Technologie

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T1- d457 - Fig. 232. — Machine électrique de l’abbé Nollet.png

La technologie est l'étude des outils et des techniques. Le terme désigne tout ce qui peut être dit aux diverses périodes historiques sur l'état de l'art en matière d'outils et de savoir-faire. Il inclut l'art, l'artisanat, les métiers, les sciences appliquées et éventuellement les connaissances.

1 De savoir-faire d'initiés à une science[modifier | modifier le wikicode]

L'accumulation de savoir-faire permettant une productivité croissante semble avoir commencé dès la préhistoire, même si cette accumulation était extrêmement lente en comparaison des standards modernes. Des spécialistes ont estimé que si les hommes d’il y a 2,5 millions d’année obtenaient 10 cm de tranchant à partir d’un kilo de pierre brute, deux millions d’années plus tard, il y a 500 000 ans, ils en tiraient 40 cm. Il y a 40 000 ans, c’était deux mètres, et plus de six mètres une dizaine de milliers d’années plus tard.[1]

Dans le Capital, Marx souligne à quel point le capitalisme a balayé l'ancien mode de transmission des savoir-faire, qui s'opérait au sein des corporations et était jalousement gardé.

« les différentes branches d'industrie, issues spontanément de la division du travail social, formaient les unes vis-à-vis des autres autant d'enclos qu'il était défendu au profane de franchir. Elles gardaient avec une jalousie inquiète les secrets de leur routine professionnelle dont la théorie restait une énigme même pour les initiés. (...) Un fait des plus caractéristiques, c'est que jusqu'au 18e siècle les métiers portèrent le nom de mystères. Dans le célèbre Livre des métiers d'Étienne Boileau, on trouve entre autres prescriptions celle-ci :

« Tout compagnon lorsqu'il est reçu dans l'ordre des maîtres, doit prêter serment d'aimer fraternellement ses frères, de les soutenir, chacun dans l'ordre de son métier, c'est-à-dire de ne point divulguer volontairement les secrets du métier. (...) Ce voile, qui dérobait aux regards des hommes le fondement matériel de leur vie, la production sociale, commença à être soulevé durant l'époque manufacturière et fut entièrement déchiré à l'avènement de la grande industrie. Son principe qui est de considérer chaque procédé en lui-même et de l'analyser dans ses mouvements constituants, indépendamment de leur exécution par la force musculaire ou l'aptitude manuelle de l'homme, créa la science toute moderne de la technologie. »[2]

La puissance obtenue par l'application de cette nouvelle science est telle qu'elle s'étant partout, même là où la façon de travailler est la plus séculaire et cyclique, l'agriculture :

« Dans la sphère de l'agriculture, la grande industrie agit plus révolutionnairement que partout ailleurs en ce sens qu'elle fait disparaître le paysan, le rempart de l'ancienne société, et lui substitue le salarié. (...) L'exploitation la plus routinière et la plus irrationnelle est remplacée par l'application technologique de la science. »[3]

2 L'histoire de la technologie[modifier | modifier le wikicode]

En faisant véritablement naître le questionnement permanent sur l'amélioration technologique, le capitalisme a stimulé indirectement l'étude de l'histoire de la technologie. Dans le Capital, Marx regrettait qu'il n'existe pas alors de véritable ouvrage à ce sujet.

« Une histoire critique de la technologie ferait voir combien il s'en faut généralement qu'une invention quelconque du XVIII° siècle appartienne à un seul individu. Il n'existe aucun ouvrage de ce genre. Darwin a attiré l'attention sur l'histoire de la technologie naturelle, c'est-à-dire sur la formation des organes des plantes et des animaux considérés comme moyens de production pour leur vie. L'histoire des organes productifs de l'homme social, base matérielle de toute organisation sociale, ne serait-elle pas digne de semblables recherches ? Et ne serait-il pas plus facile de mener cette entreprise à bonne fin, puisque, comme dit Vico, l'histoire de l'homme se distingue de l'histoire de la nature en ce que nous avons fait celle-là et non celle-ci ? La technologie met à nu le mode d'action de l'homme vis-à-vis de la nature, le procès de production de sa vie matérielle, et, par conséquent, l'origine des rapports sociaux et des idées ou conceptions intellectuelles qui en découlent. »[4]

Il considérait que la majorité des historiens passaient à côté des causes essentielles de l'évolution historique en négligeant totalement cette étude. De ce point de vue, l'étude de la préhistoire, qui débutait, lui semblait meilleure par contraste :

« Bien que les histoires écrites jusqu’ici témoignent d'une profonde ignorance de tout ce qui regarde la production matérielle, base de toute vie sociale, et par conséquent de toute histoire réelle, on a néanmoins par suite des recherches scientifiques des naturalistes qui n’ont rien de commun avec les recherches soi-disant historiques, caractérisé les temps préhistoriques d'après leur matériel d'armes et d'outils, sous les noms d’âge de pierre, d'âge de bronze et d'âge de fer. »[5]

3 La technologie au cœur de l'enseignement[modifier | modifier le wikicode]

« La bourgeoisie, qui en créant pour ses fils les écoles polytechniques, agronomiques, etc., ne faisait pourtant qu'obéir aux tendances intimes de la production moderne, n'a donné aux prolétaires que l'ombre de l'Enseignement professionnel. Mais si la législation de fabrique, première concession arrachée de haute lutte au capital, s'est vue contrainte de combiner l'instruction élémentaire, si misérable qu'elle soit, avec le travail industriel, la conquête inévitable du pouvoir politique par la classe ouvrière va introduire l'enseignement de la technologie, pratique et théorique, dans les écoles du peuple.

Il est hors de doute que de tels ferments de transformation, dont le terme final est la suppression de l'ancienne division du travail, se trouvent en contradiction flagrante avec le mode capitaliste de l'industrie et le milieu économique où il place l'ouvrier. Mais la seule voie réelle, par laquelle un mode de production et l'organisation sociale qui lui correspond, marchent à leur dissolution et à leur métamorphose, est le développement historique de leurs antagonismes immanents. C'est là le secret du mouvement historique que les doctrinaires, optimistes ou socialistes, ne veulent pas comprendre. »[2]

4 Technologie et matérialisme historique[modifier | modifier le wikicode]

En tant que composante déterminante des forces productives et de leur croissance / stagnation, la technologie joue de fait un rôle important dans la conception matérialiste de l'histoire de Marx.

Certaines formules de Marx peuvent même donner l'impression d'un déterminisme technique, par exemple lorsqu'il écrit : « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel »[6] On retrouve par exemple cette idée générale chez Boukharine : « les rapports entre les hommes dans le processus du travail sont déterminés par le niveau du développement technique ».[7]

Cependant il s'agit là d'un déterminisme qui conditionne toute une période à l'échelle globale, mais qui ne peut suffire à expliquer les transformations d'un mode de production à un autre. Pour cela, les marxistes étudient les rapports entre les forces productives et les rapports de production, ces derniers pouvant freiner et même complètement empêcher certains développements techniques.

Selon Walter Benjamin : « Rien n’a plus corrompu le mouvement ouvrier allemand que la conviction de nager dans le sens du courant. À ce courant qu’il croyait suivre, la pente était, selon lui donnée par le développement de la technique. »[8] Si l'on est convaincu que la victoire du socialisme est inéluctable (et les directions social-démocrates diffusaient ce genre de discours), il n'y a pas d'importance particulière à faire vivre une stratégie révolutionnaire.

5 Notes[modifier | modifier le wikicode]