Protectionnisme

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Le protectionnisme est une politique économique visant à favoriser les entreprises nationales vis à vis des étrangères. C'est l'opposé du libre-échange, qui lui se définit plutôt par la négative, par l'absence de mesures protectionnistes.

Le capitalisme a une tendance à favoriser le libre-échange, la division internationale du travail et donc la mondialisation capitaliste et impérialiste. Mais cette tendance est plus ou moins contre-carrée par certains États menant des politiques protectionnistes, pour des raisons nationalistes ou sociales.

1 En bref[modifier | modifier le wikicode]

L'augmentation des forces productives a créé une tendance à l'essor du commerce mondial, et l'essor du capitalisme industriel a donné un avantage majeur aux pays qui y sont entrés les premiers (Royaume-Uni, puis Europe, États-Unis, Japon...). Un avantage à la fois en termes de compétitivité économique, et en termes de puissance militaire. Les puissances dominantes ont donc le choix entre dominer par le jeu de l'économie, et imposer leurs intérêts militairement.

Au 19e siècle, les britanniques se sont mis à vanter le libre-échange, parce que leur industrie y gagnait largement. Ils sont aussi devenus le principal impérialisme. Dans une certaine mesure, le libre-échange a des effets positifs de par les avantages comparatifs et les économies d'échelle, et il a eu tendance à s'étendre. Mais il a aussi des effets négatifs, particulièrement lorsqu'il y a des inégalités de développement majeures. C'est pourquoi les États prennent parfois des mesures protectionnistes, pour défendre leur bourgeoisie nationale, ou pour éviter de trop grandes luttes sociales.

Le curseur entre protectionnisme et libre-échange s'est donc déplacé selon la situation économique (fort protectionnisme dans la Grande dépression des années 1930...) et les pays (protectionnisme plus fort dans les pays en développement, ou dans les impérialismes déclinant comme les États-Unis...).

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Le principe du protectionnisme est simple : rendre les marchandises provenant de l'étranger plus chères sur le marché intérieur que les marchandises produites nationalement. Cela peut être fait de différentes manières :

Le protectionnisme peut aussi viser à contrôler la circulation des capitaux (empêcher les délocalisations, ou les investissements étrangers).

D'autres mesures protectionnistes sont des "barrières non tarifaires", c'est-à-dire ne jouant pas sur la taxation mais sur la réglementation, sur des aides indirectes favorisant les entreprises locales, etc. Même les mesures fixant des règles sur l’étiquetage des produits sont dénoncées par les multinationales comme du protectionnisme, parce qu'elles peuvent servir à influer sur les consommateurs. On parle parfois de néoprotectionnisme.

Le protectionnisme a cependant des inconvénients pour les capitalistes :

  • chaque pays va réagir à des mesures protectionnistes de ses voisins par de nouvelles mesures, ce qui tend à annuler les effets bénéfiques (le pays qui a pris les mesures a fait diminuer les importations concurrentes, mais les mesures en réaction font diminuer ses exportations),
  • pour conserver l'avantage, il faut se lancer dans une course incessante à de nouvelles mesures protectionnistes, ce qui a pour effet de créer de l'instabilité / imprévisibilité, qui nuit aux investissements.

2 Historique[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Origines[modifier | modifier le wikicode]

Une des premières formes de protectionnisme est le mercantilisme. Cette politique économique, qui dominait en Europe entre les 16e et 18e siècle, visait une balance commerciale positive, donc favoriser les exportations et limiter les importations.

Aux 16e et 17e siècles, le Royaume-Uni n'a pas encore une suprématie industrielle, et se retrouve à prendre des mesures protectionniste contre sa propre colonie des Indes. En effet les textiles indiens font fureur en Europe, avec leurs motifs riches et colorés. Les marchands anglais font alors pression sur le Parlement, et obtiennent un durcissement progressif des droits de douane sur ces importations, et bientôt une interdiction totale. En 1700, les seuls textiles qui peuvent être d'Inde sont vierges. En parallèle, les industriels anglais se mettent à faire sur place des textiles avec des motifs riches et colorés...[1]

2.2 19e s. : essor britannique et libre-échange[modifier | modifier le wikicode]

2.2.1 Débat sur les Corn Laws (années 1840)[modifier | modifier le wikicode]

Les Corn Laws étaient une série de lois protectionnistes adoptées au Royaume-Uni entre 1773 et 1815 pour encadrer le commerce des céréales avec l'étranger. Le Corn Law Act de 1815 interdisait toute importation de céréales lorsque les cours passaient en dessous d'un certain seuil. L'essor de la révolution industrielle en Angleterre va favoriser le courant en faveur du libre-échange. Les industriels voulaient que l'Angleterre développe un avantage comparatif dans l'industrie : l'importation de céréales moins chers pouvait faire baisser le prix de l'alimentation des ouvriers, donc faire baisser le « coût du travail » et améliorer la compétitivité des industriels. Réunis dans une Ligue pour l'abolition des lois sur le blé (Anti-Corn Law League), ils lancèrent dès 1838, en utilisant des techniques de diffusion novatrices, une vaste campagne pour faire pression sur le pouvoir politique. Ayant besoin de l'appui de la classe ouvrière, les libre-échangistes n'hésitaient pas à faire de la propagande insistant sur le prix du pain, mettant en avant sur leurs affiches deux miches de pain (« big loaf »). Ils promettaient aussi qu'ils soutiendraient la limitation de la journée de travail à 10h, ce qu'ils firent tout pour freiner ensuite.

Pamphlet contre les Corn Laws adressé aux ouvriers

Face à eux, les grands propriétaires terriens (souvent des aristocrates) défendaient les lois protectionnistes, pour ne pas que la concurrence étrangère rogne sur leurs marges et menace l'agriculture anglaise. Le Premier ministre Robert Peel abolit finalement les Corn Laws en 1846.

Dans son Discours sur la question du libre-échange[2] prononcé en janvier 1848, Marx prend position pour l’abolition des lois sur les céréales, donc pour le camp du libre-échange, tout en dénonçant ouvertement l'hypocrisie des libre-échangistes. Il précisait qu'il s'agissait pour lui d'accélérer la destruction de l'ancienne société pré-capitaliste, et d'accentuer la lutte des classes bourgeoisie/prolétariat.

« En général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange ».

Certains marxistes ont fait valoir que cette position du jeune Marx n'est pas forcément celle qu'il faut retenir, et que le contexte (conflit entre aristocratie et bourgeoisie) n'est plus celui du 20e et du 21e siècle et que cela n'aurait pas de sens de transposer cette position de Marx aux débats contemporains.

2.2.2 Réactions protectionnistes[modifier | modifier le wikicode]

Globalement, au 19e siècle, alors que le Royaume-Uni prônait le libre-échange, avantageux pour lui en tant que première puissance industrielle, les autres pays étaient plus hésitants.

Les choix économiques ont été étroitement liés à la question nationale. La formation d'une bourgeoisie avec un minimum de puissance nécessite un marché un minimum étendu, ce qui a poussé à l'unification d'un marché intérieur au sein d'un espèce culturel « commun », et donc à la mise en avant de l'idéologie de la Nation.

En France, la plupart des entraves au commerce intérieur ont été abolies lors de la révolution de 1789. En Italie ou en Allemagne cela s'est fait plus progressivement. Dans le même temps, se posait la question des rapports entre ce marché intérieur et les marchandises venant de l'étranger, notamment de la puissance industrielle britannique.

En Allemagne, le Zollverein était une union douanière servant à la fois l'unification, et la protection de l'industrie nationale. Il était à la fois une augmentation de la sphère du libre-échange à l'intérieur (d'innombrables barrières entre principautés féodales ont été abolies), et une barrière commune face aux produits anglais. L'économiste Friedrich List développe une pensée protectionniste.

Aux États-Unis, le Nord en train de s'industrialiser était protectionniste, tandis que le Sud, dont les plantations de coton esclavagistes alimentaient le Royaume-Uni, était libre-échangiste. Ce conflit a été un des facteurs de la Guerre de Sécession. Un des principaux économistes qui défendaient le protectionnisme aux États-Unis était Henry Charles Carey (que Marx décrivait comme « le seul économiste américain d'importance », tout en se livrant à « une guerre secrète » contre ses idées[3]).

2.3 Fin 19e , début 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]

2.3.1 Divisions dans la bourgeoisie[modifier | modifier le wikicode]

On donne parfois le nom de "première mondialisation" à la période 1870-1914. Le capital s'étend toujours plus à l'échelle mondiale, et le commerce mondial connaît un premier essor. Mais c'est loin d'être sous la forme d'un libre-échange purement commercial. Le colonialisme est omniprésent, ainsi que des formes de semi-colonisation.

A la fin du 19e siècle, dans le contexte de la « longue dépression » (1873-1896) et de nouvelles concurrences internationales, les principaux pays capitalistes multiplient les mesures protectionnistes: le tarif allemand de 1879, le tarif McKinley de 1880 aux États-Unis et le tarif japonais de 1899... Le recours aux mesures protectionnistes est alors très lié aux conflits politiques entre puissances impérialistes. Pour plusieurs marxistes (Kautsky, Hilferding, Lénine...), ce tournant protectionniste est décrit comme une des caractéristiques du « stade impérialiste ».

En France elles visent à protéger à la fois les industriels et les agriculteurs (notamment du blé états-unien, canadien et argentin qui arrivait au Havre moins cher que le blé français). Une des mesures phare est le tarif Méline de 1892. L'impact de ces mesures sont alors controversées : le coût de la vie augmente, en particulier pour les ouvriers des villes, le protectionnisme est accusé de freiner la modernisation économique... Les motivations sont aussi politiques : les politiciens cherchent à s'attirer le soutien des agriculteurs et donc doivent limiter les effets de l'industrialisation et de la concurrence internationale qui les ruine. Le maintien de productions agricoles locales (plus que pour d'autres secteurs) s'explique aussi par la recherche d'une sécurité alimentaire.

Par une loi spéciale du 6 février 1880, le ministère français des Finances a été habilité à interdire des émissions de titres vers l'étranger et à refuser la cotation de prêts étrangers à la bourse française, ce qui a été utilisé contre l'Allemagne. En 1909, le gouvernement français a refusé un prêt à l'Argentine parce qu'en 1908 ce dernier avait passé une commande avec l'allemand Krupp et non avec le site Schneider du Creusot. En 1909, le même gouvernement refuse d'accorder un prêt à la Bulgarie pour « manque de garanties suffisantes », le prêt était garanti par une banque austro-allemande. En septembre 1910, un prêt est refusé à la Hongrie, et un prêt est accordé à la Serbie sous la condition de passer des commandes avec Schneider.. Le gouvernement russe a fait construire des croiseurs en France en échange de prêts, etc.[4] En 1909, les États-Unis prennent des mesures protectionnistes contre le vin, la soie et les automobiles français (loi Payne), et la France réagit en refusant la cotation à la Bourse de Paris de la United States Steel Corporation.

Des accords commerciaux bilatéraux sont aussi passés, même si le paysage général reste alors celui de la guerre économique : le traité franco-russe de septembre 1905, les traités de 1908 entre la Suède et la France et entre la Suède et le Danemark; le traité douanier franco-japonais d'août 1911...

2.3.2 Positions des socialistes[modifier | modifier le wikicode]

A l'époque, une très grande partie des socialistes s'affirmaient pour le libre-échange, associant le protectionnisme au nationalisme.

Selon Vandervelde, « le libre échange, l’universalisation du marché, l’uniformisation de la production industrielle et les conditions d’existence qu’elle entraîne, effacent par degrés les démarcations et les antagonismes entre nations. ». Bernstein va plus loin en écrivant que « les socialistes (...) sont le véritable parti du libre commerce des nations ».[5]

En 1879, Bismarck fait passer au parlement un tarif protectionniste sur le fer, et un député SPD vote pour (Max Kayser, considéré comme un des plus droitiers[6][7]), espérant par là limiter le chômage[8]. Marx et Engels écrivent aux leaders du parti pour s'insurger.[9] Au sein de la fraction parlementaire SPD, les députés décidèrent d'admettre le vote dissident de Kayser, au prétexte que cette question ne concernerait que la bourgeoisie et que chacun pouvait voter comme il le voulait.[10]

Engels reprochait en 1891 à certains socialistes allemands de se contenter de reprendre les argumentaires libre-échangistes face aux bourgeois devenus protectionnistes.[10]

2.3.2.1 Socialistes britanniques[modifier | modifier le wikicode]

Avant 1914, la Société Fabienne était parmi les mouvements socialistes anglais la seule à être protectionniste, tous les autres mouvements étant en faveur du libre-échange[11]. Les Fabiens espéraient entre autre influencer les Libéraux Impérialistes (courant qui soutenait une « préférence impériale »).

2.3.2.2 Position de Kautsky[modifier | modifier le wikicode]

Se plaçant dans la continuité du Discours sur le libre-échange de Marx[12], Kautsky soutenait que les salarié·es ont plus intérêt au libre-échange qu'au protectionnisme. Il faisait la même analyse sur l'antagonisme entre les deux principaux secteurs des classes possédantes à l'époque :

« On retrouve dans l'économie capitaliste le même antagonisme entre la ville et la campagne, l'industrie et l'agriculture, qu'autrefois. Il s'exprime avec une vigueur particulière dans les questions de fiscalité. Là où les industriels sont des libre-échangistes, les agrariens sont des protectionnistes, et vice versa. »[13]

2.3.2.3 Position de Jaurès[modifier | modifier le wikicode]

Les socialistes sont divisés à cette époque sur la question du protectionnisme.

Jaurès constate début 1887 un conflit entre intérêts des ouvriers et des paysans : « La question est redoutable, car elle met aux prises, au moins en apparence, l'intérêt des villes et l'intérêt des campagnes : les ouvriers ne veulent pas payer leur pain plus cher, et les producteurs de blé, qui bien souvent sont eux aussi des travailleurs, levés avant le jour, veulent vivre. »

Jaurès adopte une position, qui sera constante dans les débats répétés sur les tarifs du blé : il demande un sacrifice aux ouvriers des villes, mais à la condition que cet effort soit bien au profit des travailleurs agricoles. Il ne s'oppose pas à des mesures protectionnistes, mais les lie étroitement à d'autres mesures sociales comme la mise en place d'un impôt sur le revenu progressif. En 1890, il dit de façon synthétique : « la politique douanière unie à des réformes démocratiques d’impôt est bonne ; sans ces réformes elle n’est qu’une exploitation scandaleuse des pauvres. »

Son argumentation met en avant un souci de justice sociale mais aussi une justification économique de type sous-consommationniste. En 1897, il dit par exemple :

« Monsieur le président du Conseil, là est la contradiction essentielle de votre politique protectionniste. Pendant que, par des tarifs de douane, vous favorisez les producteurs, c'est-à-dire, dans une large mesure, les possédants, vous n'avez pas la force, vous n'avez pas le courage, vous n'avez peut-être pas la possibilité politique et sociale de demander aux classes possédantes, aux classes les plus riches, les sacrifices d'impôts qui seraient nécessaires, précisément pour accroître la consommation populaire dans la mesure où se développe la production nationale. »

Il déplore aussi la confusion politique et « la fusion qui s’est faite, dans un groupe incolore, des éléments protectionnistes de gauche et des éléments protectionnistes de droite ».

Jaurès souligne en juillet 1897 les limites des solutions protectionnistes :« on parle surtout de la concurrence étrangère et on néglige les autres causes du mal, même celles sur lesquelles on pourrait agir ; c’est que la question la plus facile à résoudre semble la question douanière». Quant à la position de fond des socialistes, il énonce :

« Du principe même du protectionnisme, je n’ai pas à discuter en ce moment. Les socialistes ne sont pas protectionnistes comme M. Méline, mais ils ne sont pas davantage libre-échangistes comme M. Léon Say ou comme M. Aynard (…) Le socialisme, c’est-à-dire l’organisation sociale de la production et de l’échange exclut, à la fois, et la protection qui ne peut guère profiter aujourd’hui qu’à la minorité des grands possédants, et le libre-échange, qui est la forme internationale de l’anarchie économique. »

Enfin le protectionnisme était aussi utilisé par des politiciens opposant des discours nationalistes aux travailleurs immigrés. Face à la mise en concurrence des travailleurs, Jaurès revendique « un salaire minimum pour les travailleurs, étrangers ou français, de façon à prévenir l’effet déprimant de la concurrence ».[14]

2.4 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]

2.4.1 Entre-deux-guerres[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1930, à la suite de la crise de 1929, le protectionnisme atteint des sommets.

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2.4.2 Trente glorieuses (1945-1975)[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Trente Glorieuses.

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, les pays impérialistes se mettent d'accord, sous le patronage des États-Unis, pour remettre en place un minimum d'échanges commerciaux. Un Accord général sur les tarifs douaniers (GATT) est mis en place en 1947.

Pendant les Trente glorieuses, période de forte croissance, le libre-échange progresse et revient progressivement au niveau qu'il avait atteint au début du 20e siècle. Cela n'empêchait pas certaines barrières tarifaires ou non tarifaires de rester très importantes. La limitation des échanges passait parfois directement par des négociations.

Dans l'agriculture par exemple, l'immédiat après-guerre est marqué par un fort protectionnisme. Les agriculteurs ont bénéficié de prix suffisants pour vivre mais aussi pour investir. Une fois son agriculture devenue forte, la France a commencé à ouvrir progressivement les marchés, pas pour s’ouvrir aux importations mais pour réaliser enfin « notre vocation exportatrice ». En 1962, un marché commun agricole est mis en place entre 6 pays (France, Italie, Allemagne fédérale, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), qui présentaient des profils "complémentaires", davantage de productions végétales au sud, de productions animales au nord, et globalement un volume d’importations alimentaires jugé trop important. La « préférence communautaire » devait développer des échanges mutuellement profitables. Ce marché commun était doté d'un protectionnisme offensif : des "prélèvements" sur les produits entrants servaient à financer des "restitutions" (subventions) aux produits sortants.

En 1967, les États-Unis ont commencé à limiter leurs importations d’acier en imposant des restrictions « volontaires » à la CEE et au Japon.

Le Japon, malgré ses tarifs douaniers moyens inférieurs à ceux de la CEE (3 % au lieu de 5 % en 1974), protégeait son marché par une multitude de quotas et règlements de toutes sortes, particulièrement dans les secteurs que l'État japonais voulait protéger et développer. Par exemple, il donnait des délais d’homologation extrêmement longs aux produits chimiques ou pharmaceutiques étrangers.

Par ailleurs, la monnaie a également été utilisée comme arme protectionniste, surtout après la suppression par les États-Unis de la parité du dollar par rapport à l'or en 1971. Cela permit une dévaluation de près de 8 % du dollar, et donc un fort coup de pouce à la balance commerciale américaine au détriment des autres pays capitalistes.

En 1974, la France contrôlait 32,8 % de ses échanges, les États-Unis 36,2 %, l’Allemagne 37,3 %, la Grande-Bretagne 38,5 %, l’Italie 44,1 %, le Japon 56,1 %.

2.4.3 Crise des années 1970[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Tournant néolibéral.

Pendant la crise des années 1970, une tentation protectionniste apparaît, si bien que certains marxistes se demandent jusqu'où elle peut aller[15]. Pour les produits manufacturés, on est passé au sein de l’OCDE, de 4 % de la production contrôlée nationalement en 1974 à 17,4 % en 1980. En 1979 la France plaça sous « surveillance » ses importations de certains textiles en provenance d’autres pays de la CEE, de l’Italie notamment. Début 1980, la Grande-Bretagne introduisit des restrictions sur certaines fibres synthétiques importées des États-Unis mais les abrogea à la fin de cette même année par crainte de représailles sous forme de droits accrus sur ses exportations de laine vers les USA. Les États-Unis demandent en 1981 au Japon une auto-limitation de ses exportations d'automobiles jusqu’en 1984.

A la fin des années 1970, le PCF produit toute une série d'affiches « Produisons français ! » et d'autocollants à coller sur les produits importés.

Face aux difficultés mises par les autorités de New York pour l'aterrissage du Concorde, le PCF, organise une manifestation le 12  juillet 1977 avec les slogans : "Boeing go home", "Avec le PCF défendons l'industrie aéronautique. Il y va de l'intérêt national", "Ils veulent briser les ailes du Concorde, défendons-le !", "Giscard, Chirac assez d'abandons ! Pas de Concorde à New York, pas de Boeing à Paris !", "Ils ferment nos usines. Ils investissent à l'étranger : Fabriquons français !".[16]

2.4.4 Tournant néolibéral (années 1980)[modifier | modifier le wikicode]

Toutefois à partir des années 1980, les puissances impérialistes vont globalement accélérer la libéralisation, et le niveau d'ouverture des économie atteint des niveaux sans précédent. Le recours au protectionnisme est de plus en plus encadré, et les tarifs douaniers sont progressivement abaissés. Les accords bilatéraux et multilatéraux se sont multipliés.

Le multilatéralisme a alors pris un essor sans précédent dans l’histoire, avec les négociations de du GATT, qui devient l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1995. Ces négociations sont longues et houleuses (Kennedy Round en 1967, Tokyo Round en 1973-1979, Uruguay Round en 1986-1992…), mais qui semblent alors faire tendre le monde vers toujours plus de libre-échange. De plus en plus de règles ont interdit le recours à des armes protectionnistes (comme la dévaluation au sein de la zone euro), ou les ont encadré (seuils maximums autorisés pour les tarifs douaniers).

L'OMC concède alors que les pays en développement sont légitimes à imposer des tarifs douaniers un peu plus élevés pour protéger leurs économies.[17]

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Mais l’intégration s’est surtout faite par blocs, les intérêts étant souvent plus convergents :

  • Amérique du Nord : accord de libre échange entre le Canada et les États-Unis en 1988 (ALE).
  • Europe de l’Ouest : une union douanière est en place en 1968, mais de nombreuses barrières non tarifaires perdurent, et la crise des années 1970 freine l’intégration, qui est vraiment relancée à partir de l’Acte unique de 1986.
  • Asie du Sud-Est : l'ASEAN (1967) commence à viser en 1991 une zone de libre-échange (AFTA), qui voit le jour un 2002, après avoir été retardée par la crise de 1997.
  • Amérique latine : une première tentative a lieu en 1960 avec l’ALALE, puis ALADI (1980).
  • Afrique : SACU (1910, 1969), CEDEAO (1975), COMESA (1981-1994)

En 1994, l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis est étendu au Mexique (ALENA, renégocié en 2020 en ACEUM). C'est la première fois qu'une zone de libre-échange intègre des pays avec des niveaux d'industrialisation si différents.

L'idéologie libre-échangiste est alors à son sommet. Les États-Unis prônent une zone de libre-échange intégrant toute l'Amérique (ZLEA), des discussions commencent sur une zone de libre-échange entre États-Unis et Union européenne (TAFTA)... Un accord (AMI) entre pays de l'OCDE est même préparé en secret en 1995 (puis abandonné suite au tollé), tellement l'économie est alors vue comme une technique devant être mise en hors de portée des « manipulations » démocratiques.

2.5 Situation actuelle[modifier | modifier le wikicode]

La mondialisation néolibérale de la fin du 20e siècle a établi un niveau de libre-échange sans précédant dans l'histoire du capitalisme. Cependant, la stagnation économique provoque une montée des frustrations sociales et des nationalismes, qui tendent à faire remonter le protectionnisme.

2.5.1 Protectionnisme historiquement bas[modifier | modifier le wikicode]

Le libre-échange et l'interdépendance entre économies sont plus élevés que jamais. En 2008, la part importée dans la consommation finale des ménages est de 43% en France, et 38% en Allemagne. Cette part a augmenté de +30% en France entre 2000 et 2008 (+21% en Allemagne). On retrouve une proportion assez proche pour les achats de moyens de production : la part importée dans la FBCF est de 42% en 2008 contre 38% en Allemagne. Elle évolue plus vite en France qu’en Allemagne entre 2000 et 2008 (+16% contre +7%).

Ce sont surtout les tarifs douaniers ou les protections par des quotas qui ont été abaissés significativement. Dans les années 2000, ils tendaient encore à diminuer (l'UE a cessé de limiter l’importation de textiles hors-UE en 2005, d'acier ukrainien en 2008...). Le secteur agricole est un des secteurs les plus protégés (le Japon bloque le riz étranger par des taxes à 800%...), car il emploie généralement beaucoup de monde et car la souveraineté alimentaire est vue comme stratégique.

L'outil de la guerre monétaire est toujours utilisé (les États-Unis laissent baisser le cours du dollar baisser afin de le favoriser au détriment de l'euro ; la Chine maintient le yuan à un niveau artificiellement bas, le Brésil conteste[18]…) mais à une échelle bien moindre que par le passé.

Les projets d'accord comme le TAFTA et le CETA ne visent pas tellement à abaisser les droits de douane, déjà très bas, mais surtout à abaisser le protectionnisme "non tarifaire", par exemple :

  • Subventions : Au moment de la crise de 2008, la France et les États-Unis aident largement leurs constructeurs automobile ; en 2009, les autorités françaises débloquent 5 milliards d'euros pour les acheteurs d'Airbus, etc.
  • Subventions déguisées : Elles sont de toutes sortes. Par exemple Boeing bénéficie d’importants transferts de technologies gratuits une fois des techniques financées et mises au point par l’armée états-unienne ; la France donne un coup de pouce à ses constructeurs automobiles par le biais de primes à la casse à vocation soi-disant écologistes...
  • Marchés publics : pour ce type de marchés (1000 milliards d'euros par an), le taux d'ouverture européen est de 90 %, alors qu'il n'est que de 32 % aux États-Unis, de 28 % au Japon, et de 0 % dans les « pays émergents »
  • Interdiction ou limitation des investissements : les États ont voté des lois empêchant la prise de possession par des étrangers d’entreprises dans un certain nombre de secteurs « stratégiques » (France[19], États-Unis, Allemagne, Russie…).
  • Normes : fixation de normes sanitaires ou de sécurité sur les produits. C’est notamment une façon pour l’UE d’annuler le dumping environnemental des États-Unis (conflit sur le bœuf aux hormones depuis 1988 par exemple). Ces derniers avaient aussi utilisé des normes sur le bruit pour bloquer le développement du Concorde. La Chine a interdit à Zara de vendre ses produits sur son territoire chinois pour des raisons « techniques », mais parce que Zara est aussi une des rares marques à ne pas faire fabriquer ses produits en Chine.
  • Autres freins administratifs : un pays peut poser des obstacles administratifs, qui se traduisent directement ou indirectement en coût (longues procédures de dédouanement…)

L'Union européenne a été et reste une fervente défenseuse de l'idéologie du libre-échange, parce que cela a été son moyen d'intégration intra-européen, et aussi parce que c'est un outil de domination des pays moins avancés. Mais contrairement aux États-Unis ou au Japon, elle a aussi des droits de douane faibles à l'entrée de son marché commun. Une des raisons structurelles est que les différents États membres, et les différentes entreprises au sein de chaque État, n'ont pas les mêmes intérêts.

2.5.2 Tendance à la hausse[modifier | modifier le wikicode]

Hausse du protectionnisme depuis 2008

Globalement, les grands patrons (plus liés à l’international) sont pour le libre-échange et ne veulent pas d'un tournant protectionniste. Les entreprises qui vivent de leurs ventes à l'exportation et celles qui intègrent dans leurs fabrications des composants venus de l'étranger seraient en grande difficulté si les échanges étaient brusquement entravés. Si les taxes aux frontières augmentaient brusquement (toutes choses égales par ailleurs), il y aurait une hausse des prix massives (hausse des prix des produits importés + hausse du prix des produits made in France basés sur des produits importés).

Par ailleurs toute mesure protectionniste est susceptible d'entraîner une réaction des autres pays capitalistes qui tendrait à annuler les bénéfices attendus. Si elle provoque une réaction en chaîne, l'instabilité (qui nuit aux investissements) peut en plus avoir un effet nettement négatif.

Pour toutes ces raisons, il n'y a pas de solution protectionniste dans le cadre du capitalisme. Cependant, malgré les économistes qui essaient de rationaliser la gestion du capitalisme, celui-ci est incapable d'apporter une perspective de vie décente à la plupart de l'humanité, et alimente en contrecoup des frustrations sociales, qui peuvent pousser à des politiques en apparence « irrationnelles » (en fait, qui ont une rationalité dans un cadre plus étroit et de court-terme).

Ainsi les États-Unis prennent de plus en plus de mesures protectionnistes contre la Chine, notamment dans la tech (contre Huawei, ZTE, TikTok, WeChat[20]...). Même si cette politique est poursuivie par les Républicains comme par les Démocrates, Donald Trump, qui agite le nationalisme, est particulièrement virulent contre la Chine. Lors de son retour au pouvoir en 2025, il décide une augmentation de 10% des droits de douane[21], il remet en question l'accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique[22], les principes du multilatéralisme actés auparavant...[17]

La perspective de plus violentes guerres de taxes ou guerres monétaires n'est pas à écarter.

3 Études économiques[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Indicateurs[modifier | modifier le wikicode]

Depuis la fin des années 1950 jusqu'à 2010, les droits de douanes des pays industrialisés sont passés en moyenne de 40 % à 4%. Dans le même temps, les échanges mondiaux ont été multipliés par 17.

3.1.1 Poids du commerce mondial[modifier | modifier le wikicode]

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On peut mesurer le poids qu'a le commerce mondial de diverses façons : en rapportant le volume des imports-exports au PIB, ou le volume des investissements à l'étranger (IDE) au PIB...

Cela ne mesure pas le protectionnisme, car le commerce mondial peut croître malgré le protectionnisme, comme dans les 30 glorieuses. Mais il y a une influence.

3.1.2 Taux d'ouverture[modifier | modifier le wikicode]

Les économiques mesures le « taux d'ouverture » des économies, considéré comme le degré « d'ouverture » au marché mondial, le degré de « libéralisation » du commerce extérieur. Ces termes (liberté, ouverture...) sont bien entendu idéologiques, servant à faire passer les critiques du néolibéralisme pour de l'étroitesse nationaliste.

Le taux d'ouverture est généralement mesuré en calculant le poids des importations et exportations par rapport au PIB du pays.

Pour les pays développés il est passé de 16,6 % à 24,1 % entre 1985 et 1997 et de 22,8 à 38 % dans les pays en développement sur la même période.

2015[23]
UE États-Unis Chine
17% 14% 20%
2006
Monde 21%
France 21%
UE 13%
Allemagne 32%
Chine 31%
Belgique 81%
Singapour 110%
USA 11%
Japon 11%
Icon-Wikipedia.png Voir sur Wikipédia : Taux d'ouverture.

3.2 Impact du protectionnisme[modifier | modifier le wikicode]

Il y a globalement un consensus entre économistes dominants (néoclassiques et keynésiens mainstream) sur le fait que le libre-échange favorise la croissance globale. Ce qui ne signifie pas que les politiciens suivent toujours ces recommandations.

D'un point de vue marxiste, il faut sans doute reconnaître que c'est factuel, car de nombreuses études empiriques semblent appuyer cette affirmation, mais il faut souligner deux points :

  • Fondamentalement, la croissance sous le capitalisme est à la fois insuffisante pour répondre aux besoins sociaux de façon harmonieuse (extrême richesse pour les uns, misère pour les autres) et mal orientée voire trop élevée du point de vue écologique. Les communistes défendent donc une gestion directe de l'économie plutôt qu'un chimérique capitalisme social (national ou international).
  • A plus court terme, l'effet d'une éventuelle hausse légère de la croissance par un accroissement du libre-échange se fait souvent au prix de beaucoup d'effets sociaux délétères, de pertes de souveraineté, et donc de tensions, qui justifient largement de s'y opposer.

Par exemple, des études indiquent que le libre-échange entre Mexique, États-Unis et Canada aurait augmenté légèrement la croissance.[24] Mais dans le même temps, les délocalisations dans les maquiladoras ont créé de la désindustrialisation côté Nord (et tous les ressentiments qui vont avec) et de la surexploitation au Sud. Globalement, cela n'a pas rapproché les populations de ces trois pays mais au contrairement a engendré de la colère.[25][26] Ceux qui y voient le plus clairement un intérêt sont les patrons de multinationales, qui exploitent au mieux les différents coûts du travail ; par exemple l'équipementier français Valeo qui s'inquiète des mesures protectionnistes de Trump car certaines de ses pièces « passent plusieurs fois la frontière entre les États-Unis et le Mexique. »[27]

4 Protectionnisme et impérialisme[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Empires coloniaux[modifier | modifier le wikicode]

Les Empires coloniaux étaient à l'origine de fait des blocs dans lesquels les échanges étaient surtout tournés vers leur métropole, ce qui relève du protectionnisme.

Affiche de l'Empire Marketing Board de la période de la fin des années 1920

Par exemple, le Royaume-Uni a mis en place une politique de « préférence impériale » au sein de son empire colonial et du Commonwealth. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, en tant que première puissance impérialiste, le Royaume-Uni n'avait pas besoin du protectionnisme (ses marchandises se répandaient facilement dans le monde) et se faisait le champion du libre-échange. Vers la fin du 19e siècle, la concurrence mondiale commence à se faire plus rude, et de nombreux pays du prennent des mesures pour favoriser le commerce avec le Royaume-Uni : Canada (1897), Nouvelle-Zélande (1903), Afrique du Sud (1903), Australie (1907). Côté britannique la bourgeoisie se divise sur l'opportunité ou non de rendre ces accords réciproques : Chamberlain est pour la préférence impériale, mais une majorité y est réticente. Une agence chargée de promouvoir la préférence impériale par la communication est créée en 1926, l'Empire Marketing Board. Finalement, en 1933 dans le contexte de la Grande dépression, des mesures ouvertement protectionnistes sont prises : « les producteurs locaux en premier, les producteurs au sein de l'Empire en second, les producteurs étrangers en dernier ». La préférence impériale disparaît de fait au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec les accords du GATT.

4.2 Entre pays impérialistes[modifier | modifier le wikicode]

Les pays impérialistes, qui disposent de puissantes multinationales, ont un certain intérêt au libre-échange mondial. En effet, non seulement ils ont moins à craindre les capitaux étrangers, mais ils peuvent espérer bénéficier partiellement des marchés voisins, et des effets de l'accroissement du commerce et de l'investissement à l'international. C'est ce qui explique par exemple que l'Angleterre, qui devenait la première puissance industrielle au cours du 19e siècle, se mit à prôner le libre-échange au monde entier.

Bien sûr, dans certains secteurs d'autres pays développés sont plus compétitifs et menacent la production nationale. Mais c'est aussi l'inverse dans d'autres secteurs. Par conséquent, les dirigeants de la bourgeoisie refusent en général de prendre des mesures protectionnistes trop drastiques. Par exemple la France, fortement exportatrice de produits agricoles de base ou transformés par l’industrie agroalimentaire, aurait beaucoup à perdre si ses voisins fermaient leurs frontières. Même si elle perd du terrain face aux melons et tomates d'Espagne, elle veut continuer à pouvoir vendre massivement du blé et du vin.[28]

4.3 Entre pays impérialistes et pays dominés[modifier | modifier le wikicode]

Les multinationales impérialistes prônent le libre-échange aux pays dominés. Celles-ci peuvent facilement y acquérir des oligopoles / monopoles en écrasant la concurrence locale. C'est pourquoi les seuls pays qui ont assuré un développement auto-centré l'ont fait avec une certaine dose de protectionnisme et d'interventionnisme, voire d'étatisme. C'est pourquoi aussi les bourgeoisies impérialistes exercent une pression plus ou moins forte sur ces pays pour "ouvrir leur économie" (négociation par la dette, Plans d'Ajustement Structurel, soutien de coups d'Etat pour instaurer des régimes "amis"). Malgré l'échange inégal par nature, les impérialistes n'accordent même pas une égalité formelle.

Le résultat est que les productions des pays du Nord inondent les marchés du Sud. Elles font concurrence à des produits identiques comme le maïs, le lait ou la volaille, voire imposent de nouvelles habitudes alimentaires : faute d’avoir bénéficié de la recherche agronomique, le manioc a de faibles rendements et cède la place au blé importé.

En 1982, les pays de la CEE ne contrôlaient que 20 % de leurs importations en provenance des autres pays industrialisés, alors qu'ils contrôlaient 63 % des importations provenant du Tiers-Monde.

En 1996, un accord de l'OMC réduit les taxes des "pays du Sud" sur les importations de 38%, et celles du "Nord" sur leurs exportations de seulement 19%. Le PNUD estimait alors qu'au total le protectionnisme du Nord coûte 500 milliards de dollars par an à l'Afrique.

5 Protectionnisme et anticapitalisme[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Un mode de régulation du capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

L'économie capitaliste est une économie de marché plus ou moins régulée. Fondamentalement, le degré de protectionnisme ou de libre-échangisme reste un des paramètres du débat régulation/dérégulation. Ce débat reste donc enfermé dans le cadre du capitalisme (comme le contrôle plus ou moins strict des licenciements, etc.). Les communistes révolutionnaires considèrent donc que la mise en place d'une économie planifiée et gérée par les travailleur-se-s eux/elles mêmes sort du cadre. Il ne s'agit pas de protéger les patrons français face à la concurrence étrangère (protectionnisme), ni de laisser la concurrence étrangère libre, puisqu'il s'agit de sortir de la concurrence pour le profit.

5.2 Mesures transitoires ?[modifier | modifier le wikicode]

Néanmoins cette position de principe générale ne signifie pas nécessairement que les militant·es anticapitalistes renvoient dos-à-dos les tenants des mesures protectionnistes et les tenants du libre-échange. Cette question soulève de nombreux débats dans les rangs des communistes révolutionnaires.

Par exemple, Marx prenait position pour le libre-échange en 1848, dans l'idée d'accélérer le développement du capitalisme (et la destruction des restes féodaux)[2]. Dans la 2e internationale, on retrouvait largement cette idée que le libre-échange était au moins partiellement progressiste. Kautsky opposait par exemple aux méthodes coloniales le libre-échange pénétrant pacifiquement dans les pays sous-développés[29].

Au cours du 20e siècle, de nombreux pays sous-développés ont remis en cause le libre-échange, et mis en place des mesures plus ou moins radicales pour assurer une industrialisation plus rapide et plus auto-centrée (permettant de diminuer la dépendance aux importations). Parmi ces mesures figurent les nationalisations et les différentes formes de protectionnisme. Les Partis communistes (3e internationale) ont généralement soutenu sans réserve ces régimes nationalistes bourgeois. Les pays du Bloc de l'Est se sont par ailleurs presque totalement coupés du marché capitaliste mondial, s'intégrant dans un réseau d'échange souvent centré sur l'URSS ou la Chine maoïste. Les trotskistes ont généralement soutenu les mesures visant à plus d'indépendance économique, tout en tentant de conserver leur distance critique envers les régimes bourgeois et staliniens.

En ce qui concerne le débat protectionnisme/libre-échange entre grandes puissances, les positionnements sont différents. Les communistes révolutionnaires considèrent que le libre-échange entre pays comme la France, l'Allemagne ou les États-Unis n'est pas un rapport de domination entre pays. Certains considèrent néanmoins qu'il faut s'y opposer car il s'agit d'un cadre qui renforce la mise en concurrence des travailleurs et facilite leur exploitation. C'est sur cette base que la LCR s'est positionnée contre les traités de l'Union européenne, pour le vote Non au référendum sur la constitution européenne de 2005... En revanche d'autres, comme LO, ont pris une position abstentionniste, en considérant que ces débats économiques ne concernent pas la classe ouvrière.

5.3 « Protectionnisme socialiste »[modifier | modifier le wikicode]

L'objectif des communistes révolutionnaires est une révolution socialiste mondiale. La plupart, notamment les trotskistes, considèrent de plus que le « socialisme dans un seul pays » est impossible.

Cependant, la révolution mondiale est un processus qui n'est pas instantané, et qui doit nécessairement commencer par un ou plusieurs pays, pour s'étendre. Dans la situation où un nouvel État ouvrier tente de mettre en place une économie socialiste sur son territoire, il devra nécessairement rompre le libre-échange avec les pays capitalistes qui l'entourent. Il ne pourra pas rompre tout échange, en raison du besoin de matières premières, de technologies (notamment s'il s'agit d'un pays moins développé)... mais il ne pourra pas laisser faire le marché : les économies capitalistes centrées sur la compétitivité l'emporteraient sur l'économie socialiste balbutiante. Cela nécessite des mesures de protection, que les bolchéviks appelaient du « protectionnisme socialiste ». Une des premières de ces mesures est le monopole du commerce extérieur.

Trotski disait ainsi :

« Le monopole du commerce extérieur, condition vitale de la dictature du prolétariat nous impose ici la nationalisation, le plan unique. On ne peut vendre et acheter au hasard. Notre commerce extérieur doit s'accorder avec le développement de notre économie rurale et tenir compte des possibilités croissantes d'exportation de blé, comme de la nécessité de défendre notre industrie. Car nous sommes résolument partisans du protectionnisme socialiste, sans lequel le capital étranger pillerait notre industrie.  »[30]

Il disait encore : «  Mendeleïev, protectionniste convaincu, a accepté un rôle dirigeant dans l'élaboration de la politique douanière et a écrit "le tarif sensé", dont on peut retenir maintes suggestions valables du point de vue du protectionnisme socialiste.  »[31]

Le jeune État soviétique mit en place place un monopole du commerce extérieur, mais également un contrôle strict des capitaux. Il ne s'agissait pas de viser une autarcie, mais de s'assurer que les échanges avec le monde capitaliste n'entraînent pas une destruction de la fragile économie russe, et en particulier n'empêchent pas le développement d'une industrie locale. L'application concrète de ces mesures posait de nombreux et complexes débats économiques dans le parti communiste.

Pendant la période du « communisme de guerre », le contrôle de l'État était très étroit, mais par ailleurs, en plein conflit militaire avec les puissances impérialistes, le capital étranger ne cherchait pas du tout à s'investir en Russie. Après le tournant de la Nouvelle politique économique en mars 1921, l'économie soviétique est partiellement libéralisée. Un des premiers investisseurs à négocier avec le pouvoir soviétique fut Leslie Urquhart, président de la Corporation russo-asiatique, qui proposa qu'on lui cède des exploitations minières pour 99 ans[32][33].

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Wikipédia : Protectionnisme et Libre-échange.
  1. Thomas Piketty, Capital et idéologie, 2019
  2. Revenir plus haut en : 2,0 et 2,1 K. Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848
  3. Marx, Karl; Engels, Friedrich (1975). "Notes". In Ryazanskaya, S. W. (ed.). Selected Correspondence. Translated by Lasker, I. (3rd ed.). Moscow: Progress Publishers. p. 473. "Carey's views were criticized by Marx in a number of letters (see for instance pp. 67–70, 225–28 of this volume) as well as in Capital and The Theories of Surplus-Value."
  4. Boukharine, Imperialism and World Economy, 1915
  5. Paul Lafargue, Eduard Bernstein, Emile Vandervelde, Edouard Vaillant, Socialisme et internationalisme, 5 juin 1905
  6. August Bebel, in a letter to Julius Motteler, 12 January 1885. Quoted in "Kampf um den revolutionären Charakter der proletarischen Partei. Briefe führender deutscher Arbeiterfunktionäre Dezember 1884 bis Juni 1885". Dietz Verlag, Berlin 1977, p. 86.)
  7. Rolf Schwanitz (March 2015). Max Kayser. Friedrich-Ebert-Stiftung e.V., Landesbüro Sachsen, Leipzig. pp. 117–118.
  8. Vernon L.Lidtke (1966). "Disintegration and recovery". The outlawed party: Social Democracy in Germany 1878-1890. Princeton University Press NJ & Vail-Ballou Press, Inc., Binghamton NY. pp. 84, 70–105
  9. Friedrich Engels, Karl Marx, Lettre circulaire à August Bebel, Wilhelm Liebknecht, Wilhelm Bracke et autres, 17 septembre 1879
  10. Revenir plus haut en : 10,0 et 10,1 Friedrich Engels, Critique du projet de programme social-démocrate de 1891, juin 1891
  11. Semmel, p.64
  12. Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange, janvier 1848
  13. Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
  14. Alain Chatriot, Jaurès, le protectionnisme et la mondialisation, 2011
  15. Lutte ouvrière, Vers une montée du protectionnisme dans le monde ?, décembre 1982
  16. Film de Théo Robichet, 1977
  17. Revenir plus haut en : 17,0 et 17,1 Le Monde, Donald Trump fait fi des règles de l’OMC en imposant des droits de douane réciproques, 14 février 2025
  18. La Tribune, Le Brésil en pointe pour dénoncer "la guerre des monnaies", 28 Sept 2010
  19. Cf. réglementation et contrôle des investissements étrangers en France (IEF) par le ministère de l'économie
  20. Le Monde, Vente de TikTok, interdiction de WeChat, Huawei sur liste noire... la tech chinoise menacée par les Etats-Unis, 14 septembre 2020
  21. Le Monde, La Chine riposte aux nouveaux tarifs douaniers de Donald Trump avec des taxes sur les hydrocarbures et une enquête contre Google, 4 février 2025
  22. L'Opinion, Droits de douane: Trump a l’Accord Canada-Etats-Unis-Mexique en ligne de mire, 26 janvier 2025
  23. Eurostat, Facts and figures about economic globalisation, 12 December 2017
  24. Earl Fry (trad. Laure Géant), « L’ALENA fête ses 20 ans : fondement de l’intégration économique nord-américaine ou victime du repli national ? », Politique américaine, vol. 25, no 1,‎ 2015, p. 19‑35.
  25. Laurent Viau, Michele Rioux et Christian Deblock, L’ALENA conjugue au passé, au présent et au futur : l’intégration régionale 3.0 et les défis de l’interconnexion, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2015
  26. Christian Deblock, « L'ALENA, tremplin ou trappe ? », Montréal, Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM), 2010
  27. Le Monde, Face à Donald Trump, la sidération des entreprises européennes, 4 mars 2025
  28. Nouveau Parti Anticapitaliste, Libre-échange et protectionnisme dans l’agriculture, Octobre 2016
  29. Karl Kautsky, Le socialisme et la politique coloniale, 1907
  30. Trotski, Les tâches du XIIe congrès, avril 1923
  31. Trotski, Mendeleïev et le marxisme, 17 septembre 1925
  32. Lénine, Letter to Pyatakov on Leslie Urquhart’s concession, 6 octobre 1922
  33. Trotski, La nouvelle politique économique des Soviets et la révolution mondiale, 14 novembre 1922