Fascisme

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Allégorie du nazisme

Le fascisme est un mouvement politique d'extrême droite, mobilisant des masses, prétendant restaurer une communauté imaginaire (généralement la Nation considérée comme organique) par la force. Cela débouche sur des visées d'épuration ethnique voire de génocide (et de massacre d'autres personnes considérées inférieures comme des handicapé·es, des LGBTI...), et d'anéantissement des conflits sociaux au sein de cette communauté (destruction des organisations de classe, féministes...). Le mouvement fasciste victorieux débouche sur la création d'un État fort et répressif, souvent totalitaire, qui par ailleurs fait rentrer dans le rang les franges « populaires » de ses rangs.

Le fascisme est un mouvement qui naît avec sa propre autonomie et le centre de gravité de sa base sociale est plutôt dans la petite-bourgeoisie. Ce n'est jamais le premier choix de la grande bourgeoisie. Mais dans une situation de crise intense, la bourgeoisie peut en arriver à se tourner vers le fascisme, notamment pour écraser le mouvement ouvrier.

1 Processus menant au fascisme[modifier | modifier le wikicode]

La dynamique du fascisme repose sur un ensemble de facteurs faisant système.

1.1 Crise du capitalisme vieillissant[modifier | modifier le wikicode]

La cause première d’une montée du fascisme de grande ampleur est une crise économique et sociale majeure, comme le capitalisme vieillissant en génère périodiquement. La Grande dépression des années 1930 était typiquement le cas, et il est fort probable que nous soyons en ce moment au début d’une telle période. Historiquement la prise du pouvoir par les fascistes a pour fonction essentielle de recréer les conditions de la reproduction du grand capital. Cela se fait par une fuite en avant militariste qui transforme la société tant à l’échelle nationale qu’internationale. Le premier effet est la mise au pas du prolétariat, la destruction de ses organisations propres et son ralliement partiel dans une union nationaliste, ce qui permet aux capitalistes d’opérer de profondes restructurations. Egalement et de façon liée, l’accroissement global des tensions inter-impérialistes est source de débouchés guerriers et de grandes destructions / dévalorisations de capital qui permettent un nouveau cycle d’accumulation.

« Tout ce que la société, si elle s’était développée normalement (par exemple, en direction du socialisme), aurait dû expulser (…) comme l’excrément de la culture, elle est en train de le régurgiter : la civilisation capitaliste vomit aujourd’hui la barbarie non digérée. »[1]

1.2 Base sociale et idéologie petite-bourgeoise[modifier | modifier le wikicode]

C’est au sein de la petite-bourgeoisie que la montée du fascisme trouve d’abord sa base sociale. En effet, avec les petits patrons ruinés ou pressurés par l’inflation et le manque de débouchés, les jeunes diplômés ou les cadres au chômage, cette classe intermédiaire se voit menacée et devient alors un terreau pour les idéologies réactionnaires. Les anciens combattants de la Première guerre mondiale ont aussi constitué un fort vivier de militants fascistes. Le contenu peut varier, par exemple la forme particulière qu’a pris le nazisme de Hitler avec son racialisme systématisé n’était écrite dans aucune « loi » du capitalisme. Mais dans le cadre des Etats-nations d’aujourd’hui et du bain ambiant de l’idéologie bourgeoise, cela prend des formes récurrentes. La constante est un nationalisme extrême avec stigmatisation d’ennemis intérieurs et extérieurs. Les discours haineux s’en prennent à tous ceux qui sont supposés causer la « décadence du pays », ce qui engendre à la fois une démagogie contre les syndicats et les salariés grévistes, et des formes ambigües et partielles d’anticapitalisme. Par exemple les diatribes peuvent cibler "l'asservissement aux prêteurs", les grands magasins, le capital "accapareur" en opposition au capital "créateur", etc. mais la propriété privée en tant que telle et le pouvoir du patron dans l'entreprise ne sont jamais remis en question. Ce genre de mouvement, même s’il peut reprendre des termes à connotation progressiste (socialisme…) rejette fondamentalement le socialisme scientifique en même temps qu’il méprise le prolétariat. De plus, les couches sociales déjà victimes d’oppression (homosexuels, nomades, féministes…) sont très souvent écrasées par le fascisme.

1.3 Duel avec le mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Dès que surviennent des attaques violentes contre les salariés, un mouvement fasciste est né. L'arène politique commence alors à se polariser très fortement entre le camp du progrès et celui de la réaction. En premier lieu ce sont les partis "classiques" de droite (conservateurs...) puis du centre (libéraux...) qui sont très diminués au profit de l'extrême-droite. Mais une telle situation ne signifie pas que cette dernière ait la victoire acquise. La force et surtout la politique que vont mener les différents partis et syndicats des travailleurs va être cruciale.

Initialement, c'est principalement parmi les éléments déclassés et enragés de la petite-bourgeoisie que les bandes fascistes recrutent leurs nervis. La masse des petits bourgeois ainsi que la partie peu consciente et inorganisée des salariés, surtout des jeunes, oscillera normalement entre les deux camps, ayant tendance à se ranger du côté de celui qui manifestera le plus d'audace et d'esprit d'initiative. Une telle situation fournit une occasion majeure aux communistes révolutionnaires, car le mouvement ouvrier ne peut sortir par le haut qu'en se battant pour le socialisme. Mais la sanction en cas d'échec est également terrible si celui-ci est vaincu et démoralisé.

Finalement, la grande bourgeoisie a une influence décisive. Car un tel mouvement a besoin d'un soutien financier et politique d'une bonne partie du grand capital pour parvenir au pouvoir et s'y maintenir. Mais ce soutien présente un risque et les capitalistes ne le donnent pas à la légère, car cela peut être le déclencheur d'une situation révolutionnaire si le mouvement ouvrier réagit aussitôt.

1.4 Victoire… du grand capital[modifier | modifier le wikicode]

Lorsqu'un mouvement fasciste est victorieux et que ses dirigeants se sont rapprochés de la bourgeoisie, il se bureaucratise et se fond dans l'appareil d'État bourgeois, en même temps qu'il renforce et centralise ce dernier. A ce stade, les formes de démagogie plébéienne les plus radicales ont été lissées et neutralisées pour rassurer les possédants.

Si le mouvement ouvrier est vaincu et si les conditions de reproduction du capital à l'intérieur du pays se sont modifiées dans un sens qui est fondamentalement favorable à la grande bourgeoisie, son intérêt politique se confond avec la nécessité d'un changement identique au niveau du marché mondial. La banqueroute menaçante de l'État y pousse également. La politique de quitte ou double du fascisme est reportée au niveau de la sphère financière, attise une inflation permanente, et, finalement, ne laisse pas d'autre issue que l'aventure militaire à l'extérieur. Une telle évolution ne favorise nullement un renforcement du rôle de la petite bourgeoisie dans l'économie et la politique intérieure ; mais au contraire, elle provoque une détérioration de ses positions (à l'exception de la frange qui peut être nourrie avec les prébendes de l'appareil d'État autonomisé). Ce n'est pas la fin de l'"asservissement aux prêteurs", mais au contraire l'accélération de la concentration du capital.

C'est ici que se révèle le caractère de classe de la dictature fasciste, qui ne correspond pas au mouvement fasciste de masse. Elle défend non pas les intérêts historiques de la petite bourgeoisie, mais ceux du capital monopoliste. Une fois cette tendance réalisée, la base de masse active et consciente du fascisme se rétrécit nécessairement. La dictature fasciste tend elle-même à détruire et à réduire sa base de masse. Les bandes fascistes deviennent des appendices de la police. Dans sa phase de déclin, le fascisme se transforme à nouveau en une forme particulière de bonapartisme.

2 Démocratie bourgeoise et fascisme[modifier | modifier le wikicode]

A l’époque impérialiste, la domination capitaliste et donc la forme de l’Etat tend à revêtir la forme de la démocratie parlementaire. Celle-ci a l’avantage d’associer les différents secteurs de la bourgeoisie aux orientations politiques, de pouvoir désamorcer bon nombre de crises par des réformes sociales, de faciliter l’intégration de l’aristocratie ouvrière et la marginalisation des communistes. Mais en régime capitaliste, cette démocratie conquise avec peine est toujours dans un équilibre instable. La bourgeoisie peut donc être amenée à renoncer au pouvoir politique au profit d’une centralisation du pouvoir exécutif, si celui-ci est le seul à fournir une issue positive pour elle. Et en effet, cette centralisation du pouvoir, qui va de pair avec la destruction des organisations du mouvement ouvrier (que Trotski appelle les « germes de démocratie prolétarienne dans le cadre de la démocratie bourgeoise »), seul un mouvement de masse comme le fascisme peut le réaliser. Un État policier ou une dictature ne suffirait pas à atomiser une classe si nombreuse au point de neutraliser temporairement la lutte de classe.

Un certain nombre de penseurs du libéralisme assument franchement de mettre en avant essentiellement la question de la propriété privée des moyens de production, et donc un primat du libéralisme économique. Ainsi Ludwig von Mises écrivait en toute cohérence que le fascisme pouvait ponctuellement sauver le libéralisme économique en sacrifiant la démocratie :

« On ne peut nier que le fascisme et les mouvements similaires cherchant à mettre en place des dictatures sont remplis des meilleures intentions et que leur intervention a, pour l'instant, sauvé la civilisation européenne. Le mérite qui en revient au fascisme demeurera éternellement dans l'histoire. Mais bien que sa politique ait apporté provisoirement le salut, elle n'est pas de nature à nous assurer les succès futurs. Le fascisme était une solution d'urgence. Le considérer comme quelque chose de plus serait une erreur fatale. »[2]

3 Cas historiques[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Italie[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Fascisme italien.

C'est en Italie en 1919 qu'est apparu le premier mouvement fasciste, donnant son nom au phénomène. On voit d'abord un durcissement de la démocratie bourgeoise avec le gouvernement bonapartiste de Giovanni Giolitti, à l'époque de la grève des métallurgistes de septembre 1920, avait tenté de gouverner avec l'appui des socialistes et la tolérance des fascistes. Mais avec l'échec total du mouvement ouvrier, pourtant puissant, le "Duce" Mussolini prend le pouvoir à la tête de ses chemises noires qui mobilisent des couches petite-bourgeoises. Ce régime perdurera jusqu'à la défaite de l'Italie dans la Seconde Guerre Mondiale.

L'État se prétend au dessus des classes et organisateur du corporatisme, c'est-à-dire le regroupement dans chaque corps de métier de l'ensemble des collaborateurs, ouvriers et patrons. Mais dans les faits c'est à la classe ouvrière que la suspension des libertés par un État omnipotent fait le plus de mal. La désobéissance au patron est considérée comme une désobéissance à l’État. Un livret est mis en place où tout est noté à partir de l’âge de 15 ans.

Ce premier régime fasciste a eu un rôle moteur pour le développement de mouvements fascistes similaires, à la fois par son "exemple" idéologique, mais aussi par le soutien qu'apportait l'État italien aux mouvements des autres pays. Il a même tenté en décembre 1934 de jeter les bases, lors du congrès de Montreux, d’une Internationale fasciste définie par deux critères politiques déterminants : le concept de hiérarchie de l’État et le principe de collaboration de classes. Les délégués d’organisations de 13 pays y décidèrent la création d’une commission permanente du fascisme.

3.2 France[modifier | modifier le wikicode]

En France comme ailleurs, les années 1930 voient de nombreux groupes d'extrême-droite (les "ligues") se renforcer et se lancer dans l'action fasciste. Les radicaux ont remporté les élections de 1932, mais ce deuxième « cartel des gauches » n'est pas soutenu par la SFIO. Les radicaux mènent une politique de « déflation » et d’« orthodoxie financière » (on dirait aujourd'hui « d'austérité »), c'est-à-dire une politique bourgeoise et anti-sociale (coupes dans les pensions et les salaires des fonctionnaires...).

Mais les radicaux (classés à gauche) sont aussi détestés par la droite conservatrice, monarchiste, et le nouveau milieu fascisant qui émerge. Ils dénoncent un régime parlementaire inefficace, corrompu, rempli de franc-maçons... En janvier 1934, l'affaire Stavisky (un scandale financier impliquant un escroc juif et des politiciens radicaux le couvrant) déchaîne la haine et l'antisémitisme. Le 6 février 1934, suite à la révocation du préfet de Police de Paris proche de l'extrême droite, Jean Chiappe, les groupes fascistes ou fascisants organisent une manifestation de 30 000 personnes qui dégénère en émeutes contre le Parlement. Des affrontements violents ont lieu (15 morts, plus de 2000 blessés). Sous la pression de la rue, le gouvernement démissionne le lendemain. Un gouvernement d'union nationale de type bonapartiste est alors formé, le gouvernement Doumergue 2 (février-novembre 1934).

Dès cette époque, de grands patrons comme Ernest Mercier ou François Coty financent directement certains de ces groupuscules fascistes et les aident à s’armer.

De leur côté, les partis ouvriers (SFIO et PCF) mettent en place une politique de "Front Populaire" consistant à s'allier avec la gauche bourgeoise (les radicaux) pour "sauver la démocratie", en mettant en sourdine les revendications et le terrain de lutte des travailleurs. La grande grève de juin 1936 permit aux travailleurs d'obtenir de grandes avancées comme les congés payés, mais ce fut surtout une situation révolutionnaire trahie qui laissa le prolétariat démuni face à la boucherie de la Seconde Guerre Mondiale.

3.3 Espagne[modifier | modifier le wikicode]

En Espagne, la réponse au putsch militaire fasciste de juillet 1936 fut le soulèvement révolutionnaire de la classe ouvrière, qui, en quelques jours, infligea aux fascistes une écrasante défaite militaire dans les grandes villes et les districts ouvriers, et les força à se replier dans les campagnes arriérées du pays. Le fait que les fascistes, à la suite d'une guerre civile acharnée pendant plus de trois ans, aient finalement réussi à s'emparer du pouvoir, s'explique autant par l'intervention de facteurs extérieurs que par le rôle funeste de la direction du parti et du gouvernement de la gauche, qui empêchèrent les travailleurs d'achever rapidement la révolution commencée avec succès ; en particulier, une réforme agraire radicale et la proclamation de l'indépendance du Maroc auraient supprimé le dernier bastion du pouvoir de Franco parmi les paysans arriérés et les mercenaires d'Afrique du Nord.

3.4 Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Nazisme.

Entre 1930-1933, Trotski s'intéresse de près à la situation en Allemagne, où il observe la montée du parti nazi et critique la terrible politique des leaders du mouvement ouvrier qui lui ouvrent la voix. Tout d'abord, la social-démocratie est un pilier de la république de Weimar qu'elle a contribué pour l'essentiel à créer en étouffant les possibilités socialistes de la révolution allemande de 1918. Elle participe ou soutient des gouvernements qui appliquent des politiques d'austérité, redoublées après la crise de 1929. Mais aussi la politique du parti communiste, faite de zigzags incohérents, et incapable de trouver la voie d'un véritable front unique ouvrier, au lieu de repousser les ouvriers social-démocrates avec le slogan du « social-fascisme ».

« Le fascisme est le produit de deux facteurs : une crise sociale aiguë, d'une part, la faiblesse révolutionnaire du prolétariat allemand d'autre part. La faiblesse du prolétariat, à son tour, se décompose en deux éléments : le rôle historique particulier de la social-démocratie, ce représentant toujours puissant du capital dans les rangs du prolétariat, et l'incapacité de la direction centriste du Parti communiste de rassembler les ouvriers sous le drapeau de la révolution. »[3]

Le nazisme se distingue comme la pire horreur qu'ait produite l'humanité, avec une exaltation à une échelle sans précédant de discours nationalistes, racistes et antisémites, qui ont conduit à la mise en place d'un système d'extermination en masse de populations considérées comme des « sous-hommes » : environ 6 millions de Juif·ves, près d'un million de Tsiganes, des millions de slaves, 200 000 personnes handicapé·es, ainsi qu'environ 5000 homosexuel·les. Les organisations du mouvement ouvrier furent toutes détruites, et environ 600 000 socialistes, communistes, syndicalistes et autres prisonniers politiques furent envoyés en camps de concentration.

Le régime nazi est aussi une des principales causes de la Seconde guerre mondiale, et il n'est tombé que suite à sa défaite militaire en 1945.

3.5 Autriche[modifier | modifier le wikicode]

A partir de 1918, un mouvement paramilitaire fasciste apparaît en marge du Parti social-chrétien, les "Heimwheren". Ce mouvement est soutenu par le patronat. L’Association des industriels demande à ses adhérents de leur verser 1% de leur masse salariale. « L’industrie n’a jamais nié avoir fourni des sommes considérables pour renforcer le mouvement des Heimwehren » (Ernst Streeruwitz, chancelier fédéral chrétien-social). « Pour votre information nous vous communiquons, de manière tout à fait confidentielle, que les sommes provenant de toute l’industrie d’Autriche sont utilisées pour organiser les Heimwehren... » (circulaire de la fédération patronale du papier)[4].

3.6 Pologne[modifier | modifier le wikicode]

A propos du régime de Pilsudski en Pologne, il y eut un débat entre Trotski (pour qui c'était un régime fasciste) et ses partisans en Pologne qui étaient partagés sur la question (Herschl Stockfisch pensait que c'était un régime bonapartiste).

3.7 Amérique du Nord[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, un Parti nazi américain voit le jour et se développe dangereusement.

Au Canada, les fascistes diffusent un journal intitulé Le fasciste canadien.[5]

4 Fascisme et racisme[modifier | modifier le wikicode]

Dans une définition stricte, le fascisme n'inclut pas nécessairement le racisme. Le fascisme italien, à l'origine, n'avait pas d'idéologie raciste dans ses fondements. Cependant le fascisme implique une forme ou une autre de nationalisme, et le nationalisme est quasi-systématiquement associé à des justifications racistes d'une prétendue supériorité.

Il y a parfois des clivages entre certains idéologues néofascistes et néonazis sur cette question. Des idéologues fascistes ont pu faire l'éloge de certains leaders non-blancs en mettant en avant des caractéristiques, selon eux, fascistes. Mais quasi-systématiquement, cela cache encore une grille de lecture raciste (par exemple Bardèche vantait les leaders musulmans et était extrêmement antisémite, de même qu'un Soral).

Par ailleurs, depuis le 20e siècle, le nationalisme ordinaire véhiculé par la droite (et en partie la gauche) est imprégné de racisme. Or, la montée du fascisme se fait en se nourrissant de ce terreau propice à un certain populisme réactionnaire. C'est pourquoi dans les conditions concrètes du 21e siècle, des mouvements fascistes de masse ne peuvent être que racistes.

5 Le fascisme dans le post-fascisme[modifier | modifier le wikicode]

Le fascisme est un mouvement qui par nature sape de lui même son soutien populaire après avoir accédé au pouvoir. Le corporatisme ne peut pas masquer éternellement la lutte des classes.

Quel que soit le degré de fanatisation qu'il ait pu instaurer dans sa phase ascendante, les conditions objectives et subjectives finissent par y mettre un terme, et le plus souvent des partis bourgeois soucieux de "reconstruction nationale" (surtout lorsque le pays sort d'une guerre) prennent la relève pour assurer la continuité des affaires, avec un toilettage de façade de l'État.

Certes des procès "exemplaires" ont souvent eu lieu lorsqu'il est impossible de passer les crimes sous silence (on pense notamment à Nuremberg), mais de très nombreux responsables, en fuite à l'étranger ou discrètement recyclés au pays, sont laissés tranquilles, ou leur procès est éternellement différé. La justice bourgeoise a toujours une tendance à la clémence pour ceux qui, malgré tout, ont "accompli leur travail" du point de vue des intérêts capitalistes.

Lorsque, les années passant, s'expriment certains idéologues bourgeois à propos de ces périodes sombres, certaines tendances peuvent être observées. Face à l'horreur bien réelle que ces régimes ont généré, le discours dominant est essentiellement sentimentaliste et apolitique (la pitié n'étant ni de droite ni de gauche). Quelle que soit la sincérité des bourgeois qui tiennent ce genre de discours, ceux-ci ont l'immense avantage de ne pas mettre en cause un système, mais de s'en tenir à des thèmes idéalistes comme la nature humaine.

6 Analyses du fascisme[modifier | modifier le wikicode]

Beaucoup de gens se content d'analyses superficielles, qui ne permettent absolument pas de comprendre les spécificités du fascisme, les raisons de son développement dans des circonstances données, etc. Ce genre de visions simplistes est aussi alimenté par des historiens (comme l’allemand Ernst Nolte) qui y voit simplement la confirmation de la nature violente de l’Homme poussée à son paroxysme.

En 1923, Radek constate que le fascisme n'est plus seulement un phénomène italien, mais qu'il se développe partout. Il le décrit comme « une réaction petite-bourgeoise aux conditions d'après-guerre - une réaction que le grand capital utilise pour se fortifier partout où sa domination est menacée. » [6] Il faisait une différence entre régimes fascistes et des régimes comme celui de Miklos Horthy en Hongrie :

« La différence entre un gouvernement fasciste et un gouvernement féodal-capitaliste blanc réside dans le fait que ce dernier, celui de Horthy par exemple, est dans les mains des anciennes classes dirigeantes, qui tentent de rétablir les anciennes conditions, tandis que le mouvement fasciste, représentant la petite bourgeoisie, met en avant de nouveaux hommes et cherche à mettre en place un nouvel ordre qui libèrerait les gens ordinaires des charges qui leur sont imposées par la guerre. »

Il conclut :

« Le prolétariat doit prendre l'initiative de reconstruire le monde sur une nouvelle base. Cela convaincra la petite-bourgeoisie qu'une nouvelle ère commence qui peut les sauver de leur misère. (...) Le fascisme est le socialisme de la classe moyenne, et nous ne pouvons pas convaincre les classes moyennes de l'abandonner jusqu'à ce que nous leur ayions prouvé qu'il ne fait qu'empirer leur condition. »

A l'inverse de cette démarche de caractérisation précise, l'Internationale stalinisée a employé la notion de fascisme indistinctement : pour le régime de Primo de Rivera, de Chang Kaï‑chek, Masaryk, Brüning, Dollfuss, Severing, le roi serbe Alexandre... 

Trotski a quant à lui beaucoup analysé la montée du fascisme des années 1930, en se centrant sur le cas de l'Allemagne (pays où le prolétariat était le plus organisé et donc aux enjeux les plus importants pour le mouvement ouvrier mondial), et en distinguant le fascisme des autres formes de dictatures. Ses écrits sur le sujet sont regroupés dans Comment vaincre le fascisme ?[7]

Selon les trotskistes, le critère de la violence contre le mouvement ouvrier est important pour définir le fascisme (dont le terme est parfois galvaudé). Ainsi Ernest Mandel disait : « dès que ce mouvement (…) a recours à des violences physiques ouvertes contre les salariés, leurs actions et leurs organisations, un mouvement fasciste est né ».

7 Retour du péril fasciste[modifier | modifier le wikicode]

Le tournant néolibéral des années 1980 a amorcé une tendance, plus ou moins rapide selon les pays, à la montée de l'extrême droite. La crise de 2008 (la plus brutale depuis 1929) a brutalement accéléré ces tendances, particulièrement dans les pays les plus touchés par la crise sociale.

7.1 Grèce[modifier | modifier le wikicode]

En Grèce, c'est d'abord le LAOS (Alerte Populaire Orthodoxe), parti d'extrême droite « classique », qui progresse. Mais il participe au gouvernement avec la droite et se retrouve frappé de plein fouet par l'impopularité des mesures drastiques d'austérité qui sont imposées à la population. Il passe alors de 5,63% des voix en 2009 à 3% en mai 2012, alors que le parti néo-nazi Aube Dorée, auparavant marginal, bondit à 7% et obtient 21 députés.

7.2 Néo-fascisme[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de néo-fascisme est assez mal défini, mais il regroupe souvent tous les groupes qui s'inspirent (avec des variantes) des régimes fascistes de l'entre-deux-guerres.

Parfois, au sein de l'extrême droite, des courants néofascistes s'opposent à des néonazis, dans le sens où ils se revendiquent du fascisme italien mais pas du nazisme. Par exemple en 1951, des organisations d'extrême droite de différents pays européens fondent le Mouvement social européen, qui se veut une « internationale fasciste », mais celle-ci éclate immédiatement entre les partisans d'une « internationale noire » (néofasciste) et les partisans d'une « internationale blanche » (néonazie). Ou encore, lorsque les néofascistes d'Ordre nouveau ont purgé le GUD du collaborationniste Pierre Clémenti. Ou encore, lorsque les Groupes nationalistes révolutionnaires disparaissent en 1978, ses membres néonazis rejoignent la Fédération d'action nationale et européenne tandis que les autres partent au Mouvement nationaliste-révolutionnaire.

8 La lutte anti-fasciste[modifier | modifier le wikicode]

La lutte contre le fascisme est une des tâches essentielles que se sont fixées les communistes révolutionnaires dès l'apparition de ce phénomène.

Cependant, il existe aussi une tendance dans certains courants communistes à relativiser le danger fasciste, au nom du fait que la démocratie bourgeoise et le fascisme ne sont que deux formes de domination capitaliste. Ce fut le cas de Bordiga (un communiste « gauchiste » du point de vue léniniste) face au fascisme italien, et du KPD stalinien face au nazisme.

« La direction du Parti communiste allemand reproduit aujourd'hui presque littéralement la position initiale du communisme italien : le fascisme est seulement la réaction capitaliste ; les différences entre les diverses formes de la réaction capitaliste n'ont pas d'importance du point de vue du prolétariat. Ce radicalisme vulgaire est d'autant moins excusable que le parti allemand est beaucoup plus vieux que ne l'était le parti italien à l'époque (...). Ignorer la nature spécifique du fascisme ne peut que paralyser la volonté de lutte contre lui. (...) La position de Thaelmann en 1932 reproduit la position de Bordiga en 1922. »[8]

Dans les années 1920-1930, les PC staliniens ont oscillé dans leurs rapports aux fascistes, entre une position refusant tout front avec les social-démocrates (rebaptisés "social-fascistes") et une position de collaboration avec les social-démocrates mais aussi avec les démocrates bourgeois ("Fronts populaires"). Trotski a réaffirmé sa ligne : front unique ouvrier le plus large pour se défendre, y compris physiquement, contre les fascistes, mais indépendance politique.

Vis-à-vis des démocrates bourgeois, Trotski avait une position nuancée. Il privilégiait bien sûr le front unique ouvrier (qui les exclut), plus apte à renforcer la lutte de classe, qui est la seule solution stratégique pour mettre fin au danger fasciste. Mais lorsque des grandes batailles étaient en jeu, il rappelait qu'il ne pouvait pas y avoir de neutralité. Par exemple pendant la guerre d'Espagne, contre Franco, le mouvement ouvrier (réformiste et révolutionnaire) était dans le même camp militaire que les républicains bourgeois. Là encore, certains refusaient toute forme de soutien au "camp républicain" au nom du refus de choisir entre une forme de bourgeoisie. Trotski a répondu par un article "contre le défaitisme en Espagne" :

« Prenons un exemple : deux bateaux avec des armes et des munitions partent de France ou des États-Unis - un pour Franco, l'autre pour Negrin. Quelle devrait être l'attitude des travailleurs ? De saboter le transport des deux ? Ou celui pour Franco seulement ? Nous ne sommes pas neutres. Nous Iaissons passer le bateau avec les munitions pour le gouvernement Negrin. Sans illusions : de ces balles, neuf sur dix seront dirigées contre les fascistes, au moins une contre nos camarades. Mais de celles qui sont destinées a Franco, dix sur dix seront dirigées contre nos camarades. Nous ne sommes pas neutres. »[9]

En revanche, Trotski distinguait le cas d'une guerre civile du cas d'une guerre entre des puissances impérialistes dont certains pays sont fascistes et d'autres démocratiques. Pour le cas d'une guerre impérialiste, il reprend la position prise pendant la Première guerre mondiale : les différences de régime ne doivent pas entrer en compte.

« On peut nous objecter ceci : pendant une guerre entre deux Etats bourgeois, le prolétariat, quel que soit, dans son pays, le régime politique, doit adopter la position selon laquelle «la défaite de notre propre gouvernement est le moindre mal ». Cette règle n'est-elle pas également applicable à une guerre civile dans laquelle s'affrontent deux gouvemements bourgeois ? Elle ne l'est pas. Dans une guerre entre deux Etats bourgeois, l'objectif en jeu est une conquête imperialiste, non la lutte entre democratie et fascisme. Dans la guerre civile espagnole, la question est : démocratie ou fascisme. »

Et lorsqu'il s'agit d'une guerre entre un pays impérialiste et un pays dominé, il pense que la couleur politique des gouvernements à leur tête ne doit pas compter. Par exemple, lorsque l’Italie fasciste attaque l’Éthiopie en 1935, il dit qu'il ne s'agit pas de savoir si le régime éthiopien est plus progressiste que Mussolini. Trois ans plus tard, pour défendre ce principe, il argumente davantage :

« il règne aujourd’hui au Brésil un régime semi-fasciste qu’aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l’Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. [...] Je répondrai pour ma part que je serais du côté du Brésil "fasciste" contre l’Angleterre "démocratique". Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n’est pas de démocratie ou de fascisme qu’il s’agirait. Si l’Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l’emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l’Angleterre porterait en même temps un coup à l’impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais. »[10]

9 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Trotski, cité par Isaac Deutscher dans Les Juifs non Juifs, Buenos Aires, Kikiyon, 1958
  2. Ludiwg Von Mises, Le Libéralisme, 1927
  3. Léon Trotski, La clé de la situation internationale est en allemagne, 26 novembre 1931
  4. Gauchemip, Fascismes de 1918 à 1945 : naissance, caractéristiques, causes, composantes, réalité par pays
  5. https://www.thinglink.com/scene/601440580685266945
  6. Karl Radek, Fascisme et communisme, juillet 1923
  7. Léon Trotski, Comment Vaincre le Fascisme, 1930-1933
  8. Léon Trotski, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, 1932
  9. Trotski, Contre le « défaitisme » en Espagne, 14 septembre 1937
  10. Trotski, La lutte anti-impérialiste, 1938