Colonialisme

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La colonisation est la domination d'un ou plusieurs pays par un autre. Au sens strict, le colonialisme est une idéologie prétendant justifier la colonisation. Cette page aborde simultanément ces deux aspects, qui sont liés par une dialectique qui est ici assez simple à comprendre.

L'anticolonialisme est la lutte contre la colonisation.

1 Colonisation antique[modifier | modifier le wikicode]

Les grecs ont installé principalement des colonies de peuplement en Méditerranée, tandis que les phéniciens/carthaginois, nation de commerçants, installaient surtout des comptoirs. 

Les plus grands colons ont été les Romains, qui eux prenaient militairement le contrôle de vastes territoires en Europe. Mais le plus souvent ils ne cherchaient pas à assimiler de force les populations conquises, se contentant d'associer des élites locales au pouvoir impérial. Par ce biais, les anciennes cultures ont très rapidement reculé, surtout dans les milieux urbains (ainsi la "civilisation gallo-romaine" est avant tout... romaine).

Les colons de l'Antiquité s'embarrassaient moins de justifications idéologiques.

2 Colonisation médiévale[modifier | modifier le wikicode]

L'expansionnisme arabe à partir de Mahomet a été justifié par la religion (Djihad - guerre sainte). C'est à cette époque que la civilisation arabe s'est étendue à une bonne partie de l'Afrique (principalement au Nord), de l'Asie centrale et du Sud-Est. Le plus souvent, les vaincus (dhimmi) n'étaient pas contraints à la conversion, à condition qu'ils soient en mesure de payer un tribut.

Côté européen, ce sont les célèbres croisades, également justifiées par la religion (papauté chrétienne), qui s'étendent du 11e au 13e siècle.

Il faut également citer le Drang nach Osten, mouvement de colonisation de l'Est slave par les Allemands à partir du 12e siècle. Là encore, la religion a servi de drapeau, avec des moines-soldats (Chevaliers Teutoniques) évangélisant les païens plus ou moins brutalement.

La colonisation anglaise de l'Irlande a également commencé au 12e siècle.

3 Colonisation à l'Époque moderne[modifier | modifier le wikicode]

Les Grandes Découvertes, impulsées à la fois par les avancées techniques et le développement commercial (commerce des épices, des fruits exotiques, des esclaves...) porté par la bourgeoisie, vont accélérer le processus de mondialisation. La création d'États forts (absolutismes) va permettre de soutenir des expéditions de plus en plus audacieuses, et amorcer la domination de l'Occident sur le monde.

L'enjeu principal de la politique coloniale à cette époque était de s'assurer des routes commerciales. Les Portugais seront les premiers à s'y lancer (comptoirs au Ghana, au Mozambique, en Indonésie, en Inde, au Brésil...), suivis des Espagnols (Canaries, Amérique Centrale et du Sud, Philippines...). La papauté se pose comme arbitre des querelles entre pays colonisateurs (partage du monde avec la bulle Inter Coetera, le traité de Tordesillas...).

Du 16e au 18e siècle, la doctrine économique mercantiliste préconise l'enrichissement de la Nation via le commerce extérieur et le protectionnisme. Par exemple au 17e siècle, les espagnols contrôlent fermement le commerce entre la Chine et les colonies espagnoles d'Amérique, en l'obligeant à transiter par Manille ou Acapulco. Le commerce triangulaire est alors à son apogée. La puissance espagnole est peu à peu remplacée par de meilleurs capitalistes : les Pays-Bas, puis les Français et les Anglais. Pour ces pays, les richesses tirées des colonies et les débuts de division internationale du travail vont favoriser la révolution industrielle.

L'indépendance des États-Unis marque une rupture.

4 Colonisation capitaliste[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Impérialisme colonial[modifier | modifier le wikicode]

Illustration tirée du supplément au Petit Journal, 16 janvier 1898

A la fin du 18e siècle, le commerce anglais domine le monde. Ses marchandises sont si recherchées et diffusées, et surtout si compétitives, qu'il pénètre partout, y compris là où les autres puissances cherchent à le freiner. L'Angleterre se fait le chantre du libéralisme. Dans ces conditions, la bourgeoisie émet de plus en plus de critiques sur les colonies à partir des années 1830. Le premier ministre Benjamin Disraeli les compare même en 1852 à une « meule à grain (millstone) autour du cou du peuple anglais ». Ce qui n'empêche pas les Anglais de maintenir fermement leur tutelle coloniale en Inde, à participer à la semi-colonisation de nombreux pays (par exemple la Chine avec les guerres de l'opium).

Suite à la concurrence accrue des États-Unis et de l'Allemagne en particulier, une part croissante de la bourgeoisie anglaise remet en question le libre-échange. Dans les années 1880, l'idée d'un cordon douanier englobant l'Angleterre et ses colonies contre le reste du monde. En 1884 est créée une Imperial Federation League. Après 1895, et suite à la guerre des Boers, cette idée gagne vraiment du terrain.

Le colonialisme européen connaît un essor sans précédent vers la fin du 19e siècle, que la plupart des marxistes considèrent comme le début du « stade impérialiste » du capitalisme, une nouvelle politique basée sur des transformations économiques profondes qui rendent le colonialisme inévitable.

Lors de la Conférence de Berlin de 1884-1885, les puissances européennes se réunissent pour se partager sans scrupule l'Afrique.

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La colonisation est parfois issue d'une domination par la dette publique. Le défaut de paiement d’un État faible ouvrait la voie à la colonisation. C’est ainsi qu’en 1881, le défaut du bey de Tunis servit de prétexte à une démonstration de force française et au Traité du Bardo qui transforma le pays en protectorat français.

En 1914, parmi les capitaux investis par la France à l'étranger, peu étaient dirigés vers ses colonies (4 milliards de francs sur 45 investis à l’étranger, à comparer aux 11 milliards investis en Russie).

Le colonialisme, comme l'impérialisme en général, permet une surexploitation des travailleur·ses colonisé·es, qui rend les inégalités encore plus criantes. En 1930 en Algérie, les 10% les plus riches touchaient 70% du revenu total (en métropole à la même époque, c'était 50%). Au Maroc en 1925, les écoles et les lycées réservés aux Européens (seulement 4% des élèves) recevaient 79% de la dépense éducative.

4.2 Assimilation et association[modifier | modifier le wikicode]

Les puissances coloniales ont appliqué différentes méthodes pour administrer les colonies. On distingue souvent :

  • L'assimilation (de fait Direct rule) : politique visant à effacer les « particularismes » des peuples colonisés et les fondre dans le moule français (de façon caricaturale, leur enseigner « nos ancêtres les Gaulois... »). C'est une politique que la France a prétendu avoir mené, mais jamais réellement appliqué, puisqu'elle a maintenu, y compris dans le droit, une distinction entre indigènes et citoyens français.
  • L'association (ou Indirect rule) : politique visant à respecter les coutumes locales et à laisser les indigènes se diriger d'eux-mêmes. C'est la politique que le Royaume-Uni a prétendu avoir mené, même si en réalité il ne se privait pas d'intervenir et de réprimer dès qu'il estimait que ses intérêts étaient menacés.

4.3 Idéologies colonialistes[modifier | modifier le wikicode]

Des idéologies colonialistes ont été élaborées pour "légitimer" la colonisation.

Lénine citait le millionnaire anglais Cecil Rhodes, qui disait en 1895 :

« J'étais hier dans l'East-End (quartier ouvrier de Londres), et j'ai assisté à une réunion de sans-travail. J'y ai entendu des discours forcenés. Ce n'était qu'un cri : Du pain ! Du pain ! Revivant toute la scène en rentrant chez moi, je me sentis encore plus convaincu qu'avant de l'importance de l'impérialisme... L'idée qui me tient le plus à cœur, c'est la solution du problème social, à savoir : pour sauver les quarante millions d'habitants du Royaume-Uni d'une guerre civile meurtrière, nous, les colonisateurs, devons conquérir des terres nouvelles afin d'y installer l'excédent de notre population, d'y trouver de nouveaux débouchés pour les produits de nos fabriques et de nos mines. L'Empire, ai-je toujours dit, est une question de ventre. Si vous voulez éviter la guerre civile, il vous faut devenir impérialistes. »[1]

Ou encore, un auteur français :

« Les difficultés croissantes de la vie qui pèsent non seulement sur les multitudes ouvrières, mais aussi sur les classes moyennes, font s'accumuler dans tous les pays de vieille civilisation des "impatiences, des rancunes, des haines menaçantes pour la paix publique; des énergies détournées de leur milieu social et qu'il importe de capter pour les employer dehors à quelque grande œuvre, si l'on ne veut pas qu'elles fassent explosion au-dedans." »[1]_

Évidemment, ces idéologies sont quasiment toutes traversées de racisme, avec le thème récurrent de la race supérieure, qui serait dans son droit lorsqu'elle s'empire des terres occupées par des races inférieures, mais le thème le plus hypocritement répandu est alors celui de la "mission civilisatrice".

"Un pays comme la France, quand il pose le pied sur une terre étrangère et barbare, doit-il se proposer exclusivement pour but l'extension de son commerce et se contenter de ce mobile unique, l'appât du gain ? Cette nation généreuse dont l'opinion régit l'Europe civilisée et dont les idées ont conquis le monde, a reçu de la Providence une plus haute mission, celle de l'émancipation, de l'appel aux Lumières et à la liberté des races et des peuples encore esclaves de l'ignorance et du despotisme." Francis Garnier[2]

Et de ce point de vue, la gauche bourgeoise varie peu dans son discours, du républicain Jules Ferry au "socialiste" Léon Blum :

"Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures". Jules Ferry[3] « Nous admettons qu'il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » Léon Blum[4]

Concrètement, les colonisés ont peu vu les bienfaits de la colonisation (oppression brutale et méprisante, économie et infrastructure tournée vers l'export, besoins sociaux laissés béants...) bien qu'ils aient reçu beaucoup de missionnaires.

4.4 Relents coloniaux entre puissances[modifier | modifier le wikicode]

La thème de la colonisation n'est pas absent de la scène européenne, bien qu'il y devienne secondaire dans la période impérialiste. On peut y rattacher les conflits autour de l'annexion de certains territoires (Alsace-Lorraine...), dans le cadre des différents nationalismes. On peut également retrouver en tant de crise et de guerre des relents de colonialisme exprimés par les bourgeoisies belliqueuses : dans le racisme franco-allemand, dans le pangermanisme en quête de "Lebensraum" (espace vital)...

Si ces tendances semblent globalement faire partie du passé, il n'est pas improbable que la crise mondiale du capitalisme accroisse rapidement les tensions.

5 Le mouvement ouvrier et le colonialisme[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Marx et Engels[modifier | modifier le wikicode]

En 1847, Engels approuve la conquête du Mexique :

« C’est un progrès pour un pays jusque là exclusivement préoccupé de lui-même, déchiré par d’incessantes guerres civiles et détourné de tout développement (...) Il est de l’intérêt de son propre développement que le Mexique se trouve dorénavant placé sous la tutelle des États-Unis. »[5]

Cet optimisme venait notamment de l’idée que là où arrive le capitalisme, la révolution socialiste n’est pas loin. Par exemple Marx écrit en 1853 que même si l’Angleterre ne développe l’Inde que pour son profit, cela créé les conditions « non seulement du développement des forces productives, mais de leur appropriation par le peuple ». Ainsi : « L’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l’une destructrice, l’autre régénératrice – l’annihilation de la vieille société asiatique et la pose des fondements matériels de la société occidentale en Asie ».

Mais vers 1857, Marx a profondément revu sa position. Il a soutenu les révoltes anti-impérialistes de l’époque, comme la Révolte des Cipayes en Inde, et celle des Chinois lors de la Seconde Guerre de l’opium (1860) que les britanniques leur ont imposée.

Lorsqu’il publie Le Capital (1867), Marx a très vraisemblablement une vision plus nuancée. Il comprend notamment que les pays dominés ne se dirigent pas vers un développement reproduisant celui de l’Europe, mais qu’une « nouvelle division internationale du travail, imposée par les sièges principaux de la grande industrie, convertit de cette façon une partie du globe en champ de production agricole pour l’autre partie »[6]. Par ailleurs dans son analyse de l’accumulation primitive du capital, il y a des facteurs internes (expropriations de paysans...) mais aussi un transfert à partir d’autres peuples (commerce avec les régions d’Europe moins développées, commerce triangulaire...). C’est donc dès l’origine que la mondialisation capitaliste a impliqué des rapports de domination nationaux.

5.2 Deuxième internationale[modifier | modifier le wikicode]

La social-démocratie de la Deuxième internationale condamna officiellement le colonialisme lors de son congrès de Londres de 1896. Kautsky fit alors passer une résolution de compromis qui affirmait « le plein droit de libre détermination de toute les nations », mais elle fut peu discutée.

Il y avait par ailleurs déjà une aile droite, comme Eduard Bernstein qui disait en 1896 : « Nous condamnons certaines méthodes pour soumettre les sauvages. Mais nous ne condamnons pas l’idée que les sauvages doivent être soumis ».

Mais l’opportunisme allait croissant dans l’appareil social-démocrate. Au Reichstag, les députés socialistes assouplissent de plus en plus leur position antimilitariste.

Au congrès d'Amsterdam (1904) de l'Internationale, une prise de position générale contre le colonialisme est adoptée[7], mais des voix se font entendre pour une « politique coloniale socialiste » (Bernstein).

Une fièvre nationaliste déferle sur l’Allemagne en 1907 après un massacre colonial en Namibie, et le SPD perd soudain la moitié de ses votes. Le SPD (mais aussi le Zentrum catholique) s'étaient opposés au génocide, et avaient été attaqués par une violente campagne médiatique, accusés de ne pas être patriotes.

En 1907, d'importants débats eurent lieu lors du congrès international de Stuttgart. La droite et même des membres du centre prônent une « adaptation » de la ligne anticolonialiste. Bernstein osait soutenir qu'il fallait « développer en positif une politique coloniale socialiste », et que « l'approche contraire conduirait à rendre les États-Unis aux Indiens. »

Henri van Kol (qui avait des parts dans une plantation de café en Indonésie) soutenait que les « nouveaux besoins qui se feraient sentir après la victoire de la classe ouvrière et son émancipation économique, rendraient la possession des colonies nécessaire, même dans un système futur de gouvernement socialiste ».[8] Face à Kautsky, qui prône une coopération volontaire pour le développement au lieu de la colonisation, van Kol répond :

« Maintenant, si nous apportons une machine aux sauvages d’Afrique centrale, qu’en feront-ils ? Peut-être feront-ils une danse en rond autour d'elle [grande hilarité] ou l'ajouteront-ils à leur grand nombre d'idoles [hilarité]. Peut-être devrions-nous aussi y envoyer des Européens pour faire fonctionner les machines. Je ne sais pas ce que les indigènes en feraient. Mais peut-être que Kautsky et moi essaierons de le faire, peut-être que la théorie et la pratique iront bras dessus bras dessous dans le désert. Peut-être que les indigènes briseront nos machines, peut-être qu'ils nous battront à mort ou même nous mangeront, et puis [se frottant le ventre] j'ai peur d'y passer avant Kautsky [hilarité]. »[9]

Eduard David affirma que l'idée colonisatrice était même « un élément intégral du but universel des civilisations ».

Modeste Ter­wagne, alors que les atrocités au Congo provoquaient l'indignation d'une partie de l'opinion, expliquait : « sans doute toute colonisation entraîne des crimes », mais c'est aux socialistes de coloniser « avec un minimum d'atrocités ».[10][11]

La position officielle du Labour britannique était un « impérialisme éthique ». Des délégués de la SFIO défendaient également un « colonialisme national », et l'aile droite du SPD un « impérialisme national ».[12]

La proposition de passer d'un anticolonialisme de principe à un « colonialisme socialiste » fut rejetée... à 128 voix contre 108.[13]

Dans Le socialisme et la politique coloniale (1907)[14] Kautsky polémique contre les positions de la droite :

« Ce serait absolument monstrueux si le prolétariat, qui combat le capitalisme le plus énergiquement ici, devait se donner pour tâche de lui laisser la voie libre dans d'autres pays. (...) Apporter le capitalisme aux colonies signifie d'abord que le prolétariat doit être créée artificiellement là où n'y en a pas, c'est-à-dire que les classes paysannes des colonies doivent être expropriées et mises sous le fouet du capitalisme. D'autre part, là où un prolétariat existe déjà, cela signifie qu'il doit être gardé sous le fouet du capitalisme, et que le pouvoir de l'État doit réprimer toute rébellion du prolétariat contre le capital. »

En revanche Kautsky ne semble pas voir de problème à ce que le capitalisme pénètre "pacifiquement" par le libre-échange.

Par ailleurs, dans cet ouvrage, Kautsky distingue trois sortes de colonies :

  • les « colonies de travail » (États-Unis, Canada, Argentine, Australie, etc.) où les colons européens ont formé une nouvelle classe ouvrière, et où le colonialisme aurait eu un rôle globalement positif (Cela peut renvoyer à Marx, qui parle de colonies européennes de peuplement).
  • les « colonies d'exploitation à l'ancienne » (Amérique latine, Inde aux premières étapes de sa domination coloniale) où les puissances coloniales ont réalisé des profits par le pillage brutal
  • les « colonies d'exploitation nouveau style », où le capital est exporté. Cela apporte un certain développement économique, mais la contrainte est toujours là et les opprimés n'en profitent pas (lourdes taxations, ruine de la paysannerie, répression...).

Il affirmait que le prolétariat des pays industrialisés devait être un allié des pays dominés et de leurs révoltes, mais il estimait qu'il n'y aurait pas de fin du colonialisme sous l'ère capitaliste. Il pensait que la révolution socialiste coïnciderait avec la révolution dans les colonies, qui seraient ensuite rapidement aidées à atteindre le socialisme.

En 1911, l'attitude à adopter sur la conquête de la Libye par l'Italie provoque de graves divisions dans le Parti socialiste italien. Le courant de Leonida Bissolati et Ivanoe Bonomi soutient le gouvernement Giolitti IV et est en conséquence exclu du PSI ; ses membres fondent alors le Parti socialiste réformiste italien (PSRI).

Au lendemain de la révolution d'Octobre 1917, Lénine proclame devant le Congrès des soviets que le nouveau gouvernement cherchera à conclure une paix immédiate et sans annexion, sans maintien de colonies.

5.3 Troisième internationale[modifier | modifier le wikicode]

Lors de la rupture communiste et de la formation de la Troisième internationale, un tournant radical vers les luttes des peuples colonisés a été entrepris. Ce sera une période d'efforts de propagande vers les travailleurs et paysans des pays dominés et vers les immigrés des pays dominants:

Une « commission nationale et coloniale » a travaillé sur des thèses lors du 2e congrès de l'Internationale communiste.

« En premier lieu, quelle est l'idée essentielle, fondamentale de nos thèses ? La distinction entre les peuples opprimés et les peuples oppresseurs. Nous faisons ressortir cette distinction, contrairement à la II° Internationale et à la démocratie bourgeoise. (...) 70 % de la population du globe, appartient aux peuples opprimés, qui ou bien se trouvent placés sous le régime de dépendance coloniale directe, ou bien constituent des Etats semi‑coloniaux (...) ou encore vaincus par l'armée d'une grande puissance impérialiste se trouvent sous sa dépendance en vertu de traités de paix.»[16]

En parallèle, une élaboration stratégique va avoir lieu, visant à combiner la lutte contre l'oppression nationale et la préservation des intérêts du prolétariat (front unique anti-impérialiste).

Malgré cette prise à bras le corps de la question impérialiste par les communistes, tout n'allait pas de soi. Au Maghreb, par exemple, certains communistes européens considéraient que la population indigène était trop « arriérée » pour participer au mouvement communiste. Un rapport adopté par le  2e Congrès interfédéral communiste de l’Afrique du Nord en 1922 expliquait que « ce qui caractérise la masse indigène, c’est son ignorance. C’est, avant tout, le principal obstacle à son émancipation »[17]. En Afrique du Sud, on trouvait des communistes pour dire qu’ « un véritable mouvement de libération nationale de la part des races de couleur n’est guère une politique praticable »[18].

5.3.1 Stalinisation[modifier | modifier le wikicode]

La stalinisation de l'Internationale communiste va modifier cette attitude. L'IC ne soutiendra plus de façon inconditionnelle les luttes des opprimés, mais en fonction de ses intérêts. Dans le même temps, quand elle les soutiendra, elle le fera non plus dans une optique révolutionnaire, mais en subordonnant les partis communistes aux nationalistes bourgeois.

Si la « troisième période » (1928-1934) correspondait à une politique catastrophique dans les démocraties bourgeoises (par son refus de faire des fronts uniques avec les "social-fascistes"), dans les colonies, les Partis communistes jouent encore un rôle progressiste. En effet, vis-à-vis des peuples colonisés, la politiques des colons était barbare qu'elle provienne des Allemands ou de l'Empire britannique. Par exemple lors d’une révolte au Nigéria, cinquante femmes sans armes furent massacrées par les forces d’un gouvernement travailliste britannique. Le journal communiste The Negro Worker a dénoncé « le gouvernement social-fasciste de Sa Majesté ». La « Sedition Bill » en Côte d’Or (colonie britannique) punissait de trois ans de prison tout Africain qui possédait de la littérature interdite par le gouverneur colonial.

Avec le tournant vers les fronts populaires (entre 1934 et 1936), le Komintern sacrifie la lutte contre l'impérialisme à la lutte contre le fascisme. On peut en voir le résultat dans la politique du PCF. Non seulement il s'est mis à approuver les mesures de répression contre les mouvements nationalistes dans les colonies, mais il demandait franchement qu’on brise une organisation comme l’Étoile Nord-Africaine (que des communistes avaient pourtant contribué à créer).[19] En 1937, à l’occasion du 9e congrès du PCF, Maurice Thorez expliquait :

« Si la question décisive du moment, c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France, et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme et placer, par exemple, l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, sous le joug de Mussolini ou de Hitler, ou faire de l’Indochine une base d’opérations pour le Japon militariste. »

Et dans un discours à Alger, en 1939, Thorez employa une analogie très discutable :

« Nous voulons une union libre entre les peuples de France et d’Algérie. L’union libre, cela signifie certes le droit au divorce, mais pas l’obligation du divorce. J’ajoute même que dans les conditions historiques du moment, ce droit s’accompagne pour l’Algérie du devoir de s’unir plus étroitement encore à la démocratie française. »

En janvier 1937, le gouvernement du Front Populaire, soutenu par les communistes, prit la décision de dissoudre l’Étoile Nord-Africaine. Quelques jours plus tard, L’Humanité a publia un long article critiquant l’ « hostilité des chefs de l’Étoile nord-africaine à notre parti et au Front populaire », sans condamner la dissolution.

Après le bref intervalle du pacte hitléro-stalinien, la logique du Front populaire reprit, conduisant les communistes à blanchir le camp des Alliés de ses crimes. Pendant la guerre trois millions de personnes sont morts de faim au Bengale, comme résultat direct de la politique du gouvernement britannique.

Le 9 juin 1937, la dissolution du Komintern fut annoncée (concession de Staline aux Alliés) dans une résolution qui ne fait pas la moindre allusion aux luttes de libération nationale.

«Le colonialisme est condamné!» Affiche soviétique de 1965

A la fin de la Seconde guerre mondiale, Staline fait pression pour que les communistes au Vietnam et en Chine se limitent à un soutien à la démocratie bourgeoise. En 1947 le PCF vote les crédits pour la guerre d’Indochine. En 1956, le même PCF votait les pouvoirs spéciaux au gouvernement du prétendu « socialiste » Guy Mollet pour poursuivre la guerre d’Algérie – entre autres choses, ces pouvoirs spéciaux donnaient à l’armée le droit d’interroger les prisonniers : on en connaît aujourd’hui les effets.

Les mouvements de libération nationale (de l'Algérie à Cuba en passant par la Chine) ont néanmoins une forte influence qui provoquera des réflexions dans les rangs du PCF.[20]

6 Théories sur le colonialisme[modifier | modifier le wikicode]

En 1900, Kautsky écrit que l'Angleterre se relance dans la course aux colonies, alors que dans la période période, celles-ci avaient "peu de valeur"[21]. Il pense que ce sont les financiers, et non les industriels, qui ont intérêt au colonialisme, pour y trouver des "sphères d'influence" pour exporter leur "capitaux superflus". Certaines formulations semblent déjà montrer qu'il prônait une convergence d'intérêts entre de bons capitalistes industriels et les travailleurs face au capital financier :

« On dira certainement aux classes laborieuses et aux industriels qu'il s'agit [par le colonialisme] d'étendre leurs marchés; mais la diminution de l'exportation de marchandises anglaises vers les colonies anglaises, le très faible utilité du Tonkin et de l'Algérie pour l'industrie française, l'importance toujours plus insignifiante des colonies allemandes pour le développement industriel allemand, prouve combien cela est simple bavardage. [...] Le seul à tirer profit de l'établissement de colonies, de la politique d'expansion moderne, est le capital financier »

A l'inverse il disait :

« L'industrie allemande et l'industrie anglaise sont mutuellement dépendantes, et une interruption dans les relations commerciales des deux pays aurait les effets les plus désastreux sur leur développement économique. [...] En outre, l'intérêt supérieur qu'a l'industrie des deux pays dans l'ouverture des marchés, encore plus ou moins fermés, entraîne de nombreux points de contact. A l'inverse, le capital financier est par nature fortement monopoliste. »

C'est aussi l'analyse[22] de John A. Hobson (1902), un intellectuel libéral anglais, qui a marqué les théoriciens social-démocrates. Il soutient qu’en raison de la sous-consommation des ouvriers, les financiers préfèrent investir dans des colonies (en s’appuyant sur les militaires), transformant en États-rentiers l’Angleterre, la France, l’Allemagne, la Belgique...

Poursuivant l’analyse, Rudolf Hilferding affirme[23] que le capital financier (monopoles industriels et bancaires) attise un protectionnisme offensif et s’appuie sur l’Etat pour assurer ses investissements plus rentables à l’étranger. Mais il dit à la fois que le capital financier « veut non pas la liberté, mais la domination » (ce que retiendra Lénine), et qu’il crée une possibilité de dépassement des rivalités si l’État intervient (ce que retiendra Jaurès). A ceux qui disaient que les capitalistes peuvent tout aussi bien investir dans des pays non colonisés, Hilferding répondait :

« Il faut que ce soit des colonies parce que la technique rend la production d’aujourd’hui plus ou moins semblable dans les pays développés, et ce ne sont donc plus les différences de prix mais le pouvoir d’État qui détermine quel pays aura l’opportunité d’investir son capital à l’étranger, et donc d’investir à un taux de profit plus élevé qu’en Europe. »[24]

Dans son ouvrage[25] de 1913, Luxemburg donne une analyse du capitalisme centrée sur le problème des débouchés. Selon elle, la reproduction du capital a « comme première condition un cercle d’acheteurs qui se situent en dehors de la société capitaliste ». Ainsi le capitalisme a besoin d’élargir toujours ses marchés, notamment par les colonies. Son but était de réfuter les révisionnistes, en prouvant qu’il y avait forcément une limite au capitalisme (les colonies ne sont pas infinies) et que le capital engendre forcément une politique impérialiste.  

7 Anticolonialisme et décolonisation[modifier | modifier le wikicode]

7.1 Mouvements de libération nationale[modifier | modifier le wikicode]

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Les luttes pour l'indépendance nationale ont fini par mettre officiellement fin aux Empires coloniaux (de l'Europe, mais aussi du Japon ou encore des Ottomans).

7.2 Intérêts de certains impérialismes[modifier | modifier le wikicode]

Les États-Unis se sont posés comme soutiens de ce mouvement, de façon totalement intéressée. D'une part cela permettait d'affaiblir les puissances européennes, historiquement les premières, et d'autre part cela desserrait un peu le privilège économique qui retenait les colonies à leur métropole.

7.3 Les dernières colonies[modifier | modifier le wikicode]

Un certain nombre de territoires d'outre-mer restent directement administrés par leurs ex-puissances coloniales, le plus souvent de petites îles (Malouines ou Chagos pour le Royaume-Uni, Curaçao ou Aruba pour les Pays-Bas, Polynésie ou Guyane pour la France, Hawaï ou les Mariannes du Nord pour les États-Unis, un peu tout le monde aux Antilles... etc.). Un certain nombre de mouvements indépendantistes y sont présents, bien que la majorité de la population se soit résignée à une "appartenance" partielle à l'État métropolitain.

Par ailleurs, bien qu'il ne soit plus à la mode de parler de colonies, les impérialistes ont conservé nombre de bases militaires dans des pays officiellement souverains, les États-Unis étant de loin les premiers[26], mais aussi le Royaume-Uni[27], la Russie[28], ou la France[29].

8 Néocolonialisme[modifier | modifier le wikicode]

Les luttes pour l'indépendance nationale ont globalement mis fin à la colonisation. Cependant, comme souvent dans le système capitaliste, une liberté formelle (indépendance politique) n'est en rien une garantie de liberté réelle. Notamment, de nombreux pays restent dominés par l'impérialisme.

En particulier, les anciennes métropoles ont longtemps gardé, voire gardent toujours une forte domination sur l'économie de leurs anciennes colonies. On parle dans ce cas de néocolonialisme, qui est une forme de domination impérialiste qui place les ex-colonies dans une situation de "semi-colonie". Parmi quelques exemples typiques citons la "Françafrique", le pré-carré latino-américain des États-Unis...

Cependant la libéralisation des économies à la fin du 20e siècle tend à ce que les intérêts économiques impérialistes s'entremêlent davantage, conduisant à des situations de domination collective des pays pauvres. La puissance économique des grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie...) a tendance à éroder les pré-carrés reposant trop exclusivement sur des liens politiques (comme dans le cas de "Françafrique", qui s'affaiblit).

🔍 Voir : Néocolonialisme.

9 Post-colonialisme et mouvement décolonial[modifier | modifier le wikicode]

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10 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. 1,0 et 1,1 Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1916
  2. La Cochinchine française en 1864, Francis Garnier, 1864
  3. Jules Ferry, Discours devant la Chambre des députés, 28 juillet 1885.
  4. Léon Blum, Débat sur le budget des Colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925
  5. Cité dans la brochure Les rouages du capitalisme, 1994
  6. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Tome 2, Chapitre XV, 1872
  7. Internationaler Sozialistenkongress 1904 (Wikipédia en allemand)
  8. Cité dans Hélène Carrère d'Encausse et Stuart Schram, Marxism and Asia, Londres 1969, p. 94.
  9. Internationaler Sozialisten-Kongress 1907: Protokoll S. 36 f., zitiert nach: Ralf Hoffrogge: Sozialismus und Arbeiterbewegung in Deutschland. Stuttgart 2011, S. 168 f.
  10. Madeleine Rébérioux, Les conflits de tendances dans le parti ouvrier belge au moment de la "reprise" du Congo, Le Mouvement social n°45, pp. 110-119, 1963
  11. Rosa Luxemburg, Correspondance 1914-1919, François Maspero, 1977
  12. Cope, Zak (December 2019). The Wealth of (Some) Nations: Imperialism and the Mechanics of Value Transfer (in English) (First ed.). London, UK: Pluto Press. pp. 169–182. ISBN 9780745338859.
  13. Lénine, Le Congrès socialiste international de Stuttgart, publié le 20 octobre 1907 dans le n°17 de Proletari
  14. Karl Kautsky, Le socialisme et la politique coloniale, Octobre 1907
  15. Minh, Ho Chi. The Path Which Led Me To Leninism. Retrieved 21 August 2021 – via Marxists Internet Archive.
  16. Lénine, II° congrès de l'IC, Rapport de la commission nationale et coloniale, 1920
  17. Texte publié dans le Bulletin communiste du 7 et 14 décembre 1922. Une note dans le numéro du 4 janvier 1923 précise que « l’article […] a paru pendant la courte période où le BC était aux mains des centristes ». Mais l’article reflétait l’opinion de la grande majorité des communistes algériens.
  18. Cité par Hakim Adi, Pan-Africanism and Communism, Trenton, 2013
  19. Jacob Moneta, Le PCF et la question coloniale, Paris, 1971
  20. Génération algérienne : entretien avec René Gallissot, Revue Période, 2016
  21. Karl Kautsky, Germany, England and the World­Policy, The Social Democrat, août 1900
  22. J.A. Hobson, Imperialism : A study, 1902
  23. Rudolf Hilferding, Le capital financier, 1910 (le livre est en fait presque écrit dès 1905)
  24. Rudolf Hilferding, L’impérialisme allemand et la politique nationale, 1907
  25. Rosa Luxemburg, L’accumulation du capital, 1913
  26. Liste des bases militaires des États-Unis dans le monde, Wikipédia
  27. Armée de terre britannique, Wikipédia
  28. Bases et garnisons russes à l'étranger (2009), Wikipédia
  29. Forces françaises hors de la métropole, Wikipédia