États-Unis

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Les États-Unis d'Amérique sont un pays capitaliste qui devenu au début du 20e siècle la première puissance impérialiste du monde, faisant basculer le centre de gravité de l'Europe à l'Amérique.

1 Caractéristiques[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Régime politique[modifier | modifier le wikicode]

Les États-Unis sont une république constitutionnelle fédérale à régime présidentiel. Ce régime est directement issu de la Constitution américaine, et n'a pas changé depuis ; les États-Unis n'ont en effet jamais connu de putsch en raison d'une part du Posse Comitatus Act mais surtout d'une relation importante entre l'armée et le gouvernement.

La démocratie américaine est représentative des démocraties bourgeoises : le Congrès ainsi que le-la Président-e ne sont renouvelés que tous les quatre ans, il n'y a pas (ou quasiment pas) de Parti ouvrier ni même "social-démocrate". Symptôme des inégalités sociales et géographiques, le taux de participation aux élections présidentielles est plutôt faible : en 2016, il se situe à environ 56%[1]. On remarque aussi une forte disparité entre les États : à ces mêmes élections, ceux du Sud-ouest ainsi que ceux du Nord ont moins voté que ceux de la façade Est.

Les gouvernements américains, notamment ceux républicains sont connus pour être émaillés de corruptions, de conflits d'intérêts et de coups bas ; le scandale du Watergate, qui amena à la destitution du président Nixon, n'en est qu'un exemple.

1.2 Géographie[modifier | modifier le wikicode]

Les États-Unis sont très étendus et sont l'un des pays les plus grands au monde. La conquête d'un vaste territoire par les colons états-uniens, et leur fédération (qui fut historiquement mouvementée) en une même entité, est un des facteurs à l'origine de la puissance impérialiste de ce pays : grande quantité et variété de ressources naturelles, grand marché intérieur propice au développement de grandes entreprises...

1.3 Économie[modifier | modifier le wikicode]

C'est le puissant développement capitaliste aux États-Unis qui est à la source de la puissance impérialiste de ce pays.

Les États-Unis sont devenus une puissance industrielle majeure à la fin du 19e siècle, avec une croissance alors jamais vue. Le capitalisme y était florissant parce qu'il avait un terrain qui était par certains aspects plus favorable qu'en Europe : de vastes terres, des ressources naturelles abondantes, quasiment pas d'héritage féodal (et donc moins de parasitisme associé comme les péages, la rente foncière...), le plus vaste marché intérieur des pays capitalistes.

Au cours de la Première guerre mondiale, les États-Unis passent de débiteurs à créditeurs de l'Europe[2]. Dans les années 1920, ils détrônent l'Angleterre comme première puissance industrielle, même si celle-ci reste la première puissance puissance financière jusqu'à la Seconde guerre mondiale. Le dollar est depuis la monnaie la plus utilisée au monde.

Les produits industriels et les marques états-uniennes (McDonald's, Coca Cola...) se répandent dans le monde et deviennent un symbole non seulement de leur puissance mais de la puissance du capitalisme en général. Avec ce puissant essor, les États-Unis sont alors à la pointe dans la plupart des technologies.

L'économie états-unienne connaît cependant un lent déclin relatif dans l'après-guerre, et on commence à parler de déclin dans les années 1980.[3] L'industrie a progressivement cédé sa place aux services, à la fois parce que globalement, les évolutions technologiques diminuent les emplois industriels, mais aussi parce que les secteurs industriels tendent être délocalisés, un processus accéléré par la mondialisation. Les États-Unis ont été le fer de lance de la mondialisation néolibérale des années 1980-1990, ce qui leur a permis à court terme d'offrir à leurs multinationales de nouveaux marchés, et de différer le problème de suraccumulation de capital, mais n'a fait qu'accélérer leur tendance au déclin.

La production de masse tend à être relocalisée dans des pays où la main d’œuvre est moins payée (justement parce que ces pays sont des capitalismes plus jeunes) comme la Chine. Ce phénomène a été en partie amorcé par des délocalisations contrôlées par des multinationales états-uniennes (ou européennes / japonaises), qui voulaient conserver les parties les plus rentables de la chaîne de production, mais il est devenu un facteur autonome, avec des entreprises chinoises maîtrisant de plus en plus elles-mêmes la base de la production. Les États-Unis conservent une avance dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée (haute technologie, services nécessitant une éducation importante...), mais cette avance se réduit, d'une part parce que d'autres puissances relativement anciennes comme le Japon ou l'Allemagne font parfois mieux que les États-Unis sur le plan technologique, d'autre part parce que l'accumulation rapide de capital permet à la Chine d'investir massivement pour rattraper son retard.

Les États-Unis restent la première puissance financière, ce qui est l'héritage de leur immense accumulation de capital. Cependant cette puissance est menacée par l'érosion de la puissance industrielle, et par le décalage de plus en plus gigantesque entre les valorisations boursières (instables, spéculatives et largement gonflées de capital fictif) et la survaleur dégagée dans l'économie réelle. Cela se manifeste par des tendances à la crise de plus en plus marquées, comme en témoigne la crise de 2007-2010.

2 Histoire et évolution[modifier | modifier le wikicode]

Originellement, l'Amérique du Nord et plus particulièrement le territoire américain était habitée par plusieurs peuples natifs (improprement appelés « Indiens » par les Européens).

2.1 Arrivée des colons[modifier | modifier le wikicode]

Le 27 mars 1513, le navigateur espagnol Juan Ponce de Léon aborde un rivage fleuri au nord des Antilles, ce qui fait de lui le premier Européen à fouler le sol des futurs États-Unis. En 1584, Walter Ralegh, un courtisan britannique, accoste sur ce qui deviendra plus tard l'État de Virginie (existant de nos jours).

Au cours du 17e et 18e siècle, les Anglais, stimulés par leur puissante marine, délogent progressivement les Hollandais puis les Français du territoire américain, et fondent sur les littoraux un total de treize colonies.

2.2 Guerre d'indépendance (1775 - 1783)[modifier | modifier le wikicode]

La politique fiscale de l'Angleterre déplaît à de nombreux colons, et nourrit le nationalisme américain. Une succession de coups d'éclats parfois sanglants commis par une minorité d'insurgés à l'encontre du gouvernement anglais (comme l'embuscade de Lexington[4]) va précipiter une longue guerre d'indépendance, qui sera nourrie par les grandes puissances européennes (à la fois l'Angleterre, qui souhaite conserver ses colonies ; et ses adversaires, notamment la France, qui souhaitent au contraire leur émancipation)[5]. En déroute, les insurgés négocient à la fois avec leurs ennemis mais aussi avec les Français afin d'accentuer la pression. L'indépendance des États-Unis est officiellement reconnue à Versailles le 3 septembre 1783.

2.3 Far West et ruée vers l'or[modifier | modifier le wikicode]

Les colonies s'étant émancipées de l'impérialisme anglais, les États-Unis vont commencer à s'étendre vers l'Ouest, chassant progressivement, avec l'emploi de la force, de la dissuasion ou de la diplomatie les autochtones qui se dresseront sur leur chemin, d'autant plus que des pathologies importées par les colons, bénignes en Europe mais qui leur sont mortelles détruisent de grands groupes de population (choc microbien). L'expansion vers l'Ouest s'accompagne aussi d'un développement industriel sans précédent : les kilomètres de lignes de fer se multiplient, les villes ne cessent de se développer et la croissance économique est exceptionnelle, alors qu'elle a tendance à stagner en Europe. Déjà, les premiers trusts, comme ceux des chemins de fer, se forment et s'opposent aux intérêts des paysans...

En 1845, les États-Unis acquiert la Californie à la suite d'un conflit avec le Mexique.

2.4 Guerre de Sécession (1861-1865)[modifier | modifier le wikicode]

Dès lors, un fossé va se creuser entre les États du Sud, restés dans un mode de production esclavagiste archaïque, et ceux du Nord, bien plus développés et industrialisés, n'employant presque pas d'esclaves.[6] Lorsqu'Abraham Lincoln est élu en 1860, les États esclavagistes décident de faire sécession. Il est couramment admis que l'Union (représentant les États du Nord, les États du Sud s'étant organisés en une Confédération) lança les hostilités. Mais Marx s'oppose à cette vision. Dans une série d'articles intitulés La guerre civile aux États-Unis, il écrivit :

« Avant tout, il faut rappeler que la guerre n'a pas été provoquée par le Nord, mais par le Sud. Le Nord se trouve sur la défensive. Pendant des mois, il a regardé sans broncher les sécessionnistes s'emparer des forts, des arsenaux militaires, des installations portuaires, des bâtiments de douane, des bureaux de paierie, des navires et dépôts d'armes de l'Union, insulter son drapeau et faire prisonniers des corps de troupe entiers. Finalement, les sécessionnistes décidèrent de contraindre le gouvernement de l'Union à sortir de sa passivité par un acte de guerre retentissant, et c'est pour cette seule raison qu'ils bombardèrent Fort Sumter près de Charleston. »

Marx, comme la majorité des démocrates et des socialistes, plaide pour la victoire des Unionistes. Rédacteur à la New York Tribune, l’organe de l’aile gauche du parti républicain, Marx suivait de près la situation politique américaine, la lutte contre l’esclavage et le développement de la guerre civile. Il prenait clairement parti pour le Nord, appelait le mouvement ouvrier anglais à faire de même, et s’informait de l’évolution de la situation militaire par ses anciens camarades de la Ligue des communistes, dont certains s’étaient engagés comme officiers dans l’armée de l’Union. Pour exprimer ce soutien, Marx rédigea, au nom du conseil général de l’Association internationale des travailleurs, une lettre de félicitations à Lincoln pour sa réélection (30 décembre 1864). La lutte contre l’esclavage et contre les grands propriétaires terriens du sud justifiait ce soutien :

« Depuis le début de la lutte titanesque que mène l’Amérique, les ouvriers d’Europe sentent instinctivement que le sort de leur classe dépend de la bannière étoilée »[7]

Finalement, la guerre civile sera remportée par les Unionistes, avec toutefois un lourd tribut : plus de 600 000 morts[8], des dizaines de villes détruites, l'économie ralentie...

2.5 Âge doré (1865-1901)[modifier | modifier le wikicode]

La période de reconstruction après la guerre civile est une période d'intense accumulation du capital, avec la constitution de grandes fortunes industrielles.

C'est aussi une période de misère pour beaucoup de prolétaires, notamment les Noir·es et les immigrant·es. Les luttes de classe sont intenses et violentes, mais aussi les violences racistes. On parle de « nadir des relations raciales aux États-Unis » pour cette période.

2.6 « Progressive Era »[modifier | modifier le wikicode]

La période des années 1890 aux années 1920 est appelée « ère progressiste ». Le développement très rapide du capitalisme industriel dans le monde et dans le pays produit des effets sociaux majeurs : paupérisation, tendances monopolistes, luttes de classes plus violentes, immigration massive (notamment d'Italiens, de Chinois, de Japonais...), risques sanitaires pour les consommateurs, dégâts écologiques...

Un Parti populiste est créé en 1891, représentant principalement des paysans en difficulté.

The Jungle (1906) cover.jpg

Face à cela, un minimum de réglementations a dû être mis en place, en contradiction (modérée) avec le laissez-faire antérieur. Un courant social-libéral, dit « progressiste » émerge au sein de la petite-bourgeoisie.

Un roman comme La Jungle (1906) d'Upton Sinclair est symbolique de cette période. L'auteur y dénonce les conditions de vie difficile d'une famille ouvrière immigrée à Chicago, dans le quartier des abattoirs. L'opinion publique bourgeoise va être choquée par le manque d'hygiène dans les abattoirs, et cela va donner naissance à ce qui deviendra la Food and Drug Administration (FDA).

La condition ouvrière, elle, va peu évoluer. La Cour suprême continue à déclarer inconstitutionnelle toute tentative de réguler le droit du travail (y compris le travail des enfants). C'est aussi à cette époque (1908) que Jack London écrit Le Talon de Fer, un roman partant des luttes de classe de son époque et faisant de l'anticipation du durcissement autoritaire de l'État pour mater les révoltes, ce qui a été vu comme une remarquable anticipation du fascisme.

C'est aussi à partir de cette époque que se constituent des groupes socialistes et marxistes.[9] Le Parti socialiste d'Amérique (section de l'Internationale ouvrière) est fondé en 1901, les IWW en 1905...

L'original était la mascotte du Parti progressiste de Roosevelt.

Un impôt sur le revenu est introduit en 1913. La présidence de Theodore Roosevelt (1901-1909) est considérée comme caractéristique de l'ère progressiste. Lui-même a participé à une scission du Parti républicain en 1912, un éphémère Parti progressiste.

En parallèle, cette période est aussi celle où les États-Unis, devenue première puissance industrielle, passent de leur relatif isolationnisme (doctrine Monroe) à un interventionnisme impérialiste plus marqué.

2.7 Entre-deux-guerres[modifier | modifier le wikicode]

La Première guerre mondiale va hisser les États-Unis aux rangs de puissance financière et militaire. Les États-Unis soutiennent l'Entente (France, Royaume-Uni, Empire russe) et interviennent directement à la fin de la guerre, alors qu'elle a déjà fait des millions de victimes[10]. Bien que peu nombreux, les États-Unis comptent sur leurs nouvelles armes, notamment les tanks, pour écraser leurs adversaires. A l'issue de la guerre, les États-Unis vont prêter des millions de dollars aux puissances européennes ruinées sous forme de crédits. Ces excès vont favoriser le déclenchement de la crise qui explique en partie la montée du nazisme en Allemagne.

La crise des années 1930 affecte durablement l'économie américaine[11]. Des contestations ouvrières éclatent un peu partout, à tel point que l'on parle des Red Thirties.

2.8 Seconde guerre mondiale[modifier | modifier le wikicode]

2.9 Guerre froide[modifier | modifier le wikicode]

Par la suite, les impérialismes états-unien et soviétique vont s'opposer pendant plus de cinq décennies. Aucun affrontement direct n'a éclaté (« guerre froide »), même si certains épisodes l'ont frôlé comme la crise des missiles de Cuba. L'Union soviétique était à la tête du Bloc de l'Est, tandis que les États-Unis étaient le pôle dominant du Bloc de l'Ouest. Chacun des blocs soutenait financièrement et militairement différentes forces politiques alliées, notamment dans les pays dominés qui étaient en pleine fermentation politique dans le contexte de la décolonisation. D'un certain point de vue, ils se faisaient la guerre par pays interposés. même si les révolutions et coups d'État dans ces pays avaient aussi leur propre dynamique interne.

La guerre froide est aussi le moment d'une intense course aux armements, chaque camp développant de nouveaux moyens offensifs, et des moyens de défense face aux menaces du camp d'en face, maintenant un équilibre de la terreur. La dissuasion nucléaire est le symbole le plus évident de cette tension.

L'affrontement était aussi idéologique. L'URSS, même si elle n'avait rien de communiste, avait une influence à l'intérieur des pays de l'Ouest via les « partis communistes ». Face aux horreurs du stalinisme, les États-Unis ont beau jeu de se présenter comme les champions du « monde libre ». Le rayonnement idéologique se fait aussi par la course aux prouesses techniques, dont la conquête spatiale. Si les États-Unis ont d'abord un certain retard face à l'URSS (qui la première, lance un satellite en 1957, des hommes et femmes dans l'espace...), ils sont finalement les premiers à envoyer un homme marcher sur la Lune (1969).

Après l'effondrement de l'URSS (1989-1991), les États-Unis apparaissent dans les années 1990 comme la seule superpuissance mondiale.

2.10 Tournant néolibéral[modifier | modifier le wikicode]

Dans les années 1960-1970, la société états-unienne traverse beaucoup de remises en question par des mouvements progressistes : mouvement ouvrier, mouvement des droits civiques (lutte contre les discriminations officielles contre les Noirs), mouvement contre la guerre du Viêt Nam, mouvement féministe, mouvement écologiste...

Le patronat ressent clairement une défiance à son encontre et une perte de son hégémonie politique. Tout un mouvement de contre-offensive bourgeoise va se mettre en place dans les années 1970, et finir par triompher dans les années 1980.

La majorité des organisations patronales et des think tanks étaient à cette époque très centristes, épousant mollement les thèses de responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Dans les années 1970, la tendance à la régulation augmente, sous la pression du mouvement ouvrier, des écologistes, des organisations de consommateurs...

Au sein du patronat mais surtout au sein de certains politiciens de droite, une minorité particulièrement activiste se dégage, pour militer pour la libre-entreprise, la dérégulation, etc. Ils détestent les nouveaux organes qui étendent les missions de l'État comme l'Environmental Protection Agency, créée en 1970. De nombreux think tanks conservateurs-libertariens sont créés. La Chambre du commerce va changer de direction et être réorganisée dans un sens plus militant.[12][13]

Le tournant néolibéral s'incarne notamment avec la présidence Reagan (1981-1989). A l'origine, les soutiens de Reagan n'était pas les poids lourd du patronat (Duracell, Diners Club...), mais ces secteurs étaient particulièrement activistes. Certains syndicats (Teamsters, contrôleurs aériens...) abandonnent leur soutien traditionnel aux démocrates, pour soutenir la campagne de Reagan en 1980. Mais lorsque les contrôleurs aériens (alors employés de l'État fédéral) se lancent dans une grève en 1981, ils subissent une terrible répression.

On réaffirme la légitimité des actionnaires et leur pouvoir face au management.

Parmi eux on peut citer les frères Koch, qui font une intense activité de lobbying de type conservateur / libertarien, au point d'être considérés comme une force rivale à la direction officielle du parti républicain.

2.11 Gendarmes du monde[modifier | modifier le wikicode]

Sans grand rival après la chute de l'URSS, les États-Unis se positionnent dans un premier temps comme des sortes de gendarmes du monde, qui seraient au travers de l'ONU les garants protecteurs de l'humanité, par exemple avec la Guerre du Golfe (1991) ou l'intervention en Somalie en pleine guerre civile (1992-1995). Cependant il apparaît déjà que les États-Unis ne sont pas tout-puissants, avec des épisodes qui troublent l'opinion comme la bataille de Mogadiscio, et le fait que les occidentaux décident finalement de se retirer sans que la Somalie ne soit sortie du chaos.

Pire, les décennies de lutte par tous les moyens contre l'URSS ont des conséquences de long terme désastreuses pour de nombreuses populations, qui provoquent des retours de flamme sur les États-Unis. Par exemple, en Afghanistan dans les années 1980, de nombreux combattants comme Mohammad Omar (futur fondateur des Talibans) ou Gulbuddin Hekmatyar ont été financés par la CIA[14], qui apportait son aide à n'importe qui se battant contre le régime proche de l'URSS. Les Talibans ont finalement instauré une dictature réactionnaire en 1996, qui est devenue un foyer de terrorisme (hébergeant notamment Ben Laden) visant notamment des ambassades états-uniennes en 1998, et directement New York le 11 septembre 2001.

Les États-Unis répliquent en envahissant l'Afghanistan en 2001, puis, dans une fuite en avant militaire, en envahissant l'Irak en 2003 sous de faux prétextes de lutte contre le dictateur Saddam Hussein et ses « armes de destruction massive ». Ces interventions sont des victoires militaires de court terme pour les États-Unis : l'Irak reste dans un profond chaos politique, et les Talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan aussitôt que les forces de l'OTAN ont quitté le pays en 2021. De façon similaire, l'intervention en Libye de 2011 (prenant prétexte des répression de Kadhafi contre son peuple) a plongé le pays dans le chaos.

D'un côté les États-Unis prétendent « apporter la démocratie » à coup d'invasions militaires, de l'autre ils sont incapables d'entraîner un développement économique et social source de progrès pour au moins de larges parties des populations. Ceci de par la nature du capitalisme en général, mais de façon aggravée par le déclin économique relatif des États-Unis.

Les États-Unis sont de moins en moins aimés de par le monde, et leur leadership apparaît de moins en moins comme idéologiquement justifié.

3 Évolutions du bipartisme[modifier | modifier le wikicode]

La politique des États-Unis est restée dominée par deux partis bourgeois, même s'il a existé à certains moments d'autres partis notables (Parti populiste, Parti socialiste, Parti communiste...). En revanche le Parti républicain et le Parti démocrate ont connu des transformations notables de leur idéologie et de leur base sociale, finissant même par inverser leur positionnement gauche-droite au cours du 20e siècle.

Au moment de la Guerre de Sécession (1861-1865), le Parti républicain était le parti des anti-esclavagistes (et du maintien de l'unité fédérale), représentant le Nord industriel (où le salariat était plus développé), face au Parti démocrate qui représentait le Sud esclavagiste (et antifédéraliste). Après la guerre, les Démocrates ont maintenu pendant des décennies une ségrégation raciale dans leurs États du Sud (« lois Jim Crow »), et ont continué à défendre un certain anti-fédéralisme. Dans ce contexte, le Parti républicain était le parti de « gauche » (bourgeoise), mais les deux partis parvenaient globalement à maintenir une unité interclassiste dans leur base électorale (hormis les Démocrates avec les Noirs, en revanche ils affichaient un certain paternalisme social envers les White Poors, soudés par le racisme).

Vers 1896, le Parti républicain devient plus nettement le parti des capitalistes et du libéralisme économique (perdant momentanément du terrain face aux populistes et aux socialistes). Dans le même temps il restait défenseur d'un certain libéralisme politique par comparaison avec les Démocrates.

A cette époque, le socialiste Daniel De Leon expliquait :

« [P]ensant hâter le retour des "beaux jours," les chômeurs en question remplacent le Parti Républicain par le Parti Démocrate, puis le Parti Démocrate par le Parti Républicain — exactement à la manière de nos ouvriers mal informés d'aujourd'hui (Applaudissements.) — car ils ne comprennent pas qu'un Démocrate ne vaut pas plus qu'un Républicain ; ils ne comprennent pas que, Le Commerce Libre et le Protectionnisme, c'est la même chose ; ils ne comprennent pas, qu'en votant pour un partisan de l'étalon-or ou en votant pour un partisan de l'étalon-argent, ils posent un geste identique ; ils ne comprennent pas que toutes ces théories et tous ces partis et toutes ces étiquettes sont également capitalistes et, qu'en votant pour un programme capitaliste, ils contribuent à maintenir les principes sociaux qui les gardent chômeurs ou qui réduisent leurs salaires ! (...)

Le Parti Populiste, qui prône le monnayage libre de l'argent, est lui aussi, et il l'a été durant toute son existence, un parti du Capital : le comportement de ses promoteurs (les tzars des mines d'argent, qui faisaient et font encore crever à la tâche les mineurs à leur emploi) ne permettent pas de mettre en doute ce fait. »[15]

Dans les années 1930, le Parti démocrate parvient à gagner une majorité des votes populaires autour d'un programme de protection sociale et d'interventionnisme social-libéral, le New Deal. Progressivement, le Parti démocrate se lie avec des franges importantes de la classe ouvrière à travers son alliance avec les centrales syndicales. Il est cependant concurrencé un temps sur sa gauche par le Parti communiste, mais celui-ci ne se remettra pas de la guerre froide et du maccarthysme.

Dans les années 1960, une majorité du Parti démocrate se prononce pour la fin de la ségrégation dans le Sud, conduisant à de profondes tensions avec ses fractions sudistes (les Southern Democrates, ou Dixiecrats), certains basculant vers le Parti républicain, qui lui adopte une Southern strategy pour les attirer.

Polarisation des communautés visible sur Facebook, un an après l'élection de Trump

Suite au tournant néolibéral amorcé par les Républicains (Reagan) mais jamais remis en question depuis par les Démocrates, les bastions ouvriers connaissent un profond recul, qui impacte les deux partis mais surtout le parti Démocrate. Ce dernier tend alors à se centrer sur un profil de libéralisme politique (antiracisme moral, féminisme bourgeois...), avec un quasi abandon du discours « social », qui lui permet d'être le parti préféré de nombreux secteurs capitalistes (finance, tech, services...).

Le Parti républicain lui, reste le parti d'autres secteurs capitalistes (les pétroliers et d'autres industries) très anti-interventionnistes, et a surtout réussi à avoir une solide base de petits patrons réactionnaires (échaudés contre les taxes et « la bureaucratie de Washington ») et certains secteurs populaires parmi les hommes et les femmes blanches, utilisant de plus ouvertement les ressorts du traditionalisme, du racisme et de l'antiféminisme. Par comparaison, c'est aujourd'hui plutôt le Parti démocrate qui se retrouve à défendre le fédéralisme.

4 Sociologie et luttes sociales[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Bourgeoisie états-unienne[modifier | modifier le wikicode]

Caricature de 1891 sur le lobbying aux États-Unis.

Le cœur de la bourgeoisie des États-Unis[16] est formée des anciennes élites WASP (white anglo-saxon protestant). Parmi celle-ci une partie peut faire remonter ses origines à des grandes familles européennes. Cependant dans sa globalité la bourgeoisie états-unienne est une classe plus jeune que les bourgeoisies des pays européens, ce qui lui a d'ailleurs permis de se développer avec moins d'entraves, n'ayant quasiment pas de résistance féodale à vaincre. Les deux principaux obstacles à son émergence ont été la domination anglaise et la divergence d'intérêt que cela générait (avec un secteur esclavagiste au Sud, moins intéressé à l'industrialisation du pays), ce qui a été surmonté par une véritable révolution bourgeoise menée en deux étapes, la guerre d'indépendance et la guerre de sécession.

Aux États-Unis, le développement industriel a été beaucoup plus spectaculaire qu'en Europe, les entrepreneurs de ce grand « pays neuf » (après l'hécatombe subie par les autochtones) pouvant d'emblée développer des villes à l'urbanisme « fonctionnel », de vastes exploitations agricoles, de grandes usines... Cela a entraîné l'enrichissement de nombreux nouveaux capitaines d'industrie, ce qui a diversifié la bourgeoisie états-unienne. Cela n'empêche pas qu'il y a toujours des phénomènes de distinction sociale entre les WASP « Old money » (formés dans les écoles de la Ivy League...) et ces nouveaux riches.

Une minorité de grands capitalistes sont à la tête de puissantes entreprises qu'ils refusent de coter en bourse. Parmi eux on peut citer les frères Koch.

Le pouvoir de la bourgeoisie états-unienne s'exprime au travers de nombreuses organisations différentes :

Le chercheur G. William Domhoff a produit une célèbre étude sur la bourgeoisie états-unienne en 1967, Who Rules America ? Il montre leur socialisation commune, leur endogamie, leur sur-représentation à la tête des grandes entreprises et des postes gouvernementaux, ainsi que les mécanismes par lesquels ils dominent politiquement et idéologiquement :

Selon certains marxistes, Domhoff tend à négliger les facteurs proprement économiques.[17] C'est sur ces facteurs qu'insiste au contraire Fred L. Block dans son article de 1977, The Ruling Class Does Not Rule. Il s'oppose à une vision instrumentaliste de l'État, qui ne serait qu'une marionnette dans les mains du capital.

4.2 Origines ethniques[modifier | modifier le wikicode]

Les peuples autochtones ayant été largement décimés, l'essentiel de la population est issue d'une immigration relativement récente comparée à d'autres pays. Cela n'empêche pas qu'entre les différentes vagues d'immigrant·es, venues à des périodes de plus ou moins grande prospérité et avec un bagage économique et social plus ou moins important, des inégalités se sont constituées. Ces inégalités, avec d'autres facteurs idéologiques plus autonomes, ont engendré aux États-Unis des formes de racisme structurel à une échelle très importante, y compris dans la classe ouvrière.

4.3 Inégalités[modifier | modifier le wikicode]

Auparavant, les inégalités sociales étaient moins fortes aux États-Unis qu'en Europe (où les élites étaient anciennes tandis que les émigrants étaient plutôt des pauvres). Cela s'est inversé dans les années 1920, avec l'enrichissement spectaculaire des industriels états-uniens.

Pour autant, la Grande dépression des années 1930 a engendré des luttes de classe intense aux États-Unis comme ailleurs, qui ont conduit à des concessions de la part des capitalistes : New Deal, puis compromis "fordiste" des 30 Glorieuses. Il y a eu une chute de la concentration des richesses.

Tout cela s'est inversé à partir du tournant néolibéral des années 1980. Le 1% des plus riches possédait 35% des richesses du pays en 1960, 22% en 1976, et 38% dans les années 1990. Le taux marginal de l'impôt sur le revenu est passé de 70% en 1980 à 42% en 2011.

Revenu top 10 USA.png

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

Notes

  1. Le Monde, Election américaine : une participation en baisse par rapport aux « années Obama », 2016
  2. Boukharine, Imperialism and World Economy, Chapter 13: War and Economie Evolution, 1915
  3. Jorge Niosi, Le déclin de l'industrie américaine, Revue d'économie industrielle, 1984
  4. 19 avril 1775 - Embuscade de Lexington
  5. Herodote.net, La guerre d'indépendance américaine
  6. 1861 - 1865 : la Guerre de Sécession
  7. Lettre à Abraham Lincoln, président des États-Unis d'Amérique, décembre 1864
  8. La Guerre de Sécession - Faits et chiffres
  9. Early American Marxism sur Marxists.org
  10. Histoire et mémoires des deux Guerres
  11. La crise des années 1930
  12. Doug Henwood, Take Me to Your Leader: The Rot of the American Ruling Class, Jacobin Magazine, Avril 2021
  13. Benjamin C. Waterhouse, The Political Wing of American Capital, Jacobin Magazine, Avril 2021
  14. "Pakistan: A Plethora of Problems" (PDF). Global Security Studies, Winter 2012, Volume 3, Issue 1, by Colin Price, School of Graduate and Continuing Studies in Diplomacy. Norwich University, Northfield, VT. Retrieved 22 December 2012.
  15. Daniel De Leon, Que veut dire cette grève ?, 11 février 1898
  16. Cf. la page Wikipédia American upper class
  17. Paul Heideman, Know Your Ennemy, Jacobin Magazine, Avril 2021