par définition que tou·tes les travailleur·ses d'un pays se sentent solidaires, et antagoniques aux capitalistes (indépendamment de toute considération ethnique).[11]

Dans ce sens il est juste de dire que le racisme est exploité par les dominants pour diviser. Mais il est faux de le réduire à cela dans une vision purement fonctionnaliste (« le racisme est juste un discours créé pour diviser »). Les divisions « raciales » (au sens sociologique) sont structurelles et matérielles, avec de nombreux effets sur les conditions de vie. Ce sont ces divisions matérielles qui sont le terreau des discours racistes. Elles ne peuvent pas cesser avec de simples changements de discours, et nécessitent d'aller vers des luttes de classes unifiantes.

3 Race et classe[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Rapports sociaux de race[modifier | modifier le wikicode]

Les causes décrites ci-dessus créent ce qu'on peut appeler des rapports sociaux de race : une catégorie de la population est considérée comme inférieure par rapport à une autre. La notion de rapports sociaux permet de pointer le caractère relatif. Le plus souvent, on dit que les populations infériorisées sont « racisées », ou racialisées (construction sociale d'une race) par le groupe « racisant ». Parfois le groupe dominant est en un sens « racisé favorablement » (on prête des qualités supérieures aux dominants), même si le plus souvent la caractéristique du groupe dominant est d'être présenté comme la norme universelle, la normalité.[12]

Les races sociales sont des catégories comme les classes sociales, qui n'ont pas une origine biologique mais qui ont quand même une réalité sociale, avec des conséquences très concrètes.

Dans le contexte des sociétés occidentales, on associe le plus souvent la notion de « blanchité » au groupe dominant (surtout que la domination mondiale des vieux pays impérialistes occidentaux projette les idéologies occidentale à une échelle mondiale). Mais dans certains pays, les rapports de racialisation ont bien sûr lieu entre populations non blanches (entre Chinois·es Hans et Ouïghours, entre Arabes et Noirs en Afrique...). Et si la racialisation se fait sur des critères apparents, cela va bien au-delà de la couleur de peau (croyances, habits, langue, traits culturels…).

Puisqu'elles sont sociales, les « races » évoluent en fonction des lieux et des époques. Par exemple, étant donné la variété d'ethnies et de cultures différentes des juif·ves, il serait peu pertinent d'étudier l'histoire à l'aide de la notion de «peuple juif». Cependant, les idéologies des 19e et 20e siècle ont créé une sorte de catégorie "juif" qui prend de fait le dessus sur des identités plus anciennes. Il y a un processus similaire en ce qui concerne la «négritude». Il est évident qu'historiquement, sur des milliers d'années, les différentes cultures (parfois antagoniques) se sont développées en Afrique, comme en Europe. Mais le racisme négrophobe développé par les puissances européennes a créé une image commune «des Noirs», «des Africains», et à la faveur des luttes d'émancipation contre l'esclavage, la décolonisation, etc, de nombreux Africains (dont des théoriciens comme Césaire) sont partis de cette identité noire (la négritude), de cette communauté de destin, pour définir leur lutte.

3.2 Autonomie par rapport à la classe[modifier | modifier le wikicode]

Même si les causes du racisme sont matérielles en dernière analyse, il faut bien souligner que les idéologies qu'elles font naître s'autonomisent, comme toute idéologie. Le lien avec les causes matérielles n'apparaît pas consciemment aux yeux des racistes, d'autant qu'aucun discours raciste n’est le produit d’un seul facteur matériel. En conséquence, le racisme ne coïncide pas exactement avec l'exploitation et le mépris de classe, les rapports sociaux de race ne sont pas confondus avec les rapports sociaux de classe.

Par exemple :

  • Une Noir ou une Arabe a plus de chance de subir une discrimination qu’une Blanche de même classe sociale. Un rappeur noir même riche subira aussi le racisme omniprésent, par exemple en étant victime de contrôle au faciès. Même si le racisme particulièrement fort qu’ils subissent provient en dernière analyse des rapports coloniaux et de classe, le racisme agit d’abord comme racisme, avec des nuances suivant les classes.
  • Bien que différemment, l’islamophobie peut toucher tou·tes les musulman·es quelle que soit leur classe ou pays d’origine.
  • Une vague d’antisémitisme touche les nombreux Juif·ves pauvres qui viennent d’Europe de l’Est vers la fin du 19e siècle. Les Juif·ves intégrés à la bourgeoisie française prennent eux-mêmes part à cette vague en les traitant de « barbares » … mais ils se retrouveront visés aussi par l’antisémitisme.

Il y a bien un rapport de domination qui apporte certains bénéfices au groupe dominant en tant que tel : quand une personne du groupe dominé est discriminée au logement ou à l’emploi, c'est à l’inverse une personne du groupe dominant qui a plus de chances d’être prise. Cependant on ne peut pas parler véritablement de rapports d’exploitation entre les « races ». La relation, médiée, fait intervenir la classe dominante qui a de fait une responsabilité particulière : le propriétaire ou le patron qui discrimine, l’institution policière…

Le champ théorique qui développe ce type d'analyses est appelé études post-coloniales. Il est certain que dans ce domaine se trouvent beaucoup de chercheurs qui manquent d'une analyse matérialiste des causes du racisme, ce qui donne à leur vision des allures d'idéalisme historique, et condamne à l'impuissance politique faute de perspective. Cependant à l'inverse, ce serait faire preuve de réductionnisme économique que de nier en bloc comme du « post-modernisme » toute analyse de la racialisation, et vu l'obstacle majeur que représente le racisme pour l'unité de classe, c'est également se condamner à l'impuissance politique.

4 Structures du racisme[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Racisme d'État[modifier | modifier le wikicode]

Le Code noir réglementait l'esclavage

On parle de racisme d’État lorsque le racisme est porté par les institutions :

  • lois racistes (inégalités de droits, ségrégation...)
  • violences policières chroniques en quasi impunité
  • discours racistes omniprésents parmi les représentants de l'État

Un État dans lequel règne un racisme d'État est un État qui n'est pas complètement démocratique, même au sens d'une démocratie bourgeoise cohérente. Ce qui est très souvent le cas en pratique, dans la formation sociale concrète que représente un pays capitaliste contemporain.

4.2 Racisme structurel[modifier | modifier le wikicode]

Tout comme la lutte de classe ne cesse pas d'exister quand l'État donne formellement les mêmes droits aux prolétaires (fin du suffrage censitaire...), le racisme ne cesse pas d'exister dans un État qui n'a aucune loi raciste. Toutes les causes évoquées plus haut continuent à agir, et à « raciser » des populations entières. On peut parler dans ce sens large de racisme structurel (qui inclut le racisme d'État).

Les mécanismes du racisme structurel peuvent être :

  • Discrimination à l’embauche et ségrégation sociale (par exemple sur les chantiers, en général les gros travaux sont faits par les Noirs, les travaux plus techniques par les Arabes, et les contremaîtres sont blancs).
  • Discrimination au logement, ségrégation géographique
  • Contrôle au faciès et violences policières
  • Jugements pénaux réguliers, incarcération massive…

4.3 Racisme résiduel[modifier | modifier le wikicode]

Au grès des évolutions historiques, il arrive que des populations autrefois victimes de xénophobie se retrouvent économiquement et socialement intégrées / assimilées dans le corps national majoritaire (plus de distinctions en moyenne dans le type de métiers, plus de sur-représentation ou sous-représentation dans le prolétariat...). Dans ce cas-là, les idéologies racistes peuvent continuer à perdurer de façon résiduelle, mais elles perdent de leur force avec le temps. C'est le cas de beaucoup d'immigrations anciennes (Italiens ou Espagnols en France, etc.).

4.4 Génocides[modifier | modifier le wikicode]

Dans certaines circonstances historiques, des idéologies d'État-nation particulièrement racistes ont conduit à des actes « d'épuration ethnique ». Au nom d'une nation censée être homogène ethniquement, des mouvements réactionnaires ont alors commis des déportations et des massacres pour éliminer ou faire fuir des minorités.

La génocide est la forme la plus extrême de violence raciste, car il s'appuie sur une détermination très consciente de vouloir anéantir une « race » jugée comme le mal absolu, y compris au delà des seules frontières nationales.

5 Théories racialistes[modifier | modifier le wikicode]

Le racialisme englobe les théories pseudo-scientifiques servant à justifier le racisme. Historiquement, il s'agit principalement d'une arme idéologique des classes dominantes utilisée pour couvrir l'oppression des couches sociales les plus vulnérables (minorités immigrées, nomades...) et diviser le prolétariat.

5.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Les grecs anciens furent parmi les premiers à théoriser la distinction entre eux et « les barbares », ce qui pour certains historiens est une des origines du racialisme en occident.[13] Cependant beaucoup d'autres considèrent que ceci est un anachronisme, car cela ne reposait pas sur une notion de race. Le mot « barbare » désignait tous ceux qui ne parlaient pas grec, et dont la langue était donc comme des onomatopées pour les grecs (« bar bar »). Les grecs distinguaient des barbares « civilisés » (Perses, Égyptiens...) et des barbares peu ou pas civilisés (berbères, celtiques, germaniques, scythes, slaves ou encore asiatiques...).

Les romains ont repris le mot barbare après voir conquis la Grèce, et l'ont appliqué à tous ceux qui étaient extérieurs aux limites de leur empire. Cependant la notion n'était toujours pas une notion raciale : des individus ou des peuples conquis pouvaient devenir des citoyens romains à part entière.

Dans la péninsule ibérique, après la Reconquista, les rois catholiques forcent les juifs et les musulmans à se convertir. En plus de cela, ils maintiennent des discriminations à l'égard de ces « nouveaux chrétiens », et le justifient avec la notion de « pureté de sang » (fin du 15e siècle).

5.2 Essor du capitalisme marchand[modifier | modifier le wikicode]

Comme l'idéologie dominante en Europe reposait encore principalement sur la théologie chrétienne, c'est cette dernière qui servait de justification. Par exemple avec l'idée que les autochtones d'Amérique étaient "sans âme", que "les Juifs seraient coupables du meurtre de Jésus"...

William Petty écrivait en 1676 : « Il semble qu'il y ait plusieurs espèces d'êtres humains. (...) Je dis que les Européens ne diffèrent pas seulement des susdits Africains par la couleur (...) mais aussi (...) par les mœurs naturelles et les qualités internes de leur esprit. »[14] Ce type d'idées racistes furent présentes chez Locke, Hume...

5.3 Révolution industrielle et nationalisme[modifier | modifier le wikicode]

Un fond européen de théories des races s'est développé en Europe au 19e siècle. Elles répondaient à plusieurs enjeux à la fois (le 1 et le 2 étant partiellement en compétition) :

  1. Justifier les dominations et le mépris de classe.
  2. Accompagner la formation des États-nations, qui s'érigent à l'aide de critères subjectifs (roman national, etc.), les théories racialistes venant étoffer l'idée de « caractère national » commun.
  3. Justifier le nationalisme vis-à-vis des rivaux européens.
  4. Justifier la domination des peuples colonisés.

5.4 Théories sur l'inégalité des races[modifier | modifier le wikicode]

5.4.1 Haines de classe[modifier | modifier le wikicode]

Le Français Arthur de Gobineau fut un des premiers théoriciens du racialisme « biologisant » moderne. Il écrivit en 1855 qu'il y aurait une race indo-européenne dont descendraient les noblesses européennes. L'Anglais Houston Stewart Chamberlain développa ce thème.

En France, la Révolution industrielle a provoqué un fort exode rural des provinces vers Paris (Bretons, Auvergnats...). Les classes possédantes parisiennes ont majoritairement développé un profond mépris de classe pour ces nouveaux venus, qui s'est exprimé dans un racisme latent. Une des théories en vogue était alors que les parisiens étaient les fiers descendants des Francs victorieux, tandis que les provinciaux étaient la progéniture dégénérée des Gaulois vaincus.[15]

Au 19e siècle en Russie, les slavophiles « de gauche » expliquent que le peuple russe et son Église seraient profondément démocrates, tandis que les dirigeants russes seraient une bureaucratie allemande, implantée par Pierre Ier. Trotski rapporte que Marx ironisait à ce sujet : « C'est pourtant ainsi que les baudets de Teutonie font retomber la responsabilité du despotisme de Frédéric II sur les Français ». [16]

5.4.2 Haines anti-immigré·es[modifier | modifier le wikicode]

Une illustration de H. Strickland Constable décrivant « l'Irlandais ibérien » comme un cousin du « Nègre », contrairement au type « Anglo-Teutonique » (1899)


5.4.3 Exaltations nationales[modifier | modifier le wikicode]

Dans chaque État-nation, les intellectuels, écrivains, poètes... mettent en avant la langue commune (définissant au passage une norme, étendue plus ou moins volontairement à tout un territoire), exaltant des « caractères » nationaux... Le discours sur la fierté de la « race » s’insérait très bien dans ce contexte.

En Russie les slavophiles « de droite » exaltent l'autocratie séculaire, se faisant ainsi les apologistes de l'impérialisme russe face aux démocrates occidentaux (et aux occidentalistes russes).

L'Allemand Karl Penka créa l'imagerie de l'aryen blond aux yeux bleus entre 1883 et 1891...

Les minorités venant d'autres pays, ou vues comme appartenant à un autre peuple (même si elles vivaient sur place depuis aussi longtemps que leurs voisins) devenaient soudain suspectes.

Quant aux juifs, minorité présente dans beaucoup de pays, sans territoire propre en Europe, il·les ont été la cible de beaucoup de haines (vus comme un corps étranger parasite) et de fantasmes (associés aux capitalistes, ou à une minorité de « financiers » complotant contre « le peuple »). L'antisémitisme latent en Europe, a augmenté notablement à partir du 19e , les juifs devenant dans beaucoup de pays le principal bouc émissaire des réactionnaires...

Les populations roms et tsiganes ont elles aussi été vues comme des populations suspectes, car sans attache suffisante à un État-nation.

5.4.4 Rivalités entre européens[modifier | modifier le wikicode]

Dans son ouvrage sur l'impérialisme, écrit en pleine guerre de 1914-1918, Boukharine démonte une théorie présente à son époque, selon laquelle le conflit européen serait un conflit de "races".

« Une simple référence aux faits détruit cette théorie, sans laisser une seule pierre à l'édifice. Les Anglo-Saxons, de la même origine que les Allemands, sont leurs plus cruels ennemis; les Bulgares et les Serbes, pur Slaves, parlant presque la même langue, se trouvent de différents côtés des tranchées. Les Polonais ont parmi eux d'ardents partisans de l'Autriche comme de la Russie. La même chose avec les Ukrainiens, dont une partie est en sympathie avec les Russes, tandis qu'une autre est en sympathie avec les Autrichiens. D'autre part, chacune des coalitions belligérantes combine les plus hétérogènes races, nationalités, ou tribus. »[17]

Il revient également sur cette question dans son ouvrage de formation sur La théorie du matérialisme historique (1921).

5.4.5 Système « cohérent »[modifier | modifier le wikicode]

Bien évidemment il y a donc des variations en fonction des pays, chaque nation ayant tendance à se donner le beau rôle (caractère instrumental des idéologies). Mais il y a aussi une part de généralisation, d'universalisation, de recherche de cohérence (nécessaire pour un semblant de validité), qui fait que certaines théories avaient du succès même chez les peuples européens qui n'étaient pas flattés comme « supérieurs ».

Ainsi la théorie de la hiérarchie des races qui s'est le plus répandue en Europe était celle allait du type « anglo-saxon/germanique/nordique » aux Noirs, en passant par les Européens du Sud. Par exemple, un général portugais de la fin de la dictature salazariste résumait :

« Lorsque l'on va du Nord vers le Sud, on s'aperçoit que la latitude exerce une influence sur les races : par rapport aux exigences de la vie moderne, si la latitude varie, les races se comportent différemment. Ainsi les Nordiques, maintenant développés, sont capables de mener une vie politique très éclairée, puis viennent les Latins, qui sont beaucoup moins évolués, ensuite on passe aux Arabes, qui sont bien pires que nous, et enfin on finit par les Noirs. Sans aucun doute, la race noire est très inférieure à la race blanche, comme les caractéristique de notre race sont, par certains côtés, inférieures à celles de la race nordique. »[18]

5.4.6 Caractère pseudo-scientifique[modifier | modifier le wikicode]