Soviet de Petrograd

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Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).


Meeting du Soviet de Petrogard.jpg

Le soviet de Petrograd, plus exactement le soviet des députés ouvriers et des délégués des soldats de Petrograd, a été créé en Russie le 27 février 1917, lors de la révolution de Février. Il se voulait l'organe représentatif direct des travailleurs, et des soldats, de Petrograd. Il a pris de l'importance au cours de la Révolution russe comme un centre de pouvoir rival du gouvernement provisoire (dualité de pouvoir).

1 En 1905[modifier | modifier le wikicode]

Un premier soviet des travailleurs avait déjà été créé à Saint-Pétersbourg lors de la Révolution de 1905.

L'idée d'un conseil pour coordonner les grèves et activités des travailleurs serait née lors de réunions en janvier-février dans l'appartement de Voline.[1] En revanche, selon Trotski :

« Une des deux organisations social démocrates de Pétersbourg prit l'initiative de créer une administration autonome révolutionnaire ouvrière, le 10 octobre, au moment où la plus grande des grèves s'annonçait. Le 13 au soir, dans les bâtiments de l'Institut technologique, eut lieu la première séance du futur soviet. Il n'y avait pas plus de trente à quarante délégués. »[2]

Le Soviet publie des déclarations, les Izvestia.

Le premier président du soviet fut le jeune avocat Khroustalev-Nossar, figure épisodique dans la révolution, qui occupa une place intermédiaire entre celle de Gapone et la social-démocratie. Nossar avait gagné la confiance des travailleurs après s'être personnellement occupé de leurs besoins vitaux juste après le Dimanche sanglant.

Mais Nossar était peu solide politiquement, et son influence déclina rapidement, notamment au profit de Trotski qui était revenu de son exil en Finlande. Lounatcharsky relate :

« Je me rappelle que, quelqu'un ayant dit en présence de Lénine :

"L'étoile de Khroustalev est à son déclin, et l'homme fort du soviet est actuellement Trotski", Lénine parut s'assombrir une seconde, puis déclara: "Pourquoi pas ? Trotski a conquis cette situation par un labeur inlassable et brillant." »

Quand Nossar est arrêté (26 novembre), un nouveau bureau fut élu, avec Trotski à sa tête. A partir de ce moment, ce fut Trotski qui rédigea toutes les décisions importantes du soviet et les présentaient devant le comité exécutif et en plénier.

A propos d'une menace des Cent-Noirs (groupes ultra réactionnaires) le 29 octobre, Trotski raconte :

« On ne parlait en ville que d'un pogrom préparé par les Cent-Noirs. Les députés ouvriers qui arrivaient directement des usines au soviet montraient à la tribune des modèles d'armes fabriquées pour combattre les réactionnaires. Ils brandissaient des couteaux finnois, des casse-tête, des poignards, des garcettes en fil de fer, mais tout cela plutôt gaiement, et même avec des plaisanteries et des facéties populaires. Ils semblaient croire qu'il suffisait de leur volonté de résistance pour résoudre le problème. Dans leur grande majorité, ils n'avaient pas encore compris qu'il s'agissait d'une lutte à mort. »[3]

Confiant dans la chute du tsarisme et préparant l'après, le Soviet proclame dans son « manifeste financier » qu'il ne paiera pas la dette de l'Etat.

Le soir du 3 décembre, le soviet de Pétersbourg fut cerné par les troupes. Trotski raconte :

« Du haut d'une galerie où le comité exécutif tenait séance, je criai vers ceux d'en bas (il y avait déjà là des centaines de députés): -Ne pas opposer de résistance ; ne pas rendre d'armes à l'ennemi ! On avait des armes de poche: des revolvers. Et alors, dans la salle des séances, déjà bloquée de tous côtés par des détachements d'infanterie de la garde, de cavalerie et d'artillerie, les ouvriers se mirent à briser ces armes. Des mains expertes broyaient les brownings sur les mausers et les mausers sur les brownings. »

Lounatcharsky, dans un livre intitulé Silhouettes (1923), et qui fut ensuite interdit par les staliniens, revenait ainsi sur 1905 :

« Sa popularité [Trotski] dans le prolétariat de Pétersbourg était très grande à l'époque de son arrestation et s'accrut en résultat de sa conduite exceptionnellement brillante et héroïque devant le tribunal. Je dois dire que Trotski, entre tous les leaders social-démocrates de 1905-1906, se montra indubitablement, malgré sa jeunesse, le mieux préparé ; moins que tout autre, il portait la marque d'une certaine étroitesse d'esprit due à l'émigration, étroitesse dont Lénine, comme je l'ai déjà dit, n'avait pu lui-même encore se défaire ; Trotski sentait mieux que d'autres ce que c'est qu'une lutte politique. Et il sortit de la révolution avec le plus fort acquis de popularité : en somme, ni Lénine ni Martov n'avaient rien gagné en ce sens. Plékhanov avait beaucoup perdu, par suite des tendances à demi cadettes qu'il avait manifestées. Trotski fut, dès lors, au premier rang. »

2 En 1917[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Précurseur[modifier | modifier le wikicode]

Le précurseur direct du soviet de Petrograd est le « Groupe central des travailleurs » (en russe Центральная Рабочая Група), fondé en novembre 1915 par les mencheviks pour prendre place entre les travailleurs et le nouveau Comité industrialo-militaire central de Petrograd. Le groupe s'est radicalisé au fur et à mesure que la situation militaire de la Russie lors de la Première Guerre mondiale empirait et que la situation économique s'aggravait, en encourageant des manifestations de rue et en délivrant des messages révolutionnaires.

2.2 Fondation du soviet[modifier | modifier le wikicode]

Le 27 janvier 1917 (a.s), les dirigeants du Groupe central des travailleurs sont arrêtés et emmenés sur les ordres du ministre de l'Intérieur, Alexandre Protopopov. Le 25 février 1917, lors d'une réunion interne, des mencheviks discutent pour la première fois de la restauration du Soviet de Petrograd[4].

Tauridepalace.gif

Les ouvriers arrêtés par Protopopov sont libérés par une foule de soldats mécontents dans la matinée du 27 février 1917, au tout début[5] de la révolution de Février. Le même jour, une réunion est convoquée au Palais de Tauride (qui avait abrité jusqu'alors les réunions de la Douma) à l'initiative de deux mencheviks, K. A. Gvozdev et B. O. Bogdanov, pour organiser un soviet. Selon le témoignage du SR de gauche Mstislavski : « cet après-midi-là, 30 à 40 personnes se réunirent dans la salle no 12, aucune n’étant déléguée de quoi que ce soit, et qu’elles décidèrent de prendre l’initiative de former un « Comité exécutif provisoire du Soviet des députés ouvriers ». Parmi ceux qui étaient présents, je me rappelle N.D. Sokolov, N.S. Tchkheidze, M.I. Skobelev, N.N. Soukhanov, Gvozdev, Erlich, Bogdanov, Alexandrovitch, Grinevich… Steklov peut avoir été là également »[6]

Un appel est rapidement décidé :

« Citoyens ! Les représentants des ouvriers, des soldats et de la population, réunis à la Douma, déclarent que la première séance de vos délégués aura lieu aujourd'hui à 7 heures du soir à la Douma de l'Empire. Que tous les soldats qui sont passés du côté du peuple choisissent sans retard leurs députés, à raison d'un par compagnie. Que les usines choisissent leurs députés dans la proposition d'un par 1000 ouvriers. Les usines de moins de 1000 ouvriers enverront également un député. »[7]

Malgré le délai très court, l'assemblée constituante a lieu, dans le plus complet désordre[8]. Selon certaines sources, 250 délégués sont présents (la plupart avec un mandat oral ou un papier griffoné à la hâte), selon d'autres la plupart sont de simples curieux, 45 personnes seulement sont habilitées à voter. Marc Ferro relève que « seuls des députés de la Douma figurent à la présidence et à la vice-présidence du Soviet alors que, sauf Kerenski, ils n’ont pas nécessairement joué les premiers rôles ».[6]

Un comité exécutif provisoire (Ispolkom) de 8 ou 9 personnes est élu (aucune trace écrite de la réunion n'a été conservée)[4]. Les interrayons se voient attribuer un siège, contre deux sièges pour chaque parti socialiste national : les bolcheviks, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (SR).

Nicolas Tchkhéidzé[9] prend la tête de ce Comité exécutif provisoire. Il est secondé par Alexandre Kerenski et M. I. Skobelev (vice-présidents)[4]. Irakli Tsereteli[10] participe au comité jusqu'à ce qu'il rejoigne le Gouvernement provisoire. Participent aussi Gvozdev et des membres du CCIG, le premier leader du Soviet de 1905 (Khrustalov-Nosar) et quelques dirigeants socialistes de Pétrograd dont Sokolov et Pankov. Le journal Izvestia est choisi comme organe officiel du groupe. Sur proposition des bolchéviks, le comité décide d'accepter les soldats au soviet.

Le 28 février 1917, des usines et certaines unités militaires élisent des délégués. Les élus sont majoritairement menchéviks (bolcheviks et SR obtiennent moins de 10% des voix). La procédure d'élection est cependant chaotique. Quinze jours plus tard, le soviet de Petrograd compte 3000 députés, dont 2000 soldats, bien que la ville compte environ 4 fois plus d'ouvriers que de soldats. Les assemblées plénières sont mal organisées, il n'y a aucun ordre du jour, chacun est libre de prendre la parole. Les délégués soldats déplaçaient vers la droite le centre de gravité politique, favorisés par le mode d'élection (tandis que les ouvriers élisaient un seul représentant par millier d'individus, de petits contingents militaires envoyaient fréquemment deux délégués).

Par la suite, les membres du présidium furent exclusivement des menchéviks ou des SR, principalement Tchkheïdzé, Tsereteli, Tchernov, Dan, Skobelev, Gots et Anissimov.

Au début, un bon nombre d'individus furent admis au Soviet sur invitation personnelle, ou par protection, ou simplement grâce à leurs propres manigances - avocats et médecins radicaux, étudiants, journalistes - qui représentaient divers groupes thématiques, mais, le plus souvent, leurs ambitions particulières. Cette évidente altération du caractère du Soviet était volontiers tolérée par les dirigeants.

Le soviet avait une totale légitimité parmi les ouvriers et soldats de la capitale. Il se chargea des approvisionnements, fit occuper la banque de l’Empire, prit possession des bureaux de poste, des gares, des imprimeries. Sans sa permission, il était impossible d’envoyer un télégramme.

En parallèle, le 27 février également, des députés de la Douma forment un Comité provisoire pour « le rétablissement de l'ordre gouvernemental et public ». Entre ce comité et le soviet de Petrograd, de longues négociations aboutissent, le 2 mars 1917, à un compromis. Le soviet reconnaît, en attendant la convocation d'une Assemblée constituante, la légitimité d'un gouvernement provisoire à tendance libérale, composé majoritairement de représentants du Parti KD (et ne comptant aucun socialiste dans ses rangs). Cependant, le gouvernement provisoire de Russie est sommé d'appliquer un vaste programme de réformes démocratiques, fondé sur l'octroi des libertés fondamentales, le suffrage universel, l'abolition de la peine de mort, de l'antisémitisme d'État et de toute forme de discrimination légale, la suppression de la police, la reconnaissance des droits du soldat-citoyen et une amnistie immédiate de tous les prisonniers politiques. L’Église orthodoxe, sous tutelle depuis Pierre le Grand, s'organise librement. Cependant l'Eglise n'est pas séparée de l'Etat et de l'école, et la gestion de l'état civil lui est laissée... Le droit au divorce n'est pas accordé aux femmes.

1917petrogradsoviet assembly.jpg

2.3 Fonctionnement[modifier | modifier le wikicode]

Comme le Soviet remplissait des fonctions purement gouvernementales, et ce sur la demande du gouvernement même, quand il s'agissait de pacifier les masses, le Comité exécutif demanda une modeste subvention pour ses dépenses. Le gouvernement refusa et, malgré les instances réitérées du Soviet, resta ferme sur son terrain : le gouvernement ne peut dispenser des fonds d'État « à une organisation privée ». Le Soviet se tut. Le budget du Soviet tomba sur les ouvriers qui ne se lassèrent point d'ouvrir des souscriptions pour les besoins de la révolution.

En même temps, les deux partis, libéraux et socialistes, gardaient le décorum d'une complète amitié mutuelle. A la Conférence panrusse des soviets, l'existence d'une dualité de pouvoirs fut qualifiée d'invention. Kérensky assura aux délégués de l'armée qu'entre le gouvernement et le Soviet il y avait complète unité dans les tâches et les buts. Avec un zèle non moindre, la dualité de pouvoirs fut niée par Tsérételli, Dan et autres dirigeants du Soviet.

Le 5 mars, le président du Soviet de Petrograd, Tchkheidze, fit un rapport appelant à la reprise du travail. Mais les élus ouvriers du Soviet protestèrent, ne voulant pas que la révolution ait eu lieu pour rien. Le Bureau du Soviet allait se rallier à une attitude plus favorable aux revendications ouvrières lorsqu’intervinrent les soldats, présents au Soviet et qui firent entendre une autre voix : l’armée avait besoin de chaussures, de canons. Au front, les soldats n’exigeaient ni les 8 heures ni de meilleurs salaires car ils croupissaient dans la boue 24 heures sur 24 et sans être payés. L’assemblée en fut retournée et, par 1 170 voix contre 30, vota la reprise du travail.

Fin avril, début juin, le rapport de force commence à évoluer rapidement en faveur des bolchéviks. Toutes les élections partielles aux soviets leur donnaient la victoire, et la section ouvrière du Soviet de Pétrograd gagna une majorité bolchévique. Mais dans les séances communes avec les soldats, les bolcheviks étaient écrasés par les délégués SR. La Pravda réclamait avec insistance de nouvelles élections : « Les 500 000 ouvriers de Pétrograd ont au Soviet quatre fois moins de délégués que les 150 000 hommes de la garnison. »

Le 5 mai, le soviet approuvait la formation du gouvernement de coalition après la mise à l'écart de Milioukov. Les bolcheviks ne réunirent contre la coalition que 100 voix. Lors de cette séance, de vifs applaudissements accueillirent Trotski, arrivé la veille d'Amérique, et qui avait dirigé le Soviet en 1905. Mais Trotski fit un discours dénonçant fermement la coalition. Soukhanov témoigne suite à ce discours : « De lui qui n'avait pas encore adhéré au parti bolchevik, la rumeur courait déjà qu'il était "pire que Lénine" ».[11]

Le 16 mai, sous la pression de la situation de crise, les économistes modérés du Soviet furent poussés à élaborer un large programme de réglementation par l'État de la vie économique :

« En de nombreux domaines de l'industrie les temps sont mûrs pour un monopole d'État du commerce pain, viande, sel, cuirs) ; en d'autres domaines, les conditions sont assez avancées pour la formation de trusts réglementés par l'État (charbon, pétrole, métaux, sucre, papier) et, enfin, pour presque toutes les branches de l'industrie, les conditions actuelles exigent une participation régulatrice de l'État dans la répartition des matières premières, dans l'élaboration des produits, ainsi que la fixation des prix... En même temps, il convient d'établir un contrôle sur tous les établissements de crédit. »[12]

Le 16 mai, le Comité exécutif adopta ces propositions presque sans débats et les transmis au gouvernement en l'avertissant qu'il risquait de chuter s'il ne réglait pas la situation.

En mai 1917, Trotski arrive en Russie. Il raconte ainsi son premier contact avec les dirigeants du Soviet :

« Tchkhéidzé, président inamovible de l'époque, me salua sèchement. Les bolcheviks proposèrent de m'inscrire parmi les membres du comité exécutif, en qualité d'ancien président du soviet de 1905. Il y eut une certaine confusion. Les menchéviks chuchotaient avec les populistes. Ils constituaient encore, en cette période, l'écrasante majorité dans toutes les institutions révolutionnaires. Il fut décidé de m'admettre avec voix consultative. Je reçus ma carte de membre du comité avec un verre de thé et un morceau de pain noir. »[13]

Le 20 juin, le Soviet adoptait une résolution saluant l'offensive Kérensky, mais seulement à 412 voix contre 271 et 39 abstentions. C'est un rapport de forces nouveau, les bolcheviks avec les petits groupes de gauche des mencheviks et des SR constituent déjà les deux cinquièmes du Soviet.

Au début du mois d’août, les bolcheviks tentaient, sans succès, de faire réviser les règles d'élections qui favorisaient largement les soldats par rapport aux ouvriers.

2.4 Radicalisation et majorité bolchévique[modifier | modifier le wikicode]

Après la répression qui suit les journées de juillet, le rapport de force entre le Soviet de Petrograd et le gouvernement provisoire penche nettement vers ce dernier. Kerensky cherche à le marginaliser autant qu'il peut. Le Soviet est poussé à déménager du Palais de Tauride vers l'Institut Smolny, une ancienne école de jeunes filles de la noblesse.

A l'inverse, lors du putsch de Kornilov, les soviets se réactivent et les bolchéviks y sont à l'avant-garde de la lutte, dans un grand front unique avec les autres socialistes. Ils en sortent considérablement renforcés, ainsi que l'idée que les soviets doivent être le véritable pouvoir. Les leaders KD qui ont soutenu Kornilov apparaissent profondément discrédités, et les leaders conciliateurs ont du mal à justifier la coalition auprès de leur base.

Le 31 août, pour la première fois, le soviet de Petrograd adopte une résolution présentée par les bolcheviks (bien d'autres soviets provinciaux font de même à cette période). Mais même s'ils sont choqués, les leaders socialistes modérés ne sont pas tellement inquiets : moins de la moitié des délégués possédant le droit de vote étaient présents lors de ce vote, et une bonne partie des absents étaient des soldats (jusque-là fortement influencé par les SR) mobilisés sur des positions défensives à l’extérieur de la capitale.

Le 8 septembre, la section ouvrière du soviet de Petrograd élit un présidium bolchevique.

Les leaders conciliateurs demandent alors un vote de confiance, menaçant de démissionner. Les bolchéviks, pensant essuyer un revers, décident de détourner l'attention sur le fait que le présidium n'est pas élu à la proportionnelle. Beaucoup d'ouvriers et de soldats pas encore prêts à désavouer leurs leaders étaient cependant prêts à voter pour que les bolchéviks, qui avaient prouvé leur valeur, soient représentés. Kamenev présenta un argument fort : « Si les mencheviks et les SR ont pu considérer comme acceptable une coalition avec les KD à la Conférence d’État de Moscou, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas envisager une politique de coalition avec les bolcheviks dans le cadre de cet organisme. »

Ce vote eut lieu au début de la session du 9 septembre et la position bolchevik obtint une majorité de 519 voix contre 414 et 67 abstentions. Le soviet repousse une nouvelle fois la proposition bolchévique de réviser la représentation des ouvriers par rapport aux soldats. Mais le vote sur le présidium énerve les leaders conciliateurs qui quittent la salle. Rapidement ils se décrédibilisent.

Le 25 septembre, la direction du Soviet fut complètement réorganisée. Le nouveau Comité exécutif compte 13 bolcheviks, 6 SR et 3 mencheviks. Le présidium comptait 2 SR, 1 menchevik et 4 bolcheviks (Trotski, Kamenev, Rykov et Fedorov). Trotski remplaça Tchkheïdzé à la présidence. Face au nouveau gouvernement provisoire annoncé le même, après la conférence démocratique, il déclare :

« Le nouveau gouvernement… entrera dans l'histoire de la révolution comme un gouvernement de guerre civile… La nouvelle de la formation d'un nouveau pouvoir rencontrera du côté de toute la démocratie révolutionnaire une seule réponse : Démission!… S'appuyant sur cette voix unanime de la véritable démocratie, le congrès panrusse des soviets créera un pouvoir véritablement révolutionnaire. »

Peu après Lénine critiquait l'élection du présidium à la proportionnelle, position qu'il voyait comme une volonté conciliatrice aux dépens des objectifs propres du Parti.

« C'était [une faute de Zinoviev] d'écrire que les bolchéviks avaient bien fait de proposer la représentation proportionnelle au Présidium du Soviet de Pétrograd. Jamais prolétariat révolutionnaire ne fera rien de bon dans un Soviet, si l'on admet la représentation proportionnelle des messieurs Tsérétéli : les admettre, c'est se priver de la possibilité de travailler ; c'est ruiner le travail du Soviet.  »[14]

Le Soviet publiait un journal nommé Rabotchi i soldat.

2.5 L'organisateur de l'insurrection[modifier | modifier le wikicode]

Le gouvernement de Kérensky, dominé par les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks collaborant avec les possédants, ne pouvait tolérer la menace permanente qu'était pour lui le soviet révolutionnaire de Pétrograd. Il était clair qu'ils mettraient a profit la première occasion qui pourrait se présenter pour tenter de l'anéantir. Kerensky tenta aussitôt d'éloigner les troupes liées aux bolchéviks pour éloigner le danger. Les soldats et le soviet de Petrograd refusent. C'était symptomatique du basculement du pouvoir.

Le soviet de Petrograd mit en suite en place un Comité militaire révolutionnaire le 16 octobre 1917. Celui-ci visait à coordonner les troupes fidèles au Soviet plutôt qu'au gouvernement provisoire. Ce fut ce Comité militaire révolutionnaire qui réalisa en grande partie l'insurrection du 25-26 octobre (a.s) 1917.

3 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Voline, Unknown Revolution, Chapter 2: The Birth of the "Soviets"
  2. Léon Trotski, 1905, Ecrit en 1905-1909
  3. Léon Trotski, Ma vie, 1905, 1930
  4. 4,0 4,1 et 4,2 Richard Pipes 1993, p.273.
  5. Richard Pipes 1993, p.266.
  6. 6,0 et 6,1 Marc Ferro, Des soviets au communisme bureaucratique, 1980
  7. Coquin, La Révolution russe, à la page 38
  8. Orlando Figes 2007, p.418.
  9. Biographie de Nicolas Tchkhéidzé.
  10. Biographie d'Irakli Tsérétéli.
  11. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 18. La première coalition, 1930
  12. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 21. Regroupements dans les masses, 1930
  13. Léon Trotski, Ma vie, 1930
  14. Lénine, Les champions de la fraude et les erreurs des bolchéviks, 1917

4 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Marc Ferro (préf. Marc Ferro), 1917. Les hommes de la révolution : Témoignages et documents, Paris, Omnibus, , 1120 p. (ISBN 978-2-258-08560-2)
  • Orlando Figes (trad. de l'anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, préf. Marc Ferro), La Révolution russe : 1891-1924 : la tragédie d'un peuple, Paris, Denoel, , 1107 p. (ISBN 978-2-207-25839-2)
  • Richard Pipes (trad. de l'anglais par Jean-Marie Luccioni), La Révolution russe, Paris, P.U.F., coll. « Connaissance de l'Est », , 866 p. (ISBN 978-2-130453734), chap. 8 (« La révolution de Février »)