Semi-colonisation de la Chine
La Chine ne fut pas à proprement parler colonisée par les puissances occidentales, mais elle a été fortement dominée, militairement, économiquement et politiquement, et une grande partie de son territoire fut grignoté. On parle ici de semi-colonisation de la Chine.
1 Epoque moderne : prémisses[modifier | modifier le wikicode]
1.1 XVIème siècle : arrivée des Portugais[modifier | modifier le wikicode]
Dès le décollage de la puissance commerciale européenne à l'époque moderne, la Chine, comme le reste de l'Asie, voit l'Occident tenter de s'imposer avec arrogance.
C'est d'abord le Portugal qui est au début du XVIème siècle la première puissance à atteindre une envergure mondiale. La flotte navale portugaise contrôle la route qui longe les côtes africaines et indiennes, et de nombreux comptoirs commerciaux sont installés (Goa en Inde, Malacca en Malaisie, Nagasaki au Japon). Comme ils le font en Afrique, les Portugais capturent des Chinois sur les côtes, souvent des enfants, et les utilisent comme esclaves, un trafic qui durera jusqu'au XVIIIème siècle. Parfois, ils n'hésitent pas à construire des forts sur le sol chinois, sans même en avoir obtenu la concession. Ils tentèrent même d'exiger que le Portugal ait la priorité dans le commerce sur les pays d'Asie.
Le Portugal n'était toutefois pas en mesure de faire plier l'Empire chinois à toutes ses volontés. Les autorités répliquent à plusieurs reprises lorsque les étrangers se comportent en envahisseurs, en les emprisonnant, les tuant ou les repoussant à la mer. Des compromis furent établis, et les Portugais, après une première tentative infructueuse à Liambo, parvinrent à s'établir dans le Guangdong en 1555, en échange d'une taxe annuelle. Le nouveau comptoir, Macao, allait rapidement prospérer, essentiellement en favorisant les échanges entre le Japon et la Chine. Il allait aussi être un foyer des missionnaires catholiques vers le reste de la Chine.
1.2 XVIIème - XVIIIème : un commerce freiné et déséquilibré[modifier | modifier le wikicode]
D'autres puissances européennes arrivèrent plus tardivement, l'Espagne, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne... L'Empire chinois reste néanmoins plutôt fermé, commercialement et culturellement. Cet immense pays est auto-suffisant, et la grande bureaucratie étatique qui le contrôle a beaucoup à craindre dans les échanges avec l'extérieur. C'est pourquoi l'idéologie tradtionnaliste est invoquée par le pouvoir pour repousser les "inutiles marchandises occidentales". L'administration est l'interlocuteur unique des marchands étrangers, et leur interdit d'apprendre le chinois et de communiquer avec les habitants.
En revanche, les classes dominantes européennes, gagnées par l'exotisme, réclament toujours plus de produits chinois (porcelaines, thé, soie...), ce qui créé un fort déséquilibre commercial. L'État chinois, qui ne veut pas d'échange libre marchandise contre marchandise, demande d'être payé en or ou argent. Cela peut convenir à l'absolutisme espagnol, qui possède les mines d'Amériques du Sud, mais cela pénalise les britanniques. D'où une ambassade de Lord MacCartney en 1793, ou encore de Lord Amherst en 1816, toutes deux vaines.
Mais le fait même que les européens eux s'intéressent aux marchandises chinoises va entraîner des boulversements du pays. Par exemple, les britanniques achètent massivement du thé, et beaucoup en Chine vont reconvertir les terres pour se lancer dans ce marché lucratif, en particulier au détriment de cultures vivrières.
2 XIXème siècle : domination accrue[modifier | modifier le wikicode]
Mais c'est surtout au XIXème siècle avec la Révolution industrielle que les européens, bénéficiant d'un avantage technologique conséquent, vont user de leur puissance.
2.1 La guerre de l'opium[modifier | modifier le wikicode]
A partir du XVIIIème siècle, les anglais vont réussir à commercialiser massivement en Chine l'opium produit dans leurs colonies en Inde, notamment en corrompant les fonctionnaires locaux chargés du contrôle. La dépendance et les ravages dans la population augmentent en flèche, et la balance commerciale s'inverse rapidement, les anglais récupérant au passage les lingots d'argent qu'ils avaient cédés.
Après une série de prohibitions inefficaces, l'État chinois parvient en 1839 à mettre un coup d'arrêt au traffic. Presque aussitôt, suite à un lobbying de centaines de compagnies commerciales, le Royaume-Uni déclare la guerre à la Chine, au nom de la liberté de commerce... C'est la première guerre de l'opium. En 1842, la Chine cède et signe le traité de Nankin, premier d'une série de traités inégaux.
Peu après, la Chine fait mine de se révolter, et se voit infliger une autre défaite lors de la Seconde guerre de l'opium (1856-1860). Les occidentaux en profiteront pour "ouvrir" davantage le Nord du pays, où le commerce était beaucoup moins effectif qu'au Sud. De nouvelles indemnisations seront exigées (alors que ce sont les dégâts sont surtout en Chine, avec notamment l'incendie du Palais d'Eté par les Français et les Anglais), Tianjin (port de Beijing) sera "ouvert", et la "liberté de culte" pour les chrétiens sera réaffirmée. Ce sera aussi le début des coolies chinois exportés vers les colonies françaises ou anglaises.
2.2 Les traités inégaux[modifier | modifier le wikicode]
En plus de se faire rembourser les saisies d'opium qu'avaient réalisés les chinois, les anglais obtiennent Hong-Kong, l'ouverture de ports, la droit de co-décider des droits de douane de la Chine, le droit de juger les britanniques par un tribunal anglais en cas de litige en Chine...
Mais un tel privilège et une victoire militaire si facile aiguise l'appétit des impérialismes rivaux. Les États-Unis décrochent en 1844 les mêmes droits avec les traité de Wangxia. Les Français font de même en 1846 avec le traité de Whanpoa, obtenant de plus le droit de construire des églises et des cimetières. Quelques jours après, ils obtiennent le droit d’évangéliser.
Suite à l'endettement de l'État chinois, les impérialistes vont aussi exercer une domination par la dette publique sur le pays, en lui imposant des emprunts à taux élevés.
2.3 Démembrement du territoire[modifier | modifier le wikicode]
Mais le développement du capitalisme engendre toujours plus de besoins pour les impérialistes de contrôler directement les matières premières et les débouchés. Dans l'arrogance militaire d'alors, cela va se traduire par des annexions du territoire chinois.
Déjà à partir de 1843, une grande partie de Shanghai devint concession anglaise, concession états-unienne, ou concession française. Les Japonais vinrent se joindre à la fête après la guerre sino-japonaise de 1894-1895.
Puis entre 1856 et 1860, avec la Seconde guerre de l'opium, le Royaume-Uni grignote Kow-Loon au Nord de Hong-Kong, et la Russie tsariste profite de la déroute chinoise pour déplacer sa frontière au delà du fleuve Amour.
En 1885, le pays est contraint par la France de céder le Tonkin.
Le Japon, nouvellement entré dans le cercle des impérialistes suite à sa Révolution Meiji, lui démembre la Corée en 1895, officiellement en la "rendant indépendante".
2.4 Sentiment anti-occidental et discrédit du pouvoir[modifier | modifier le wikicode]
S'ensuit un boom des importations (celles d'opium doublent en 25 ans), et des exportations (dominées par les sociétés européennes. L'argent se raréfie en Chine, et l'inflation est galopante, et les impôts explosent. Dans les campagnes, les paysans s'endettent de plus en plus vis à vis des propriétaires fonciers. En ville, de nombreux artisans sont ruinés et poussés au chômage. C'est une véritable saignée du pays, et le pouvoir central est totalement décrédibilisé aux yeux des masses chinoises. Cela mena à de nombreux soulèvements, dont la révolte des Taiping en 1850, et la Révolte des Boxers en 1900.
3 XXème siècle : nationalisme et communisme[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Montée du nationalisme bourgeois et du prolétariat[modifier | modifier le wikicode]
L'afflux de capitaux étrangers eut aussi pour effet d'industrialiser la Chine. Mais ce développement n'était pas auto-centré, et une bonne partie de la bourgeoisie, moderniste et anti-impérialiste, avait d'autres projets politiques. Reprenant en cela l'idéal des révolutions bourgeoises occidentales, elle s'opposait au régime féodal et à l'Empire déclinant, qu'elle jugeait incapable de défendre les intérêts du pays.
La Révolution de 1911 fut la première tentative de cette bourgeoisie, organisée autour du Kuomintang de Sun Yat-sen. La République fut proclamée dans le Sud, mais ne réussit pas à s'étendre à tout le pays. Le Nord, économiquement et socialement plus arriéré, resta entre les mains de nobles, que l'on nommait seigneurs de la guerre. Cet absence d'État bourgeois central laissait les mains libres aux occidentaux, qui pouvaient jouer sur les divisions internes et la corruption pour continuer à se partager le pays.
Parallèlement, le mouvement ouvrier s'organisait, et il fut d'emblée liée au jeune Parti communiste chinois (PCC). Dans une optique de Front unique anti-impérialiste, les communistes s'allièrent aux nationalistes bourgeois, contre les féodaux et les envahisseurs, notamment japonais. Mais la politique suicidaire du PCC, dictée par les staliniens, conduisit à la tragique défaite de ce qui aurait pu être une révolution socialiste en Chine.
3.2 Développement étatique et ouverture maîtrisée[modifier | modifier le wikicode]
Par la suite, le PCC changea profondément de nature. Il cessa d'être un parti prolétarien, et abandonna de fait la révolution socialiste. En revanche, il surpassa son traître allié du Kuomintang, en réalisant une révolution nationaliste radicale en 1949. A la fin du XXème siècle, la Chine s'insère à nouveau dans le marché mondial. Si dans une large mesure cela entraîne immédiatement des formes typiques de l'impérialisme contemporain (multinationales exploitant la main d'oeuvre corvéable à merci), la bureaucratie étatique parvient remarquablement à défendre ses intérêts, notamment en imposant des transferts technologiques, et grâce à ses très forts investissements publics passés et présents.
De nombreux débats subsistent parmi les communistes révolutionnaires à propos du degré d'autonomie qu'a atteint la Chine face aux principales puissances mondiales. La Chine est devenue le second PIB mondial, et son importance économique est reconnue par tous. Elle est même une puissance impérialiste de second ordre, notamment en Afrique. Cependant, son PIB par habitant est encore loin derrière celui des pays de la Triade (Europe, États-Unis, Japon), et son économie encore très dépendante de l'extérieur (des exportations, ou des capitaux étrangers, comme l'a encore montré la baisse des bourses en 2011 suite aus rapatriements de nombreux investisseurs).
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
Lettres des prisonniers portugais à Canton, 1534-1536
La Chine, nouvelle superpuissance économique ou développement du sous-développement ? Brochure du Cercle Léon Trotski
Les révolutions chinoises, Brochure de la Tendance Claire du NPA