Socialisation (économie)

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La socialisation de l'économie est ce qui caractérise le communisme du point de vue marxiste.

Il s'agit du processus de mise en commun des moyens de production et d'une partie croissante des biens. Ce qui permet d'envisager cette socialisation comme possible est qu'il y a déjà une socialisation du travail en grande partie réalisée objectivement par le capitalisme.

C'est un synonyme de collectivisation, bien que le terme de « collectivistes » désigne parfois des courants politiques précis.

1 Socialisation du travail[modifier | modifier le wikicode]

Hartmann Maschinenhalle 1868 (01).jpg

Les travaux productifs réalisés sont de plus en plus interdépendants.

Historiquement, la socialisation du travail a eu une tendance à augmenter de plus en plus. Cela s'est fait avec principalement au travers de la division du travail (spécialisation) et cela a produit une hausse de la productivité du travail.

Pour Marx, une des contradictions du capitalisme est que :

  • d'un côté il a porté la socialisation du travail à un niveau jamais atteint, par la centralisation du capital (manufacture, industrie, grande industrie...), à une échelle toujours plus large, que ce soit au sein des pays qu'à l'échelle internationale
  • de l'autre côté il maintient la propriété privé des moyens de production et la concurrence, et l'appropriation privée du profit dégagé dans chaque unité capitaliste

La socialisation du travail est "objective", mais elle n'est pas organisée consciemment par les producteurs, et encore moins par les travailleur-se-s, qui sont aliénés dans cette production qui ne leur appartient pas et dont il ne leur appartient pas de définir le sens.

Même lorsqu'une petite entreprise est en apparence indépendante, elle est fortement intégrée indirectement au reste de la production sociale. Par exemple les petits paysans ont souvent mutualisé certains moyens dans des coopératives agricoles (tracteurs, achats groupés d'engrais...).

Pour Lénine, le capitalisme a atteint vers la fin du 19e siècle un stade impérialiste dans lequel ce processus est exacerbé :

« La production devient sociale, mais l’appropriation reste privée. Les moyens de production restent la propriété privée d’un petit nombre d’individus. Le cadre général de la libre concurrence nominalement reconnue subsiste, et le joug exercé par une poignée de monopolistes sur le reste de la population devient cent fois plus lourd, plus tangible, plus intolérable. »[1]

Au cours du 20e siècle, ce processus n'a fait que s'accentuer.

2 Socialisation des moyens de production[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Pour planifier en fonction des besoins[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement socialiste a en général pour objectif une société égalitaire et démocratique, dans laquelle l'économie est au service de l'humanité. Le courant marxiste estime que pour cela, il faut s'appuyer sur la classe travailleuse, qui en s'organisant peut être capable de gérer collectivement la production : au lieu de la concurrence entre capitalistes pour le profit (privé), il y aurait une planification concertée et un partage du surproduit entre investissements et bien être de tou·tes.

Étant donné le conflit fondamental qui oppose les intérêts des capitalistes et des prolétaires (lutte des classes), la propriété privée des grands moyens de production ne peut être arrachée, expropriée, que par une révolution socialiste. Cette révolution consiste en la mise en place d'un pouvoir ouvrier et de la socialisation des grands moyens de production.

Voici un extrait de l'ouvrage Socialisme utopique et socialisme scientifique de Friedrich Engels, expliquant cette socialisation des activités humaines et de leurs fruits :

« Avec la prise de possession des moyens de production par la société, la production marchande est éliminée, et par suite, la domination du produit sur le producteur. L'anarchie à l'intérieur de la production sociale est remplacée par l'organisation planifiée consciente. La lutte pour l'existence individuelle cesse. Par-là, pour la première fois, l'homme se sépare, dans un certain sens, définitivement du règne animal, passe de conditions animales d'existence à des conditions réellement humaines. Le cercle des conditions de vie entourant l'homme, qui jusqu'ici dominait l'homme, passe maintenant sous la domination et le contrôle des hommes, qui, pour la première fois, deviennent des maîtres réels et conscients de la nature, parce que et en tant que maîtres de leur propre socialisation. Les lois de leur propre pratique sociale qui, jusqu'ici, se dressaient devant eux comme des lois naturelles, étrangères et dominatrices, sont dès lors appliquées par les hommes en pleine connaissance de cause et par là dominées. La propre socialisation des hommes qui, jusqu'ici, se dressait devant eux comme octroyée par la nature et l'histoire, devient maintenant leur acte propre et libre. Les puissances étrangères, objectives qui, jusqu'ici, dominaient l'histoire, passent sous le contrôle des hommes eux-mêmes. Ce n'est qu'à partir de ce moment que les hommes feront eux-mêmes leur histoire en pleine conscience ; ce n'est qu'à partir de ce moment que les causes sociales mises par eux en mouvement auront aussi d'une façon prépondérante, et dans une mesure toujours croissante, les effets voulus par eux. C'est le bond de l'humanité, du règne de la nécessité dans le règne de la liberté. »[2]

2.2 Pour sortir des contradictions du capital[modifier | modifier le wikicode]

Le fait que la production industrielle moderne, si interdépendante, soit constituée d'entités en concurrence, génère des contradictions, qui se manifestent par des crises.

Des crises économiques d'abord. D'un côté la concurrence pousse les entreprises à des investissements permanents pour maintenir un avantage en terme de productivité, de l'autre ces investissements de plus en plus lourds tendent à faire baisse les taux de profit, et donc à faire délaisser les investissements productifs par les capitalistes. Par ailleurs, s'ajoute la contradiction (sur le même plan ou subordonnée selon les analyses) dans le domaine de la réalisation de la survaleur : pour que celle-ci se concrétise en profit, il faut vendre. Or, la tendance à vouloir baisser les salaires pour augmenter la rentabilité, se heurte à la recherche d'une hausse du pouvoir d'achat de la population pour avoir des débouchés.

Mais aussi des crises écologiques. Le marché favorise ce qui rapporte le plus de profit, indépendamment des considérations sur les impacts en termes d'émissions de gaz à effet de serre, sur la biodiversité... Ce sont des externalités.

2.3 Socialisation des pertes, privatisation des profits[modifier | modifier le wikicode]

Ironiquement, on peut souligner que les capitalistes réalisent une « socialisation » partielle, quand cela les arrange. En particulier, ils consentent à ce que le public entretienne, avec nos impôts, des services et infrastructures nécessaires à l'ensemble de l'économie (et donc de l'accumulation privée), comme les routes, les lampadaires, les écoles, les hôpitaux...

Ils cherchent néanmoins toujours à découper dans un service public ce qui peut être rentable et ce qui peut générer des profits. C'est pourquoi depuis le tournant néolibéral et surtout depuis les années 1990-2000, les opérateurs historiques des secteurs ferroviaires, électriques ou télécom, ont été scindés, avec une partie gérant l'entretien de l'infrastructure (non rentable), et une partie, au niveau des offres tarifaires, soumise à la concurrence.

Lorsqu'une entreprise publique existe depuis longtemps, elle a bénéficié d'investissements assumés par la collectivité sur une longue période. La privatisation permet aux capitalistes qui se retrouvent à sa tête de bénéficier de ces investissements, et de réaliser d'importants profits.

Par ailleurs, il arrive que des gouvernements achètent en masse des actions d'entreprises (voire les nationalisent), pour les sauver de la faillite. Même des gouvernements qui n'ont rien de socialiste procèdent ainsi.

3 Socialisation des biens[modifier | modifier le wikicode]

Marx évoquait déjà une distinction entre une « première phase de la société communiste », qui commence avec la révolution prolétarienne, et qui évolue progressivement jusqu'à une « phase supérieure de la société communiste ».[3] Lénine a formalisé et développé cette distinction, en parlant de phase socialiste et de phase communiste.

Dans la première phase, les grandes entreprises sont socialisées, mais un certain nombre de moyens de production (petite bourgeoisie) ne seraient pas encore socialisés. Ce qui implique que la planification ne serait pas totale, et que le marché existerait encore. Et bien évidemment, l'ensemble des préjugés et des réflexes individualistes n'auraient pas disparu instantanément. Par conséquent, la société ne peut pas encore donner à chaque individu ce qu'il veut sans demander un travail équivalent en échange. Il s'agit donc dans un premier temps d'une généralisation du modèle « à chacun selon son travail ».

Cette socialisation amorcée, le socialisme évoluerait de lui-même vers une phase supérieure. Les nouveaux rapports socialistes de production et d'échange, associés à une hausse des forces productives pour répondre aux besoins, sont la base qui permet ensuite l'évolution vers des rapports de production et d'échange communistes.

« Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux "De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !" »[3]

Dans cette société, l'argent n'aurait plus de nécessité d'exister, les biens de consommation pouvant être distribués en libre service. La seule restriction qui pourrait être envisagée, en raison des limites naturelles, serait un système de quotas pour certains biens (voyages en avion, poissons menacés de surpêche...).

4 Expropriation, étatisation, nationalisation ?[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de socialisation est le terme abstrait, algébrique, qui permet de désigner le processus dans la théorie marxiste.

Dans le concret de la politique, d'autres termes sont plus souvent utilisés. Ils ont l'avantage d'être un peu mieux compris à une échelle large, mais ils comportent chacun leur différence avec l'idée de socialisation.

La nationalisation est l'appropriation par un État d'une entreprise. C'est un acte qui arrive occasionnellement et qui n'est pas nécessairement un acte d'hostilité envers le capitalisme. Des États bourgeois peuvent ainsi nationaliser une entreprise parce qu'elle est en faillite, ou parce qu'elle est stratégique pour la bourgeoisie nationale alors qu'elle est détenue par des capitaux étrangers. De plus, « nationalisation » signifie la plupart du temps rachat par l'État, souvent avec des indemnisations aux capitalistes. Les nationalisations, qu'elles soient mises en œuvre par des nationalistes bourgeois ou par des socialistes réformistes, ne changent pas les structures du capitalisme.

A la fin du 19e siècle, l'État nationalise certaines lignes de chemin de fer en faillite.

L'étatisation est un synonyme de nationalisation. Le terme est moins connoté « nationaliste » et insiste plus sur le type de propriétaire (État) qui est opposé aux capitalistes privés. C'est aussi un terme qui est souvent utilisé de façon plus large que pour une seule entreprise (on dira davantage « étatisation de l'économie » et « nationalisation d'une entreprise »). Mais l'étatisation est une notion qui n'incite pas à remettre en question la nature de l'État, vu comme une puissance publique qui agirait dans l'intérêt général. Or pour les marxistes, l'État est dans toute société au service de l'ordre établi, et donc de la classe dominante. Dans une société sans classe, il n'y aurait plus de nécessité d'un État au sens d'un corps spécial d'institutions (notamment répressives) coupées de la société. Bien entendu, l'extinction des classes et de l'État ne peut se faire instantanément. Dans un premier temps, un nouveau type d'État émanant de la classe travailleuse doit assurer le début de la socialisation. En un sens, cet État ouvrier réalise une étatisation de l'économie. Mais si la classe travailleuse, majoritaire et en voie d'absorber toutes les classes (donc d'abolir les classes), a le contrôle total de cet État, sa nature d'État (demi-État selon la terminologie de Lénine) est dans le même temps en train de disparaître. C'est pourquoi il faut se méfier d'une vision qui se limiterait à définir le communisme comme l'étatisation de l'économie, sans insister sur le changement fondamental de nature de l'État de la période de transition. L'expérience des régimes staliniens a par ailleurs montré qu'une économie peut être entièrement étatisée sans que les classes ne soient abolies.

L'expropriation est l'acte de s'emparer de la propriété privée. Une nationalisation est une forme d'expropriation, mais le terme d'expropriation est souvent connoté « plus radical » (et moins « nationaliste »). Les communistes précisent souvent que l'objectif est une expropriation sans indemnité ni rachat. Toutefois l'expropriation désigne seulement l'acte du changement de propriété, elle peut aussi déboucher sur une « étatisation » qui ne met pas réellement l'économie sous contrôle des travailleur·ses. Les syndicalistes révolutionnaires utilisent également le terme de « grève générale expropriatrice ».

5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]