Classes sociales

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Sur le muret : Tous les jours je me réveille du mauvais côté du capitalisme.

Les classes sociales sont un groupe social qui se reproduit de génération en génération, ce qui est à la source de l'inégalité sociale. Pour les marxistes, les classes sociales sont déterminées fondamentalement par leur position par rapport aux moyens de production (propriétaires ou dépossédés).

1 Entre sociologie et politique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Classe en soi[modifier | modifier le wikicode]

La classe en soi est définie objectivement par les rapports de productions. Ainsi, l'appartenance à la classe ouvrière est basée sur le fait que l'ouvrier ne possède que sa force de production à vendre, et le bourgeois est détenteur de moyens de productions. Le mode d'acquisition des richesses compte aussi (héritage, exploitation...).

Les principales classes sociales définissables sont :

1.2 Classe pour soi[modifier | modifier le wikicode]

Spontanément, la classe ouvrière n'a pas conscience d'être une classe. Elle a d'abord tendance à penser suivant l'idéologie dominante : celle de la bourgeoisie. Mais cette domination idéologique n'est pas absolue et comporte bien des fragilités, qui deviennent particulièrement visibles en temps de crise.

La notion de "classe pour soi" désigne donc le processus conscient de formation de la conscience de classe.

2 Grandes évolutions[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Contrairement à ce que l'on entend dans certains discours sur la nature humaine, la société humaine n'a pas toujours été divisée en classes. Cette division est même très récente, puisque pendant 95% de l'existence de l'humanité, elle vivait en petits groupes ou clans où tous les membres participaient à la communauté, et les ressources étaient globalement partagées. Marx et Engels puis les marxistes employaient le terme de communisme primitif, ou premier.

Les sociétés de classes sont apparues très vite après le développement de l'agriculture, il y a huit millénaires d'aujourd'hui, ce que l'on nomme révolution néolithique. L’humanité a alors été capable de produire plus qu’il ne lui fallait pour survivre et une minorité d’hommes s’est accaparée ce “surproduit social”, parvenant à transmettre sa position privilégiée dans le contrôle des richesses à sa descendance, ce qui a engendré les classes sociales, c'est-à-dire des groupes humains plus ou moins homogènes dont les différenciations (en termes de richesse, de culture, etc.) tendent à perdurer dans le temps.

Ces classes sociales sont fondamentalement définies par la place qu’elles occupent dans le système de production. Si telle ou telle classe (ou groupes de classes) détient le pouvoir économique, elle occupe également le pouvoir politique. Dans l'étude matérialiste de l'histoire, les rapports de production sont déterminants.

2.2 Luttes de classes[modifier | modifier le wikicode]

Ces classes ne sont pas restées figées. De multiples facteurs les font évoluer au cours du temps :

Néanmoins, depuis l'apparition des classes, les classes dominantes sont presque toujours restées en position dominante, et dans tous les cas, la division en classe est restée malgré toutes les transformations. Pour maintenir leur pouvoir, les classes dominantes ont toujours dû perpétuer coûte que coûte une domination politique (dont la répression) et des justifications idéologiques.

La grande majorité des sociétés de classe jusqu'à nos jours ont été des sociétés où les classes dominantes étaient du type « clergé / noblesse », et exploitaient des paysans (esclaves, serfs...). Bien évidemment, il existait aussi d'autres classes intermédiaires comme les marchands et artisans, mais qui se développaient à la marge dans un monde majoritairement agricole.

Ce n'est que relativement récemment, suite aux révolutions bourgeoises et à la révolution industrielle, que le mode de production capitaliste s'est généralisé, ce qui tend à faire apparaître deux grandes classes principales : le prolétariat et la bourgeoisie.


2.3 "30 Glorieuses", un compromis précaire[modifier | modifier le wikicode]

La période des 30 Glorieuses (1945-1975), au sortir de la seconde guerre mondiale, a créé des conditions d'accumulation particulièrement favorables pour le capitalisme, et dans le même temps la pression des organisations ouvrières était suffisamment forte (dans les pays occidentaux) pour exiger un minimum de répartition.

Durant cette période de croissance forte et prolongée, l'idée de prolétariat a peu à peu laissé place à une vague notion de classe moyenne et surtout à beaucoup d'illusions sur la fin des antagonismes (ascenseur social...).

SociétéMongolfière.png[1]

PacManCroissance.gif

La notion de classe sociale a beaucoup reculé dans le discours politique.[2]

Au prétexte que beaucoup de changements formels seraient apparus, tout serait brouillé : maintenant il y a les classes moyennes, les exclus, les salariés actionnaires... Cette idée, évidemment pratique pour la stabilité du système établi, est contraire à toute analyse sérieuse des faits.

2.4 Retour net de la polarisation de classe[modifier | modifier le wikicode]

Le tournant néolibéral des années 1980 a été le début d'un rappel à réalité pour tous ceux qui plaçaient de faux espoirs dans ce système. Les dirigeants sont clairement à l'offensive à l'échelle mondiale. Du côté des exploités, la conscience de classe est certes plus que jamais en berne. Mais qui s'aventurerait à nier l'existence de la bourgeoisie ? Il n'y a qu'à observer comment elle s'organise à l'échelle nationale (MEDEF, Elysée...), à l'échelle européenne (UE...), ou encore à l'échelle mondiale (OMC, Banque Mondiale, FMI...) pour cadrer ses attaques sur les droits des salariés...

Cela amène même Warren Buffet - la seconde fortune états-unienne - à dire :

« Il y a une guere de classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner » [3]

Cependant la meilleure des répliques n'est pas dans un argumentaire mais dans la réalité : avec la grave crise mondiale de 2007-2010, les attaques aussi bien que les répliques des salariés s'accentuent, entraînant par là une polarisation de plus en plus visible des antagonismes de classe. A tel point que les travailleur-se-s croient de moins en moins à "l'ascenseur social". Par exemple un sondage montre que les trois quart des Français de moins de 30 ans pensent que les jeunes ne sont pas égaux dans l'accès à l'emploi ou au logement.[4]

« Interrogés sur les causes de ces inégalités, les Français mettent en avant le déterminisme social: l'éducation reçue par les parents (84%), leur revenu (78%), l'endroit où l'on a grandi (73%) arrivent bien loin devant «les qualités ou défauts naturels des uns et des autres» (56%). Des perceptions à mettre là encore en lien avec l'enquête «Génération quoi», dans laquelle seuls 25% des 18-25 ans disent avoir la conviction que leur vie sera meilleure que celle de leurs parents. »

SociétéSablier.png[1]
PacManVampirisation.gif

3 Classe et caste[modifier | modifier le wikicode]

Dans les sociétés de classe précapitalistes, les classes ont souvent été actées par des statuts sociaux officialisés, en lien avec les idéologies les justifiant. C'était en particulier le cas pour les différentes formes de noblesse. Parfois les statuts (ou ordres, ou castes) étaient plus nombreux, comme le système des castes en Inde. L'appartenance à une caste est la plupart du temps liée à un statut qui se transmet héréditairement.

Lorsque ces sociétés étaient à leur apogée, les notions de castes et de classes correspondaient globalement. Cependant plus l'échange marchand se développe, et avec lui la bourgeoisie, plus elles tendent à se disjoindre, créant des enchevêtrements complexes :

  • des nobles déchus conservent leur statut de noble, mais étant sans terre, ils ne font plus partie de la classe des propriétaires fonciers qui était le cœur du pouvoir nobiliaire (par exemple la figure du baron des Bas-Fonds de Gorki),
  • dans des circonstances où la société bourgeoise n'est pas encore hégémonique, certains grands bourgeois achètent des titres de noblesse (et certains rois en vendent parce qu'ils ont besoin de l'argent de la bourgeoisie, et cette transaction elle-même exprime l'embourgeoisement des valeurs), ces gens sociologiquement bourgeois entrent ainsi dans la caste noble,
  • en Russie jusqu'en 1917, les paysans gardaient un statut de paysan attaché à leur personne, même quand ceux-ci étaient devenus des ouvriers.

Les révolutions bourgeoises ont généralement tendance à abolir les castes, souvent au nom du libéralisme politique, la tendance historique sous-jacente étant la libération des forces productives du carcan des anciens rapports de production. C'est ce qui s'est passé en France en 1789 (abolition du système des « trois états », noblesse, clergé, tiers état), en Russie en 1917...

Ceci est cependant loin d'être un processus s'exprimant de façon « pure » et mécanique. Ainsi la Révolution anglaise, dans un contexte où les idées républicaines sont encore largement hérétiques, maintient les statuts de la noblesse (la bourgeoisie parviendra à se développer dans une entente relativement pacifique avec la noblesse). De nombreuses formes de développement inégal et combiné sont apparues : le système des castes en Inde s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui, bien que les rapports de production capitalistes se soient quand même développés.

4 Théories sur les classes[modifier | modifier le wikicode]

Les classes sont un phénomène si réel que seules d'invraisemblables contorsions intellectuelles permettent aux penseurs bourgeois de les travestir ou d'en gommer les traits saillants. Toutefois, des grilles d'analyses différentes peuvent être employées, et des idéologies différentes peuvent être développées.

4.1 Origine du concept[modifier | modifier le wikicode]

La division de la société en classes dans la société issue de la révolution industrielle apparaissait clairement, y compris aux penseurs bourgeois. Marx disait lui même en 1852 :

« Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert ni l'existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Bien longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient décrit l'évolution historique de cette lutte des classes, et des économistes bourgeois en avaient analysé l'anatomie économique. »[5]

En 1780, Marat écrit :

« Périssent donc enfin ces lois arbitraires, faites pour le bonheur de quelques individus au préjudice du genre humain, et périssent aussi ces distinctions odieuses qui rendaient certaines classes du peuple ennemies des autres, qui font que la multitude doit s’affliger du bonheur du petit nombre, que le petit nombre doit redouter le bonheur de la multitude. »[6]

En 1794, Chamfort écrit « La société est composée de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d'appétit, et ceux qui ont plus d'appétit que de dîners ».[7]

Certains ont une vision si éloignée du matérialisme qu'ils en arrivent à parler de « déconstruction de sa classe ».[8]

4.2 Marxisme analytique[modifier | modifier le wikicode]

Erik Olin Wright, partisan du marxisme analytique, propose une synthèse entre trois approches théoriques de la notion de classe sociale : la vision (stratificationniste) focalisée sur les attributs individuels, la vision (weberienne) centrée sur les mécanismes d'accaparement des opportunités, et la vision (marxiste) des rapports de domination et d'exploitation.[9]

5 Notes[modifier | modifier le wikicode]

Le gâteau de mariage du tsar

  1. 1,0 et 1,1 Représentation de la stratification sociale en France selon Alain Lipietz.
  2. Radio France, Classes sociales : un concept en voie de disparition, 2018
  3. New York Times, 26 novembre 2006
  4. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/27/01016-20140227ARTFIG00002-les-jeunes-ne-croient-plus-a-l-ascenseur-social.php
  5. Karl Marx, Lettre à J.Weydemeyer, 5 mars 1852
  6. Jean-Paul Marat, Plan de législation criminelle, 1780
  7. Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, 1794, p. 38
  8. makesense.org, Bourgeois, moi ? Petit kit de déconstruction de sa classe sociale, mai 2022
  9. Erik Olin Wright, Comprendre la classe. Vers une approche analytique intégrée, 2009