Nervis du patronat

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Tract intersyndical contre les nervis du SNPMI

Un nervi est un homme de main qui agit au nom d'un donneur d'ordre pour menacer, brutaliser ou tuer.

Dans l'histoire du mouvement ouvrier, il était arrivé fréquemment que des travailleur·ses, en particulier des syndicalistes et des grévistes, soient attaqués par des nervis du patronat. Ceux-ci, souvent d'extrême droite, sont parfois regroupés dans des « syndicats » jaunes, ou « syndicat maison ».

1 Étymologie[modifier | modifier le wikicode]

Mot marseillais signifiant « voyou »[1]. Les nervis tirent leur nom du nerf de bœuf, dont ils se servaient pour menacer les passants et leur soutirer leur portefeuille dans les années 1840[2].

À l'origine, ils sont de simples voyous tapageurs. Puis ils multiplient les faits criminels jusqu'à devenir des figures incontournables du crime à Marseille au début du 20e siècle.

Aujourd'hui l'expression est utilisée pour désigner un homme de main, qui au nom de son donneur d'ordre, menace ou brutalise. Il effectue les basses besognes selon les ordres de son chef[3].

2 Historique[modifier | modifier le wikicode]

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Des Pinkerton escortent des briseurs de grève à Buchtel, 1884.

2.1 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Aux États-Unis, à partir de la fin des années 1870, une puissante agence de détectives privés et de sécurité, l'agence Pinkerton, commence à être utilisée par le patronat pour pour briser le mouvement syndical naissant dans tout le pays. Ses agents sont payés pour infiltrer les syndicats et les usines. Les ouvriers les appelaient « les Pinkerton sanguinaires ». Par exemple en 1884, les Pinkerton escortent des briseurs de grève à Buchtel.

2.2 Espagne[modifier | modifier le wikicode]

2.2.1 Pistolérisme[modifier | modifier le wikicode]

À la suite de l'émergence de la Confédération nationale du travail en 1918-1919, la Fédération patronale réagit en fondant des syndicats jaunes, mais aussi plus brutalement en finançant des hommes armés chargés d'assassiner des leaders syndicalistes. Ce phénomène est appelé « pistolerismo ».

Ce « terrorismo blanco » est couvert par des protections dans l'appareil d'État, quand il n'est pas directement dirigé par lui. Le pistolérisme prend fin en 1923 avec le coup d'État de Primo de Rivera.

2.3 France[modifier | modifier le wikicode]

Le Service d'action civique (SAC), créé en 1960 et à l'origine issu du service d'ordre des gaullistes, a viré à l'extrême droite et a commis de nombreuses violences contre les syndicalistes et autres militants de gauche.

Le 13 mai 1971, des militants de la Ligue communiste tentent de diffuser des tracts devant l'usine Citroën de Rennes, et une bagarre éclate avec les membres de la Confédération française du travail (CFT), syndicat jaune qui tenait l'usine d'une main de fer.[4]

Le 25 février 1972, l'ouvrier Pierre Overney est tué par un vigile de la régie Renault de Billancourt.

Dans la nuit du 4 au 5 juin 1977, l'ouvrier verrier Pierre Maître (CGT) était assassiné à Reims par des nervis des membres de l'encadrement de Citroën et de la CFT.[5]

Le Syndicat national du patronat moderne indépendant (SNPMI), anciennement syndicat national des petites et moyennes industries, fut un outil des patrons les plus réactionnaires (pétainistes, anciens de l'OAS...) au début des années 1980. A Cluses (Haute-Savoie), la section locale du SNPMI était particulièrement extrême. Voulant instiller une terreur chez les ouvriers passait, elle passait en 4×4 dans les rues de Cluses avec des fusils de chasse.

A l’automne 1980, suite à un mouvement de grève chez EDF au cours duquel les grévistes avaient coupé le courant à certaines usines, une soixantaine de patrons de la SNPMI attaque les bureaux de l’EDF à l’Epinette et les saccagent.

En février 1982, pendant un lock-out chez JP Dubosson, une soixantaine de membres du SNPMI font obstruction à deux contrôleuses du travail demandant à vérifier les fiches de paie.

Trois mois plus tard, l’Union Locale CGT de Cluses est vandalisée pendant la nuit et le mois suivant, le 9 juin 1982, une action coordonnée voit la mise à sac des unions locales de Thonon, d’Annemasse et de Sallanches. Les vitrines sont brisées, les murs tagués par « CGT = Cancer Généralisé du Travail », et les documents sont volés et dispersés ou noyés sous du purin, comme ce fut le cas à Sallanches.

Au mois de juillet 1982, alors qu’il est certain que les lois Auroux vont être adoptées, le SNPMI va jouer son va-tout. Dans la semaine du 5 juillet 1982, il organise des dizaines d’actions de blocage des trains dans le pays. On en recense à Rennes, Angoulême, Lyon, en Lorraine, dans le Tarn-et-Garonne, en Charente, en Alsace, dans le Centre, etc.

C’est dans ce contexte que le « syndicat national des décolleteurs de Savoie » répond à l’appel en invitant au blocage le 5 juillet de la ligne TGV Genève-Paris en gare de Bellegarde. Le SNPMI se rattache à l’action qui voit 200 patrons se rassembler avant d’être dispersés par les gaz lacrymogènes. Les protestataires finiront par déverser une remorque de gravier sur la route de Culoz.[6]

En mai 2021, une patronne est arrêtée pour avoir commandité l'assassinat d'un syndicaliste qui la gênait.[7]

Le film La syndicaliste relate l'agression et le viol dont a été victime Maureen Kearney pour la faire taire.

Le 17 décembre 2012, la syndicaliste CFDT Maureen Kearney est retrouvée, « bâillonnée et ligotée » sur une chaise, un bonnet sur les yeux, un « A » gravé sur son ventre et le manche d'un couteau de cuisine enfoncé dans le vagin[8]. Cette syndicaliste d'Areva était en pleine campagne de dénonciation d'une décision d'EDF qui menaçait les intérêts d'Areva et de tous ses salarié·es. Les enquêteurs la font passer pour affabulatrice, et elle subit des pressions y compris au sein de la police, qui la conduisent à se rétracter. Ce n'est qu'après un long effort pour remonter la pente, et un nouveau procès en appel, qu'elle est déchargée de l'accusation d'avoir mis en scène le viol. En juin 2006, une affaire similaire avait eu lieu : la femme d'un cadre de Veolia avait été retrouvée violée et tailladée au ventre dans son pavillon de banlieue, alors que son mari était en conflit ouvert avec sa direction[9]. [10]

Dans les deux cas, ces femmes avaient subi des menaces téléphoniques avant ces viols « à domicile ». Dans les deux cas, Henri Proglio était PDG (de Veolia Environnement, puis d'EDF), et l'homme de main Alexandre Djouhri (proche de Proglio) est à proximité.

2.4 Pakistan[modifier | modifier le wikicode]

Le chercheur Laurent Gayer publie en 2023 un livre intitulé Le capitalisme à main armée, qui décrit les pratiques du patronat du textile à Karachi (Pakistan).[11] Celui-ci utilise fréquemment des voyous (dont des ex-militaires) pour intimider les ouvrier·ères.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. « NERVI : Définition de NERVI », sur www.cnrtl.fr (consulté le 21 avril 2019)
  2. Philippe Poisson, « Les nervis, ces voyous devenus « maîtres de Marseille » », sur Criminocorpus (consulté le 21 avril 2019)
  3. « Nervi : Définition simple et facile du dictionnaire », sur www.linternaute.fr (consulté le 22 avril 2019)
  4. Hugo Melchior, « Banaliser un objet socio-historique. Les gauches alternatives dans les années 1968, et leurs devenirs », Université Rennes 2,‎ 2015
  5. L'Humanité, L'assassin était chez Citröen, juin 2007
  6. Arve à gauche, Articles sur la SNPMI, 2020
  7. France 3, AIN : des tueurs à gage en lien avec les renseignements devaient tuer un syndicaliste, une cheffe d'entreprise écrouée, mai 2021
  8. Fabrice Drouelle, « "Fiction : Suspicion. L'agression (épisode 1)" », sur franceinter.fr, Affaires sensibles, (consulté le 3 mars 2023).
  9. Compte-rendu de lecture de la Syndicaliste, livre enquête de la journaliste Caroline Michel-Aguirre, par Marc Endeweld dans Le Monde diplomatique.
  10. Luc Peillon, « Areva, portrait d’une «Syndicaliste» meurtrie », Libération,‎ (lire en ligne).
  11. Laurent Gayer, Le capitalisme à main armée, Février 2023 - Présentation du livre sur le site des éditions CNRS