Otto Bauer

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Otto Bauer (né le 5 septembre 1881 à Vienne en Autriche, mort le 5 juillet 1938 à Paris) était un socialiste autrichien. Il est considéré comme l'une des personnalités principales de l'austro-marxisme.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

Otto Bauer était le fils de Philipp Bauer (1853-1913) et de Katharina Gerber-Bauer (1862-1912). Sa sœur, Ida Bauer (1882-1945), est célèbre dans l'histoire de la psychanalyse comme étant le cas Dora publié en 1905 par Sigmund Freud[1]. Otto Bauer s'engagea en politique lorsqu'il étudiait le droit à l'université de Vienne. Dès ses années d'études, il fait forte impression sur Kautsky, avec lequel il entretient par la suite une correspondance suivie. Collaborateur à la revue socialiste Neue Zeit, il rédige en 1907, à la demande de Viktor Adler, une étude sur la question nationale, La sociale-démocratie et la question des nationalités. Ensuite, de 1907 à 1914, il fut secrétaire parlementaire du groupe social-démocrate au Reischrat de Vienne.

Dès les premiers mois de la Première Guerre mondiale, il fut capturé sur le front de l'est et retenu prisonnier en Russie jusqu'en 1917.

En 1918, à la mort de Viktor Adler, il prend sa succession à la tête du Parti ouvrier social-démocrate et devient Ministre des affaires étrangères de novembre 1918 à juillet 1919 grâce à une coalition avec le Parti chrétien social. Bauer a justifié la participation de la social-démocratie autrichienne à des coalitions gouvernementales. Cependant, il avançait que cette position se justifiait par le fait que les ouvriers autrichiens contrôlaient les milices urbaines depuis la chute de la monarchie. Selon Bauer, ce qui dominait alors dans les partis de la Deuxième internationale était le « ministérialisme réformiste », une participation à des coalitions en l'absence de contrôle du pouvoir militaire.[2]

En 1921, pour les 4 ans de la Révolution russe, Otto Bauer écrit une brochure dans laquelle il soutient que la NEP représente une « capitulation devant le capitalisme » mais que c'était selon lui inévitable car, comme il l'aurait prédit en 1917, la révolution russe ne peut mener qu´à une république bourgeoise démocratique. Il soutient :

« Ainsi donc, nous assistons (en Russie) à la restauration d´une économie capitaliste, dirigée par la nouvelle bourgeoisie appuyée sur les millions d´exploitations paysannes ; et c´est à cette bourgeoisie que devront , volens-nolens, s´adapter la législation et l´administration de l´Etat. »

Trotski évoquera cette brochure dans un rapport politique en 1922, en montrant à quel point l'essentiel de l'économie reste aux mains de « l'État ouvrier » dirigé par le PC.[3]

En mars 1922, Lénine parle ainsi de lui : « Otto Bauer auprès duquel nous nous sommes tous instruits autrefois, mais qui, après la guerre, est devenu, de même que Kautsky, un pitoyable petit bourgeois. »[4]

En 1934, il doit émigrer face à la montée du nazisme, il se réfugie à Brno, en Tchécoslovaquie, puis à Paris où il meurt quelques mois après l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne (Anschluss).

2 Question nationale et marxisme[modifier | modifier le wikicode]

Otto Bauer écrit en 1907 La question des nationalités et la social-démocratie (traduit et publié pour la première fois en français 80 ans plus tard par Études et documentation internationales à Paris), livre dans lequel il développe un principe d'autonomie nationale-culturelle pour résoudre au mieux la question nationale. Ses positions lui valurent la critique de plusieurs marxistes, dont Josef Strasser.

Quand le terme « austromarxiste » est évoqué en français, c'est le plus souvent en référence à cette thèse de Bauer.

3 Théorie de la révolution lente[modifier | modifier le wikicode]

Otto Bauer a aussi ébauché une théorie hétérodoxe : la révolution lente mélangeant réformisme et révolution dans une vision non-gradualiste. À l'opposé par exemple de Jean Jaurés et de son évolutionisme révolutionnaire, Otto Bauer intègre discontinuités et ruptures. Dans son ouvrage La Marche au socialisme (1919), Il pointe les limites d'une « révolution politique », engageant surtout un changement du personnel dirigeant, vis-à-vis de l'ampleur réclamée par une « révolution sociale ». Il note ainsi que « la révolution politique peut être l'œuvre d'un jour », alors que « la révolution sociale ne peut être que l'ouvrage d'un travail constructif et organisateur », d'« un travail créateur de législation et d'administration ». La révolution politique serait nécessaire, mais insuffisante. Elle ne constituerait alors qu'une des ruptures sur un long chemin, et non LA rupture. Le processus organique de la révolution sociale engloberait la logique ponctuelle de la révolution politique.

Pour les communistes révolutionnaires, Otto Bauer est un « centriste ».

4 Violence défensive[modifier | modifier le wikicode]

Chez Otto Bauer, le recours à la violence apparaît plus précis que chez Blum, avec une théorie de « la violence défensive ».

Puisque si l'on se refére au discours de Léon Blum lors du congrès de Tours ce recours à la violence est mal défini :

« Mais l’idée révolutionnaire comporte, à notre avis à tous, je crois, ceci : qu’en dépit de ce parallélisme, le passage d’un état de propriété à un autre ne sera pas par la modification insensible et par l’évolution continue, mais qu’à un moment donné, quand on en sera venu à la question essentielle, au régime même de la propriété, quels que soient les changements et les atténuations qu’on aura préalablement obtenus. Il faudra une rupture de continuité, un changement absolu, catégorique. (Applaudissements) Nous entendons encore autre chose, par le mot révolution." (...) " je veux parler de la question de la dictature du prolétariat. Nous en sommes partisans. Là aussi, nul désaccord de principe. Nous en sommes si bien partisans que la notion et la théorie de la dictature du prolétariat ont été insérées par nous dans un programme qui était un programme électoral. Nous n’avons donc peur ni du mot, ni de la chose. J’ajoute que, pour ma part, je ne pense pas(...) que la dictature du prolétariat soit tenue de conserver une forme démocratique. Je crois impossible, d’abord, comme on l’a tant répété, de concevoir d’avance et avec précision quelle forme revêtirait une telle dictature, car l’essence même d’une dictature est la suppression de toute forme préalable et de toute prescription constitutionnelle. La dictature, c’est le libre pouvoir donné à un ou plusieurs hommes de prendre toutes les mesures quelconques qu’une situation déterminée comporte. Il n’y a, par conséquent, aucune possibilité de déterminer d’avance quelle forme aura la dictature du prolétariat, et c’est même :une pure contradiction. »

Extrait de l'Intervention de Léon Blum au Congrès de Tours de la SFIO le lundi 27 décembre 1920 [1]

Dans La Lutte pour le pouvoir (1924), Bauer reconnaît que, dans les pays où la bourgeoisie fait régner son pouvoir par la force physique, le pouvoir politique sera pris au moyen d'une « guerre civile ». Mais ce ne devrait pas être le cas d'un pays doté d'institutions parlementaire comme l'Autriche, où le pouvoir serait plutôt conquis «par le bulletin de vote ». Par contre le prolétariat devrait être en mesure d'utiliser les armes afin de protéger « la constitution de la République au moment où la bourgeoisie se soulèvera contre cette constitution parce que l'utilisation légale des droits constitutionnels portera la classe ouvrière au pouvoir ».

D'où la création par la social-démocratie autrichienne de la Republikanischer Schutzbund (ligue de défense de la République), qui pouvait mobiliser entre 120 000 et 150 000 hommes armés. L'insurrection du Schutzbund fut d'ailleurs déclenchée face aux mesures autoritaires du chancelier Dollfuss en 1934, mais la milice ouvrière fut défaite et Bauer dut s'exiler (il mourut à Paris en juillet 1938).

5 Postérité de ses idées[modifier | modifier le wikicode]

Les notions de révolution lente et de violence défensive ont été reprises par l'enseignant-chercheur en sciences politiques Philippe Corcuff dans l'un de ces ouvrages Les socialismes à l'épreuve du pouvoir qu'il a dirigé avec Alain Maillard.[5]

La notion de révolution lente a aussi été reprise en France par Chiche! un mouvement de jeunesse écologiste et autogestionnaire.

6 Ouvrages[modifier | modifier le wikicode]

Textes en allemand ou en anglais :

Traductions en français :

7 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Elisabeth Roudinesco, Michel Plon, Dictionnaire de psychanalyse, Paris, Fayard, 1997.
  2. Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
  3. Trotski, La nouvelle politique économique des Soviets et la révolution mondiale, 14 novembre 1922
  4. Lénine, XIe congrès du PCR(b), 27 mars 1922
  5. Les Socialismes français à l'épreuve du pouvoir (1830-1947) : pour une critique mélancolique de la gauche, 2006, Sous la direction de Philippe Corcuff et Alain Maillard, Paris, Textuel (collection