Question nationale en Russie

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
Carte des minorités nationales en URSS

La question nationale en Russie est un enjeu politique important du fait de la présence de nombreuses minorités ethniques au sein de la Russie et au sein de l'ancien Empire tsariste et de l'URSS (l'expression « prison des peuples » était souvent employée pour désigner la Russie au début du 20e siècle). Les social-démocrates russes ont essayé d'y apporter chacun leurs réponses, et les luttes des minorités nationales en 1917 ont joué un rôle dans la révolution d'Octobre.

1 La Russie et l'Europe[modifier | modifier le wikicode]

A ses origines médiévales, la Russie n'avait pas d'intelligentsia, et ses élites aristocratiques se sont longtemps tournées vers l'Europe. Une manifestation de cela est la fondation de Saint-Pétersbourg en 1703 par le tsar Pierre le Grand, qui est hollandophile (d'où le nom germanique), et qui méprise la Russie profonde et Moscou. Le pays restera longtemps marqué par une opposition entre slavophiles et zapadniki (partisans des influences occidentales).

2 Premiers débats dans la social-démocratie[modifier | modifier le wikicode]

Les Russes représentaient environ 65 millions d'individus pour 125 millions d'habitants de l'Empire de Russie (en 1914), soit seulement 50 %.

La social-démocratie du début du 20e siècle affirmait lutter contre l'oppression des minorités nationales, dans la continuité des mouvements démocrates du 19e siècle. Trotski témoigne par exemple du rôle de la question nationale dans sa politisation : « Les hypocrites canailleries du professeur d'histoire à l'égard des Polonais, la méchanceté chicanière de Burnand [professeur français] à l'égard des Allemands, et les hochements de tête du petit pope parlant des "petits juifs" m'étaient également sensibles. L'inégalité des droits nationaux fut, probablement, une des causes cachées qui m'amenèrent à détester le régime. »[1]

Lors du 2e congrès du POSDR, en 1903, une majorité se dégagea pour affirmer à la fois le droit à l'autodétermination des peuples et le principe de l'organisation unique du prolétariat (un seul parti social-démocrate). Cette majorité s'opposait à des conceptions minoritaires :

  • Celle du SDKPiL, organisation polonaise qui est contre l'indépendance de la Pologne et qui s'oppose à la notion de droit à l'autodétermination des peuples.
  • Celle du Bund juif, qui défendait le principe de l'autonomie nationale-culturelle et l'organisation fédéraliste de la social-démocratie (le Bund aurait eu le « monopole » pour organiser les ouvriers juifs de l'Empire).

La conception de l’État futur, repoussant la notion d'autonomie nationale-culturelle, était plutôt centraliste. Néanmoins le programme prévoyait « l’autonomie administrative régionale pour les périphéries qui, par leurs conditions de vie et la composition de leur population, se distinguent des régions russes proprement dites. » Notamment pour la Finlande, la Pologne, la Lituanie et le Caucase.

Le 4e congrès de 1906 unifie provisoirement le parti, ses fractions russes, menchevique et bolchevique, et ses organisations SD nationales, Bund, SDKPiL et SD lettone. Le « droit à l’autodétermination » est maintenu dans le programme. Le POSDR adopte un fonctionnement semi-fédéraliste : organisation de conférences nationales pour chaque nationalité, représentation des organisations nationales dans les instances du parti, notamment au comité central, création de groupes spéciaux de littérature, d’édition, d’agitation dans la langue de chaque nationalité, etc.

En 1912, les bolchéviks et les menchéviks se séparent définitivement. La quasi-totalité des organisations social-démocrates des minorités nationales s'alignent du côté menchévik, et ensemble ils adoptent le principe d'autonomie nationale-culturelle sous l'impulsion du Bund.

De son côté Lénine polémique contre ce qu'il considère être une dérive nationaliste, donc bourgeoise. Il dénonce notamment comme un échec la division du Parti social-démocrate d'Autriche (et de sa théorie d'autonomie nationale-culturelle) entre groupes autonomes allemand, tchèque, polonais, ruthène, italien et slovène. Il va notamment s'appuyer sur un « merveilleux Géorgien »[2] (Staline), alors peu connu mais pouvant être une voix en faveur du centralisme qui ne soit pas grand-russe. Staline passe à Vienne en janvier 1913 où il se renseigne sur l'austro-marxisme et écrit une brochure en défense de la position bolchévique[3]. Lénine met en avant l'unité de la classe ouvrière, et considère que tout nationalisme est bourgeois.

« Les ouvriers ne permettront pas qu'on les divise à l'aide de quelque discours doucereux que ce soit sur la culture nationale ou l'«autonomie culturelle nationale». Les ouvriers de toutes les nations s'unissent pour défendre ensemble, au sein de leurs organisations communes, la liberté complète et l'égalité en droits complète, gage de la culture véritable. Les ouvriers créent dans le monde entier leur culture à eux, une culture internationale, à la préparation de laquelle ont œuvré de longue date les champions de la liberté et les ennemis de l'oppression. Au monde ancien, monde de l'oppression nationale, des querelles nationales ou du particularisme national, les ouvriers opposent le monde nouveau de l'unité des travailleurs de toutes les nations, dans lequel pas un seul privilège, pas la moindre oppression de l'homme par l'homme ne peuvent avoir place. »[4]

Néanmoins Lénine faisait clairement une dissymétrie entre le côté de l’oppresseur le côté de l’opprimé, surtout à partir de 1914-1916, où la question nationale s'élargit aux débats sur l'impérialisme capitaliste. Mais dans la pratique politique, d'importants désaccords pouvaient apparaître. Certains opportunistes social-chauvins allaient même jusqu'à cautionner la colonisation.

Pour Lénine, les socialistes d'un pays oppresseur (par exemple la Russie) doivent surtout défendre le droit au séparatisme des peuples opprimés. Mais il considérait aussi que les socialistes d'un pays opprimé (comme la Pologne) devaient développer la conscience de classe et l'internationalisme au sein de leur mouvement de libération nationale. Les positions de Lénine, quoique majoritaires, ne font pas l’unanimité dans le parti bolchevique, qui n’est pas exempt de nationalisme grand-russe (on le verra avec Staline par la suite).

Mais il y avait également un type de critiques venant de la gauche révolutionnaire, avec ceux que l'on appelait les « internationalistes intransigeants ». Ainsi Rosa Luxemburg (vers 1908-1909) a beaucoup débattu avec Lénine sur la question nationale. Alors que le programme du POSDR, engagé contre le chauvinisme grand-russe, garantissait « le droit à l’autodétermination à toutes les nationalités faisant partie de l’État », elle raillait le droit à l’autodétermination comme « un lieu commun », une formule creuse, et une concession inacceptable envers le nationalisme bourgeois. Elle insistait sur la tendance historique, progressiste, à l'unification de l'humanité, et discréditait donc la volonté de fragmentation en petits États "médiévaux". Elle critiquera comme petite-bourgeoises les mesures prises par les bolchéviks pour l'autonomie des minorités. Pour Lénine : « par crainte du nationalisme de la bourgeoisie des nations opprimées, Rosa Luxembourg fait en réalité le jeu du nationalisme cent-noir des grand-russes ».[5] Par ailleurs Lénine relève que Luxemburg justifie, comme unique exception, une part d'autonomie pour la Pologne, et s'appuie sur des statistiques (biaisées selon Lénine) pour justifier que cela n'a pas de sens pour les Lituaniens. Lénine sous-entend qu'il y a un biais « patriotique » chez Luxemburg.[6]

Il y avait également des « internationalistes intransigeants » parmi les russes (Boukharine, Piatakov). Lénine critiquait frontalement cette « conception absurde du point de vue théorique, et chauvine du point de vue de la politique pratique »[7]. Il appelait cela de « l'économisme impérialiste ».

En octobre 1913, une résolution du POSDR réaffirmait le droit d'autodétermination. En 1914, Lénine lutte contre le déferlement de social-chauvinisme que déclenche la guerre mondiale. Il admet qu'on peut parler de « fierté nationale des Grand-russes », mais que cela signifie lutter pour l'émacipation sociale des opprimés qui constituent les trois quart de ce peuple, et que cela ne peut pas passer par l'asservissement d'autres peuples.[8] En 1916, Lénine argumentait résolument pour le droit des nations à disposer d'elles-mêmes[9]. Trotski dira plus tard : « la politique nationale de Lénine entrera pour toujours dans le solide matériel de l’humanité. »[10]

En 1914, plus de la moitié des soldats mobilisés étaient étaient issus de minorités nationales. « Les antagonismes nationaux se conjuguaient et s'intercalaient, sur divers plans, avec les antagonismes de classes. »[11]

Trotski souligne en même temps que l'opposition bolchévique à l'oppression centraliste de l’État ne signifiait pas que le parti abandonnait le centralisme volontaire et démocratique des ouvriers :

« Déniant nettement à l’État bourgeois le droit d’imposer à une minorité nationale une résidence forcée ou bien même une langue officielle, le bolchevisme estimait en même temps que sa tâche vraiment sacrée était de lier, le plus étroitement possible, au moyen d’une discipline de classe volontaire, les travailleurs de différentes nationalités, en un seul tout. Ainsi il repoussait purement et simplement le principe nationalo-fédératif de la structure du parti. Une organisation révolutionnaire n’est pas le prototype de l’État futur, elle n’est qu’un instrument pour le créer. L’instrument doit être adéquat pour la fabrication du produit, mais ne doit nullement se l’assimiler. C’est seulement une organisation centraliste qui peut assurer le succès de la lutte révolutionnaire - même quand il s’agit de détruire l’oppression centraliste sur les nations. »[10]

3 La révolution de 1917[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Soulèvements[modifier | modifier le wikicode]

Dans les régions avec de fortes minorités nationales, les institutions de classe comme les soviets manquaient souvent de légitimité et avaient une tendance à être dominées par les russes. Par exemple en Ukraine, la Rada (parlement) avait une forte base populaire (interclassiste) tandis que le Soviet regroupait des socialistes appartenant presque uniquement à la minorité russe. Les Grand-russes avaient tendance à être excluants vis-à-vis des militants portant des revendications nationales, les traitant de réactionnaires.

Lors de la Conférence d'État de Moscou (août  1917), un des représentants de nationalités opprimées suppliait le gouvernement d'agir, car dans leurs régions, c'étaient encore les mêmes fonctionnaires, les mêmes lois, la même oppression. La Russie révolutionnaire doit montrer qu'elle est « la mère et non point la marâtre de tous les peuples ».

En septembre-octobre 1917, au même moment qu'une vague de jacqueries gagne les campagnes russes, les différents peuples opprimés de l’empire tsariste déchu se soulèvent eux aussi. A la Conférence démocratique du 14 septembre, la colère des représentants des minorités nationales est palpable : 40 sur 55 votent contre le gouvernement. Lénine écrit alors :

« Après la question agraire, ce qui dans la vie de tout l'État russe a une importance exceptionnelle, surtout pour les masses petites-bourgeoises de la population, c'est la question nationale. Et nous voyons que, à la Conférence «démocratique» truquée par Monsieur Tsérétéli et consorts, la curie «nationale», par son radicalisme, occupe la deuxième place, ne le cédant qu'aux syndicats et laissant loin derrière elle la curie des Soviets de députés ouvriers et soldats.  »[12]

Le renversement de la monarchie leur a apporté l'égalité des droits civiques, mais n’a pas apporté de réelle libération nationale. Les KD ont perpétué la domination grand-russe, malgré leurs promesses antérieures. Les conciliateurs locaux, proches de la population, vont souvent plus loin dans les revendications que ne le veut le pouvoir central et conserveront plus longtemps leur base. Les bolchéviks sont peu présents parmi les minorités opprimées, mais la faillite des gouvernements de coalition sur la question nationale comme sur les autres, provoque le plus souvent de la bienveillance à son égard, d’autant plus quand il y a coïncidence des antagonismes sociaux et nationaux.

A la fin de l’été lorsque, à l’initiative d’Ukrainiens, un Congrès des Nationalités de Russie se tint à Kiev. Y participèrent les délégués de 13 nations : 6 Biélorusses, 2 Géorgiens, 4 Estoniens, 10 Juifs, 11 Kazakhs, 10 Lettons, 9 Lituaniens, 10 Tatars, 6 Polonais, 6 Roumains de Bessarabie, 5 Turcs, 9 Ukrainiens, et les représentants du gouvernement de Petrograd. Parallèlement, 15 partis socialistes représentant les mêmes communautés nationales avec, en plus, le Dashnak arménien, le parti nationaliste ossète, le Poale-Zion et le parti socialiste musulman se réunissaient pour définir les normes d’une politique des nationalités dans l’ex-Empire. La motion finale du Congrès se prononçait en faveur de l’élection non d’une seule assemblée constituante, comme y invitaient les partis nationaux SR, mais d’une assemblée constituante pour chaque communauté nationale, chacune décidant ensuite de la sécession ou du rattachement à un État ou une fédération.

3.2 Premières mesures soviétiques[modifier | modifier le wikicode]

Une des premières mesures des bolchéviks après l'insurrection d'Octobre fut, le 2 novembre (a.s), la déclaration des droits des peuples de Russie, qui décrétait « l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie », c’est-à-dire le « droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant », « l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux » et « le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe ».

En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avancée allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement soviétique supprima à l’intérieur de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des États bourgeois, de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.

Le 14 janvier 1918 est publiée la « Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité », rédigée par Lénine, qui est un appel à la formation d’une fédération de républiques soviétiques, fondée sur l’alliance libre et volontaire des peuples. Cette affirmation explicite du principe fédératif est un vrai tournant par rapport aux positions antérieures des bolchéviks, qui – en héritiers de la tradition jacobine – étaient hostiles au fédéralisme et favorables à un État unitaire et centralisé. Cependant, même après création d'une République socialiste soviétique, les communistes locaux restaient intégrés dans un fonctionnement centraliste avec la direction bolchévique, de fait à Moscou. C'est essentiellement par ce biais que, une fois le parti complètement bureaucratisé, le totalitarisme stalinien put avoir une emprise sur toute l'URSS.

3.3 L'Union des républiques socialistes soviétiques[modifier | modifier le wikicode]

Au cours des années suivant la révolution d'Octobre, les frontières ont été extrêmement mouvantes, sous l'effet de la guerre civile aussi bien que des revendications nationales émergentes. Une des forces des bolchéviks par rapport aux Blancs, en plus des questions sociales, fut leur soutien affiché au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Dans le contexte de la guerre civile, il n'était cependant pas toujours facile voire possible de réaliser des consultations réellement démocratiques, et un certain nombre d'entorses aux principes ont été commis, par exemple en Ukraine ou en Asie centrale. Ceci s'explique aussi par le fait que les proclamations émancipatrices faites au temps du POSDR étaient surtout le fait d'une direction autour de Lénine, souvent dans l'émigration et plus cosmopolite, tandis que de nombreux cadres du parti conservaient leurs préjugés grand-russes. Le recrutement en masse après la révolution a accentué ce trait. La direction du parti a elle même reconnu, par exemple lors du Congrès des peuples d'Orient, que des cadres locaux bolchéviks russes ont pu reproduire l'oppression grand-russe. Dès cette époque, une des tendances des cadres bolchéviks est de camoufler leurs préjugés grand-russes sous les injonctions à l'internationalisme.

Les réactions hostiles de certaines populations en raison de certaines actions du pouvoir soviétique (et qui se traduit également par une forte contestation au sein du parti) conduisent les vieux bolchéviks à non seulement réaffirmer le combat contre le chauvinisme de grande puissance, mais à développer une politique nationale d'abord empirique (bien qu'évidemment inspirée des positions qui étaient celles du POSDR et des bolchéviks) puis systématique.

Suivant une logique nationale-territoriale, et en se basant sur les données cartographiques et ethnographiques du tsarisme ainsi que de nouvelles, les bolchéviks ont mené une politique de découpage administratif se voulant rationnelle (en pratique surtout basée sur la langue). Loin de prôner l'assimilation, une politique d'affirmation culturelle (qui sera appelée Korenizatsiya en 1923) a été mise en place : mise en avant de la culture et de la langue locale (de nombreuses langues qui n'étaient qu'orales ont été dotées d'une écriture, souvent en alphabet latin), et une politique de recrutement de cadres bolchéviks autochtones (souvent avec de la discrimination positive). Par la suite, même là où les populations revendiquaient peu leur autonomie ou étaient très minoritaires, des administrations (oblast, district...) autonomes ont été mises en place. Des « soviets de nationalités » (natssoviety) ont également été créés pour certaines minorités. Par exemple à la fin des années 1920, il y avait en Ukraine des soviets russes et estoniens.

Le principe national-territorial était cependant difficile à appliquer dans de nombreuses régions, où de nombreux peuples vivaient entremêlés, parfois avec une opposition ville-campagne, certaines populations étant surreprésentées voire majoritaires dans des villes entourées d'autres nationalités (Juifs et Polonais en Biélorussie, Tadjiks et Juifs à Samarcande et Boukhara, Arméniens dans le Caucase...). La politique de Korenizatsiya impliquait aussi que les peuples se retrouvant minoritaires dans une République apprennent la langue majoritaire (cela s'est appliqué aussi aux Russes, par exemple en Ukraine). C'est pourquoi cette politique a attiré au bolchévisme de nombreux militants nationaux, et a aussi généré de la colère chez certaines minorités lésées. Dans le cas des Russes, souvent en situation de domination post-coloniale, c'était un choix assumé de la direction bolchévique (comme en Asie centrale et au Caucase).

Le 30 décembre 1922 est créée l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), par alliance des RSS de Russie, d'Ukraine, de Biélorussie et de Transcaucasie. La Russie est elle-même une fédération dans la fédération, la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR). C'est même elle qui a la composition ethnique la plus variée de l'URSS. Dans les premières années, 5 États indépendants furent créés, et au sein de la Fédération russe, 17 républiques autonomes et régions furent établies.

Le premier recensement de l'URSS en 1926 déclarait 176 nationalités. Après le foisonnement des premières années, le nombre des nations recensées a tendu à diminuer (97 au recensement de 1939, remonté à 126 en 1959), et certaines entités administratives ont parfois été fusionnées.[13]

Le principe du droit à l’auto-détermination des peuples a parfois été remis en question. En 1919 au congrès du PC(b)R, Boukharine (proche de Luxemburg sur la question) s'y oppose au nom de l’auto-détermination des classes laborieuses. Lénine réussit à défendre le maintien du principe de l’auto-détermination pour les peuples dominés et peu développés, où la lutte de classe n'est pas assez développée. Le droit au séparatisme n'a jamais été formellement supprimé par la suite, même si l'évolution des constitutions sous Staline l'a limité aux Républiques.

3.4 Évolutions sous le stalinisme[modifier | modifier le wikicode]

Au fur et à mesure que le pouvoir se bureaucratise, il se russifie. Même si dans de nombreux organes soviétiques de base les minorités nationales sont bien représentées dans les régions non russes, les sommets sont de plus en plus grand-russes. En 1917, au Praesidium et au Politburo, Russes et non-Russes étaient à égalité ; les non-Russes n’étaient plus que la moitié du nombre des Russes à la fin des années 1920.[14]

Au 12e congrès du parti bolchévik (avril 1923), Staline identifiait deux sources de danger, le « chauvinisme de grande puissance » (nationalisme grand-russe), et les « nationalismes locaux », même s'il disait encore que le premier était le plus grand danger. Sultan-Galiev, un des communistes musulmans, s'oppose frontalement à cette façon de présenter les choses, affirmant que la résistance au nationalisme n'est pas du nationalisme. Neuf jours plus tard, il était arrêté et exclu pour déviation nationaliste, panislamiste et panturquiste. Ce fut le premier dirigeant bolchévik exclu du parti. Il fut libéré, mais avec la mort de Lénine en 1924, il perd son principal protecteur.

En 1925, le Parti communiste de Russie devient le Parti communiste pansoviétique.

A partir de 1929 commencent des purges visant les leaders des territoires autonomes qui s'avèrent « trop autonomes » pour Staline, le plus souvent sous couvert d'accusations de nationalisme et d'oppressions envers des minorités. Le système de passeport introduit par Staline en 1932 obligeait les citoyens à choisir une nationalité parmi celles de leurs deux parents. Lors de l'adoption de la constitution de 1936, Staline proclame que l'URSS est à présent une société socialiste, dans laquelle les nationalités forment une harmonieuse union volontaire. A ce moment il y a 11 RSS, 22 RSSA, 9 oblasts autonomes et 9 kraïs. En 1937 de nombreuses accusations visent des élites locales qui voudraient démembrer l'URSS et restaurer le capitalisme.

Au fur et à mesure de ces purges, la page de la Korenizatsiya est tournée, et remplacée par un retour de la russification. Les populations de l'Ouest (Biélorusses, Ukrainiens, Polonais, Finnois...) sont de plus en plus suspectées d'être une cinquième colonne des impérialistes. Des discours essentialisants et racistes commencent à se déployer dans la bureaucratie. Le Russe à l'école devient obligatoire sur toute l'étendue de l'URSS, et les langues qui avaient été latinisées sont cyrillisées. Le nationalisme de l'époque tsarisme est peu à peu réhabilité, notamment tous les « héros nationaux ». Le peuple russe est décrit comme le « grand frère » de la « famille socialiste des nations », et Staline est le « petit père des peuples ».

4 Les différents mouvements[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Finlande et Caréliens[modifier | modifier le wikicode]

La Finlande faisait partie des pays les plus développés de l'Empire tsariste, et sa classe dirigeante avait réussi à obtenir une petite part d'autonomie. Mais en ce moment-là le sentiment national ne joue pas contre l'essor de la conscience de classe. Trotski raconte qu'en 1907, on appelait les nationalistes finnois révolutionnaire les « activistes », et que c'était des alliés des social-démocrates russes.

Le parlement finlandais (Séim) fut le premier parlement au monde où les social-démocrates obtiennent une majorité (103 sièges sur 200), en 1916. Suivant l'élan de Février, le 5 juin 1917 le Séim se proclame souverain, exception faite des questions concernant l’armée et la politique extérieure, et la social-démocratie finlandaise s’adressa « aux partis frères de Russie » pour avoir leur appui. Mais les menchéviks et les SR de Petrograd soutiennent le gouvernement provisoire lorsqu'il dissout le Séim le 18 juillet. Le chef d’État-major du Grand Quartier Général, le monarchiste Loukomsky, avertissait les finlandais qu'en cas d'insoumission, « leurs villes et, en première ligne, Helsingfors, seraient dévastées ».

Les ouvriers finlandais (14% de la population), entraînant les paysans pauvres (torpari), sont très influencés par le bolchévisme, et donc paradoxalement très liés aux soldats russes gagnés au bolchévisme stationnés chez eux. En particulier, c’est dans les eaux finnoises que se tenait la plus grosse partie de la flotte de la Baltique. Les SR de Helsingfors, presque tous SR de gauche, exigeaient dès juillet « tout le pouvoir aux soviets ». A tel point qu'en septembre, Kérenski tente de rappeler les troupes de Finlande afin de renforcer les possédants finlandais. Le congrès des soviets d'Helsingfors de septembre se déclarait près à se défendre contre toute tentative de contre-révolution, mais la social-démocratie finlandaise n’était pas prête à s’engager dans la voie de l’insurrection.

Sous l'effet de la lutte de classe montante, même les cercles bourgeois de Finlande qui étaient disposés à un accord avec Petrograd lèvent soudain l'étendard du nationalisme. Le journal Huvttdstatsbladet écrivait : « Le peuple russe est en proie à un déchaînement anarchique... Ne devons-nous pas dans ces conditions... nous détacher autant que possible de ce chaos ? » Le 23 octobre, deux jours avant sa chute, Kerenski adopte sous la pression une ordonnance "de principe" sur l’indépendance de la Finlande, exception faite des affaires militaires et des relations extérieures.

Après la révolution d'octobre, le pouvoir soviétique tente d'intervenir dans la guerre civile finlandaise.​ Les nationalistes finlandais nobles et bourgeois annoncent aussitôt leur indépendance, mais sont en réalité prêts à se vassaliser devant le Reich allemand pour lui demander son aide contre la révolution attisée par les bolchéviks. Les rouges prennent bientôt Helsinki, et le gouvernement provisoire finlandais remplié à Vasaa demande l'aide des Allemands en février 1918. Ceux-ci fourniront des armes et des soldats. Au milieu des tergiversations des social-démocrates finlandais au pouvoir, les révolutionnaires finissent massacrés par la terreur blanche. Les anciens « activistes » finnois « devinrent fascistes et les pires ennemis de la révolution d'Octobre » (Trotski).

Des caréliens, proches des finnois,vivent côté russe à la frontière avec la Finlande. A partir du 8 juillet 1920, une « commune ouvrière de Carélie » est créée. Elle devient la RSSA de Carélie fin 1923.

4.2 Pologne[modifier | modifier le wikicode]

Aux 16e-17e siècles, la République des deux nations (Pologne-Lithuanie), en réalité monarchie constitutionnelle dominée par la Pologne, s'étendait sur un vaste territoire englobant une grande partie des actuelles Biélorussie et Ukraine. Au 18e siècle, elle a subi plusieurs partages entre les puissantes montantes voisines. Au début du 19e siècle, la Pologne était partagée entre la Russie, la Prusse et l'Autriche. Des insurrections dirigées par une partie de la noblesse polonaise éclatèrent, en 1830-1831, puis en 1846, 1848, 1863-1864... Elles furent durement réprimées, notamment par le tsarisme (et causèrent ce qui fut appelée la Grande émigration). A cette époque Marx et Engels considéraient comme un devoir absolu pour toute la démocratie d’Europe occidentale (et à plus forte raison pour la social-démocratie), de soutenir activement la revendication de l’indépendance de la Pologne[15].

Lénine écrira plus tard que ce point de vue qui était parfaitement juste avait cessé de l'être au 20e siècle (mais il continuer à défendre le droit de la Pologne à l'indépendance, face à Rosa Luxemburg par exemple).

« Alors que les masses populaires de Russie et de la plupart des pays slaves dormaient encore d’un sommeil profond ; alors que dans ces pays il n’existait pas de mouvements démocratiques de masse, indépendants, le mouvement libérateur seigneurial en Pologne acquérait une importance gigantesque, de premier plan, du point de vue de la démocratie non seulement de la Russie entière, non seulement de tous les pays slaves, mais encore de toute l’Europe. Mais si ce point de vue de Marx était entièrement juste pour le deuxième tiers ou le troisième quart du XIXe siècle, il a cessé de l’être au XXe Des mouvements démocratiques indépendants, voire un mouvement prolétarien indépendant a pris naissance dans la plupart des pays slaves, et même dans un des pays slaves les plus arriérés, la Russie La Pologne seigneuriale a disparu pour faire place à une Pologne capitaliste. »[16]

Le socialisme polonais s'est divisé entre le PPS (dont le leader Piłsudski évolua vers le nationalisme de droite), et le SDKPiL (qui sous l'influence de Luxemburg refusait les revendications nationales).

Pendant la guerre de 1914-1918, la Russie perd le territoire du cœur de la Pologne au profit de l'Allemagne. Quand l'Allemagne, en pleine révolution, se retire en novembre 1918, l'indépendance de la Pologne est proclamée par Piłsudski, devenu très populaire dans la résistance armée. Mais Piłsudski porte un nationalisme expansionniste vers l'Est, par nostalgie de l'ancienne République des deux nations, et ambitionne de conquérir la Lituanie, l'Ukraine, la Biélorussie... Cela engendre rapidement des conflits avec la jeune Russie soviétique, qui elle avance vers l'Ouest, dans l'espoir d'étendre la révolution. Les bolchéviks, déjà affaiblis par la guerre civile, tentent cependant d'être prudents pour ne pas apparaître comme des envahisseurs russes aux yeux des différents peuples qui commencent à revendiquer leur autonomie / indépendance.

Début 1919, des conflits éclatent pour le contrôle de Vilnius (Lituanie) entre les bolchéviks locaux et la milice urbaine polonaise, sans que cela soit ordonné par les gouvernements. Vilnius, qui changera plusieurs fois de mains, est à majorité polonaise, mais est aussi le cœur de la Lituanie qui repousse l’annexionnisme polonais. Une ligne de front se forme progressivement de la Lituanie jusqu'à l'Ukraine, là où se rencontrent et s'arrêtent les polonais et les bolchéviks. Le premier affrontement sérieux a lieu le 14 février 1919 en Biélorussie. Mais les conflits restent sporadiques. Les bolchéviks sont surtout mobilisés contre les Blancs, et par ailleurs Piłsudski considère les Blancs comme plus dangereux que les Rouges, car ils tiennent absolument à replacer la Pologne sous domination russe, tandis que les bolchéviks proclament le droit à l'auto-détermination des peuples. Pilsudski est soutenu par l’impérialisme français, qui envoie de nombreux soutiens militaires (dont Pétain et De Gaulle). Des négociations de paix sont menées en parallèle, mais les tensions territoriales finissent par déboucher sur la guerre russo-polonaise, lorsque Piłsudski (après avoir renoncé à annexer l'Ukraine) s'allie au nationaliste ukrainien Petlioura, et envoie des troupes prendre Kiev le 24 avril 1920.

La contre-offensive de l’Armée Rouge l’oblige bientôt à battre en retraite, mais les forces soviétiques poursuivent l’envahisseur et violent la frontière polonaise, arrivant en août aux portes de Varsovie – avant d’être obligées, à leur tour, de se replier vers leur point de départ, face un puissant élan national anti-russe. La décision d’envahir la Pologne fut prise par la direction soviétique, sous l’impulsion de Lénine lui-même – contre l’avis de Trotski, Radek et Staline. Il ne s’agissait pas, bien entendu, d’un projet d’annexion de la Pologne, mais d’« aider » les communistes polonais à prendre le pouvoir, en établissant une république soviétique polonaise. Il n’empêche qu’il s’est agi bel et bien d’une violation évidente du principe d’autodétermination des peuples : comme l’avait répété Lénine lui-même, on n'impose pas le communisme à d’autres peuples via l'armée.

4.3 Ukraine[modifier | modifier le wikicode]

Considéré par beaucoup – y compris à un moment par Marx et Engels – comme un « peuple sans histoire »[17], le peuple ukrainien a pourtant commencé assez tôt à se constituer comme nation, notamment avec le soulèvement cosaque de 1648 contre l’État polonais, sa noblesse et son clergé.[18]

Au début du 20e siècle, la partie occidentale d’Ukraine, la Galicie, appartenait à l’empire austro-hongrois, le reste étant pour les Russes la « Petite Russie ». Les deux revendications centrales du mouvement national renaissant étaient l’indépendance et l’unité de l’Ukraine. Les masses, qui s'éveillaient à la politique, désiraient une réforme agraire et l’indépendance. L'Ukraine était une des zones les plus développées de l'empire russe. Mais les circonstances historiques de ce développement ont fait que seulement 43 % du prolétariat était de nationalité ukrainienne – le reste étant russe, russifié et juif. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif, et les Ukrainiens forment moins d'un tiers. A la campagne presque tout le monde est ukrainien.

Le POSDR (bolchéviks comme menchéviks) était principalement implanté dans ce prolétariat non ukrainien, et coupé du sentiment national, de même que les socialistes juifs (Bund, Poale Zion). Les bolchéviks n’employaient que le russe dans leur presse, et n'avaient pas de centre de direction sur place. Le Parti ouvrier social-démocrate ukrainien (USDRP), de nature plus petite-bourgeoise mais mieux implanté chez les Ukrainiens, oscillait entre lutte de classe (Vynnytchenko) et revendications nationales (Petlioura).

Au moment de la révolution de février 1917, la Rada (conseil) centrale est dominée par une coalition de socialistes (USDRP, UPSR, menchéviks...) qui revendique seulement une autonomie dans le cadre d'une Russie démocratique. Ils attendent beaucoup du gouvernement de Petrograd. Mais les dirigeants menchéviks et SR au gouvernement provisoire (pourtant sensiblement de la même composition sociale que la Rada), s'alignaient sur les intérêts de la bourgeoisie russe. D'autant plus qu'économiquement, l'Ukraine était précieuse pour son blé, son charbon et son minerai. A ce titre les bourgeois russes trouvaient beaucoup plus intolérables les velléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Les bolchéviks craignaient aussi l'impact d'une séparation, mais Lénine réaffirmait néanmoins le droit à l'auto-détermination, ajoutant : « Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas ; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront. » (avril 1917)

La Rada confie à Petlioura (devenu un pur nationaliste) la constitution d'une armée nationale. Kerenski tente de l'interdire en juin, mais recule devant la détermination des Ukrainiens. Mais après l'écrasement des journées de juillet, Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, « pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe ».

C'est pourquoi l'influence bolchévique a peu à peu gagné du terrain, en mettant en avant le partage des terres, le pouvoir des soviets, et le droit à l'autodétermination. Mais le parti bolchevik restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des mencheviks. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, mi-octobre, donnait encore une petite majorité aux conciliateurs.

Néanmoins, les dirigeants socialistes ukrainiens sont tellement hostiles aux bolchéviks, qu'aussitôt après la révolution d'Octobre, Petlioura déclare l'indépendance. Les bolcheviks réagissent en proclamant à Kharkov une RSS ukrainienne. Les troupes rouges prennent Kiev le 9 février 1918, après 12 jours de bombardement.

Après Brest-Litovsk (mars 1918), l’Ukraine est livrée aux occupants allemands, mais plonge surtout dans le chaos. Elle deviendra un immense champ de bataille entre guerres et guerre civile, la capitale Kiev change dix fois de mains entre décembre 1917 et juin 1920. De nombreux groupes armés s'affrontent et pillent / taxent villes et villages : l'armée rouge, l'armée de Petlioura, les armées blanches de Denikine et Wrangel (soutenues par les Anglais et les Français), les anarchistes de Makhno, diverses troupes débandées...

Après le départ des Allemands (novembre 1918), un deuxième gouvernement bolchévik est mis en place. Dirigé par Rakovsky, qui est convaincu qu'il n'y a pas de nation ukrainienne, il prend de nombreuses mesures qui suscitent la colère, notamment l'interdiction de la langue ukrainienne. Il y a des oppositions dans le PC(b) d'Ukraine (qui est une section du PC russe), presque la moitié étant pour l'indépendance. Il y a aussi des secteurs qui rompent sur la gauche de l'USDRP et surtout sur la gauche « borotbiste » de l'UPSR, bien implantée dans la paysannerie, qui forme un PC « ukrainien », en faveur d'un régime soviétique mais indépendant.

Réagissant à des révoltes, la direction bolchévique (Lénine et Trotski en particulier) infléchit la ligne. Elle lève les interdictions de l'Ukrainien, promet un congrès permettant de décider démocratiquement de la forme d'État (indépendant ou fédéré), et appelle à faire front contre les Blancs. Grâce à ce tournant une moitié des borotbistes intègre le PC(b)U (mars 1920).

Mais en avril 1920, la prise de Kiev par les Polonais (alliés à Petlioura), puis la contre-attaque russe jusqu'à Varsovie créé un climat de chauvinisme pour la défense de la Russie « une et indivisible », ouvertement encouragé. Les Izvestia publiaient un poème réactionnaire : « Comme jadis le Tsar Ivan Kalita rassemblait les pays russes l’un après l’autre (...) tous les patois et tous les pays, toute la terre multinationale, se réuniront dans une foi nouvelle » afin de « rendre leur puissance et leur richesse au palace du Kremlin » Dans les campagnes ukrainiennes, des fonctionnaires soviétiques demandaient aux paysans : « Quelle langue, russe ou petliouriste, voulez-vous qu’on enseigne dans les écoles ? Quels internationalistes êtes-vous, si vous ne parlez pas russe ! ».

Après la fin de la guerre civile, l'Ukraine soviétique connaît une sorte de renaissance culturelle, notamment sous l'influence des borotbistes au sein du PC. Ceux-ci seront en revanche victimes des grandes purges de Staline.

Pour Luxemburg le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que « l'amusement » d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et elle reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. Trotski répondait : « La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant. »

Bien plus tard, en 1939, Trotski défend le droit à l'autodétermination de l'Ukraine en 1939 contre l'URSS, bien qu'il considère cette dernière comme un État ouvrier.[19] 

A noter que la Crimée fut, après avoir été reconquise sur les Blancs, proclamée RSSA de la RSFSR le 18 octobre 1921.

4.4 Russie blanche (Biélorussie)[modifier | modifier le wikicode]

En Russie Blanche, les propriétaires terriens étaient polonais, et le fonctionnariat était russe. Une population juive était importante dans les villes, où en revanche les biélorusses ne dépassaient pas les 40%.

Pendant la guerre mondiale et les mois qui suivent Février 1917, l’influence du front proche aggrava le fardeau sur la paysannerie, mais permit aussi de la gagner à l'influence bolchévique. Ainsi en Biélorussie, les bolchéviks obtiennent une majorité dans les soviets ouvriers et paysans, mais même aux élections pour l’Assemblée constituante, qui ont eu lieu en novembre 1917 (60%, contre 25% dans le reste de l'Empire).

En décembre 1917, un congrès biélorusse réunit à Minsk des délégués de toutes sortes d'organisations bourgeoises, qui sont anti-bolchéviques et réclament l'indépendance. Ce congrès élit un conseil sous la direction de Jan Sierada (qui deviendra la Rada). La droite du congrès (plutôt de l'ouest du pays) défendait la démocratie bourgeoise et l'indépendance immédiate, tandis que la gauche défendait plutôt un État soviétique fédéré avec la Russie. Dans la nuit du 18 décembre, les bolchéviks dispersent le congrès et arrêtent plusieurs participants.

Caricature montrant les Polonais et les Russes déchirant la Biélorussie

Le traité de Brest-Litovsk de mars 1918 cède une partie de la Biélorussie aux Allemands. La Rada tente de s'organiser et proclame l'indépendance de la République populaire biélorusse le 25 mars 1918, bien que non reconnue par les Allemands. Avec la révolution allemande de novembre 1918, l'occupant se retire, et l'Armée rouge revient (5 janvier 1919). La Rada s'exile (et est toujours officiellement en exil actuellement).

Le 1er janvier 1919, sans attendre la reconstitution des soviets, les communistes biélorusses proclament une RSS de Biélorussie. Mais suite aux revers face aux troupes polonaises, les bolchéviks veulent fortifier leurs bases en créant une RSS lituano-biélorusse, ce qui est acté par la réunion des comités exécutifs centraux des soviets de Lituanie et de Biélorussie le 17 février 1919, sous la supervision de Joffé. Cet état dit « Litbel » est dirigé par le Lithuanien Kapsukas. Au même moment, trois provinces orientales majoritairement russifiées (Smolensk, Vitebsk, Moguilev) sont intégrées à la RSFSR. La fusion n'a cependant pas été bien vue, surtout côté biélorusse. Sous l'avancée polonaise, le Litbel disparaît en août 1919. Le cessez-le-feu en octobre 1920 voit la Biélorussie déchirée en deux. Des révoltes indépendantistes isolées ont eu lieu, comme dans la ville de Sloutsk, que l'Armée rouge reprend par la force. Mais globalement, le nationalisme biélorusse étant faible, le pays aurait pu devenir une RSSA au sein de la RSFSR. Mais beaucoup ont mis en avant l'importance de donner une indépendance formelle à la Biélorussie, tout en respectant ses minorités : notamment Trotski, qui pensait que cela faciliterait l'extension de la révolution vers l'Ouest en faisant une tête de pont. Ainsi dans les années 1920, en même temps que l'alphabétisation de la population, la culture biélorusse fut mise en avant, ce qui visait aussi à être un pole d'attraction pour les Biélorusses vivant en zone polonaise. Mais trois autres langues étaient reconnues comme langues de la république : le russe, le yiddish, et le polonais.

4.5 Pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie)[modifier | modifier le wikicode]

En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le pouvoir des soviets.

Pour justifier de sa représentativité, le Soviet de Revel (aujourd'hui Talinn, Estonie) se fit élire par tous les citoyens de la capitale, bourgeois y compris. Deuxième concession envers l’identité nationale, il accepta d’envoyer des délégués à la Seim ainsi reconnue comme représentant le peuple estonien.

Avec l'avancée allemande (Riga tombe le 3 septembre 1917), des milliers de soldats et d'usines avec leurs ouvriers furent évacués des provinces baltes. Ils contribuèrent énormément à diffuser l'était d'esprit révolutionnaire : « Les bolcheviks lettons, arrachés au sol natal et entièrement placés dès lors sur le terrain de la révolution, convaincus, opiniâtres, résolus, menaient de jour en jour un travail de sape dans toutes les parties du pays. Des faces aux traits durs, un accent rauque et, en russe, des phrases souvent incorrectes donnaient une impression particulière à leurs indomptables appels pour l'insurrection. »

La Lettonie a fini par voter à 72 % pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la Tchéka. Pourtant, les pays baltes seront récupérés par les Blancs grâce à l'aide de l'Allemagne[20].

Avec le traité de Brest-Litovsk de mars 1918, les pays baltes sont cédés aux Allemands. Avec la révolution allemande de novembre 1918, l'occupant se retire, et l'Armée rouge revient. Les bolchéviks tentent de s'appuyer sur les communistes locaux pour former des RSS, mais échouent. Les Polonais, les Français et les Anglais aidèrent les nationalistes des pays baltes à devenir indépendants, pour en faire des Etats tampons face au bolchévisme.

La Lettonie, soutenue par devient indépendante le 18 novembre 1918. L'Estonie devient également indépendante le 24 février 1918.

La Lituanie proclame son indépendance le 16 février 1918. Une RSS de Lituanie est proclamée le 16 décembre 1918, depuis Daugavpils, ville conquise par l'Armée rouge. Le PC de Lituanie, fondé en octobre 1918, était dirigé par Kapsukas, qui, passé du mouvement de renaissance national à l'internationalisme social-démocrate de Luxemburg, était contre les revendications nationales. Dans la première version de la proclamation de la RSS, il écrivait « Longue vie à la RSFSR avec la Lituanie soviétique incorporée ! ». La version finale revue par Staline la modifiait en « Longue vie à la République soviétique lituanienne libérée ! ». La Lituanie est perdue suite à une nouvelle offensive allemande en février 1919, et les troupes polonaises de Pilsudski prennent Vilnius (avril 1920). Les Polonais dirigèrent une République de Lituanie centrale (région autour de Vilnius) de 1920 à 1922, avant de l'annexer.

4.6 Juifs[modifier | modifier le wikicode]

Il y avait environ 4% de Juifs dans la population de l'Empire russe au début du 20e siècle. Les pogroms contre les juifs étaient fréquents et attisés par les nobles réactionnaires et les Cent-Noirs. Un véritable racisme d'État avait été mis en place, avec une législation spécifique pour les Juifs.

Les organisations juives de Russie ont été nombreuses à reprendre la revendication d'autonomie nationale-culturelle développée par les austro-marxistes. Notamment, le Bund défendit cette position qui fut très majoritairement rejetée lors du congrès du POSDR de 1903. Les bolchéviks comme les menchéviks étaient bien sûr pour la suppression de toutes les lois antisémites de Russie, mais opposés à des formes d'organisations séparées dans le mouvement ouvrier et dans l’État (ils défendaient le droit au séparatisme territorial des minorités nationales, mais cela ne concernait pas les Juifs qui n'avaient pas territoire spécifique). Dans un texte polémique, Lénine compare même l’idée bundiste d’écoles juives distinctes avec celle des écoles ségréguées pour Noirs au sud des États-Unis.

Néanmoins aux lendemains de la prise du pouvoir, les bolcheviks adoptèrent une politique inspirée dans une large mesure par l’autonomie nationale culturelle. Le yiddish obtint le statut de langue officielle en Ukraine et en Biélorussie, et des revues, bibliothèques, journaux, maisons d’éditions, théâtres, et même des centaines d’écoles en yiddish se sont développés. À Kiev fut créé un Institut universitaire juif qui rivalisait avec le célèbre YIVO de Vilnius. Bref, sous l’égide des soviets, et dans le cadre d’une politique d’autonomie culturelle, on assista à une véritable floraison culturelle yiddish – encadrée, il est vrai, par le « despotisme éclairé » de la Yevsekzia, la section juive du parti bolchevique, composée en large partie d’anciens bundistes et sionistes de gauche gagnés au communisme.

Bundist demonstration.jpg

L'antisémitisme était très répandu dans la population, et quand les soviets se sont constitués en 1917, ils ont eu à le combattre parmi les soldats, les ouvriers et les paysans. Parmi l'influence de masse qu'ont atteinte les bolchéviks, il y avait parfois des poussées « d'antisémitisme populaire », dirigées contre les menchéviks, le gouvernement provisoire...  Les cadres du parti bolchévik tentaient de combattre ce phénomène comme ils pouvaient, incités par des groupes juifs auto-organisés au sein du camp révolutionnaire.

Paradoxalement, cela n'a pas empêché les réactionnaires d'attaquer les bolchéviks en les traitant de juifs, surtout après Octobre. Les Juifs étaient légèrement surreprésentés parmi les cadres social-démocrates (et légèrement plus nombreux parmi les menchéviks). Mais ils ne représentaient bien entendu qu'une minorité, comme dans l'ensemble de la population de Russie.

Les armées blanches et surtout l'armée Petlioura ponctuent leurs avancées de pogroms antisémites systématiques et à grande échelle, d'une violence meurtrière alors sans précédent dans l'histoire européenne. Les victimes s'élèvent à près de 150000 morts (dont un certain nombre morts lors des combats et non au cours de pogroms), auxquels il faut ajouter de nombreux viols, vols et vandalismes. Il est arrivé que des régiments de l'armée rouge commettent aussi des pogroms. Sur les 1236 pogroms antisémites recensés par l’historien Kostyrtchenko 40 % sont à mettre au compte des troupes Petlioura, 25 % à celui des troupes « vertes », 17 % aux armées blanches et 8 % à l’armée rouge.

Le régime bolchevik a fini par interdire le Bund, non pas en tant qu'organisation juive mais en tant qu'organisation combattant le nouveau pouvoir, comme les menchéviks auxquels il était lié. Sous le régime stalinien, l'antisémitisme a vite connu une résurgence, finissant par frapper même ceux des juifs qui étaient les plus zélés staliniens, comme le journaliste/dénonciateur David Zaslavski.

Suite à l'assassinat de la famille impériale, un mythe antisémite va circuler dans les milieux les plus réactionnaires : celui selon lequel il s'agirait d'un « meurtre rituel juif ». En 2017, sous le régime de Poutine, la justice ouvre officiellement une enquête pour étudier cette thèse.

4.7 Allemands[modifier | modifier le wikicode]

Il existait d'importantes minorités allemandes dans certaines régions de l'Empire (Allemands de la Volga, notamment). Le déclenchement de la Guerre de 1914 contre l'Allemagne a déclenché une vague d'hostilité à leur encontre.

« Partout l'on cherchait à qui s'en prendre. On accusait d'espionnage, sans exception, tous les Juifs. On mettait à sac les gens dont le nom de famille était allemand. Le GQG du grand-duc Nicolas Nicolaïévitch ordonna de fusiller le colonel de gendarmerie Miassoïédov, comme espion allemand — qu'il n'était probablement pas.  »[21]

Par ailleurs, étant donnée l'histoire des influences allemandes, « les états-majors et la Douma accusaient de germanophilie la Cour impériale ». C'est d'ailleurs par nationalisme que Saint-Petersbourg, nom allemand, fut renommée en Petrograd dès le début de la guerre. En mai 1915, la foule saccage des maisons allemandes à Moscou.

Le 9 octobre 1918, un décret crée la « Commune ouvrière des Allemands de la Volga », un des premiers territoires autonomes au sein de la République soviétique russe. Son chef-lieu est d'abord Saratov, puis Iekaterinenstadt en mai 1919 (rebaptisée Marxstadt le 4 juin). Le 20 février 1924, l'oblast est élevé au rang de république socialiste soviétique autonome des Allemands de la Volga. Elle est abolie par Staline lorsque Hitler attaque l'URSS en 1941. Staline russifie alors les noms de ville (Marxstadt devient Marks...) et déporte de nombreux Allemands.

4.8 Légion tchéco-slovaque[modifier | modifier le wikicode]

Lorsqu'éclata la Première Guerre mondiale, les Tchèques et les Slovaques vivant dans l'Empire russe eurent l'accord du tsar pour organiser une armée nationale pour combattre l'Autriche-Hongrie. Le corps d'armée compta jusqu'à 65 000 hommes. Après Octobre et le traité de Brest-Litovsk, il est convenu que la légion tchéco-slovaque doit être être évacuée vers la France pour y continuer la guerre. En raison du front, l'évacuation devait être faite par le port de Vladivostok via le transsibérien.

Mais en chemin, la légion tchéco-slovaque s'empare d'un important territoire proche du chemin de fer sur la Volga, capturant par ailleurs huit wagons chargés d'or de la réserve impériale de Kazan. Après ce fait d'armes, les bolcheviks durent négocier un nouvel arrangement et de l'or pour leur permettre de rejoindre leur pays en 1920. La plupart des hommes de la Légion furent malgré tout évacués par Vladivostok, mais certains se joignirent à l'armée anti-bolchevik de l'amiral Koltchak.

4.9 Turkestan (Ouzbékistan, Kazakhstan, Turkménistan)[modifier | modifier le wikicode]

Le Turkestan russe (Asie centrale) avait été conquis dans la deuxième moitié du 19e siècle par les armées tsaristes et soumis à une exploitation coloniale. On y retrouve le développement de monocultures (coton en particulier), un clivage spatial entre villes-villages d’indigènes d’un côté, de colons de l’autre – dont le nombre avait considérablement augmenté après l’achèvement en 1906 de la construction de la ligne ferroviaire reliant Moscou à Tashkent –, et une opposition frontale entre les uns et les autres – les occupants russes, ukrainiens, allemands (ethniques) et juifs, divisés nationalement dans le reste de la Russie, faisant avant tout ici figure, unie, de Blancs face aux musulmans.

L'Asie centrale en 1922

La conscription provoque en 1916 une révolte de taille au Kazakhstan. Hormis le militant kazakh Turar Ryskulov qui rejoint les bolchéviks en septembre 1917, les soutiens des bolchéviks (et des socialistes en général) sont faibles en Octobre.

Le parti nationaliste libéral kazakh, Alash Orda, proclama le 13 décembre 1917 l'autonomie du territoire correspondant à l'actuel Kazakhstan, et s'allia aux Blancs.

Pendant la guerre civile, les indigènes musulmans subissent beaucoup de spoliations de leurs terres et d’autres vexations de la part des communistes russes locaux. Ces plaintes seront notamment relayées par un délégué du Turkestan, Narbutabekov, lors de la Conférence de Bakou en septembre 1920 :

« Pour éviter que l’histoire du Turkestan ne se répète dans les autres parties du monde musulman, […] [n]ous vous disons : débarrassez-nous de vos contre-révolutionnaires, de vos éléments étrangers qui sèment la discorde nationale ; débarrassez-nous de vos colonisateurs travaillant sous le masque du communisme. »

En octobre 1919, une commission, (la Turkkommissia) avec à sa tête Frounzé, est envoyée au Turkestan afin de remédier aux errements dans la mise en œuvre de la politique nationale et encourager la participation de la population locale aux soviets. Mais la politique de la Turkkommissia sera durement critiquée, notamment par Ryskulov, ce qui amènera Lénine a surveiller de plus prêt la politique menée. Il appelle à liquider les inégalités entre colons et indigènes en « égalis[ant] la propriété terrienne des Russes et des étrangers avec celle de la population locale ». Il ajoute : « L’objectif général doit être le renversement du féodalisme, mais non le communisme »[22].

Un conflit éclate en 1921 au sein de la Turkkommissia entre :

  • Mikhaïl Tomsky, qui affirme appliquer la NEP, et donc défend l’introduction immédiate de l’impôt en nature mais le statu quo en terme de partage de terre. Sa position est soutenue par les colons russes.
  • Georgui Safarov, qui préconise la mise en place de comités de paysans pauvres, le partage des terres des koulaks (donc localement surtout de colons russes) et l’incitation à la polarisation de classes au sein de la population musulmane. Sa position est soutenu par de nombreux musulmans.[23]

Début août 1921, Ioffé est envoyé par le Politburo au Turkestan pour arbitrer le différend et œuvrer à un compromis permettant de lutter contre l’exclusion des musulmans de l’exercice du pouvoir sans pour autant s’aliéner les masses travailleuses russes, qui forment l’essentiel des « forces rouges au Turkestan ».[24]

La neutralité de Lénine dans le conflit Tomski-Safarov n’est que de façade. Transmettant à Staline, Commissaire du peuple aux nationalités, une lettre de Safarov, il ajoute en post-scriptum que ce dernier « a tout à fait raison ». Staline ne partage guère cette opinion et répond qu’ils « ont tous les deux tort ». Safarov se retrouve vite attaqué par l'appareil du parti, et par Staline qui l'accuse de contribuer à l’ « exacerbation des dissensions nationales », de « détruire l’organisation du parti au Turkestan » et de « compromettre le parti aux yeux des travailleurs ». Staline prône la liquidation de ce qu'il appelle le « banditisme nationaliste de masse » qui saccagerait les récoltes de coton : « la conclusion est claire : Safarov doit être congédié. »

Le 13 septembre 1920, dès réception du rapport de Ioffé, qui accable Safarov, le Politburo décide de suspendre ce dernier. Le même jour, Lénine adresse une missive à Ioffé. Le soupçonnant de s’être rangé aux positions de Tomski, il exige de lui davantage de détails, « des faits, des faits, des faits », sur le « sort » du coton, sur la lutte contre les rebelles musulmans anti-soviétiques, mais surtout sur « la question de la défense des intérêts des autochtones contre les outrances “russes” (grand-russiennes ou colonisatrices) ». Car Lénine « soupçonne fort la “ligne Tomski” […] de relever du chauvinisme grand-russien, ou plus exactement de pencher dans ce sens ». De manière plus acérée encore qu’auparavant, il souligne la portée internationale des politiques soviétiques au Turkestan et exige l’adoption d’une ligne de conduite foncièrement anticolonialiste :

« Pour toute notre Weltpolitik, il est diantrement important de gagner la confiance des autochtones ; de la gagner au triple et au quadruple ; de prouver que nous ne sommes pas des impérialistes, que nous ne souffrirons aucune déviation dans ce sens. C’est une question mondiale, je n’exagère pas, mondiale. Il faut être d’une extrême rigueur. Cela aura un retentissement en Inde, en Orient ; pas question de plaisanter, il faut être 1 000 fois prudent. »[25]

Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de Sokolnikov. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, « sous secret » un message. Continuant de penser que « Safarov a raison (tout au moins en partie) », il prie Sokolnikov « de mener une enquête objective pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan ». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien : « Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte. »[26] Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.

La RSSA du Turkestan est proclamée le 30 avril 1918. Finalement, les partisans de la division ethnique l'emportent, et le Turkestan est scindé en RSS du Turkménistan (13 mai 1925) et RSS d'Ouzbékistan (27 octobre 1924). Juste au nord, sur l'actuel Kazakhstan, la RSSA Kirghize est créée le 26 août 1920 (renommée RSSA Kazakh en juin 1925). La RSSA Tadjik est créée en 1924 au sein de la RSS d'Ouzbékistan, puis séparée en tant que RSS en 1929. A ce moment-là des tensions eurent lieu, car cela revenait à laisser les villes de Samarcande et Boukhara (quasiment à majorité tadjik) isolées dans l'Ouzbékistan.

4.10 Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Tchétchénie, Daghestan)[modifier | modifier le wikicode]

En Géorgie, les villes étaient majoritairement russes et arméniennes. Staline écrivait en 1913 : « si, par exemple en Géorgie, il n’y a pas de nationalisme anti-russe tant soit peu sérieux, c’est d’abord parce qu’il n’y a point là-bas de grands propriétaires fonciers russes ou de grosse bourgeoisie russe, qui pourraient alimenter un tel nationalisme dans les masses. Il existe en Géorgie un nationalisme antiarménien, mais c’est parce qu’il y a encore là-bas, une grande bourgeoisie arménienne qui, battant la petite bourgeoisie géorgienne non encore affermie, pousse cette dernière au nationalisme anti-arménien. »[3]

Lors de la Conférence d'État de Moscou (août 1917), le menchévik géorgien Tchkenkeli déclara : « Jusqu'à présent, les nationalités de la Transcaucasie n'ont fait aucune manifestation séparatiste et elles n'en feront pas ultérieurement. » Cet engagement fut couvert d'applaudissements des réactionnaires et des conciliateurs... Mais à partir de l'insurrection d'octobre, Tchkenkeli sera un des leaders du séparatisme.

Aux élections de la Constituante, la Géorgie s'est donnée une majorité menchevique qui proclame l'indépendance et constitue un gouvernement internationalement reconnu. En février 1919, la majorité menchévique est confirmée avec un résultat électoral de 80%. La « République démocratique de Géorgie », dirigée par Noé Jordania, procède à une réforme agraire et accorde une certaine autonomie aux minorités abkhaze et ossète. A travers le traité de Moscou de mai 1920, il légalise les organisations bolcheviques géorgiennes, tandis que le pouvoir soviétique reconnaît à nouveau la Géorgie indépendante.

En 1920-1922, l'Armée rouge envahit l'Arménie et la Géorgie (Staline s'appuie pour cela sur un simulacre d'insurrection) et réintègre ces pays dans l'orbite russo-soviétique après de violents combats. Fin 1921, la direction du PC russe, notamment Staline et Ordjonikidzé (eux-mêmes d'origine géorgienne) voulurent imposer l'intégration de la Géorgie, de l'Arménie et de l’Azerbaïdjan dans la Russie, et réprimèrent durement les communistes géorgiens (« Affaire géorgienne »). Cela sera notamment une cause du soulèvement géorgien d'août 1924 (plus de 10 000 morts).

En Arménie, les bolchéviks étaient à l'origine peu nombreux, même s'ils étendent leur influence en 1920. Après une première tentative d'insurrection le 1er mai, des communistes arméniens venus de Bakou proclament la soviétisation du pays le 29 novembre et sollicitent l'intervention des troupes de l'Armée rouge (11e armée, alors en Azerbaïdjan), que de nombreux Arméniens, en débâcle lors de la guerre arméno-turque, accueillent en sauveurs. Le 2 décembre 1920, la Première République s'efface, son gouvernement reconnaissant la RSS d'Arménie. Mais la mise sur pied d'une section locale de la Tchéka et de tribunaux révolutionnaires rend rapidement le nouveau régime impopulaire. Lorsque la 11e armée est envoyée soviétiser la Géorgie, un gouvernement d'union nationale est créé le 18 février 1921 et les libertés rétablies ; il est déposé au retour de l'Armée rouge, le 2 avril.

L’Azerbaïdjan était encore plus sous-développé que la Russie mais avec une concentration ouvrière très forte du fait du pétrole. C’est un exemple extrême de développement inégal et combiné.[27] Dans les villes prédominait la population russe et arménienne. Le parti bourgeois libéral Müsavat, fondé en 1911, était hostile aux bolchéviks. Une situation de double pouvoir s'installe entre le soviet qui se constitue en Commune de Bakou, et le Sejm (parlement). L'organisation Azerbaidjani Hummet, musulmane mais évoluant vers le socialisme, fut la seule à être reconnue par les bolcheviks comme un véritable parti socialiste. Elle devint plus tard le noyau du PC de l’Azerbaïdjan. La République démocratique d'Azerbaidjan est proclamée le 28 mai 1918, et renversée par les rouges le 28 avril 1920. Parmi les erreurs commises à cette époque, on peut mentionner l’intégration forcée à la République soviétique d’Azerbaïdjan de la région du Haut-Karabakh, peuplée en majorité d’Arméniens – un contentieux qui allait exploser à la fin des années 1980.

Une République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie est formée le 12 mars 1922 avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie comme Républiques autonomes. Elle durera jusqu'au 5 décembre 1936.

Une République des Montagnards a brièvement vu le jour au Nord-Caucase, regroupant les populations de Tchétchénie, Ingouchie, Ossétie du Nord, Abkhazie, Kabardino-Balkarie et Daghestan. Une Union des Peuples du Nord-Caucase fut créée en mars 1917 et un comité exécutif élu, dirigé par Tapa Tchermoeff. La république montagnarde fut officiellement proclamée le 11 mai 1918. Les Montargnards se battent contre les Blancs pendant la guerre civile, qui sont vaincus avec l'aide de l'Armée rouge en janvier 1920. En 1920, les bolchéviks déportent les Cosaques du Terek, qui s'étaient installés dans la région au 19e siècle en prenant les terres fertiles des populations locales, qui durent pour beaucoup se réfugier dans les montagnes. (En 1882, 24,7% des Ingouches vivaient dans les montagnes, ils n'étaient plus que 2,1 % en 1924). En janvier 1921, l'Armée rouge occupe le territoire et les dirigeants de la république s'exilent. Le 20 janvier 1921 est fondée la RSSA de la Montagne, au sein de la RSFSR. La nouvelle république est rapidement démembrée, sous l'effet de revendications autonomistes des différentes populations, en différents oblasts autonomes de la RSFSR.

La RSS d'Abkhazie est fondée le 31 mars 1921. Le 19 février 1931 elle est rétrogradée au statut de RSSA au sein de la RSS de Géorgie.

En Tchétchénie, les bolcheviks recrutèrent Ali Mataev, dirigeant d’un puissant ordre soufi, qui présida le Comité révolutionnaire tchétchène. Dans l’Armée Rouge les « bataillons islamiques » du mollah Katkakhanov regroupaient des dizaines de milliers de soldats.

Au Daghestan le pouvoir soviétique dut en grande partie son existence aux partisans du dirigeant musulman Ali Hadji Akushinskii.

4.11 Musulmans[modifier | modifier le wikicode]

Au moment de la révolution, il y avaient environ 10% de musulmans dans la population de l'Empire. Ils ne formaient pas un peuple en tant que tel, les divisions ethniques (tatars, non tatars...) primant souvent sur l'identité musulmane. Sous le tsarisme, la liberté religieuse leur était refusée.

Le 1er mai 1917, après la révolution de février, ils s'organisent en forces bourgeoises, mais aussi en Comités socialistes musulmans. Le 20 novembre 1917, peu après la prise de pouvoir par les bolcheviks, un appel est lancé « À tous les travailleurs musulmans de Russie et d’Orient » afin de les rallier à la révolution. Des militants musulmans radicalisés à gauche sont gagnés au bolchévisme comme le Tatar Sultan-Galiev. Un Commissariat central des affaires musulmanes en Russie intérieure et en Sibérie (dit Muskom) est créé en janvier 1918.

Affiche 1921. "Travailleuse musulmane ! Les tsars, les beys et les khans t'ont privée de ton droit ! Tu étais esclave dans l’État, esclave à l'usine, esclave dans la famille. Le pouvoir des soviets t'a donné un droit égal à tous. Il a rompu les chaînes qui te liaient. PRENDS SOIN DU POUVOIR OUVRIER ET PAYSAN. C'EST TON POUVOIR, TRAVAILLEUSE."

Il y a cependant aussi de l'hostilité, qui se traduit notamment par la révolte des Basmatchis. Dans les régions musulmanes les russes sont majoritairement en situation de colons, et ils pèsent sur la politique locale des bolchéviks.

En 1920, Lénine et d'autres vieux bolchéviks prendront des mesures énergiques pour redresser la situation. Des pans de l'ancien appareil d’État tsariste (police, administration...) ainsi que des colons furent déportés ou encouragés à revenir en Russie. Une politique d'affirmation culturelle et de discrimination positive fut mise en place, dans l’État et le parti : les musulmans progressistes étaient encouragés à adhérer au PC, tandis que « l’absence totale de préjugés religieux » était indispensable pour les Russes. Les monuments, livres et objets sacrés volés par les tsars furent rendus aux mosquées. Le vendredi — jour sacré pour les musulmans — fut déclaré jour férié dans toute l’Asie centrale.

Les bolchéviks firent même cohabiter le système judiciaire bolchévik avec la charia, interdisant seulement certaines peines comme la lapidation. Le choix était laissé à la population de recourir à un système ou à l'autre. Les bolchéviks concluent des alliances militaires avec des groupes panislamiques divers, et parviennent à attirer vers les soviets une majorité des révolutionnaires musulmans, qui sont alors traversés de nombreux débats. Certains mettent en avant des similitudes entre valeurs islamiques et socialistes. A l’époque on entendait souvent des slogans comme « Vive le pouvoir des soviets, vive la charia ! » « Vive la liberté, la religion et l’indépendance nationale! ».

Cependant les efforts pour garantir la liberté religieuse et les droits nationaux étaient constamment minés par la faiblesse de l’économie. Déjà en 1922, les subventions de Moscou à l’Asie centrale durent être diminuées et de nombreuses écoles publiques fermées.

La disgrâce de Sultan-Galiev en 1923 fut le signe avant-coureur du retournement politique. Dans la seconde moitié des années 1920, les staliniens vont commencer à restaurer la domination grand-russe, en parallèle d'une attaque contre la religion en général. Ils lancent une attaque frontale contre l’Islam au nom de l'émancipation des femmes. Au cours de meetings de masse on enjoignait les femmes à enlever leur voile. L'effet fut nettement contreproductif.

Bientôt les mosquées furent fermées, les religieux persécutés, et de nombreux bolchéviks musulmans furent purgés, notamment à la tête des républiques soviétiques à majorité musulmane.

4.12 Peuples de la Volga (Tatars, Bachkirs, Oudmourtes, Tchouvaches, Komis, Kalmouks)[modifier | modifier le wikicode]

Un certain nombre de populations non-russes vivaient - depuis longtemps - le long de la Volga. Des républiques socialistes soviétiques autonomes (RSSA) furent créées, au sein de la RSS de Russie (contrairement aux RSS fédérées avec la Russie dans l'URSS). Sur des populations finno-ougriennes comme les Oudmourtes (anciennement « Votiaks ») et les Komis (anciennement « Zyrianes »), ou sur les Tchouvaches, Trotski écrivait :

« Les populations et les peuplades sur la Volga, dans le Caucase septentrional, dans l’Asie centrale, réveillées pour la première fois par l’insurrection de Février d’une existence préhistorique, ne connaissaient encore ni bourgeoisie nationale, ni prolétariat. Au-dessus de la masse paysanne ou pastorale se détachait des couches supérieures un léger tégument d’intellectuels. Avant de s’élever jusqu’à un programme d’administration nationale autonome, la lutte se menait autour des questions d’un alphabet que l’on voudrait avoir à soi, d’un maître à soi - parfois... d’un prêtre à soi. Ces êtres les plus opprimés devaient constater par une amère expérience que les patrons instruits de l’État ne leur permettraient pas de bon gré de s’élever. Retardataires entre tous, ils se trouvaient forcés de chercher un allié dans la classe la plus révolutionnaire. C’est ainsi que, par les éléments de gauche de leur jeune intellectualité, les Votiaks, les Tchouvaches, les Zyrianes, les peuplades du Daghestan et du Turkestan commençaient à se frayer des voies vers les bolchéviks. »[10]

De nombreux Tatars et Bachkirs vivent dans cette région, avec des différences culturelles mais aussi de forts points communs, notamment ethnique (peuples turcs) et religieuse (islam). La révolution fit émerger de nombreuses forces politiques dans cette région, mais avec une radicalisation plus marquée vers les bolchéviks côté tatar (Soltanğäliev rejoint par exemple les bolchéviks dès 1917). Un congrès de musulmans plutôt nationalistes proclame le 1er mars 1918 la république d'Idel-Oural. Ils sont renversés par l'Armée rouge le 28 mars 1918. Reprenant ces contours géographiques, les bolchéviks soutiennent une « RSSA tatare-bachkire », proclamée le 23 mars 1918[28], mais avortée par la guerre civile[29]. De plus, des nationalistes bachkirs réclament leur indépendance. La RSSA bachkire est proclamée le 23 mars 1919, et les bolchéviks en prennent acte pour mettre de leur côté les backhirs. C'est alors la première RSSA créée au sein de la RSFSR. Cela provoque de nombreux débats, notamment avec les radicaux tatars[30]. Finalement, la RSSA tatare est créée à son tour le 27 mai 1920. Une grave famine (parfois comparée à l'Holodomor) a tué 2 millions de Tatars en 1921-1922.

En Oudmourtie, les bolchéviks emportent la majorité dans la ville d'Ijevsk le 27 octobre 1917. La région est prise par les Blancs de Koltchak d'avril à juin 1919. L'Oblast autonome oudmourte, a été formé le 4 novembre 1920 sous le nom d’oblast autonome de Votsk. Il a été rebaptisé le 1er janvier 1932 et a été réorganisé en RSSA oudmourte le 28 décembre 1934.

L'Oblast autonome des Tchouvaches est créé le 24 juin 1920. Il devient la RSSA des Tchouvaches en avril 1925.

L'Oblast autonome des Komis-Zyriènes été créé le 22 août 1922. Il devient la RSSA des Komis le 5 décembre 1936.

Les Kalmouks furent principalement côté Blancs au début de la révolution. Le 24 juillet 1919, Lénine (d’origine en partie kalmouke) lance un appel au peuple kalmouk à se révolter, et leur promet de leur accorder des terres à eux. Ce sera réalisé le 4 novembre 1920, quand l'Oblast autonome kalmouk est créé. Il deviendra la RSSA kalmouke le 22 octobre 1935.

4.13 Sibériens (Iakoutes, Bouriates, Tchouktches, Toungouses)[modifier | modifier le wikicode]

La Sibérie était régie par les réglementations Speransky de 1822, qui créaient quelques institutions locales, actait un peu de tolérance envers les croyances locales, et classifiaient les populations en nomades, sédentaires et vagabonds. L'optique était de développer la région et les taxes qui en provenaient[31]. Le tsarisme avait instauré le yassak, paiement d'impôts en nature (peaux de bêtes). Les cosaques, qui étaient les principaux propriétaires terriens en Sibérie, se joignirent majoritairement aux Blancs.[32]

En Iakoutie, territoire de la taille de l'Europe occidentale mais de seulement 8000 habitants, quand les nouvelles de la révolution de février parviennent, un Comité de salut public est organisé par des SR, des SD et des nationalistes iakoutes. Il est dirigé par le bolchévik Petrovski qui avait été exilé ici (il y avait plus de 500 exilés en Iakoutie qui se retrouvent libres). Le vice-gouverneur russe est obligé de reconnaître son autorité. Des syndicats et des soviets sont formés, majoritairement influencés par les SR. Après Octobre 1917, la surveillance des Iakoutes par la police russe est abolie, ainsi que le yassak.

En février 1918, le gouvernement iakoute, dirigé par le SR V.N.Solovyov, proclame l'indépendance. Les bolchéviks répliquent en organisant des grèves à Iakoutsk, notamment une grève générale de mars à avril 1918. Le soviet de Iakoutsk (aux mains des bolchéviks) proclame la prise du pouvoir, mais doit s'appuyer sur les troupes russes pour renverser le gouvernement le 1er juillet. Les nationalistes sont emprisonnés, le zemstvo dissout et des taxes sont levées sur les plus riches.[33]

Mais le 5 août, le soviet doit se rendre face aux Blancs aidés par la Légion tchéco-slovaque. Les institutions précédentes sont remises en place. Les bolchéviks reprennent la ville en décembre 1919, et 13 leaders anticommunistes sont passés au peloton d'exécution. En 1920, les dettes des Iakoutes envers les marchands russes, qui causaient une grande misère, sont annulées.

En mars 1921, le leader SR du gouvernement régional de la côte d'Okhotsk se rebelle contre la République d'Extrême-Orient (pro-bolchéviks) et accueille les cosaques blancs de Bochkaryov qui peuvent débarquer à Vladivostok. Il s'allient aux anti-bolchéviks de Iakoutie (le SR P. Kulikovskiy, le marchand tatare Yusup Galibarov...) et au commandant de l'Armée rouge de la province, Tolstoukhov, qui change de camp. Les nationalistes bourgeois iakoutes étaient soutenus par les Japonais qui leur promettaient leur soutien.

En septembre 1921, une coalition de nationalistes iakoutes, de KD et de SR, s'emparent du Nord de la région et assiège Iakoutsk. Une armée rouge dirigée par l'ancien anarchiste Kalandarashvili part d'Irkoutsk, et parvient à repousser les Blancs jusqu'à la mer d'Okhotsk. La RSSA iakoute est créée le 27 avril 1922.

En Bouriatie, où vit un peuple proche des Mongols, les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre « le séparatisme » des Asiatiques l’unité de la Russie. Des pogroms contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front. Une RSSA « bouriate-mongole » est créée le 30 mars 1923. L’écriture basée sur l’alphabet mongol passa à l’alphabet latin et plus tard, en 1939, à l’alphabet cyrillique. Commencée lors du rattachement à la Russie, la sédentarisation fut achevée à l'époque soviétique ; les yourtes disparurent complètement. Craignant des alliances avec la Mongolie voisine, Staline fait enlever en 1958 l'adjectif « mongol » du nom de la République et en démembre des parties.

Dans la région tchouktche, il semble n'y avoir pas eu réellement de mouvement national. A part 4 écoles orthodoxes, il n'y avait pas d'écoles avant la fin des années 1920. La région n'est pas formellement intégrée à l'URSS avant 1928 (jusque-là les chasseurs achètent même leurs fusils auprès des États-Unis). Des socialistes, comme Bogoraz, pensaient qu'il fallait laisser ces populations vivre, dans des réserves. D'autres, qui l'emporteront rapidement, pensaient au contraire qu'il fallait apporter le progrès aux tchouktches. Les soviétiques introduisent un alphabet latin en 1932, remplacé par le cyrillique en 1937. En 1934, 71% des sont nomades. Les autorités mettent en place 28 sovkhozes en Tchoukotka basés sur l'exploitation des troupeaux de rennes et la chasse aux mammifères marins. En 1941, 90% des rennes sont encore propriété privée. Des propriétaires de troupeaux considérés comme koukaks existeront jusqu'aux années 1950. Dans les années 1950, les terres tchouktches sont utilisées pour des projets d'exploitation minière, pétrolifère et gazière menaçant durablement le mode de vie des Tchouktches.

Au début des années 1920, le nouveau pouvoir soviétique peine à s'imposer dans les régions extrêmes. La répression des chamans et parfois des langues locales, la sédentarisation et collectivisation plus ou moins forcée, mécontentent les populations arctiques. De mai 1924 à mai 1925, une révolte a lieu dans la région côtière d'Okhtosk, avec l'éphémère proclamation d'une République toungouse, qui se termine par la négociation. Vers la fin de la décennie les protestations se tassent.

En 1924 est créé un Comité pour l'assistance aux peuples de frontières du Nord, chargé de veiller, non sans paternalisme, à la protection des peuples circumpolaires et de leur culture, et notamment à les doter de langues écrites.

Trotski écrivait en 1932 : « Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la "maladie française" et que les Français appelait le "mal napolitain" se dénommait chez les peuples sibériens le "mal russe" : cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires. »

4.14 La République d'Extrême-Orient[modifier | modifier le wikicode]

Ces territoires étaient très peu peuplés, et essentiellement par des colons russes. Par exemple en 1897 étaient recensés dans l'oblast de l'Amour : 68,5 % de Russes, 17,5 % d’Ukrainiens, 6,5 % de Chinois et 2,8 % de Mandchous ainsi que des petites minorités toungouse et coréenne.

Pour soulager le front Est pendant la guerre civile, face à la menace des Blancs,du Japon et des États-Unis, les bolchéviks créent un État tampon le 6 avril 1920, la République d'Extrême-Orient.

Le nombre relativement important d'Ukrainiens, qui avaient été incités à coloniser l'Est russe sous le tsarisme, a conduit à un petit mouvement pour l'établissement d'une « Ukraine verte » en Extrême orient, ce que les Blancs ont essayé d'instrumentaliser. Ainsi l'hetman Semenov proclame le 11 avril 1920 le droit à l'autonomie pour les Ukrainiens, dans un État cosaque-bouriate-ukrainien en Extrême-Orient. Après la stabilisation de la région, la République est dissoute dans la RSFSR par décret du 15 novembre 1922.

Quand l'URSS est fondée le 30 décembre 1922, le seul territoire encore contrôlé par les Blancs est la région de la « pepelyayevshchina » (Aïan, Okhotsk, Nelkan). Leurs derniers restes sont vaincus le 6 juin 1923 près d'Aïan.

4.15 Mongolie et Tannou-Touva[modifier | modifier le wikicode]

L’opinion publique chinoise appuyait le fait – et l’appuie toujours dans une certaine mesure – que la Mongolie faisait partie de la Chine, malgré des différences linguistiques et culturelles et sans prendre en compte le souhait des Mongols.

Avant 1910, la Mongolie est plus ou moins un protectorat russe. Néanmoins, avec la défaite russe de la guerre russo-japonaise de 1904-1905, désastre financier, et militaire, où l'empire russe perd le port de Port-Arthur en Chine, les Russes préfèrent ne pas entériner un protectorat. La Mongolie sert de zone tampon entre la Chine, et l'empire russe, et même avec le Japon, à l'est, qui annexe la péninsule coréenne en 1910, et a des vues sur la Chine du Nord-Est. L'empire russe renonce à annexer la Mongolie en 1908, car il n'a pas assez de cadres pour administrer un territoire aussi immense, de plus, l'empire russe préfère concentrer le plus gros de son armée à l'ouest et au centre de son empire, où la menace des empires allemand et austro-hongrois, et aussi turc, se fait déjà plus oppressante. Globalement, à cette époque, l'empire russe n'avait pas les moyens financiers pour gérer un tel territoire, alors qu'il avait déjà des difficultés ailleurs (surtout dans ses possessions d'Asie centrale).

Profitant de la révolution chinoise de 1911 et de l'éviction du dernier empereur mandchou, l'actuelle Mongolie proclama son indépendance le 1er décembre 1911. Avec les désordres de la révolution Chinoise, la Mongolie passe totalement sous influence russe.

Au moment de la révolution d'Octobre et de la guerre civile, les bolchéviks sont divisés sur la question mongole. En Juin et Juillet 1921, l’Armée rouge aida des radicaux Mongols à renverser le bref règne de terreur d’Ungern-Sternberg. Certains Russes – en particulier Joffé – pensaient qu’en soutenant deux millions de Mongols contre 400 millions de Chinois, les Soviétiques faisaient, au mieux, une erreur stratégique, et au pire, répétaient l’expansionnisme tsariste.[34]

Le compromis trouvé a été que Moscou allait soutenir, et garantir au final, l’existence du gouvernement mongol, mais en reconnaissant la souveraineté chinoise en théorie. Cette position a été réitérée dans l’accord Sun-Joffe de 1924.

La République populaire mongole, satellite de l'URSS, est proclamée en 1924. L'indépendance de la Mongolie a par la suite été reconnue par les régimes chinois de Tchang Kai-chek comme de Mao.

De façon similaire à plus petite échelle, la République populaire de Tannou-Touva fut créée le 14 août 1921. Le Parti révolutionnaire populaire touvain gouverne en tant que parti unique, supervisé par le PCUS. Ainsi lorsque le leader Donduk Kuular s'éloigne de Moscou, Staline fait purger en 1929 le parti d'un tiers de ses membres (en s'appuyant sur un groupe formé à l'Université communiste des travailleurs de l'Est). Les nouveaux dirigeants lancèrent une politique de collectivisation forcée et de destruction des rites bouddhiques et chamaniques en Touva. En 1929, il y avait vingt-cinq lamaseries et environ 4 000 lamas et chamanes ; en 1931, il ne restait plus qu'une lamaserie, quinze lamas et environ 725 chamanes. Les tentatives d'éradication du nomadisme furent plus laborieuses. Un recensement en 1931 montrait que 82,2 % des Touvains avaient toujours un mode de vie nomade.

4.16 Chinois et Coréens[modifier | modifier le wikicode]

Un grand nombre de Chinois vivaient et travaillaient en Sibérie à la fin de l'Empire russe[35]. Beaucoup de ces travailleurs migrants ont été transférés vers la partie européenne de la Russie et dans l'Oural pendant la Première Guerre mondiale, en raison de la pénurie aiguë de main d'oeuvre. Par exemple, en 1916, il y avait environ 5 000 ouvriers chinois dans le gouvernorat de Novgorod. En 1916-1917 environ 2.000 ouvriers chinois travaillaient à la construction de fortifications russes autour du golfe de Finlande. Un grand nombre d'entre eux étaient des condamnés pour vol[36], transférés à partir des bagnes (katorga) extrême-orientaux, par exemple Harbin.

Après la Révolution russe, certains d'entre eux sont restés en Finlande et ont participé comme volontaires dans la guerre civile finlandaise du côté communiste. Après 1917, beaucoup de ces travailleurs chinois se sont joints à l'Armée rouge. La grande majorité de ces Chinois avait peu de traditions politiques et s'engagent avec les rouges essentiellement pour obtenir des droits. Les armées blanches quant à elles exerçaient un racisme violent envers eux.

Il y avait également des Coréens dans l'extrême orient russe. Ils furent massivement déportés au Kazakhstan par Staline, qui les suspectait de collusion avec les Japonais.

4.17 Cosaques[modifier | modifier le wikicode]

Les Cosaques, qui ne sont pas réellement une ethnie, ont majoritairement rejoint les armées blanches, même s'il y en eut aussi dans l'Armée rouge.

5 Considérations générales[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Inégalités de droit[modifier | modifier le wikicode]

L'égalité entre nationalités était institutionnalisée dans l'Empire russe : zone de résidence pour Juifs, interdiction d'accès à certains métiers...

Lorsque des élections législatives sont concédées suite à la révolution de 1905, la loi électorale, en plus d'être ouvertement censitaire, est nationaliste. Elle privait de leurs droits électoraux les populations indigènes de la Russie d’Asie et les peuples turcs des provinces d’Astrakhan et de Stavropol, et diminuait de moitié la proportion des représentants de la Pologne et du Caucase. [37]

5.2 Les types de régions dominées[modifier | modifier le wikicode]

Selon Trotski, « la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré ». Il distinguait deux groupes :

  • celui des nations asiatiques, moins développées que la nation grand-russe
  • celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande).[10]

Le philosophe anglais Bertrand Russel racontait après son voyage en Russie en 1920 :

« Il est incontestable qu’à l’heure actuelle, Trotski et l’Armée rouge disposent de l’appui d’un très grand nombre de nationalistes. Les opérations ayant pour but de reconquérir la Russie d’Asie ont même ravivé chez ces derniers un sentiment impérialiste, quoiqu’il soit certain que beaucoup d’entre ceux chez qui j’ai cru reconnaître ce sentiment s’en défendraient avec indignation. »[38]

5.3 Question nationale et question sociale[modifier | modifier le wikicode]

Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'Empire. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.

« Séparés de la masse essentielle du peuple non seulement par le niveau d’existence et les mœurs, mais par le langage, exactement comme les Anglais dans l’Inde ; devant la défense de leurs domaines et de leurs revenus attachés à l’appareil bureaucratique ; liés inséparablement avec les classes dominantes de tout le pays, les propriétaires nobles, les industriels et les commerçants de la périphérie groupaient autour d’eux un cercle étroit de fonctionnaires, employés, maîtres d’école, médecins, avocats, journalistes, partiellement aussi d’ouvriers, tous russes, transformant les villes en des foyers de russification et de colonisation. »[10]

Or ce milieu urbain avait une tendance à former un bloc contre les revendications des autochtones : « la ville s’entêta dans la résistance, défendant sa situation privilégiée ». Ironiquement, elle le faisait souvent en condamnant le "chauvinisme". « L’effort de la nation dominante pour maintenir le statu quo est fréquemment coloré d’un supranationalisme, de même que l’effort d’un pays vainqueur pour conserver ce qu’il a pillé prend la forme du pacifisme. »

Trotski souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.

« Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village. »

5.4 Les minorités parmi les révolutionnaires[modifier | modifier le wikicode]

Une attaque récurrente des réactionnaires contre le camp des soviets était la proportion plus élevée que la moyenne des militants issus de minorités nationales parmi les dirigeants soviétiques. Le Comité exécutif du Soviet de Pétrograd fut le premier visé, pour la présence de Juifs, Géorgiens, Lettons, Polonais et autres.

Trotski en fait l'analyse suivante :

« Bien que, par rapport à la totalité des membres du Comité exécutif, les allogènes aient été en proportion infime, il est indubitable qu'ils occupaient une place très marquée au Bureau, dans diverses commissions, comme rapporteurs, etc. Comme les intellectuels des nationalités opprimées, groupés principalement dans les villes, complétaient d'abondance les rangs révolutionnaires, il n'est pas étonnant que, dans la génération aînée des révolutionnaires, le nombre des allogènes ait été particulièrement considérable. Leur expérience, quoique non toujours de haute qualité, les rendait indispensables pour l'institution de nouvelles formes sociales.

Absolument stupides, cependant, sont les tentatives faites pour faire découler la politique des soviets et le cours de toute la révolution d'une prétendue prépondérance des allogènes. Le nationalisme, encore en ce cas, manifeste du mépris à l'égard de la véritable nation, c'est-à-dire du peuple, représentant celui-ci, en la période de son grand réveil national, comme un simple soliveau entre des mains étrangères et fortuites. Mais pourquoi donc et comment les allogènes prirent-ils une influence si prodigieuse sur des millions d'autochtones ? En réalité, précisément au moment d'un profond tournant historique, la masse de la nation prend fréquemment à son service les éléments qui, la veille encore, étaient opprimés et qui, par conséquent, sont les plus empressés à donner une expression aux nouveaux problèmes. Ce ne sont pas les allogènes qui mènent la révolution, c'est la révolution nationale qui se sert des allogènes. Il en fut ainsi même lors des grandes réformes d'en haut. La politique de Pierre Ier ne cessa pas d'être nationale quand, se détournant des vieilles routes, elle s'agrégea des allogènes et des étrangers. Les maîtres artisans du faubourg allemand et les capitaines de vaisseau hollandais exprimaient mieux, en cette période, les besoins du développement national de la Russie que les popes russes, jadis introduits par des Grecs, ou les boïars moscovites qui se plaignaient aussi de l'invasion étrangère, bien que provenant eux-mêmes des allogènes qui avaient formé l'État russe.

En tout cas, l'intelligentsia allogène de 1917 était partagée entre les mêmes partis que l'intelligentsia purement russe, souffrait des mêmes vices et commettait les mêmes fautes, et c'étaient justement les allogènes, parmi les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, qui faisaient parade d'un zèle particulier pour la défense de l'unité de la Russie. »[39]

6 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Léon Trotski, Ma vie, 5. La campagne et la ville, 1930
  2. Expression employée dans une lettre à Gorki de février 1913 (V.I. Lénine, Oeuvres complètes, Vol. 35, Moscou, 1966, p. 84)
  3. 3,0 et 3,1 Staline, Le marxisme et la question nationale, 1913
  4. Lénine, La classe ouvrière et la question nationale, mai 1913
  5. Lénine, Du droit des nations à disposer d'elles-mêmes, juin 1914
  6. Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 1913
  7. Lénine, Une caricature du marxisme et à propos de l’ « économisme impérialiste », 1916
  8. Lénine, De la fierté nationale des Grands-Russes, 12 décembre 1914
  9. Lénine, La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916
  10. 10,0 10,1 10,2 10,3 et 10,4 Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 40. La question nationale, 1932
  11. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 19. L'offensive, 1930
  12. Lénine, La crise est mûre, 29 septembre 1917
  13. https://en.wikipedia.org/wiki/National_delimitation_in_the_Soviet_Union
  14. Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, 1980
  15. Karl Radek, La question polonaise et l'Internationale, 1920
  16. Lénine, Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, écrit de février à mai 1914
  17. Roman Rosdolsky, Friedrich Engels et le problème des peuples « sans histoire » - Les Ukrainiens (Ruthènes), 1948
  18. Zbigniew Marcin Kowalewski, L’indépendance de l’Ukraine : préhistoire d’un mot d’ordre de Trotski, Inprecor N° 611, janvier 2015
  19. Léon Trotski, L’indépendance de l’Ukraine et les brouillons sectaires, 30 juillet 1939
  20. Marc Ferro, Les tabous de l'Histoire, 2005.
  21. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
  22. Lénine, « Projet de décision du Bureau politique du C.C. du P.C.(b)R. Sur les tâches du P.C.(b).R. au Turkestan » [1919], in Oeuvres, tome 42, p. 196-197
  23. Georgui Safarov, « L’Évolution de la question nationale », Bulletin communiste, 2ème année, n ° 4, 27 janvier 1921
  24. Lénine, « À M. P. Tomski » (1919), in Oeuvres, tome 45, p. 230
  25. Lénine, « À A. A. Ioffé » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 284-286.
  26. Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.
  27. Ronald Suny, The Baku Commune, 1917-1918: Class and Nationality in the Russian Revolution (Studies of the Harriman Institute, Columbia University), 1972
  28. Stalin, A Tatar-Bashkir Soviet Republic, March 23, 1918
  29. Stalin, Speeches Deliverd as a Conference on the Convening of a Constituent Congress of Soviets of the Tatar-Bashkir Soviet Republic, May 10-16, 1918
  30. Daniel Evan Schafer, Building nations and building states: The Tatar-Bashkir question in revolutionary Russia (1917-1920), 1995
  31. Tomsk State University Journal, Siberian reforms of 1822 by Speransky as a manifestation of the principles of imperial regionalism, 2018
  32. Cosmic Elk, Yakutia ASSR and the Sakha Republic from 1917
  33. James Forsyth, A History of the Peoples of Siberia: Russia's North Asian Colony 1581-1990, Cambridge University Press, 1994
  34. Revue Période, Le congrès des travailleurs d’Extrême-Orient : entretien avec John Sexton, Avril 2017
  35. https://en.wikipedia.org/wiki/Chinese_in_the_Russian_Revolution_and_in_the_Russian_Civil_War
  36. https://en.wikipedia.org/wiki/Honghuzi
  37. Tony Cliff, Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 16 – Lénine exclut les gauchistes, 1975
  38. Bertrand Russell, Pratique et théorie du bolchevisme, 1920
  39. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 12. Le Comité exécutif, 1930

7 Sources[modifier | modifier le wikicode]