Maximalisme
Le terme de maximalisme a servi à désigner plusieurs courants de la gauche socialiste, avec des contenus variables selon les contextes.
1 Historique[modifier | modifier le wikicode]
1.1 L'Internationale ouvrière[modifier | modifier le wikicode]
Le terme de « maximalisme » a beaucoup été utilisé à la Belle Epoque pour désigner les anarchistes ou les marxistes révolutionnaires.
L'Internationale ouvrière (1889-1914), qui basait sa théorie sur le marxisme, faisait une séparation nette entre d'un côté un programme minimum (revendications immédiates sur les droits démocratiques, les conditions de travail, etc.) et de l'autre le programme maximum (réalisation du socialisme avec collectivisation des moyens de production, etc.).
Dans la pratique, les différents partis social-démocrates de l'Internationale ne parlaient que très peu de l'horizon socialiste, remis à un avenir indéfini, et menaient une activité routinière, parlementaire et syndicale.
Dans ce contexte, les réformistes insistaient sur le programme minimum, et parmi certains révisionnistes allaient jusqu'à remettre en question la perspective de la révolution socialiste, théorisant un passage graduel au socialisme.
Le terme de « maximalisme » a globalement servi à désigner des courants vus comme à la gauche de la social-démocratie, car insistant sur le programme maximum.
1.2 Le mouvement révolutionnaire russe[modifier | modifier le wikicode]
À l’évidence, les observateurs de la révolution russe de 1917 qui dérange la Guerre mondiale se trompent, les bolcheviks ne sont pas vraiment maximalistes, au sens anarchiste. Dans la tête des journalistes superficiels, maximalisme rime avec anarchisme ou romantisme terroriste. Le maximalisme anarchiste qui exista en Russie en 1883-1892 était celui du groupe Osvoboždenie truda. Il se manifesta à nouveau en 1906 avec un groupe de populistes issus du Parti socialiste-révolutionnaire paysan. Natacha Klimova, une jeune fille de la petite noblesse, rencontra le chef maximaliste Solokov, Maxime Savinkov et aussi des militants socialistes des deux fractions.
Les bolcheviks sont confondus initialement en Europe du nord avec les anarchistes, leur appartenance à la social-démocratie est loin d’être une évidence. Lénine est catalogué à la Préfecture de police parisienne comme « un homme très dangereux », et même « un dangereux et louche agitateur », donc de type anarchiste. Puis la presse les présentera comme étant des « espions allemands ». La mission militaire française en Russie assure le gouvernement russe de son appui « dans la lutte qu’il a entreprise contre les éléments maximalistes » (c'est-à-dire les bolcheviks).
Au retour de Lénine en Russie, en avril, le journal menchévique de Petrograd Rabotchaïa Gazeta ridiculisait les promesses de « complète et immédiate libération économique » faites par les « léninistes ». Le titre de la polémique anti-bolchévique publiée le 9 avril parle de lui-même : « La résurgence de l’anarchisme et du maximalisme ».[1]
Quand la nouvelle de l'insurrection d'Octobre arrive en France, L'Humanité (alors aux mains de la SFIO) titre « Un coup d'État en Russie : les Maximalistes maîtres à Petrograd ».
1.3 Le Parti socialiste italien[modifier | modifier le wikicode]
Bordiga et Gramsci, alors membres du Parti socialiste italien, utilisent d'abord le terme de maximalisme à propos des révolutionnaires bolcheviques, alors que les contacts n’ont pas encore pu être établis avec eux.
Le PSI, qui s'était déclaré neutre pendant la Première guerre mondiale, affirme en 1919 son « orientation maximaliste », tout comme elle parle du « prolétariat maximaliste » et du « socialisme maximaliste ». Cela allait de pair avec son affirmation du maintien de l'internationalisme qui était le socle de l'Internationale ouvrière.
« Après la guerre, en apparence, tout le Parti prit une orientation « maximaliste » en adhérant à la IIIe Internationale. L'attitude du Parti ne fut pourtant pas satisfaisante du point de vue communiste. » Fraction communiste abstentionniste du PS italien au Comité de Moscou de la IIIe Internationale (1919)
Mais le parti se divise vite entre une aile vraiment révolutionnaire et un courant qui en réalité est « centriste » : hésitant entre réformisme et révolution, et ne voulant pas rompre avec les réformistes.
Les révolutionnaires dénonceront alors « le centre douteux des maximalistes », « les fameux maximalistes électoralistes », etc. Ce courant est notamment dirigé par Giacinto Menotti Serrati, même si lui-même rejoindra les révolutionnaires par la suite.
1.4 Le gauchisme[modifier | modifier le wikicode]
A partir de la rupture des communistes avec la social-démocratie, le terme de maximalisme tombe vite en désuétude.
Pour désigner ceux sont "trop à gauche", on utilise alors le terme de "gauchisme".
La direction de l'Internationale communiste, derrière Lénine et Trotski, est entrée en conflit avec des courants à la gauche des partis communistes (le KAPD, la gauche germano-hollandaise ou le courant bordiguiste par exemple).
« Conformément à ses vues maximalistes le KAPD se déclare également pour le rejet de toutes les méthodes de lutte réformistes et opportunistes, dans lesquelles il ne voit qu’une manière d’esquiver les luttes sérieuses et décisives avec la classe bourgeoise ». Hermann Gorter, Programme du parti communiste ouvrier d’Allemagne (1920)
Dans ces "méthodes de lutte réformistes", le KAPD englobait la participation aux élections (qui revenait selon lui à cautionner ces institutions bourgeoises) et la participation aux syndicats de masse (qui cautionnerait leurs directions social-traîtres). Pour la majorité des communistes, c'était une erreur consistant à opposer de façon binaire programme minimum et programme maximum, alors qu'il s'agirait des les combiner. C'est dans ce but polémique que Lénine a écrit Le gauchisme, maladie infantile du communisme. Il dénoncera le « romantisme révolutionnaire maximaliste ».
Ces courants quant à eux considéraient au contraire que c'était la direction de l'Internationale qui retombait dans l'opportunisme qui avait gangrené la social-démocratie.
L'accusation de gauchisme a aussi été lancée aux courants de la gauche du parti bolchévik, qui critiquaient la façon dont était construit l'État soviétique.
Se revendiquant de façon de plus en plus scandaleuse de Lénine, les staliniens ont traité de gauchistes tous ceux qui critiquaient ce qu'était devenu l'URSS (trotskistes, conseillistes...). Mais les anti-staliniens n'ont jamais constitué un bloc uni. Par exemple Trotski a qualifié beaucoup de courants non trotskistes d’« ultra-gauchistes ».
2 Références[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Cité par Ziva Galili y Garcia, The Menshevik Leaders in the Russian Revolution: Social Realities and Political Strategies, Princeton, N.J. 1989, Princeton University Press, p. 157
3 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Jean-Louis Roche, HISTOIRE DU MAXIMALISME dit ultra-gauche, les éditions du pavé, 2009