Patriarcat

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Le patriarcat est la domination des hommes sur les femmes, organisée socialement. C'est une caractéristique des sociétés humaines, qui existait avant que celles-ci soient divisées en classes. L'analyse des fondements du patriarcat d'un point de vue matérialiste et son articulation avec les modes de production sont l'objet de nombreux débats dans le mouvement féministe, y compris parmi les communistes révolutionnaires.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Continuité avec les animaux ?[modifier | modifier le wikicode]

Certains soutiennent que l'étude des sociétés d'animaux (sociologie animale, éthologie) peut être utile pour l'étude de l'origine du patriarcat. En effet, étant donné que le darwinisme et la génétique nous apprennent qu'il y a de nombreux éléments de continuité entre nous et les autres animaux, il y a peut-être des éléments de continuité y compris dans certaines formes d'organisation. Il semble par exemple que les animaux les plus proches de nous (mammifères) évitent généralement l'inceste.

Mais il n'y a pour l'instant que des hypothèses difficiles à confirmer. La plupart des féministes sont à juste titre méfiantes envers le milieu de la recherche (majoritairement masculin), qui peut conduire à des biais de confirmation de préjugés essentialistes.

Il semble néanmoins que, chez les primates, le fait que les femelles portent la charge de la grossesse et de l'allaitement ait eu un impact sur la division des rôles. Cela les aurait placé assez tôt sous un statut de protection par la bande, et donc de contrainte. Cela aurait aussi entraîné des échanges de femelles entre groupes, façon de coopérer pour survivre à l'échelle de l'espèce.

De fait, la division sexuelle du travail est un attribut de notre espèce, homo sapiens. On ne sait pas dire actuellement si la division sexuelle du travail est apparue avant que l'homme soit biologiquement ce qu'il est aujourd'hui (vers -200 000 ans), voire avant même les premiers représentants du genre homo (- 2,5 millions d'années).

Parmi les espèces de singes qui nous sont proches, aucune ne pratique une stricte division sexuelle du travail qui éloigne notamment de manière absolue les femelles de la chasse. Mais chez plusieurs espèces, comme par exemple les chimpanzés, les femelles chassent peu et montrent moins d’appétence pour la viande - les biologistes l'expliquent par les contraintes liées à la maternité, mais aussi par le dimorphisme sexuel (différenciation biologique des sexes), beaucoup plus prononcé que chez les hommes.

Chez les singes, on constate que le dimorphisme sexuel favorise des stratégies alimentaires différentes (mais il ne faut pas confondre cela avec la division sexuelle du travail : ces stratégies alimentaires différentes ne conduisent pas à des transferts réguliers et codifiés de nourriture d’un sexe vers l’autre).

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Certains babouins et macaques présentent l’image de mâles exerçant un strict contrôle sur des femelles soumises. Chez les orangs-outangs, le mâle, associé sur un vaste territoire à plusieurs femelles vivant chacune dans leur zone propre, s’investit très peu dans la progéniture. Chez les gorilles un mâle adulte est à la tête d’un groupe composé de plusieurs femelles et de petits, qu’il protège et contribue à éduquer. Les chimpanzés vivent en bandes réunissant plusieurs mâles et femelles adultes, où les mâles semblent bénéficier d’un certain ascendant lié à leur comportement plus solidaire. La situation est inversée chez les bonobos, où ce sont plutôt les femelles qui donnent le ton.[1]

On peut aussi observer une grande diversité de "stratégies sexuelles" (compétition entre mâles ou entre femelles, coopération...). Même au sein d'une espèce, les comportements sont susceptibles de varier considérablement en fonction du milieu, mais aussi, semble-t-il, d’un acquis qui est une forme embryonnaire de « culture ».  Le dimorphisme sexuel semble d'autant plus marqué que la compétition pour l’accès aux femelles est forte. Mais il y a de nombreuses autres organisations que celles fondées sur la compétition.

1.2 Premières sociétés[modifier | modifier le wikicode]

Il est évidemment très difficile d'établir des connaissances solides sur les premières sociétés humaines dont il ne reste que des traces très indirectes. Les hypothèses actuelles sont essentiellement basées sur les études anthropologiques menées sur la base des observations de sociétés de chasseurs-cueilleurs ayant perduré jusqu'à présent, et ayant été le moins influencées par le contact avec les sociétés modernes. On suppose que ces sociétés fournissent un exemple de communisme primitif antérieur à la révolution néolithique, et donc permettent d'en observer les caractéristiques.

D'après ces données, il semble peu probable qu'il ait existé des sociétés où l'on pourrait parler de domination féminine à proprement parler (contrairement à un certain mythe du matriarcat). Dans les premières sociétés sans classe, la condition des femmes semble avoir varié de l'égalité à la domination masculine. Certains comme Eleanor Leacock pensent cependant qu'il a existé des sociétés sans domination masculine, et que les sociétés observées (par exemple par Françoise Héritier et Maurice Godelier) sont ainsi car elles sont influencées par des sociétés inégalitaires.

Au sein du peuple San (« Bochimans »), les violences envers les femmes sont très rares.

Il y a très généralement une division sexuelle du travail.[2][3] Majoritairement, ce sont les femmes qui assurent le travail de cueillette, tandis que les hommes chassent. Évidemment, il y a des contre exemples. Une étude de 2023 a affirmé que la grande majorité des femmes chassaient[4], mais elle est très critiquée pour sa méthodologie[5]. On a souvent constaté que lorsque les femmes chassaient, il s'agissait plus souvent de petit gibier. On a pu constater dans certains cas que des femmes n'étant pas encore en âge de procréer pouvaient se joindre aux chasseurs.

On constate une plus faible mobilité des femmes. Il a été observé qu'un homme chez les San parcourt une distance moyenne annuelle deux fois plus grande qu'une femme. Autre source majeure de différenciation des rôles : la guerre avec d'autres clans. D'abord, elle est très liée dans sa pratique à la chasse, ce qui tend fortement au monopole des hommes. Cette maîtrise de la guerre aurait permis aux hommes de concentrer très tôt en leurs mains le pouvoir politique. Économiquement, hommes et femmes sont des producteurs et se partagent les produits de leur travail, même de façon inégale. Il y a en même temps complémentarité et hiérarchie. 

Malgré l'universalité du patriarcat, on constate une forte variabilité selon les cultures. Chez les aborigènes australiens, la gérontocratie est très marquée, les jeunes femmes sont destinées en priorité aux hommes âgés, et le divorce est inconcevable. A l'inverse, chez les Pygmées ou les San, les femmes peuvent quitter leur mari librement, avec ou sans leurs enfants, et la violence physique envers elles est très rare. On observe une quasi-égalité chez les Naskapi du Canada.

On constate aussi une forte présence de tabous liés au sang des menstruations, et au danger qu’il y aurait à rapprocher le sang féminin de celui du gibier.[6]

1.3 Agriculture, élevage et filiation[modifier | modifier le wikicode]

La maîtrise de l'agriculture et de l'élevage ont apporté de profonds changements sociaux. C'est à partir de ce moment que se sont multipliées les sociétés à système linéaire : la descendance des possessions et du pouvoir se fait par les hommes (système patrilinéaire) ou par les femmes (système matrilinéaire), parfois de façon combinée (système bilinéaire).

La polyandrie a été pratiquée au sein du peuple Toda (photographie de 1871)

Avec l'agriculture s'est généralisée la patrilocalité, le fait qu'une femme qui épouse un homme emménage dans la famille de celui-ci. Cela aurait affaibli leur position. Dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, il semble qu'il n'y avait pas forcément une telle norme.[1]

Dans les communautés agricoles, on trouve de nombreux exemples de sociétés matrilinéaires (Chine néolithique, Akan d'Afrique...) Certains anthropologues suggèrent même que cela pourrait être une étape universelle de l'évolution sociale, la paternité étant moins assurée que la maternité dans un contexte où la mariage ou même la monogamie n'est pas établie. Attention, famille matrilinéaire ne signifie pas "matriarcat" au sens de domination des femmes-mères. Cela signifie simplement que la transmission des biens se fait par la mère. Concrètement, c'est le plus souvent le frère de la mère qui commande le foyer et les enfants.

1.4 Apparition des classes[modifier | modifier le wikicode]

A l'échelle historique, on peut affirmer que les révolutions néolithiques ont eu pour conséquence l'apparition des classes sociales. La domination de classe est alors venue se combiner à la domination sexuelle.

Il semblerait que la domination masculine se soit renforcée à ce moment-là, en raison du besoin de contrôle des hommes sur leur descendance, pour veiller à la transmission de leur propriété privée. Les mariages d'intérêt et la restriction de la liberté (divorce...) tendent à se renforcer.

1.5 Sociétés antiques[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'Égypte antique, les femmes semblent avoir bénéficié d'une bien plus grande considération que dans le monde gréco-romain. Elles étaient égales devant la loi, pouvaient divorcer, intenter un procès pour récupérer les biens du ménage, être "patronnes" (comme, par exemple, la dame Nénofèr au Nouvel Empire) ou médecin comme la dame Pésèshèt à la IVe dynastie et même pharaon. Les moralistes égyptiens appellent avec insistance les hommes à respecter les femmes, ce qui laisse supposer qu'il n'était pas rare dans la pratique que les hommes soient violents. Parmi les fonctionnaires, les femmes occupaient de nombreux postes de scribe, et parfois de vizir (Nébet, VIe dynastie), même si cela resta très rare (il faudra attendre la XXVIe dynastie pour retrouver pareille situation). Au Nouvel Empire toute la « fonction publique » est tenue par des hommes.

La Grèce antique était une société patriarcale assez marquée. Il semble que la condition des femmes se soit dégradée sous le "Moyen-Âge hellénique" (-1200 à -800 av. JC) avant de s'adoucir.[7] Si l'idéal des femmes de bonnes famille à Athènes était de rester recluses dans le gynécée, et de s'occuper de la tenue du foyer, les femmes du peuples étaient investies dans des activités artisanales et commerciales.

Déroulé d'un lécithe (vase à huile) à figures noires, 550–530 AEC

Dans la Rome antique, il y avait bien sûr une différenciation genrée, et un accès privilégié des hommes aux fonctions de pouvoir, mais les femmes n'étaient pas absolument bannies de tout pouvoir. Outre certaines fonctions réservées (vestales), elles pouvaient assumer les fonctions de leur mari en cas d'absence (on a même vu des femmes parler au Sénat). Les femmes sont par ailleurs présentes dans l’espace public et dans l’économie. Elles gèrent parfois de grosses entreprises commerciales (Cicéron est riche car sa femme s’occupe d’affaires immobilières), et elles exercent une influence. On a retrouvé des graffitis politiques: «Moi, Mme Unetelle, marchande d’étoffes bien connue, vous dis: soutenez tel magistrat municipal»… Les Romaines voyagent et sont présentes aux banquets. Elles passent beaucoup de temps entre elles, mais elles ne sont pas du tout enfermées. Quand elles sortent, elles mettent un voile sur la tête, car les cheveux sont considérés comme extrêmement séducteurs. [8]

1.6 Sociétés féodales[modifier | modifier le wikicode]

Sculpture d'Hildegarde de Bingen à Eibingen

Dans le Moyen-Âge européen, la condition des femmes comme celle des opprimés en général était soumise à une grande part d'arbitraire, étant donnée la faiblesse du droit. Mais l'historiographie dominante (bourgeoise) tend à caricaturer les sociétés antérieures pour mieux se valoriser, et ainsi elle occulte certains aspects plus favorables aux femmes, et que le développement capitaliste a eu tendance à affaiblir.

Par exemple, les femmes paysannes étaient surtout cantonnées au foyer, mais elles y réalisaient du travail productif (fabrication de vêtements, de bougies...) qui valorisait leur rôle face au travail productif des maris. Il était par ailleurs fréquent qu'elles aident également au travail des champs.

Des femmes intellectuelles notables étaient reconnues, comme Hildegarde de Bingen[9] et Christine de Pizan. Le développement de la galanterie et de l'amour courtois vers le 12e siècle a fait reculer les formes les plus brutales de domination au sein de la noblesse, dans une époque où viols et enlèvements étaient banalisés.[10]

En même temps que vont s'affirmer les monarchies absolues en Europe, on verra une réaffirmation de la domination masculine, par exemple dans la grammaire (établissement de la règle "le masculin l'emporte sur le féminin").

Les philosophes des Lumières étaient majoritairement misogynes, mais parmi eux certains défendaient l'égalité, l'accès à l'éducation pour les femmes et dénonçait leur oppression comme venant de l'Église.

Vers la fin du 17e siècle, une pratique apparaît en Angleterre, celle de vendre des épouses. Elle perdurera jusqu'au début du 20e siècle.

Selling a Wife (1812–1814), de Thomas Rowlandson

1.7 Révolution française[modifier | modifier le wikicode]

2 Femmes et capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Changements structurels[modifier | modifier le wikicode]

La croissance capitaliste a de toute évidence eu un effet déterminant sur la condition des femmes[11], ce qui a permis un développement des luttes féministes. Les rapports de production capitalistes (salariat avec équivalence du travail abstrait, qu'il soit masculin ou féminin) ont tendance à favoriser l'idéologie libérale (individus libres et égaux en droits...) ce qui fournit une base pour l'extension de ces droits aux femmes.

On pourrait citer comme facteurs de transformation de l'infrastructure sociale des rapports sociaux hommes-femmes :

  • la tendance et contre-tendance à l'intégration des femmes au marché du travail
  • la massification de l'éducation publique et intégration des femmes
  • la socialisation partielle de certains travaux domestiques
  • les techniques qui augmentent la maîtrise de son corps (avortement, contraception, PMA, ectogenèse...)

Comme corolaire de ce lien avec le développement capitaliste, on observe :

  • une tendance à la réaction anti-féministe dans les périodes de crise
  • une différence marquée entre pays riches (principalement les pays impérialistes) et pays dominés

On peut noter qu'un des seuls indicateurs positifs pour les femmes est une espérance de vie meilleure que les hommes (dans presque tous les pays), ce qui semble lié à des comportements plus risqués des hommes.

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2.2 Accès à l'éducation[modifier | modifier le wikicode]

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Depuis le 19e siècle, l'éducation (d'abord primaire, puis secondaire, puis universitaire) a tendance à se diffuser lentement. Le 23 juin 1836, l'ordonnance Pelet incite chaque commune à avoir au moins une école primaire pour filles.

Les femmes qui ont accès à une éducation sont souvent les plus impliquées dans les revendications féministes. Certaines se heurtent au conservatisme et s'impliquent elles-mêmes dans l'éducation des femmes (Emily Davies, Elisa Lemonnier...). Mais parmi les classes dominantes, il y a aussi des éléments de progressisme : le patron François Barthélemy Arlès-Dufour aide Julie-Victoire Daubié à devenir la première bachelière en 1861, Madeleine Brès reçoit l'aide de l’impératrice Eugénie et du ministre Victor Duruy pour s'inscrire en faculté de médecine...

Sous la IIe République, la loi Falloux avait fixé en mars 1850 l'objectif d'une école primaire pour filles dans chaque commune de plus de 800 habitants. La loi Duruy de 1867 aligne ce seuil sur les standards masculins en le fixant à 500.

Les programmes restent définis en fonction des rôles sociaux assignés aux femmes (y figurent les travaux ménagers et la puériculture). Les couvents et congrégations prennent majoritairement en charge l’éducation des jeunes filles. Des écoles normales féminines sont rendues obligatoires dans chaque département en 1879, puis sont créés des collèges pour filles (1880).

Sous la IIIe République, les lois Jules Ferry (1881-1882) instituent l'école gratuite et obligatoire de 6 à 13 ans, sans différence entre filles et garçons. Mais les conditions sociales pèsent : on estime ainsi qu’à Paris le tiers des ouvrières des années 1920 n’est pas scolarisé jusqu’à 13 ans. En, 1924 le bac et le programme du secondaire deviendront uniques.

Dans le boom des 30 glorieuses, les femmes entrent plus massivement dans les universités. L'école devient mixte en 1975. Les jeunes étudiantes de cette génération seront le fer de lance du féminisme deuxième vague. Dans de nombreux pays riches, les femmes sont devenues plus diplomées que les hommes (par exemple en France en 2011, 58% des élèves diplômés dans l'enseignement supérieur sont des filles). Mais il existe de grandes disparités selon les filières. Les filles sont 74% des diplomés dans les filières littéraires et 30% en filières scientifiques. Dans les IUT, les étudiantes sont un peu plus de 50% dans les filières du secteur tertiaire, pour à peine moins de 10% dans l'informatique. Dans les classes préparatoires aux grandes écoles, seulement 41% des élèves sont des femmes.

Depuis le tournant néolibéral des annèes 1980, l'éducation subit de plus en plus les coupes budgétaires. A l'Université, les femmes sont largement plus présentes dans les filières de lettres ou de sciences humaines qui sont les premières impactées par les mesures d'austérité à la fac parce que considérées comme moins rentables. Le harcèlement et les violences sexuelles sont favorisés par la précarisation et le renforcement des pressions liées aux hiérarchies universitaires (président d'université, professeurs « mandarins »...).

Alors qu'elles sont majoritaires à l'entrée de l'Université, les étudiantes en ressortent plus rapidement, avec des diplômes moins "spécialisés" et moins reconnus sur le marché du travail.

2.3 Intégration au marché du travail[modifier | modifier le wikicode]

Par rapport aux modes de production antérieurs où la petite production familiale était centrale, le capitalisme a nettement séparé les lieux de production (entreprises) et les lieux de reproduction (foyer). Cela en entraîné une division du travail plus marquée entre travail domestique (dévolu aux femmes) et travail salarié (hommes), mais aussi une tendance à l'intégration des femmes au travail salarié (entraînant le plus souvent une double journée de travail).

Selon beaucoup d'observateurs de la révolution industrielle, dont Marx, le développement du machinisme a rendu le besoin de force physique secondaire, et aurait donc facilité l'emploi de femmes et d'enfants par les capitalistes. Par ailleurs, les industriels se sont permis de sous-payer les femmes, considérant qu'elles pouvaient moins tenir tête, et qu'elles avaient la pression familiale de ramener à tout prix un revenu :

« M. E. ... fabricant m'a fait savoir qu'il emploie exclusivement des femmes à ses métiers mécaniques; il donne la préférence aux femmes mariées; surtout à celles qui ont une famille nombreuse; elles sont plus attentives et plus disciplinables que les femmes non mariées, et de plus sont forcées de travailler jusqu'à extinction pour se procurer les moyens de subsistance nécessaires. C'est ainsi que les vertus qui caractérisent le mieux la femme tournent à son préjudice. Ce qu'il y a de tendresse et de moralité dans sa nature devient l'instrument de son esclavage et de sa misère. » Ten Hours' Factory Bill. The speech of Lord Ashley. Lond. 1844; p.20.[12]

En 1848 en France, les femmes luttent et obtiennent le droit au travail dans les ateliers nationaux.

Le taux d'emploi des femmes tend à augmenter. En France, entre 1901 et 1930, on compte 7 millions de femmes salariées, contre 13 millions d'hommes ; dans l'entre-deux-guerres, elles sont 6,6 millions contre 12,7, en 1968 7,1 contre 12,7, en 1990 10,5 contre 13,5.

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Pendant la guerre de 1914-1918, la mobilisation de nombreux hommes augmenta soudainement l'intégration des femmes dans les usines. En Russie le pourcentage de femmes dans l'industrie passa de 32 à 40%. Mais au retour des hommes du front, les femmes furent souvent repoussées vers le rôle maternel traditionnel, notamment pour assurer un rebond démographique. Néanmoins l'effet de la guerre fut très remarqué, par exemple par Bertrand Russel qui en fait un facteur matérialiste très important :

« Platon, Mary Wolstonecraft et John Stuart Mill ont développé d’admirables arguments [pour l'émancipation des femmes], mais n’ont eu d’impact que sur un petit nombre d’idéalistes impuissants. La guerre est venue ; elle a imposé l’emploi des femmes dans l’industrie à une vaste échelle, et immédiatement les arguments en faveur du vote des femmes ont paru irrésistibles. Mieux que cela, la moralité traditionnelle des sexes a disparu, parce qu’elle reposait entièrement sur la dépendance économique des femmes vis-à-vis de leurs pères et de leurs maris. De tels changements dans la moralité sexuelle amènent de profondes altérations dans les pensées et les sentiments des hommes et des femmes en général ; ils modifient les lois, la littérature, l’art, et toutes sortes d’institutions qui semblent fort éloignées de l’économie. »

Les années 1930 furent une période de reculs, notamment du fait des régimes fascistes mais pas seulement. Il y eut aussi une offensive contre le travail des femmes fonctionnaires en Suisse et en France.[13]

Dans le boom de l'après 1945, les femmes entrent plus massivement sur le marché du travail. Cela leur donne une plus grande autonomie financière. En 1963, la loi sur l'égalité des salaires (Equal Pay Act) est votée. Le 2 juillet 1964, la loi sur les droits civiques (Civil Rights Act) abolit théoriquement toute forme de discrimination aux États-Unis. En 1965, en France, les femmes n'ont plus besoin de l'autorisation de leur mari pour prendre un emploi.

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Les femmes sont surtout employées dans secteurs de la sous-traitance (dont les zones économiques spéciales, destinées à l'export, sont un cas extrême). Une conséquence est leur invisibilisation par rapport aux secteurs industriels "traditionnels" où l'ouvrier homme est la figure majoritaire.

Les femmes sont aussi surreprésentées dans les services de manière générale, et dans les services publics en particulier, ce qui est très lié aux rôles de genre (dans les crèches, plus de 96% des employé·es sont des femmes[14]). Elles sont particulièrement touchées par les plans d'austérité visant la fonction publique.

En 1982, les femmes représentaient 25% des cadres et professions intellectuelles supérieures ; en 2009, elles sont 40 %. En 1965, 22% des journalistes étaient des femmes, contre 45% en 2009. En 2009, 54% des médecins de moins de 40 ans sont des femmes. Les femmes représentent 58% des magistrats (77% des reçus à l'école de la magistrature sont des femmes).

Un tiers des travailleuses européennes sont à temps partiel (souvent subi) contre 8 % des hommes.

Il faut cependant mentionner un effet paradoxal du patriarcat : dans sa vision essentialiste des femmes comme « fragiles », il assigne moins les femmes aux métiers les plus dangereux pour la santé. Ainsi les accidents du travail touchent majoritairement des hommes.

2.4 Salaires et revenus[modifier | modifier le wikicode]

Dans le schéma patriarcal "pur", la femme au foyer n'a aucun revenu propre, et dépend totalement de son mari, pour lequel elle travaille à la maison. L'introduction des femmes sur le marché du travail s'est fait à partir de cette situation, ce qui explique en partie les bas salaires :

  • Les patrons, les maris, ainsi que les femmes intériorisant leur domination, considéraient leur salaire comme un "salaire d'appoint".
  • L'absence de tradition de lutte collective a dans un premier temps laissé les patrons libres de surexploiter les femmes, d'autant que les préjugés sexistes des travailleurs hommes les empêchaient parfois de rejoindre les syndicats.
  • La soumission des femmes dans les foyers les poussaient aussi à la soumission sur les lieux de travail.
  • La possibilité de grossesse (qui généralement se traduit par des arrêts de travail plus ou moins prévus par le droit du travail), représente dans le cadre capitaliste une fiabilité moins grande qui tend à déprécier la force de travail féminine (les patrons prennent en compte ce risque en rémunérant moins les femmes).

Au début du 20e siècle, le salaire de la plupart des ouvrières est encore trop faible pour qu’elles puissent se passer de l’appui financier d’un homme, mais de plus en plus de femmes, dans le tertiaire notamment (commerce, fonction publique...), gagnent désormais suffisamment pour vivre modestement de façon indépendante. La revendication d'égalité salariale émerge. En 1966, des grèves ont lieu dans plusieurs pays européens pour l'application du principe « à travail égal, salaire égal ».

Encore aujourd'hui les femmes sont généralement moins payées que les hommes. La principale raison est qu'elles occupent souvent des postes moins qualifiés ou à temps partiel, mais des différences de salaires existent y compris pour un même poste. Le taux de chômage des femmes est en général supérieur à celui des hommes. Les patrons sont bien plus souvent des hommes que des femmes. Concernant les retraites, la plupart des femmes ont des difficultés à cotiser jusqu'au bout du fait de leurs carrières plus irrégulières liées aux grossesses, aux temps partiels... Et même à temps de travail égal, les écarts de pensions entre homme et femmes sont en moyenne de 33% à cause des écarts de salaire.

Dans la fonction publique, où les salaires (traitement) ne sont pas négociés mais fixées par des grilles, les écarts de revenus peuvent plus facilement être combattus. Cela n'allait pas de soi, puisque par exemple en France, les institutrices ont lutté à partir de 1903 pour l’égalité de traitement avec les instituteurs. Aujourd'hui les salaires dans le public sont égaux pour un même poste, mais les femmes sont moins présents dans les postes hiérarchiques et mieux payés.

Au Royaume-Uni en 2009, dans 21% des couples hétérosexuels de salariés, la femme gagne plus que l'homme.[15]

Par ailleurs, entre 1998 et 2015, l’inégalité de patrimoine entre les hommes et les femmes en France est passée de 9 % à 16 %.[16]

2.5 Droit de vote et égalité juridique[modifier | modifier le wikicode]

En France, la Révolution de 1789 a refusé de donner aux femmes des droits égaux, abolissant seulement leur impossibilité d'hériter. De manière générale, les premiers progrès du libéralisme politique sont menés par des hommes qui refusent son application aux femmes. On peut noter que les femmes ont reçu parfois le droit de vote de facto en raison de textes de loi qui ne mentionnaient pas de conditions de sexe, mais qu'une réaction et des changements législatifs ont suivi (au Québec en 1791, dans l'État de Victoria en Australie en 1863...).

Jusqu'à la fin du 19e siècle, il n'y a quasiment pas d'avancées sur ce plan. Puis, sous la pression de mouvements suffragistes, le droit de vote va progressivement être accordé aux femmes, souvent par des partis bourgeois libéraux : des États américains (Wyoming en 1868, Colorado en 1893...), la Nouvelle-Zélande (1893), l'Australie (1902), la Finlande (1906, où 19 femmes sont élues députées pour la première fois, dont 9 social-démocrates), la Norvège (1913), l'Islande (1914), le Danemark (1915), des provinces canadiennes (1916)...

En 1910 en France, une vingtaine de féministes, dont Marguerite Durand et Hubertine Auclert, se présentent aux élections législatives. Leurs candidatures sont rejetées. En 1919, le pape se prononce pour le droit de vote des femmes. En France, l'Assemblée vote pour le droit de vote des femmes en 1919, mais le Sénat bloque.[17] En mai 1925, le PCF est le premier parti français a présenter des femmes en position éligibles pour les municipales. Grâce à une lacune dans la réglementation, les élues siègent brièvement jusqu'à annulation de leur élection par les tribunaux[18].

Des conditions sont souvent imposées aux femmes. Par exemple en en 1930 en Grèce et en 1931 au Portugal, le droit de vote est accordé... aux femmes qui savent lire et écrire. Des militantes féministes ont beaucoup ironisé sur le fait que les hommes eux peuvent être illétrés, repris de justice, fous, alcooliques, etc. et pourtant avoir le droit de vote.[19] Le racisme joue aussi un rôle, comme lors du droit de vote en 1930 en Afrique du Sud, qui exclue les femmes noires.

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La crise des années 1930 a provoqué des reculs pour les droits des femmes dans de nombreux pays : non pas mécaniquement, mais en créant les conditions qui ont mené à la victoire du fascisme ou de dictatures (Allemagne, Espagne, Portugal, Grèce...). Dans les autres pays, la progression des droits s'est poursuivie tendanciellement.

Plus récemment, au Koweït (2005) et aux Emirats Arabes Unis (2006). Aujourd'hui, seule l'Arabie saoudite (monarchie absolue) n'accorde pas le droit de vote aux femmes.

La France est un des pays impérialistes qui a le plus tardé à instaurer le droit de vote des femmes (1944). L'incapacité juridique de l'épouse a été supprimée par la loi du 18 février 1938. Leur égalité juridique n'est venue que dans les années 1960-70 (permission d'utiliser un carnet de chèque sans l'autorisation du mari, responsabilité parentale, etc.).

Dans les pays riches, les constitutions démocratiques réprouvent la discrimination selon le sexe.

Voir : affiches du début du 20e siècle, affiches anti-féministes.

2.6 Violences masculines[modifier | modifier le wikicode]

Les femmes sont davantage victimes de violences de la part des hommes. Cette violence peut être à tous les niveaux (insultes, intimidation, agressions physiques, agressions sexuelles, viols...). 35,6 % des femmes du monde à l’échelle mondiale subiront des violences sexuelles ou physiques dans leur vie, le plus souvent de la part de leur compagnon[20]. Même en cas d'agressions homophobes ou racistes, ce sont principalement à des femmes que s'en prennent les agresseurs (lesbiennes, femmes voilées...).

Par exemple, aux États-Unis, des histoires comme celles-ci sont monnaie courante :

  • en avril 2012, un pasteur aux États-Unis préconise à ses ouailles : « si votre fils de quatre ans a l'air effeminé, cassez-lui le poignet, donnez lui un coup de poing, humiliez-le en le montrant en photo sur Youtube, faites-lui comprendre qu'il doit se comporter en homme »[21].
  • Deux jours avant, à Cleveland, un père de famille témoigne sur une radio de son affollement parce que sa fille serait lesbienne. « Vous devriez la faire violer par un de vos bons copains » lui répond l'animateur...
  • Des suicides de jeunes gays (ou simplement "pas assez virils") innombrables

Plus de 99% des violeurs sont des hommes. Les prisons comptent seulement 3% de femmes en France, 8,8 % aux États-Unis, 7,8 % en Russie, 14,6 % en Thaïlande, 5,1 % en Chine, 4,1 % en Inde...[22]

A noter que les hommes sont aussi plus susceptibles de retourner la violence contre eux-mêmes : les suicides sont beaucoup plus nombreux chez les hommes que chez les femmes.

Dans les pays capitalistes centraux, la violence masculine n'est plus légitimée par la loi, elle est désormais punissable (violence et viol conjugal...). Dans la plupart des pays moins développés, même lorsque les coûtumes légitiment la violence, l'État la condamne de plus en plus souvent officiellement. Par exemple en 2009 en Inde, une réforme est passée contre les mariages forcés et les violences conjugales.

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2.7 Famille et mariage[modifier | modifier le wikicode]

La montée en puissance de la bourgeoisie des villes à partir du 18e siècle a produit un modèle traditionnel de la famille qui s’est imposé dans l’ensemble de la société[23], avant de connaître une tendance à la dissolution sous l'effet du capitalisme lui-même.

Dans les années 1830, quelques femmes comme Claire Démar revendiquent le droit à l’amour libre, au scandale de l'opinion publique. La question de l’amour libre et du contrôle des naissances divise profondément les féministes de la seconde partie du 19e siècle.

A partir des années 1970, le nombre de mariages chute à grande vitesse en France, en parallèle d'une forte hausse des divorces. Le nombre d'enfants hors mariage connaît un boom dans les années 1980. Aujourd'hui, la majorité des enfants naissent hors mariage. Le nombre de familles monoparentales connaît un boom dans les années 1980, et 85% sont des femmes seules.

Par ailleurs, le taux de fécondité (nombre moyen d'enfants par femme) est dans une tendance lourde à la diminution (transition démographique).

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Par ailleurs, il y a une corrélation entre développement et sélection des garçons à la naissance :

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La grossesse et de l'élevage/éducation des enfants (qui repose principalement sur les femmes) a un fort impact sur les inégalités de revenus. Une étude de 2018 menée au Danemark[24] a montré clairement le "trou" dans la carrière que génère la naissance d'un enfant par rapport à une femme sans enfant :

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2.8 Droit à l'avortement[modifier | modifier le wikicode]

Une minorité parmi les féministes de la fin du 19e siècle revendique le droit à l'avortement. Parmi elles, il y a notamment un milieu syndicaliste et anarchiste dit "néo-malthusien".

Pendant les 30 glorieuses, des innovations vont potentiellement permettre la maîtrise de son propre corps, en particulier la découverte d'une nouvelle technique de contraception (la pilule), et de la méthode « Karman » pour l'avortement...

En 1967, le Royaume-Uni est le premier pays à adopter une loi autorisant l'avortement. En France, l'avortement sera dépénalisé par la loi Veil de 1975.

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Cependant, la question du droit formel ne résout pas la question du droit réel, de l'accès effectif aux moyens d'avorter. Par exemple, si les frais d'avortement sont élevées, les femmes pauvres sont moins libres d'avorter que les femmes riches. C'est pour cette raison que par exemple en France, le gouvernement socialiste français a assuré en 1982 le remboursement des frais par la SECU. Cependant depuis plusieurs décennies l'austérité se renforce, et les coupes budgétaires massives dans la santé entraînent la fermeture de centres IVG et la dégradation des conditions d'accueil de maternité.

2.9 Santé[modifier | modifier le wikicode]

Le patriarcat se répercute aussi dans la santé. Les médecins et les décideurs des politiques médicales sont majoritairement des hommes, et l'ensemble de la société se croit souvent fondé à prendre des décisions concernant le corps des femmes.

Les excisions de parties du sexe féminin ont été et continuent d'être pratiquée, sous divers prétextes, rituels mais aussi pseudo-médicaux. L'ablation du clitoris a été pratiquée par de nombreux médecins : au 2e siècle par Soranos d'Éphèse pratiquait des ablations du clitoris pour « normaliser » des filles. Au 17e siècle, Pierre Dionis et André Levret la préconisent pour lutter contre la « nymphomanie »[25]. Elle était encore pratiquée dans les années 1960 pour « traiter l'hystérie, l'érotomanie et le lesbianisme » [26][27].

Aux États-Unis, des années 1950 jusqu'aux années 1970, afin d'éviter à certaines jeunes filles d'atteindre une taille considérée comme trop grande, on leur faisait prendre du distilbène (aujourd'hui interdit pour sa toxicité).[28],[29],[30].

Les violences gynécologiques et obstétricales sont aussi de plus en plus dénoncées.[31]

Paradoxalement, la propension des hommes à la violence ou aux comportements à risque en général (plus d'accidents du travail, d'accidents de la route[32]...) fait qu'ils ont une espérance de vie plus courte que les femmes en moyenne.

2.10 Travail domestique[modifier | modifier le wikicode]

La quantité de travail domestique globale effectuée a tendance à diminuer sous l'effet des innovations techniques, surtout depuis le boom des "30 glorieuses" : réfrigérateurs, fours, plaques de cuisson, mixeurs, batteurs, aspirateurs...  Cela a eu pour effet de diminuer le temps global passé dans le travail domestique (3 heures et 39 minutes en 1986, 3 heures et 7 minutes en 2010). Le temps consacré aux enfants et aux activités de semi-loisirs comme le jardinage ou le bricolage n’a pas varié. Toute la baisse provient de la réduction massive du temps passé au noyau dur des activités domestiques (cuisine, ménage, linge, courses). C'est donc surtout le travail domestique des femmes qui a diminué (de 5h par jour en 1986 à 4h).

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C'est principalement la diminution du travail domestique des femmes qui a réduit l'écart entre le temps passé par les hommes et les femmes (-40% de 1986 à 2010). La participation des hommes a augmenté de quelques minutes de 1966 à 1986, puis s'est stabilisée et ne progresse plus depuis. En 1986, les hommes se réservaient en moyenne 41 minutes de temps libre de plus par rapport aux femmes, 30 minutes en 2010[33].

Au Canada, la durée consacrée aux tâches domestiques par les femmes n’a pas évolué en dix ans tandis que la participation des hommes a augmenté d’un quart d’heure.

Les tâches sont mieux partagées au sein des couples où homme et femme sont tous les deux salariés et l’inégalité du partage des tâches domestiques diminue avec le niveau de salaire de la femme. Plus il y a d'enfants dans le foyer, plus la répartition des tâches se déséquilibre. L'image des femmes dans les publicités, qui exprime l'idéologie dominante, a aussi reflété ces évolutions[34].

Cependant, les femmes fournissent toujours 64% du travail domestique[35], et 80% du "noyau dur" des tâches (les plus importantes).  En termes qualitatifs, la répartition reste fortement genrée, les hommes effectuant plutôt les tâches les moins répétitives et les plus visibles (barbecue, réparations, laver la voiture...). Il y a cependant eu un léger rééquilibrage du temps passé par les hommes au bricolage vers la cuisine et le soins aux enfants.

Il est à noter que les femmes seules passent 43 minutes de plus au travail domestique que les hommes seuls. Les hommes ont davantage recours aux livraisons de repas et aux aides de personnes extérieures. L'écart provient aussi sans doute de normes différentes (propreté, cuisine...) intégrées dès l'éducation. Le relâchement de ces normes a aussi joué un rôle dans la diminution du temps passé aux tâches domestiques (faire le lit ou mettre la table n'est plus aussi systématique dans les jeunes générations).

Les sondages montrent qu'une grande part des hommes décrivent les tâches domestiques comme des corvées (plus de 40% considèrent le repassage comme une corvée par exemple). Mais chez les femmes, ce sentiment est encore plus important. On constate que plus une tâche est jugée comme étant une corvée, plus l'écart de participation entre hommes et femmes est important.

2.11 Organisations de femmes[modifier | modifier le wikicode]

En France en 1830, sous la Restauration, un féminisme militant se développe chez les saint-simoniens et les fouriéristes. Les féministes participent à l'abondante littérature de l'époque, favorisée par la levée de la censure sur la presse. La Femme Libre et La Tribune des femmes paraissent en 1832 ; Le Conseiller des femmes, édité à Lyon par Eugénie Niboyet, est le premier journal féministe de province.

En 1848, un certain essor des revendications féministes est perceptible en Europe et aux États-Unis (où elles sont alliées à la lutte anti-esclavagiste). En France, elles élisent des déléguées à la Commission du Luxembourg, en proposant des réformes pour leurs conditions de travail, la création de crèches ou de restaurants collectifs.[36] En 1868, Marie Goegg-Pouchoulin rente de fonder une Association internationale des femmes.[37]

En France les premières associations féministes durables et structurées se forment sous la Troisième république. La Société pour l’amélioration du sort des femmes (1878), la Ligue française pour le droit des femmes (1882), la Fédération française des sociétés féministes (1891) - qui généralisera le terme « féminisme » -, le Conseil national des femmes françaises (1901), l’Union française pour le suffrage des femmes (1909). Ces organisations regroupent principalement des bourgeoises, qu'elles soient républicaines, protestantes ou "socialistes".

En 1925 est créée l'Union nationale pour le vote des femmes, conservatrice et catholique.

À la fin des années 1960, une nouvelle vague militante féministe émerge aux États-Unis et en Europe de l'Ouest au sein de l’espace politique ouvert par le mouvement étudiant. Le Mouvement de libération des femmes en France et le Women's Lib dans les pays anglo-saxons désignent ce mouvement au périmètre fluctuant.

Aux États-Unis, la recomposition qui fait suite au « creux de la vague » des années 1950 débute avec la fondation en 1966 d’une organisation réformiste, la National Organization for Women (NOW) par Betty Friedan. Mais c’est principalement en réaction à la division sexuelle du travail militant qui, au sein même des organisations de la Nouvelle Gauche, relègue les femmes aux positions subalternes que se constitue une multitude de groupes féministes radicaux de petites tailles (New York radical feminists, Redstockings, WITCH, Radicalesbians…).

2.12 Pouvoir politique et économique[modifier | modifier le wikicode]

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Les femmes sont partout minoritaires dans les lieux de pouvoir. Elles sont toutefois globalement plus représentées dans les pays riches, avec de fortes variations : 45% de femmes au parlement suédois, seulement 11% en France et en Italie.

La proportion de femmes élues en France au Parlement européen est passée de 22,2 % en 1979 à 44,4 % 2009. La proportion de femmes dans les conseils municipaux est passée de 2,4 % en 1959 à 35 % en 2008. Les conseils régionaux sont les assemblées parlementaires les plus féminisées en France : de 27,5 % en 1998, elles sont désormais de 47,6 % en 2004, en raison de la loi de parité de juin 2000.

Alors qu'il y a 6,8 % de femmes élues députées en novembre 1946, on n'en compte plus que 1,4 % en 1958, la tendance remontant timidement à partir de 1978 (4,3 %) pour atteindre 10,9 % en 1997 et 19,9 % entre 2007 et 2011. Une partie de la baisse de ce pourcentage s'explique par le recul du PCF, qui a alors l'habitude de présenter bien plus de candidates femmes aux élections ainsi que de la réticence des autres partis politiques.

En 1984, les femmes forment 15 % des effectifs des cabinets ministériels. En 2011, la fonction publique compte 51,7 % de femmes mais elle occupent seulement 20% des postes de directions (10 % des préfets sont des femmes). En 1917 après la révolution d'Octobre, Alexandra Kollontaï est la première femme ministre dans l'histoire. En 1960, au Sri Lanka, Sirimavo Bandaranaike est la première femme à devenir cheffe de gouvernement (Premier ministre). En 1980, Vigdis Finnbogadottir est la première femme présidente au monde (Islande).

En 2005, Laurence Parisot est la première femme à la tête du patronat français. En 2012, il y a 24% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises côtés sur Euronext Paris (8,5 % en 2007). Depuis le départ d’Anne Lauvergeon de la tête d’Areva en 2011, aucune entreprise du CAC 40 n’est dirigée par une femme.

Il y a une corrélation entre pays riches et pourcentage plus élevé de femmes dans les parlements, mais celle-ci est fortement contrebalancée par d'autres facteurs. Par exemple les États-Unis et le Japon ont un pourcentage plus faible que la Chine.[38][39]

2.13 Femmes et recherche[modifier | modifier le wikicode]

Dans le sillage de l’effort de théorisation de la condition féminine de la deuxième vague, les études féministes pénètrent dans le monde académique à partir des années 1970. L’ensemble des champs du savoir sont ainsi progressivement envisagés sous l’angle de la critique féministe : philosophie féministe, anthropologie féministe, histoire des femmes, critique de la psychanalyse se développent en lien étroit avec les luttes militantes. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la critique féministe des sciences prend également son essor (Ruth Bleier, Ruth Hubbard, Evelyn Fox Keller, Helen Longino).

L’ancrage institutionnel le plus fort a lieu aux États-Unis où sont créés des départements de Women’s Studies ou de Feminists Studies dont l’approche est souvent interdisciplinaire. Avec le développement de l’usage du concept de genre se développent par la suite des départements d'études de genre. En 2003, on dénombrait ainsi 600 départements de ce type aux États-Unis.

Au-delà de cette conquête de l'espace géographique universitaire, Francine Descarries, professeure de sociologie à l'UQAM, constate en 2004 la difficulté des Women’s Studies au Québec « à s'extraire de la périphérie, de la marge du champ scientifique pour convaincre de sa légitimité et de la compatibilité de ses approches théoriques et méthodologiques avec l'esprit scientifique ». D'après cette sociologue, peu de recherches sont parvenues à pénétrer le « mainstream scientifique »[40].

2.14 Critique des rôles genrés[modifier | modifier le wikicode]

Il est intéressant de tenter d'étudier par quelles voies la critique des rôles traditionnels de genre a pris de l'ampleur. Il semblerait que cela soit souvent dans les "classes moyennes" que ces critiques aient émergé. Clara Zetkin écrivait en 1896 :

« La femme bourgeoise exige non seulement son propre pain, mais elle demande aussi une nourriture spirituelle et veut développer son individualité. C'est exactement entre ces couches que nous trouvons ces figures tragiques, mais psychologiquement intéressantes, des femmes qui sont fatiguées de vivre comme des poupées dans des maisons de poupée et qui veulent prendre part au développement de la culture moderne. Les efforts économiques mais aussi intellectuels et moraux des défenseurs des femmes bourgeoises sont tout à fait justifiés. »[41]

On peut observer, dans les démocraties bourgeoises des pays riches, une tendance (lente) à la remise en cause des préjugés de genre.

En 1909, la docteur Blanche Edwards-Pilliet dénonce vigoureusement la mutilation que représente le port du corset.

Dans la première guerre mondiale, les femmes sont appelées à remplacer les hommes dans l'industrie, notamment dans l'armement ("munitionnettes" en Angleterre...). Des femmes sont recrutées dans les armées, mais quasiment toujours cantonnées au rôle d'infirmières. Aux États-Unis, des femmes sont recrutées dans la marine.[42]

Dans les années 1920, dans certains milieux, des femmes remettent en question certaines normes. Des jupes plus courtes font leur apparition... En 1924, les jupes sont à environ 26 cm du sol ; en 1925, elles sont à 30 ou 35 cm ; en 1926, elles sont à 40 cm puis rallongent progressivement jusqu’en 1930 où elles se stabiliseront à 30 ou 32 cm du sol. Un style "garçonne" apparaît (cheveux courts, vêtements plus longilignes...). Le terme devient synonyme de femme active et autonome, libre de ses mouvements — elle sort, danse, fume, a des pratiques sportives ou de plein air, conduit une automobile, voyage —, et aux mœurs libérées, faisant fi des convenances — elle affiche une liaison hors mariage, voire son homosexualité ou sa bisexualité, ou vit ouvertement en union libre.[43] Cela se heurte bien sûr souvent à la réaction.

Dans les années 1930 aux États-Unis, le genre cinématographique de la "screwball comedy" met en scène des femmes indépendantes à l'esprit vif qui parviennent à tenir en respect les hommes. [44]

Pendant la seconde guerre mondiale, la participation des femmes à la production et industrielle va être plus massive et elles vont occuper des postes jusqu'ici considérés comme "métiers d'hommes". La figure de "Rosie the riveter" et le célèbre "We can do it" sont les célèbres symboles de cette démonstration. A la fin de la guerre, il y a cependant une réaction : alors que 80% de ces femmes voulaient conserver leur métier, elles furent encouragées à "rendre" ces postes aux hommes.

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A partir des années 1960 et de la deuxième vague féministe, l'affaiblissement des rôles traditionnels de genre s'accélère.

Dans l'armée états-unienne, les femmes ont été admises comme auxiliaires en 1942, puis en 1994 a été retirée la clause qui éloignait les femmes du front. Les hommes restent néanmoins très majoritaires dans les métiers "violents" comme la police et l'armée.

Sexisme dans la publicité, dans les livres pour enfants...

Sexisme dans le langage : La langage reflète l'idéologie dominante lors de sa formation, et donc à ce titre il est imprégné de la prédominance masculine.

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3 Femmes et mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Féminisme socialiste.

Il est clair que l'oppression des femmes se reproduit au sein du mouvement des travailleur·ses.

Dans la Première internationale, les proudhoniens combattirent le droit de vote des femmes et leur droit au travail.

La question de l'admission des femmes au sein du mouvement, en particulier des syndicats, n'a pas été acquise immédiatement. On peut penser par exemple à "l'affaire Couriau" : lorsqu'en 1913 une typographe de Lyon tente d'intégrer le syndicat du Livre, une vague de réaction sexiste se déchaîne[45]. Alfred Rosmer se déclare alors « étonné de trouver tant de défenseurs de la famille parmi les militants ouvriers [...] Il serait temps que les camarades abandonnent la mentalité antédiluvienne qui leur donne une si étrange conception des rapports qui doivent exister entre l'homme et la femme. »

La question de l'égalité des salaires à travail égal n'allait pas de soi pour de nombreux ouvriers, imprégnés de préjugés comme "la femme n'a besoin que d'un salaire d'appoint", "la femme fournit un travail moins intense que l'homme"... En France, les institutrices réussirent à obtenir l'égalité de traitement avec les instituteurs en 1917-1919, malgré des résistances[46]. Les années suivantes, certains travailleurs comme les postiers dénoncèrent les institutrices qui gagnaient plus que les postières, tout en refusant que celles-ci gagnent autant que les postiers ![47]

En 1920, Lénine disait à Clara Zetkin :

« Parmi nos camarades, il y en a beaucoup dont on peut dire malheureusement : “grattez un peu le communiste et vous trouverez le philistin”. Et en est-il une preuve plus évidente que le fait que les hommes regardent tranquillement les femmes s’user à un menu travail monotone, éreintant, qui absorbe leur temps et leurs forces : les soins du ménage […]. Il y a peu de maris, même parmi les prolétaires, qui pensent à alléger sensiblement les peines et les soucis de leur femme ou même à les en débarrasser complètement en les aidant au “travail féminin” »[48]

4 Femmes et régimes staliniens[modifier | modifier le wikicode]

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Sous le régime issu de la révolution d'octobre 1917, les premières mesures des bolchéviks ont été :

  • l'égalité des droits et de nouveaux droits spécifiques : droit au divorce, droit à l'avortement... bien avant que ces droits soient obtenus dans les pays capitalistes occidentaux. Le droit de vote était bien sûr aussi donné aux femmes dans les soviets, mais les soviets sont rapidement devenus virtuels.
  • la tentative d'instaurer des services publics visant à socialiser les tâches réalisées dans les foyers principalement par les femmes, tentative freinée par la misère de la jeune URSS

Alexandra Kollontaï fut nommée commissaire du peuple à l'Assistance publique (santé) de novembre 1917 à mars 1918, devenant la première femme à entrer dans un gouvernement. Elle organise de nombreuses conférences (Conférences sur la libération des femmes) ainsi que le 1er congrès panrusse des ouvrières.

Trotski revient sur les mesures des bolchéviks, leur impact et la limite matérielle qui selon lui a été déterminante :

« La révolution a tenté héroïquement de détruire l'ancien "foyer familial" croupissant, institution archaïque, routinière, étouffante, dans laquelle la femme des classes laborieuses est vouée aux travaux forcés, de l'enfance jusqu'à la mort. A la famille, considérée comme une petite entreprise fermée, devait se substituer, dans l'esprit des révolutionnaires, un système achevé de services sociaux: maternités, crèches, jardins d'enfants, restaurants, blanchisseries, dispensaires, hôpitaux, sanatoriums,  organisations sportives, cinémas, théâtres, etc.  [...]
Par malheur, la société se révéla trop pauvre et trop peu civilisée. Les ressources réelles de l'État ne correspondaient pas aux plans et aux intentions du parti communiste. La famille ne peut pas être abolie: il faut la remplacer. L'émancipation véritable de la femme est impossible sur le terrain de la "misère socialisée". L'expérience confirma bientôt cette dure vérité formulée par Marx quatre-vingt ans auparavant. » [49]

La fin du rationnement strict, combinée au fait que les services publics étaient très peu développés et de mauvaise qualité a provoqué un retour du travail domestique féminin.

Il explique également que la socialisation plus faible dans les campagnes rurales (où le travail repose fortement sur le lopin de terre familial) induit une plus grande pression sur les femmes paysannes. On retrouve par ailleurs une fracture entre femmes de la nomenklatura et ouvrières.

Il ajoute que l'on peut observer un retour de la prostitution (et de la répression des prostituées...), et une réaction au niveau des droits (retrait du droit à l'avortement en 1936, taxe sur les divorces...).

Staline en est venu à déclarer :

« L'avortement qui détruit la vie est inadmissible dans notre pays. La femme soviétique a les mêmes droits que l'homme, mais cela ne l'exempte pas du grand et noble devoir que la nature lui a donné : elle est mère, elle donne la vie. »[50]

5 Anti-féminisme / masculinisme[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Anti-féminisme.

On peut parler d'une misogynie structurelle depuis l'existence du patriarcat, et plus spéficiquement d'une réaction anti-féministe depuis que le mouvement féministe existe.

Le masculinisme est le nom donné à un courant anti-féministe depuis les années 1980, qui prétend que les femmes sont « allées trop loin ».

6 Débats[modifier | modifier le wikicode]

6.1 Origine de la domination masculine[modifier | modifier le wikicode]

La domination masculine a-t-elle une base matérielle ? Certains maxistes pensent qu'il existe une différence de force physique moyenne entre hommes et femmes, et qu'elle est la cause originelle de la domination masculine :

« L'ancienne racine biologique de la suprématie masculine - du fait de la violence masculine - est communément obscurcie par les lois et conventions qui régissent les relations entre les sexes dans une culture donnée. Mais elle est là. La possibilité d'une agression mâle se dresse comme un avertissement constant aux « mauvaises femmes » (rebelles, agressives), et donne aux «bonnes femmes» une complicité avec la suprématie masculine. La récompense pour être "bonne(gentille, soumise) est la protection contre la violence masculine aléatoire et, dans certains cas, la sécurité économique. »[51]

Pour la plupart des marxistes, comme l'anthropologue Christophe Darmangeat, l'origine fondamentale de la domination masculine est la division sexuelle du travail.[52]

6.2 Origine de la division sexuelle du travail[modifier | modifier le wikicode]

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La division sexuelle du travail a-t-elle une base matérielle ? Parmi les hypothèses les plus courantes :

  1. La grossesse et l'allaitement aurait engendré une plus faible mobilité des femmes. Les femmes auraient été principalement soit enceintes soit en train d'allaiter (le lait issu de l'élevage n'étant pas encore disponible).
  2. La plus faible mobilité des femmes aurait engendré leur spécialisation dans la cueillette et leur mise à l'écart de la chasse (puis de la guerre...).
  3. Du point de vue de la reproduction, il était prudent de préserver en priorité la vie des femmes. Le contrôle de la capacité reproductrice aurait eu une importance centrale à une époque où l'individu travailleur, faiblement productif et de mortalité élevée, était quasiment le "moyen de production" à lui seul (travail mort négligeable devant le travail vivant).
  4. D'autrent avancent qu'une structure mentale universelle doit-être présente chez les humains.
  5. Se pose également question de savoir si l'apparition de la division sexuelle du travail apparaît avec un type donné de société humaine, ou apparaît bien plus originellement, avec l'évolution de l'espèce homo sapiens.

Trotski semble dire que les différences biologiques pèsent sur l'inégalité hommes-femmes:

« la plus puissante révolution ne peut faire de la femme un être identique à l'homme ou, pour mieux dire, partager également entre elle et son compagnon les charges de la grossesse, de l'enfantement, de l'allaitement et de l'éducation des enfants. »[49]

Christophe Darmangeat assume ne pas connaître la cause originelle de la division sexuelle du travail. Il estime cependant que son universalité plaide pour une cause biologique, probablement le couple groessesse / allaitement :

« Bien qu'en l'état actuel des connaissances, on en soit réduit aux simples hypothèses, on peut donc supposer que ce sont certaines contraintes biologiques, vraisemblablement liées à la grossesse et à l'allaitement, qui ont fourni, à une époque inconnue, le substrat physiologique de la division du travail et de l'exclusion des femmes de la chasse. »[53]

Mais il estime qu'il n'y pas de correspondance entre les différences biologiques et les formes concrètes qu'ont pris la division sexuelle du travail, et que les justifications idéologiques se sont rapidement autonomisées. Par exemple, la chasse en elle-même n'est pas forcément une affaire de force, mais d'agilité, et elle n'est pas forcément plus dangereuse que la cueillette, au cours de laquelle les femmes désarmées risquent de se faire attaquer.

Darmangeat estime que l'on peut raisonnablement penser à un accroissement de productivité du fait de la division sexuelle du travail. Toutefois les interdits liés à la domination masculine ont eux souvent causé plus d'inefficacité que de productivité ; par exemple, l'interdiction faite aux femmes inuites de chasser avec les armes tranchantes des hommes.[54]

6.3 Liens entre capitalisme et patriarcat[modifier | modifier le wikicode]

La question du lien entre capitalisme et patriarcat soulève de nombreux débats.

Pour certain-e-s théoricien-ne-s, le capitalisme et le patriarcat s'entretiennent et se renforcent mutuellement, et il faudrait donc lutter de front contre les deux.

Pour d'autres, le capitalisme est le système "principal". L'abattre serait la condition nécessaire pour qu'ensuite le patriarcat s'effondre. C'est la position marxiste classique, bien qu'elle ait eu en réalité de nombreuses nuances dès l'origine, et plus encore aujourd'hui.

Pour d'autres à l'inverse, c'est le patriarcat qui serait principal. C'est notamment la thèse de Christine Delphy et de son fameux pamphlet L'ennemi principal.

Enfin pour d'autres le capitalisme serait indifférent au patriarcat. Si la bourgeoisie l'a initialement embrassé, elle n'en en pas un besoin structurel, et est capable de s'en défaire. Ainsi il est parfois rappelé que Marx disait dans les Grundrisse :

« Aussi longtemps que le capital est faible, il s'appuie simplement sur des béquilles prises dans les modes de production passés ou en voie de disparition à la suite de son développement. Sitôt qu'il se sent fort, il rejette ces béquilles et se meut conformément a ses propres lois. »

6.4 Critique du terme de patriarcat[modifier | modifier le wikicode]

Le terme même de patriarcat est critiqué parce que c'est souvent un concept "fourre-tout" (Darmangeat) et qu'il sous-entend une stabilité des formes et des modalités de l'oppression des femmes. On peut parler de domination masculine tout en distinguant le patriarcat :

« Nous pensons que ce terme n’est plus adéquat pour qualifier actuellement notre société (occidentale) qui, bien que ce soit majoritairement les hommes qui détiennent le pouvoir, n’est plus organisée (juridiquement, politiquement) en ce sens. » (Revue Incendo)[55]

Ou encore :

« Le système social que le capitalisme industriel a remplacé était en fait un patriarcat, et j'utilise ce terme ici dans son sens originel, pour désigner un système dans lequel la production est centrée sur le ménage et est présidée par le plus âgé des hommes. Le fait est que le capitalisme industriel [a sapé] le patriarcat. La production est allée dans les usines et les individus se sont détachés de la famille pour devenir des salariés «libres». Dire que le capitalisme a perturbé l'organisation patriarcale de la production et la vie de famille n'est pas, bien sûr, dire que le capitalisme a aboli la domination masculine !  »[51]

Christine Delphy n’utilise ce terme que pour qualifier le mode de domination masculine dans les sociétés contemporaines.

Un débat existe parmi certains marxistes au sujet de la nature du patriarcat, et de son autonomie ou non par rapport au capitalisme.

7 Combat contre le patriarcat[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Féminisme.

8 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Le pouvoir masculin, Maurice Godelier, Le groupe familial, revue trimestrielle de l'école des parents et des éducateurs, janvier 1978

  1. 1,0 et 1,1 NewScientist, The origins of sexism: How men came to rule 12,000 years ago, 2018
  2. Murdock, G. P., & Provost, C. (1973). Factors in the Division of Labor by Sex: A Cross-Cultural Analysis. Ethnology, 12(2), 203–225. https://doi.org/10.2307/3773347
  3. Marlowe, F. W. (2007). Hunting and Gathering: The Human Sexual Division of Foraging Labor. Cross-Cultural Research, 41(2), 170-195.
  4. Anderson A, Chilczuk S, Nelson K, Ruther R, Wall-Scheffler C (2023) The Myth of Man the Hunter: Women’s contribution to the hunt across ethnographic contexts. PLoS ONE
  5. Vidéo de Note Bene, Les femmes chassaient elles à la Préhistoire ?, Novembre 2023
  6. Cf. Laura Levi Makarius et Raoul Makarius , L'origine de l'exogamie et du totémisme, 1961
  7. Robert Flacelière, Le féminisme dans l'ancienne Athènes, 1971
  8. http://www.letemps.ch/culture/2013/12/06/sexe-rome-une-planete-inconnue
  9. Plume d'histoire, Hildegarde de Bingen et la sexualité féminine, 27 février 2016
  10. Pascale Bourgain, Le malheur d’être femme : de la désinvolture à la compassion dans la littérature médiévale, janvier 2016
  11. http://www.lalibre.be/actu/international/tour-du-monde-des-atteintes-aux-droits-des-femmes-526fd7c735708def0d970c46
  12. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XV - III -A : Appropriation des forces de travail supplémentaires. Travail des femmes et des enfants, 1867
  13. Voir notamment les études de Céline Schoeni
  14. The Conversation, Les hommes qui travaillent en crèche sont-ils plus progressistes que les autres ?, 9 mars 2022
  15. TUC, 2009, Women and Recession, www.tuc.org.uk/extras/womenandrecession.pdf
  16. L'Humanité, « L’héritage est aussi un facteur d’inégalité entre femmes et hommes » : les explications de Céline Bessière, Janvier 2022
  17. Histony, D’où vient le Sénat ?, 2016
  18. http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/le-suffrage-universel/la-conquete-de-la-citoyennete-politique-des-femmes
  19. http://www.imow.org/wpp/stories/viewStory?language=fr&storyid=1618
  20. Rapport 2013 de l’OMS sur les violences faites aux femmes
  21. N.C. Preacher Tells Parents to Crack Wrists, Punch Effeminate Children
  22. http://www.huffingtonpost.com/2014/10/01/women-in-prison-prisoner-population-us-incarceration_n_5900364.html
  23. Françoise Picq, Libération des femmes, les années mouvement, Paris, Seuil, 1993
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  42. http://en.wikipedia.org/wiki/Women%27s_roles_in_the_World_Wars
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  44. http://cinemaclassic.free.fr/hollywood/comedy/screwball_comedy.html
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  46. Marthe Bigot, L'égalité de traitement, La Révolution prolétarienne N°15 (mars 1926).
  47. Marthe Bigot, Salaires de femmes, La Révolution prolétarienne n° 11 (novembre 1925)
  48. Clara Zetkin, Lenin on the Women’s Question, From My Memorandum Book
  49. 49,0 et 49,1 Trotski, La Révolution trahie - Thermidor au foyer, 1936
  50. Julian Mischi, Le parti des communistes, octobre 2020
  51. 51,0 et 51,1 Barbara Ehrenreich, What is Socialist Feminism?, 2001
  52. Voir les livres et le blog de Christophe Darmangeat.
  53. Christophe Darmangeat, Le Communisme primitif n’est plus ce qu’il était, 2009
  54. http://cdarmangeat.blogspot.fr/2014/01/une-lettre-propos-de-lorigine-de-la.html
  55. http://incendo.noblogs.org/genresetclasses/petit-lexique/