Union sacrée (1914)

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L'Union sacrée est le nom qu'a reçu le mouvement général d'unité des français lors du déclenchement de la Première guerre mondiale, favorisé par la propagande chauvine et, plus grave, par la trahison du mouvement socialiste et syndical. Des mouvements analogues ont eu lieu au même moment dans les autres pays belligérants d'Europe : au Royaume-Uni, en Russie, en Allemagne (Burgfrieden)...

Concrètement, cela a signifié que des millions de prolétaires d'Europe se sont entretués, parfois socialistes contre socialistes, au nom d'une guerre impérialiste bénéficiant uniquement à la bourgeoisie européenne.

1 Contexte et enjeux[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Mouvement ouvrier puissant[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement ouvrier était numériquement puissant et organisé dans les années qui précèdent la guerre. En particulier, la social-démocratie allemande (SPD) était le plus puissant des partis ouvriers, un modèle pour beaucoup de socialistes dans le monde, et le pilier de l'Internationale ouvrière (dite « Deuxième internationale ») qui existait depuis 1889.

Le socialisme international se présentait comme une force de paix, menaçant les puissants de conséquences révolutionnaires s'ils précipitaient une guerre, comme proclamé au Congrès international de Bâle en 1912.

Pour sa part, la CGT considérait depuis 1906 que : « la propagande antimilitariste et antipatriotique [devait] devenir toujours plus intense et toujours plus audacieuse. Dans chaque grève, l'armée est pour le patronat ; dans chaque conflit européen, dans chaque guerre entre nations ou colonies, la classe ouvrière est dupée et sacrifiée au profit de la classe patronale, parasitaire et bourgeoise. » Pour préserver les plus jeunes ouvriers de l'influence délétère du courant patriotique durant leur service militaire, la CGT préservait des liens avec les conscrits et leur apportait un soutien matériel.

Au moment des conflits dans les Balkans, en 1912 – 1913, L’Humanité, le journal de Jaurès, affiche en Une : « Vive l’internationale ouvrière, à bas la guerre ! ». La CGT organise une grève générale le 16 décembre 1912 et placarde une affiche intitulée « Guerre à la guerre ». Cette grève est suivie à Paris par des dizaines de milliers de travailleurs. Pour répondre au gouvernement qui allonge le service militaire de deux à trois ans en 1913, la CGT et la SFIO organisent au Pré-Saint-Gervais, près de Paris, des meetings qui rassemblent 150 000 à 200 000 personnes en mars 1913, et de nouveau 100 000 à 150 000 personnes en mai. Jusqu’à la veille de la guerre, comme à Paris le 27 juillet 1914, de grandes manifestations pacifistes sont organisées.

Des tracts édités en plusieurs langues, et expliquant la position commune des partis socialistes, furent diffusés à des millions d'exemplaires en Europe. Toute une génération vivait au rythme de l'internationalisme prolétarien.

1.2 Reflux ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

Il faut souligner que le nombre de grèves a connu une baisse à partir de 1912 en Europe, ce qui a diminué la crainte de la bourgeoisie. La propagande pacifiste a été reléguée au second plan par les socialistes à partir de 1913. Dans cette période de reflux, les ouvriers étaient plus facilement séduits par la propagande chauvine.

Néanmoins, ce n'était pas non plus le calme plat et la paix sociale en Europe. En 1913, l'Irlande fut paralysée par le lock-out général imposé par le patronat pour briser la classe ouvrière. En Russie, les deux tiers des travailleurs d'industrie avaient fait grève durant les premiers mois de l'année 1914. Et les usines de Saint-Pétersbourg, comme celles de plusieurs autres villes, étaient encore à l'arrêt lorsque la mobilisation fut décrétée au mois d'août.

1.3 Ferveur chauvine[modifier | modifier le wikicode]

Déjà dans les rangs de la social-démocratie avant la guerre, des positions chauvines et racistes s'exprimaient. Même si elles étaient condamnées majoritairement, leurs auteurs n'étaient pas inquiétés. Les directions, même lorsqu'elles n'étaient pas ouvertement droitières mais centristes, voulaient avant tout préserver l'unité des partis. Il n'y a que dans quelques pays que des scissions avaient déjà eu lieu en partie sur la question de l'internationalisme (Royaume-Uni, Pays-Bas, Bulgarie, Italie).

L'atmosphère de ferveur chauvine qui régnait alors surpassa tout sentiment de solidarité européen. Il faut rappeler que la propagande "anti-prussienne" était omniprésente. Elle était la norme dans les écoles où l'on apprenait que le boche est l'ennemi héréditaire, et véhiculée abondamment par la droite nationaliste. Celle-ci n'eut pas de difficulté à agiter le souvenir de la guerre de 1870 et l'annexion de l'Alsace-lorraine, puis à proclamer la "patrie en danger" lorsque la Belgique neutre fut envahie par l'Allemagne.

Ajoutons enfin que chaque pays a fait le maximum d'efforts pour convaincre son opinion qu'il s'agissait d'une "guerre défensive" : la France se défendant contre l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne, l'Allemagne se défendant contre la Russie...

Le philosophe Benedetto Croce écrivait alors (1915) : « Dans notre société, le socialisme est un idéal, un raisonnement. La patrie est un instinct. »[1]

1.4 Renseignements des États[modifier | modifier le wikicode]

Les archives de police témoignent que le gouvernement allemand aussi bien que le gouvernement français étaient parfaitement renseignés sur l’état d’esprit, les débats, les décisions à tous les échelons des organisations ouvrières. Fin juillet 1914, les pouvoirs avaient assez bien compris que le danger du côté ouvrier était moins grand que ne le laissaient entre les grandes déclarations socialistes. Par certaines collusions (qui sont le fruit de l'opportunisme qui gangrenait la social-démocratie), les gouvernements ont pris le pouls des partis ouvriers de leurs pays respectifs, et ont bien vu qu'il n'y avait pas d'intention révolutionnaire parmi les principaux cadres de la Deuxième internationale.

2 L'Union sacrée dans les différents pays[modifier | modifier le wikicode]

Dans tous les pays d'Europe il y eut une pression à l'Union nationale. Presque toutes les sections de l'Internationale ouvrière se rangèrent derrière leur bourgeoisie. Les seuls députés socialistes à voter contre les crédits de guerre furent les Russes (bolchéviks et menchéviks), les Serbes, et les minoritaires Anglais de l'Independant Labour Party.

Si le nationalisme et la caution socialiste expliquent en premier lieu l'absence de réaction immédiate, la mobilisation elle-même a aussi désorganisé le mouvement ouvrier pendant les premiers temps. On estime par exemple qu'à Petrograd en 1914, 40% du prolétariat a été "renouvelé" sous l'effet des départs au front et de l'arrivée de nouveaux ouvriers venus d'ailleurs. Le travail d'implantation qu'avaient réussi à faire les bolchéviks a été mis à mal.

2.1 France[modifier | modifier le wikicode]

Les intentions du gouvernement sont claires dès le 19 juillet 1913, lorsqu'il fait passer la Loi des trois ans qui instaure un service militaire de trois ans en vue de préparer l'armée française à la guerre avec l'Allemagne. Les socialistes affirment une opposition de principe, mais ne cherchent pas à mobiliser leur base ouvrière. Les directions de la SFIO et de la CGT sont révolutionnaires en paroles, mais leur pratique est réformiste. Ce qui conduit des hommes foncièrement honnêtes comme Jean Jaurès à faire du pacifisme un combat idéaliste, à croire qu'ils pourraient convaincre au sommet de l'État de « l'erreur » que représentait la guerre. L'échec fut cinglant : les socialistes furent soit traîtres soit impuissants dans cette période.

Discours de Jaurès lors de la manifestation au Pré-Saint-Gervais contre la loi des trois ans (25 mai 1913),

Dans la SFIO, on croyait plus à la diplomatie pour empêcher la guerre, qu'à des mobilisations ouvrières. Ils accusaient le gouvernement de bellicisme, mais se contenter de vouloir infléchir sa politique. Jaurès en particulier était particulièrement investi sur ce terrain, essayant de désamorcer les tensions franco-allemandes. Dans son discours du 25 mai 1913 contre la Loi des trois ans, Jaurès disait : « L’ennemi du prolétariat, ce sera le gouvernement qui refuse l’arbitrage ». Or, chaque gouvernement, dont le français, rejette la responsabilité sur l'ennemi, et les socialistes finissent par cautionner les justifications idéologiques nationalistes, notamment lorsque la crise diplomatique s'emballe en juillet 1914.

La CGT, de par sa tradition SR de méfiance à l'égard de l'État et des socialistes plus intégrés à celui-ci, était un peu plus indépendante. Mais elle approuvait aussi globalement la « politique de paix » du gouvernement. Elle est donc dans la confusion lorsque la marche à la guerre s'amorce. Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, lance « À bas la guerre ! » et appelle à manifester contre la guerre le 27 juillet[2], ce qui réunit de nombreuses personnes sur les Grands Boulevards à Paris. Mais dans le même temps, la direction rassurait le gouvernement et un compromis tacite eut lieu : la CGT ne gênera pas la mobilisation, et le gouvernement n'utilisera pas le Carnet B[3] pour décapiter la CGT. Quand la guerre est déclarée entre l’Autriche et la Serbie, le 28 juillet, la CGT appelle encore les ouvriers à rester fermes.

Le gouvernement réprime sévèrement les actions de la CGT, interdit ses réunions, arrête ses membres... De plus la SFIO ne soutient pas la CGT, et fait pression sur ses dirigeants pour qu'ils se rallient à leur approche institutionnelle. Même Jaurès soutient qu'il faut attendre d'arriver à s'entendre sur une action coordonnée du mouvement ouvrier en Europe avant d'agir. Il finit par obtenir un congrès de l’Internationale à Paris, prévu pour le 9 août. La direction de la CGT va très vite fléchir. Pendant les derniers jours de juillet 1914 et les premiers jours d'août, le mot d'ordre « Non à la guerre » se transforme en celui de « Défense nationale d'abord ». Rosmer déplorait fin juillet : « On s’est mis à la remorque du gouvernement et de sir Edward Grey et on continue ». CGT et SFIO apparaissent ensemble derrière la position molle de Jaurès le 31 juillet 1914, le jour même où ce dernier est assassiné par un nationaliste.

De nombreux dirigeants craignent une révolte massive, préparent même deux régiments face à cette éventualité. Mais dans la soirée, le comité confédéral de la CGT prend la décision de renoncer à la grève générale, et la direction de la SFIO fait savoir au gouvernement qu'elle n'appellera à aucune manifestation.

Un socialiste (ex anarchiste) proche de Jaurès, Almereyda, écrit dans Le Bonnet rouge du 1er août 1914 : « Bloc autour de la France menacée ! Le bloc que nous réclamions, il y a quatre mois, pour le salut de la république, nous l'appelons de tout notre cœur pour le salut de la patrie ».

Pour beaucoup, il ne semble plus y avoir d'espoir de paix. La SFIO affirme alors qu'il ne reste désormais pour la classe ouvrière que son « devoir envers la patrie ». La CGT se déclare impuissante[4], et le 4 août 1914, Jouhaux, sur la tombe de Jaurès, prétend exprimer le sentiment de « la classe ouvrière au cœur meurtri » en rejetant la responsabilité de la guerre sur les monarchies d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie. Les ouvriers deviennent des « soldats de la liberté » appelés à défendre la patrie où naquit l'idéal révolutionnaire. C'est un point de basculement pour la CGT, où l'on avait l'habitude de dire « les ouvriers n'ont pas de patrie ». Le chanteur socialiste Montéhus, auparavant connu pour son antimilitarisme, se rallie à la ferveur chauvine.[5]

Lorsque la mobilisation générale est décrétée le 1er août, aucune opposition sérieuse n'est entendue, et on dénombrera seulement 1,5% de désertions.

Le terme d'union sacrée fut utilisé pour la première fois par le président Poincaré dans son message à la Chambre des députés le 4 août 1914 :

« Dans la guerre qui s'engage, la France [...] sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique »

Et effectivement, l’ensemble des organisations syndicales et politiques de gauches (CGT et SFIO en tête) proclamèrent le soutien à l'unité de la Nation. Cette unanimité nationale persista, mis à part quelques dissidences de gauche, jusqu’à la fin du conflit. Les principaux dirigeants basculent vers le social-chauvinisme : Renaudel, Guesde, Sembat, Vaillant... même Hervé, qui était auparavant le plus antinationaliste (de façon même caricaturale). Le 26 août 1914, trois dirigeants socialistes entrent au gouvernement : Jules Guesde, Marcel Sembat (ex blanquiste), Albert Thomas. La SFIO se retire en 1917 du gouvernement (mais ses députés continuent à voter les crédits de guerre).

Carte postale de 1916 faisant de la propagande de guerre en mettant en avant l'Union sacrée

Seule une minorité proteste dès le début contre le ralliement de la CGT : le Syndicat des Instituteurs, Rosmer de « La Bataille syndicaliste », Monatte (qui est envoyé au front), Lenoir, et Péricat, qui a immédiatement demandé l’insurrection contre la guerre et la grève générale.[6] Quelques anarchistes protestent également, mais leurs principales organisations comme la FCA sont vite neutralisées.

Un courant centriste se dessina autour de Longuet (qui fonde Le Populaire) et Pressemane et autour de Bourderon et Merrheim.

Lors du Conseil national de la CGT, tenu du 26 novembre au 5 décembre 1914, seule une minorité se prononce contre la guerre. La guerre fait chuter les effectifs à 50 000 adhérents.

Le 3 janvier 1915, Pierre Monatte démissionne en protestation contre le ralliement à l'Union Sacrée. Alfred Rosmer et Pierre Monatte sont en désaccord avec la politique de l’union sacrée. Ils refusent de soumettre à la censure la Vie Ouvrière (journal de la CGT, dirigé par Monatte) qui cesse par conséquent de paraître. Rosmer est mobilisé, mais reste proche de Paris et peut poursuivre ses activités militantes. Toujours en phase avec Monatte, il devient l’âme d’un petit groupe internationaliste, le Comité pour la Reprise des Relations Internationales (CRRI), qui donnera naissance au Comité de la troisième Internationale, avec Souvarine, Loriot, Rappoport, Hattenberger, etc. Rosmer organise la diffusion clandestine en France de l'« Au-dessus de la mêlée » publié en Suisse, par Romain Rolland.

2.2 Belgique[modifier | modifier le wikicode]

Le leader du Parti ouvrier belge, Emile Vandervelde, fut un social-chauvin. En 1917, il écrivait :

« Oui, dans le Manifeste du parti communiste, il est dit que "les travailleurs n'ont pas de patrie". Mais cela date de 1848 - la situation était alors loin de ce qu'elle est aujourd'hui. Certes, je comprends que le prolétaire russe n'a pas de patrie. Mais qui oserait prétendre que, dans un pays démocratique comme la Suisse, par exemple, la classe ouvrière n'a pas de patrie ? »[7]

2.3 Allemagne (Burgfrieden)[modifier | modifier le wikicode]

En Allemagne, c'est l'expression "Burgfrieden" -littéralement paix des forteresses- qui sera employée.

La propagande pacifiste des socialistes était encore forte en juillet 1914, ce qui d'ailleurs irritait le Kaiser Guillaume II, qui écrivit le 29 juillet :

« Les socialistes se livrent dans les rues à des manœuvres antimilitaristes, il ne faut pas le supporter, surtout pas à présent. Si ces troubles se répètent, je proclamerai l’état de siège et je ferai enfermer les dirigeants et tutti quanti. Nous ne pouvons permettre à l’heure actuelle aucune propagande socialiste. » 

Mais le gouvernement choisit plutôt de jouer finement. Par le biais notamment d'échanges entre le chancelier Bethmann Hollweg et le "socialiste" Albert Südeküm, il connaissait assez bien l'état d'esprit des dirigeants du SPD. Le 30 juillet, à la réunion du ministère d’État de Prusse, le chancelier disait : « Il n’y avait plus trop à craindre [du SPD] ».

La direction du SPD craignait aussi l'agitation de son aile gauche. Ebert, le second président du parti écrivait le 27 juillet au comité directeur qu’au cas où une catastrophe surviendrait « il y aurait aussi des difficultés à l’intérieur de notre parti. La guerre et la puissante renaissance du mouvement ouvrier en Russie inspireront au groupe de Rosa de nouveaux plans…».

Le 2 août, la Commission générale des syndicats allemands assurait le gouvernement de son soutien en renonçant pendant la guerre aux grèves et aux hausses de salaire.

Le 4 août 1914, le Kaiser Guillaume II réunit les représentants de tous les partis siégeant au Reichstag et proclame :

« Je ne connais plus de partis, je ne connais que des Allemands ! Comme preuve du fait qu'ils sont fermement décidés, sans différence de parti, d'origine ou de confession à tenir avec moi jusqu'au bout, à marcher à travers la détresse et la mort, j'engage les chefs des partis à avancer d'un pas et de me le promettre dans la main »[8]

Et dans la foulée le groupe parlementaire du SPD vote pour les crédits militaires, ce qui porte un coup terrible à toute la social-démocratie, et par-delà, à toute la classe ouvrière européenne car ce parti était le pilier décisif de la deuxième internationale.

Au nom du "socialisme", les dirigeants du SPD (Scheidemann, Legien, Eduard David...) vont affirmer que la victoire de l’impérialisme allemand sera un progrès, notamment dans la défaite qu’il infligerait au régime tsariste semi-féodal qui prévaut en Russie. Il renvoie l’Internationale au rang d’instrument "valable en temps de paix". Certains socialistes vont jusqu'à assimiler la forte intervention de l'État ("capitalisme d'État") au socialisme, comme le député Edmund Fischer qui déclarera « Le socialisme est un instrument pour la conduite de la guerre ».

La direction du Vorwärts (journal du SPD) demande et obtient la permission de paraître... en remplaçant la lutte de classe pour un contenu nationaliste. Ce qui suscite ce commentaire amer de Trotski :

« Bel épisode que celui de Vorwaerts demandant la permission de paraître avec un programme guerrier ! Il promettait de remettre à plus tard la lutte des classes. Les amis sincères de la Social-démocratie éprouvèrent un sentiment de honte en recevant le précieux journal du Comité central avec l'entête humiliante : « Le Haut-Commandement ». Si le Vorwaerts était resté interdit, il y aurait eu là un fait politique important dont le Parti aurait pu profiter plus tard »[9]

Rares sont les sociaux-démocrates qui, comme Rosa Luxembourg, Karl Liebknecht, ou Otto Rühle, qui refusent publiquement le ralliement à l’Union sacrée. L'USPD (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne) sera fondé peu de temps après.

Karl Kautsky fut le représentant type du centrisme. Ses partisans étaient Hugo Haase, Georg Ledebour...

Parmi les 92 députés SPD, 14 étaient contre (le révolutionnaire Karl Liebknecht et des centristes comme Hugo Haase), mais ils votent tous ensemble par discipline de parti. Liebknecht regrette aussitôt, notamment lorsque des militants de base lui reprochent son vote, et à la session de décembre, il vote seul contre les crédits militaires. Il sera envoyé au front, mais même en uniforme, il continuera la propagande anti-guerre, refusant de se battre et clamant « l’ennemi principal est dans notre propre pays ». Il sera alors envoyé en prison, et est exclu du SPD en janvier 1915.

Luxembourg également passera une grande partie de la guerre en prison pour antimilitarisme.

2.4 Russie[modifier | modifier le wikicode]

L’Union Sacrée se forme en Russie lorsque la Douma vote des crédits de guerre, mais la gauche est nettement plus divisée qu'ailleurs. Les social-démocrates russes étaient déjà divisés entre bolchéviks et menchéviks depuis 1903, et la scission est formelle depuis 1912 : les bolchéviks se regroupent autour du Comité central, tandis que les menchéviks sont autour du Comité d'organisation.

Les députés bolchéviks à la Douma votent dans un premier temps avec les menchéviks une motion où ils s'engagent à « défendre les biens culturels du peuple contre toutes atteintes, d'où qu'elles vinssent ». La Douma souligna par des applaudissements cette reddition. De toutes les organisations et groupes russes du parti bolchévik, pas un ne prit ouvertement la position défaitiste que Lénine proclama à l'étranger. Il y avait cependant très peu de bolchéviks ouvertement social-chauvins, contrairement aux menchéviks. Et rapidement, les bolchéviks ont repris les activités révolutionnaires sur le sol russe. Les 5 représentants bolchéviks à la Douma seront alors déportés en Sibérie pour décapiter le mouvement. De plus, les ouvriers bolchéviks à Pétrograd votent contre la participation aux comités des industries de guerre. Zinoviev raconta plus tard à quel point à avec leur positions les bolchéviks étaient considérés comme des « pestiférés ».[10]

Les menchéviks et leurs représentants à la Douma sont divisés. Certains sont ouvertement sur une ligne de « défense de la patrie », comme Plékhanov, Zassoulitch, Lévitski, voire ouvertement social-chauvins comme Potressov. Mais la plupart, même ceux qui sont opposés à la ligne de « défense de la patrie » (Tchkhéidzé, Tsérétéli...), appellent à voter néanmoins pour les Comités des industries de guerre, afin de ne pas nuire à l'effort de guerre. Seule une minorité « internationaliste » autour de Martov et Axelrod s'oppose à cette ligne, mais ne veut pas rompre avec le reste des menchéviks (ligne centriste).

Trotski a rompu avec les menchéviks en 1914, et évolue vers la gauche. Il participe au groupe des Interrayons. Il est fermement internationaliste, mais pas sur la ligne du « défaitisme » de Lénine. Il s'est opposée à la guerre sur une ligne révolutionnaire, mais continue à reprocher aux bolchéviks d'être des scissionistes sectaires. Lénine le considère comme un centriste pendant la guerre, tout en notant cette évolution.[11]

Les Socialistes-révolutionnaires sont également divisés. La direction du parti soutient l'effort de guerre, et certains comme Catherine Breshkovski et Vadim Roudnev sont ouvertement social-chauvins.

Il est à noter que la révolution de février 1917 change l'attitude de beaucoup de socialistes : même si la guerre continue, le gouvernement provisoire révolutionnaire est jugé digne d'être défendu. Ainsi la majorité des SR (Tchernov, Gots, Avksentiev, Zenzinov...) et des menchéviks (Dan, Tsereteli, Abramovich, Liber...) prennent après Février une position de « défensisme révolutionnaire ». Ce sont eux qui domineront parmi les socialistes jusqu'à la révolution d'Octobre. Martov maintient la ligne internationaliste. Certains comme Dan et Abramovich le rejoignent à nouveau. Kerensky évoluera rapidement vers un soutien actif à la guerre, en y jouant un rôle actif à la tête du gouvernement provisoire. Les SR de gauche (comme Mark Natanson), en général plus jeunes, étaient plus internationalistes.

2.5 Autriche[modifier | modifier le wikicode]

Victor Adler était un centriste proche de Kautsky.

A contrario les jeunes amis de gauche de Friedrich Adler, qui ont milité dans une certaine mesure à Vienne au club « Karl Marx », aujourd'hui fermé par le gouvernement ultra‑réactionnaire d'Autriche.

2.6 Roumanie[modifier | modifier le wikicode]

Christian Rakovsky, leader de la social-démocratie roumaine, défendit l'internationalisme.[12]

2.7 Royaume-Uni[modifier | modifier le wikicode]

La majorité du mouvement travailliste (Hyndman, les fabiens...) et la centrale syndicale Trade Union Congress soutiennent la guerre. Seul s'y oppose l'Independent Labour Party (Philip Snowden, Ramsay MacDonald...), un parti centriste.

Internationalistes : le journal The Trade‑Unionist et une partie des membres du Parti socialiste britannique et de l'Independent Labour Party (William Russel, par exemple, qui a appelé ouvertement à rompre avec les chefs traîtres au socialisme).

En Ecosse, le leader ouvrier John MacLean refuse le ralliement à la guerre. Condamné aux travaux forcés pour sa lutte révolutionnaire contre la guerre.

2.8 Suède[modifier | modifier le wikicode]

Bien que la Suède soit restée neutre, Hjalmar Branting, fondateur du parti social-démocrate, était profondément acquis aux intérêts alliés depuis 1914 et soutenait l'entrée en guerre à leur côté. Zett Höglund, dirigeant socialiste suédois (notamment dans la jeunesse), sera emprisonné pour avoir appelé à la grève générale en cas d'entrée en guerre. Il fera partie des internationalistes, avec Lindhagen, Ture Nerman, Karlsson, Strőm... En mai 1917, ils formèrent le Parti social‑démocrate suédois de gauche.

2.9 Pays-Bas[modifier | modifier le wikicode]

Aux Pays-Bas, une scission avait déjà eu lieu en 1909 dans le Parti social-démocrate des ouvriers (SDAP), la gauche révolutionnaire autour du journal De Tribune (Pannekoek, Gorter, Wijnkoop, Roland‑Holst) fondant le Parti social-démocrate (SDP).

Lorsque la guerre éclate, le SDP refuse la guerre, tandis que le SDAP dirigé par Troelstra est dans l'union sacrée.

2.10 Danemark[modifier | modifier le wikicode]

Social-chauvins : Stauning

Internationalistes : Trier et ses  amis, qui ont quitté le Parti  « social‑démocrate » danois

2.11 États-Unis[modifier | modifier le wikicode]

Le leader socialiste Eugene Debs restera opposé à la guerre.

Social-chauvins : Victor Berger

Centristes : Morris Hillquit

Internationalistes : le « Parti ouvrier socialiste » et les éléments de l'opportuniste « Parti socialiste » qui publient depuis janvier 1917 le journal The Internationalist

2.12 Portugal[modifier | modifier le wikicode]

Le 16 mars 1916, une semaine après la déclaration de guerre du Portugal à l'Allemagne, l'Union sacrée fut mise en place. Dans la pratique, seuls deux partis se sont réunis: le Parti démocrate, dirigé par Afonso Costa et le Parti républicain évolutionniste de António José de Almeida. Cette union dura jusqu'au 25 avril 1917, constituant l'un des gouvernements le longtemps en poste (environ 406 jours) au cours de la Première République portugaise.

2.13 Suisse[modifier | modifier le wikicode]

Centristes : Robert Grimm

Internationalistes : le Français Henri Guilbeaux qui publie à Genève la revue Demain, les gauches qui ont rédigé les considérants du « référendum » (janvier 1917) pour la lutte contre les social‑chauvins et le « centre » de leur propre pays et qui ont présenté au congrès socialiste du canton de Zürich, tenu le 11 février 1917 à Toess, une résolution inspirée des principes révolutionnaires et dirigée contre la guerre

2.14 Italie[modifier | modifier le wikicode]

L'aile droite du parti socialiste italien avait été exclue en 1912 pour avoir soutenu l'intervention militaire en Libye.

La majorité du parti socialiste italien (Turati, Treves, Modigliani) conserva des positions internationalistes, mais resta centriste en ne voulant pas la rupture avec les réformistes. Le parti était alors dominé par une majorité dite « maximaliste ».

Angelica Balabanova, marxiste italienne d'origine juive ukrainienne, témoigne :

« Les travailleurs de pays « arriérés » comme l'Italie et l'Espagne réagirent plus favorablement à l'épreuve de force engagée contre la guerre et le fascisme que ceux de pays hautement développés comme l'Allemagne. (...) Face à la guerre et au fascisme, on voulut mesurer la puissance du mouvement ouvrier au nombre d'adhérents de ses syndicats et de ses partis politiques. Bien que l'organisation constitue un des facteurs essentiels du développement d'un mouvement révolutionnaire, il n'est pas le seul, et son importance varie selon les milieux sociaux et les situations historiques. (...) Pas une fois je ne me suis sentie étrangère à ce pays. Il y avait peu de chauvinisme en Italie avant la guerre, et personne ne s'est jamais levé pour crier à l’« agitateur étranger ». »[13]

Bissolati fut parmi les social-chauvins. Benito Mussolini, qui était d'abord dans l'aile la plus anti-militariste du parti, bascula pendant la guerre vers l'interventionnisme, et évolua ensuite très vite vers le fascisme.

Internationalistes : le secrétaire du parti Constantin Lazzari et Serrati, rédacteur en chef de l'organe central Avanti !

2.15 Pologne[modifier | modifier le wikicode]

Internationalistes : Radek, Hanecki et les autres leaders social‑démocrates groupés autour du « Bureau national »

2.16 Serbie[modifier | modifier le wikicode]

Presque tout le parti social-démocrate conserva des positions internationalistes.

2.17 Bulgarie[modifier | modifier le wikicode]

En Bulgarie, la social-démocratie avait déjà scissionné en 1903 comme en Russie, entre les « Etroits » derrière Blagoïev (tenant au principe marxiste de la centralité ouvrière et à l'internationalisme) et les « Larges » (prônant un parti large et un alignement sur le nationalisme).

2.18 Australie[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque la guerre éclate, l'Australie est en pleines élections, et le Parti travailliste (qui était déjà devenu un parti de gouvernement depuis 10 ans même s'il n'était pas au pouvoir à ce moment-là) fait campagne pour que l'Australie « soit aux côtés de la mère-patrie pour l'aider et la défendre jusqu'au dernier homme, jusqu'au dernier shilling ». Il remporte les élections et l'Australie se joint aux Alliés. Une vague de nationalisme « britannique » (pour le Commonwealth) déferle sur le pays et s'en prend aux Australiens d'origine allemande, voire à tous ceux qui ne sont pas d'origine anglaise. Des foules attaquent des boutiquiers, des professeurs sont exclus des universités, et cela affecte aussi la classe ouvrière. La plupart des grèves sont arrêtées et beaucoup d'ouvriers s'engagent alors pour se battre.

Mais en deux ans, la situation change rapidement. Dès la fin 1915 le nombre de grèves commence à monter, souvent dans la défiance envers les dirigeants syndicaux. En 2016 le gouvernement fait une campagne pour faire passer une conscription par référendum, et une campagne pour le non se développe et l'emporte. Même si les dirigeants de la campagne du non assuraient qu'ils étaient aussi des patriotes, mais préféraient seulement l'enrôlement volontaire, la popularité de la campagne exprima aussi une conscience de classe. En 1917 un deuxième référendum est lancé et le non l'emporte encore plus largement. Le Parti travailliste est fortement divisé, et le leader Billy Hugues (au pouvoir) est exclu, avec beaucoup d'autres.[14]

3 Fin de l'Union sacrée[modifier | modifier le wikicode]

L'union sacrée a d'abord été progressivement égratignée pendant la guerre, par quelques minorités d'opposition. Mais les conditions difficiles, notamment l'état d'exception (censure, militarisme omniprésent...) contenaient les luttes. Il n'y a qu'en Russie en 1917 puis en Allemagne en 1918 que la lutte des classes sera suffisamment forte pour faire sortir leurs pays de la guerre. Et la fin de la guerre, précipitée par ces deux grands événements, va ensuite ouvrir une vague révolutionnaire.

3.1 Russie[modifier | modifier le wikicode]

La Russie tsariste fut le maillon faible du monde capitaliste, le premier à céder. La guerre impérialiste était si intrinsèquement liée au capitalisme que le prolétariat russe, se "conscientisant" rapidement, dut aller jusqu'à la révolution socialiste pour imposer la fin de la guerre pour la Russie en 1917. Un des premiers actes politiques des bolchéviks arrivés au pouvoir fut de lancer un appel fraternel aux travailleurs en uniforme militaires, notamment aux Allemands, par dessus la tête de leurs états-majors. La réponse tardant à venir et la Russie étant à bout, ils doivent signer le traité très désavantageux pour la Russie de Brest-Litovsk en mars 1918.

3.2 Allemagne[modifier | modifier le wikicode]

En novembre 1918, les ouvriers et les soldats allemands ont mis fin aux horreurs de la Première Guerre mondiale, ouvrant une crise révolutionnaire jusqu'en 1923, qui fut hélas écrasée par la réaction bourgeoise.

3.3 France[modifier | modifier le wikicode]

Au cours de l'année 1917, on compte 696 grèves et 293 810 grévistes en France. Parallèlement, les effectifs de la CGT remontent à 300 000. Les 6 et 7 novembre c'est la rupture de l'Union sacrée. 

En 1918, on recense 499 grèves et 176 187 grévistes en France et la CGT passe à 600 000 adhérents.

Au cours de l'année 1919, on compte 2 206 grèves et 1 160 000 grévistes et la CGT bondit à un effectif de 1 million et demi d'adhérents. Le 1er mai 500 000 manifestants défilent à Paris et on comptera un mort. Malgré des concessions en hâte comme les conventions collectives ou la journée de 8 heures, le mouvement ouvrier est en éveil.

Le chanteur Montéhus revient à l'antimilitarisme en 1919 avec La butte rouge, qui dénonce les profiteurs de guerre.[15]

3.4 International[modifier | modifier le wikicode]

Le seul organe permanent de la Deuxième internationale était le Bureau socialiste international. Avec la guerre, il se retrouve aussitôt paralysé, ne parvenant plus à faire de réunions en plénier. Il s'active uniquement pour dénigrer les regroupements de Zimmerwald et Kienthal. Il y eu par ailleurs des conférences entre socialistes des pays de l'Entente, entre socialistes des Empires centraux, et entre socialistes des pays neutres, ce qui montrait la totale adaptation des dirigeants socialistes aux camps impérialistes.

La première réunion internationale de socialistes après l'éclatement de la guerre sera la conférence internationale de femmes socialistes en mars 1915 à Berne, suivie d'une conférence de sections de jeunesse en avril, qui et affirmera la nécessité de refonder une Internationale sans les chauvins. Quelques mois plus tard aura lieu la Conférence de Zimmerwald (1915), puis la Conférence de Kienthal (1916). Un clivage va néanmoins apparaître entre :

  • Le courant "centriste", qui se contentait souvent de mettre en avant le pacifisme, et voulait une réunification avec la famille social-démocrate, considérant qu'il n'y avait qu'un désaccord tactique et pas de trahison des directions, et qu'il fallait reconstruire l'Internationale comme avant.
  • Le courant révolutionnaire, autour de Lénine, qui voulait transformer la guerre impérialiste en guerre civile révolutionnaire, et qui s'orientait vers la construction d'une nouvelle Internationale.

Lénine résumait ainsi les 3 principaux courants en lesquels la social-démocratie d'avant-guerre avait éclaté :

« Ces trois tendances sont les suivantes :
1) Les social‑chauvins, socialistes en paroles, chauvins en fait, qui admettent la « défense de la patrie » dans une guerre impérialiste (et, avant tout, dans la guerre impérialiste actuelle). Ce sont nos adversaires de classe. Ils sont passés à la bourgeoisie. [...]
2) La deuxième tendance est celle dite du « centre », qui hésite entre les social‑chauvins et les véritables internationalistes. [...]
3) La troisième tendance est celle des véritables internationalistes que représente le mieux "la gauche de Zimmerwald" »[16]

C'est la gauche révolutionnaire et internationaliste qui donnera naissance à la Troisième internationale (même si des menchéviks et des SR participaient à ces conférences), qui sera lancée à l'initiative des bolchéviks victorieux en Russie en 1917 (qui seront nommés et se nommeront par démarcation "communistes").

4 Bilans[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Trahison socialiste[modifier | modifier le wikicode]

Pour comprendre à quel point l'Union sacrée représente une trahison du socialisme, il faut rappeler les accords de principe qui existaient dans l'Internationale ouvrière à propos du pacifisme. L'Internationale avait voté de nombreuses résolutions sur la guerre lors de ses congrès, et il était entendu que les partis socialistes d'Europe se lèveraient unanimement contre le militarisme. L'aile marxiste de la social-démocratie avait entr'aperçu et combattu la montée de l'opportunisme dans le mouvement socialiste, mais fut néanmoins totalement surprise par cette trahison si brutale.

La stupeur est telle que Lénine, en Suisse lorsqu'il reçoit la nouvelle, croira d’abord que cette annonce est un faux de l’Etat-major allemand.

Il faut souligner que, si l'impact de la trahison des dirigeants socialistes et syndicaux est bien plus grand au vu de leur influence d'alors sur le mouvement ouvrier, le mouvement anarchiste a aussi connu son courant chauvin (Kropotkine et autres signataires du Manifeste des Seize par exemple).

4.2 Les profiteurs de guerre[modifier | modifier le wikicode]

Pour les capitalistes, la guerre ne signifie nullement "se serrer la ceinture, avec la peur au ventre de ne plus revoir un mari, un fils, un frère, un ami parti pour le front". Tout ce beau monde s'était engraissé avec bonne conscience avec les fournitures de guerre, tandis qu'à l'arrière les salaires étaient réduits au minimum vital "pour assurer la victoire de la patrie" et bien sûr "pour ne pas compromettre la compétitivité des entreprises". Toutes les classes dominantes avaient eu intérêt à déclencher la guerre : les grands propriétaires fonciers, les marchands de canons, les banquiers et les spéculateurs avides.

Le groupe sidérurgique Krupp a clôturé les années de guerre avec un bénéfice de quelque 40 millions de marks de l'époque. Pour faire main basse sur ce pactole, tous les moyens étaient bons. Selon Günter Wallraff les soldats allemands se faisaient déchiqueter par des grenades britanniques pourvues de mécanisme de mise à feu breveté par Krupp. Pour chaque grenade lancée sur les "armées de la patrie", Krupp empochait 60 marks.

Les travailleurs des pays en guerre s'entre-tuaient tandis que Krupp et le fabricant britannique de mitrailleuses Vickers pouvaient compter sur une collaboration fructueuse.

4.3 Guerre et révolution[modifier | modifier le wikicode]

Les rapports entre guerre et révolution sont complexes. En première approche, on peut considérer qu'ils vont plutôt de pair. C'est d'ailleurs pour cela que Lénine parlait du stade impérialiste comme celui des « guerres et des révolutions ».

Dès avant la guerre de 1914-1918, deux précédents montraient que la révolution pouvait surgir d'une guerre : la Commune de Paris de 1871 (suite à la guerre franco-prussienne) et celui la Révolution russe de 1905 (suite à la guerre russo-japonaise).

Si l'éclatement de la guerre mondiale en 1914 semble, avec sa vague nationaliste, éloigner la perspective de la révolution socialiste, la vague révolutionnaire qui démarre à partir de 1917 semble dire le contraire.

5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

6 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, Paris, Gallimard/Julliard, 1980, 264 p. (coll. Archives)
  2. « Guerre à la guerre ! », déclaration de Léon Jouhaux, La Bataille Syndicaliste, 26 juillet 1914
  3. Le Carnet B, créé par le général Boulanger en 1886, était une liste tenue par la gendarmerie de toutes les personnes susceptibles de s'opposer à la mobilisation.
  4. La Bataille Syndicaliste, 2 août 1914
  5. Montéhus, Lettre d'un socialo, 1914
  6. Le Mouvement ouvrier pendant la Première Guerre mondiale, Alfred Rosmer, Les Bons Caractères
  7. Emile Vandervelde, La Belgique envahie et le socialisme international, 1917
  8. Discours rédigé par Bethmann Hollweg.
  9. Trotski, La guerre et l'Internationale, 31 octobre 1914
  10. Grigori Zinoviev, Histoire du Parti Bolchevik, 31 mars 1924
  11. Lénine, Lettre ouverte à B. Souvarine, 1916
  12. Voir notamment : Kristian Rakovsky, Les socialistes et la guerre, 1915
  13. Angelica Balabanoff, Ma vie de rebelle, 1938 (publié en français en 1981)
  14. Red Flag, How Australian workers beat conscription in WWI, 2016
  15. Montéhus, La butte rouge, 1919
  16. Lénine, Les tâches du prolétariat dans notre révolution, 1917