Régulation de la concurrence

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La régulation de la concurrence capitaliste est une des fonctions économiques de l'État bourgeois.

La concurrence est censée être le moteur sain d'une économie capitaliste, mais des patrons voyous n'hésitent pas à frauder. On parle de concurrence déloyale ou de pratiques anticoncurrentielles. C'est une des raisons qui font que la plupart des économistes libéraux admettent la nécessité d'une intervention de l'État pour réguler la concurrence.

1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Concurrence « déloyale »[modifier | modifier le wikicode]

A partir de la révolution industrielle du 19e siècle, le modèle de l'entreprise capitaliste s'est généralisé, et avec lui l'idée que les profits récompensent un « bon entrepreneur », ayant fait les meilleurs investissements, produisant les meilleurs produits du point de vue des consommateurs, etc.

Cependant, pour que ce discours idéologique devienne dominant, il a fallu réprimer les cas dans lesquels l'enrichissement d'un patron reposait sur un avantage que l'opinion juge scandaleuse. Cela peut être une situation particulièrement abjecte de surexploitation des salarié·es, ou l'usage de la violence pour écarter des concurrents ou obtenir des rabais de fournisseurs.

Il y a toujours des tentations pour un patron de ne pas respecter les règles du jeu du marché capitaliste. Cependant, l'État bourgeois, représentant l'intérêt général de la classe bourgeoise, est précisément là pour instaurer un minimum de règles, qui sont nécessaires à la pérennité du système. Même si cet État peut être plus ou moins corrompu selon les pays.

De fait, ce sont les plus puissantes entreprises qui ont le plus les moyens d'utiliser leur position dominante pour imposer des pratiques « déloyales ».

1.2 Concentration du capital[modifier | modifier le wikicode]

Les profits des entreprises les plus puissantes leur permettent de racheter les autres ou de prendre leurs parts de marché et les pousser à la faillite. Tout cela produit une centralisation du capital en un nombre d'entreprises plus réduites, pour un secteur donné (car de nouveaux secteurs émergent). Cette centralisation est favorisée par les économies d'échelle.

Vers la fin du 19e siècle, on commence à largement commenter cette concentration du capital et la constitution de monopoles ou d'oligopoles, de trusts et de cartels, dont certains préfigurant les multinationales. Certains marxistes ont théorisé que c'était une caractéristique fondamentale d'un nouveau stade du capitalisme, l'impérialisme, remplaçant le stade de la libre-concurrence.

Or ces situations permettent à ces grandes entreprises de bénéficier de rentes de situation, de pratiquer des prix bien plus élevés que leurs coûts de production, et d'être moins poussées à innover. Cela entre directement en contradiction avec le discours libéral qui est au fondement de la justification idéologique du capitalisme. Les gouvernements ont donc été poussés à prendre des mesures pour favoriser la concurrence.

Malgré le lobbying des grands groupes, les politiciens ont été sensibles à ces pressions venant de secteurs petit-bourgeois (importants comme alliance électorale pour la bourgeoisie), et des « consommateurs » (les consommateurs bourgeois ont plus de poids, mais cette catégorie a l'avantage d'être interclassiste). Enfin, agir pour réguler la concurrence ne remet pas fondamentalement en cause le mode de production capitaliste, voire peut le relégitimer.

2 Mesures prises par les États[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Lois antitrust[modifier | modifier le wikicode]

Les premières lois de ce genre, appelées loi antitrust, ont été votées aux États-Unis à la fin du 19e siècle. Cela commence avec le vote du Sherman Antitrust Act en 1890. Celui-ci est cependant très vague et presque jamais appliqué, puisqu'il ne condamne aucun monopole ou pratique de fixation des prix en soi, mais seulement les "moyens déloyaux" employés pour y parvenir...

Le 15 mai 1911, la Cour suprême des États-Unis ordonne la division de la Standard Oil de Rockefeller en pas moins de trente quatre compagnies indépendantes, ayant chacun un conseil d’administration.

"I Like a Little Competition"—J. P. Morgan par Art Young. Caricature de la réponse donnée par J. P. Morgan quand le Comité Pujo lui demanda son avis sur la concurrence. (1913)

Le Clayton Antitrust Act de 1914 réglemente les fusions d'entreprises afin d’empêcher des combinaisons et des acquisitions susceptibles de nuire à la concurrence ou visant à constituer un monopole. Il s’agit d’une loi prospective, qui cherche à empêcher la réalisation de certaines opérations en montrant leurs effets futurs probables sur la concurrence. Elle peut aussi annuler des fusions ayant déjà été effectuées. Elle implique, selon l’importance de l’opération, pour les entreprises le devoir de notifier à l’avance leurs fusions, afin que leur cas soit étudié.

Les lois antitrust contiennent aussi des dispositions visant à interdire les ententes entre entreprises souhaitant fixer les prix.

La Federal Trade Commission et l'Antitrust Division du Département américain de la Justice sont chargées de faire respecter de cette législation. Le FBI mène des enquêtes (y compris écoutes téléphoniques, etc.), ce qui est beaucoup moins pratiqué en Europe.

Le Japon a un droit de la concurrence en partie hérité de la présence américaine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L'organisation chargée de l'application du droit est ainsi la Japan Fair Trade Commission.

Le droit de l'Union européenne ne condamne pas le monopole en lui-même, mais "l'abus de position dominante" (par exemple le dumping).

L'UE est réputée veiller à une « concurrence libre et non faussée » plus que d'autres espaces économiques, ce qui est en partie dû au fait qu'elle est un accord entre États-nations concurrents, mutuellement méfiants, et qui ne peuvent se mettre d'accord que sur les règles. L'UE a donc « innové » sur les règles de mise en concurrence sur certains marchés qui favorisent habituellement les monopoles naturels (énergie, transport, télécommunications...).

2.2 Lois anti-dumping[modifier | modifier le wikicode]

Le dumping est le fait de casser volontairement les prix (en acceptant temporairement des profits plus faibles), voire de vendre à perte, pour évincer des concurrents.

Les principaux États capitalistes se sont accordés (sous la direction des vieux pays impérialistes) sur la mise en place de règlements anti-dumping. Par exemple au niveau de l'Union européenne[1] ou au niveau de l'Organisation mondiale du commerce[2].

Ces règlements distinguent les "économies de marché" (qui respectent la libre-concurrence) et les autres. Par exemple la Chine n'est pas reconnue comme économie marchande par l'UE mais comme "un capitalisme soutenu par l’État", ce qu'elle dénonce[3]. Le 3 décembre 2013 la Chine a accusé les États-Unis de pratiquer le dumping, devant une commission de l'OMC.

Selon le règlement européen par exemple, des "droits anti-dumping" sont définis suivant la marge de dumping existant entre le prix de vente sur le marché d'origine, et le prix de vente sur le marché européen, dans les "économies de marché". Une autre méthode est utilisée dans les autres cas[4].

2.3 Manipulation des cours[modifier | modifier le wikicode]

La manipulation des cours consiste à acheter ou à vendre massivement un titre dans le but de lancer ou d'arrêter une tendance sur la valeur du titre. Aujourd'hui c'est un délit dans beaucoup de pays.

Jusqu'aux années 2000, la société De Beers avait un quasi-monopole sur la vente de diamants et en a profité pour maintenir les cours artificiellement élevés.[V 1][5] Il fut rapporté que les cadres de la De Beers évitaient de voyager aux États-Unis pour éviter d'être arrêtés pour violation des lois sur la concurrence.

Enron a exporté de l'électricité de Californie pour la réimporter beaucoup plus cher (ce qui fut une des causes de la crise énergétique de 2000-2001),[6] JP Morgan a exploité de façon sournoise des mécanismes de régulation[7][8]...

3 Dans la culture populaire[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Anti-Monopoly[modifier | modifier le wikicode]

Anti-Monopoly 1974.png

En 1973, le professeur d'économie Ralph Anspach créé un jeu appelé Bust the Trust (« Fais sauter le Monopole ») qui sera renommé Anti-Monopoly. Il veut y remettre une dénonciation explicite des monopoles, en faisant l'éloge des lois anti-trusts pour rétablir la concurrence.

Paradoxalement, en présentant la « libre concurrence » comme la panacée, l'Anti-Monopoly véhicule sans doute davantage l'idéologie bourgeoise que le Monopoly.

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

  1. Sortie d'usine, Le funeste secret de l'industrie du diamant, janvier 2024

Lectures

Notes