Matriarcat

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La polyandrie a été pratiquée au sein du peuple Toda (photographie de 1871)

Le matriarcat désigne en théorie une société dans laquelle les femmes exercent le pouvoir dominant.

Il est souvent amalgamé à tort avec la notion de société matrilinéaire, c'est-à-dire un mode de filiation dans lequel l'héritage - des noms, des possessions, des titres... - se fait par la mère. Il semble que dans les sociétés matrilinéaires, les pouvoir des femmes sont plus équilibrés avec ceux des hommes, voire possiblement équivalents (mais jamais identiques dans les formes), mais il ne s'agit pas de domination des femmes.

1 Matriarcat[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Un terme inadapté[modifier | modifier le wikicode]

A priori le terme de matriarcat renvoie par définition à l'opposé du patriarcat, or une telle société n'a jamais existé. Dans toutes les sociétés de classes dont nous avons connaissance, l'oppression des femmes (patriarcat) a été présente à côté de l'exploitation de classe. L'anthropologie, y compris le marxisme, se pose en revanche la question de savoir si et comment le patriarcat est né avec les classes sociales ou s'il était présent dès la naissance d'homo sapiens.

C'est surtout à partir du 19e siècle que l'étude des différentes sociétés a vraiment pris son essor. Certains anthropologues ont alors soutenu que les premières sociétés étaient "matriarcales", notamment sur la base d'observations de communautés censées refléter des formes sociales anciennes : Amérindiens, certaines tribus d'Amazonie, d'Afrique ou d'Indonésie... Ce qui semble se dégager, c'est que les premières sociétés étaient de parntés soit indifférenciées, soit matrilinéaires, et que les femmes y jouaient un bien plus grand rôle que dans les premières sociétés de classe. Mais c'est une extrapolation abusive d'en déduire une "domination" des femmes.

1.2 Éléments historiques[modifier | modifier le wikicode]

Les vénus paléolithiques ont souvent été interprétées comme des traces d'un culte de la fécondité ou de la Déesse-Mère.

Le missionnaire français Joseph François Lafitau - perçu comme un des premiers ethnographes - publie en 1724 un récit intitulé Mœurs des sauvages américains comparées aux mœurs des premiers temps. Il y défend l'idée que les Amérindiens et les Occidentaux ont des origines communes, et que leurs moeurs qui paraissent aberrantes aux colons blancs, en particulier le rôle important de la femme, étaient en réalité tout à fait normales du point de vue des premiers stades des sociétés humaines.

L'allemand Johan Jakob Bachofen publie en 1861 Das Mutterecht (Le droit maternel) qui soutien également que les premières sociétés ont pu être "matriarcales", en se basant sur certains mythes de la Grèce antique et d'autres écrits anciens. Bachofen parle d’amazonat (retournement de l’oppression féminine en oppression masculine fondé sur le mythe des Amazones) comme stade suprême du matriarcat... La théorie de Bachofen transforme toute manifestation d’autonomie en domination par les femmes et qui voit dans les régimes plus égalitaires ou indifférenciés que la marque d’une domination féminine.

Lewis Henry Morgan, juriste états-unien, est considéré comme le fondateur de l'anthropologie, notamment parce qu'il a observé lui-même des tribus iroquoises en s'y immergeant. Il publie en 1877 un ouvrage retentissant, Ancient Society, dans lequel il avance un modèle évolutionniste des sociétés. Il étudie notamment les systèmes de parenté, dont il affirme qu'ils avaient une importance de premier plan dans les sociétés d'avant l'invention de l’État (communisme primitif). Dans son modèle, les premières sociétés sont matrilinéaires. Friedrich Engels fera un grand éloge de l’œuvre de Morgan, sur laquelle il base particulièrement son ouvrage l’Origine de la famille. Engels ou encore Paul Lafargue emploient dans beaucoup de leurs écrits le terme de « matriarcat » (mais pas dans l’Origine de la famille).

En 1891, August Bebel écrit La femme et le socialisme, qui inspirera beaucoup de marxistes.

Dans la première décennie du 20e siècle, l'accumulation de nouvelles données en contradiction viennent ébranler la thèse de Morgan/Engels. Le courant marxiste d'alors accepte globalement les critiques, et beaucoup abandonnent la thèse d'une prédominance primitive des femmes. Alexandra Kollontai donna des conférences dans lesquelles elle dressait un tableau différent de celui de l’Origine de la famille.

La période stalinienne, comme dans la plupart des domaines, a érigé des idées datées (parfois des caricatures de ces idées) en dogmes. Ainsi l’Origine de la famille a été présentée comme irréfutable, et même les chercheurs soviétiques les plus brillants se livraient aux pires contorsions intellectuelles pour y coller.

Les travaux plus récents, même d'anthropologues ouverts au marxisme (Maurice Godelier, Christophe Darmangeat) et les données accumulées depuis le 19e siècle invalident de nombreuses thèses de Morgan/Engels, en particulier concernant la parenté et l'idée d'un matriarcat primitif. Il existe au contraire de nombreux exemples de patriarcat sous le communisme primitif (Baruyas, Inuits, Selknams...).

Simone de Beauvoir reprend les termes d'un passage d'un matriarcat primitif au sens de société matrilinéaire, et de la victoire d'un patriarcat. Mais elle était contre l’idée que les “matriarcats” étaient des sociétés sans oppression des femmes :

« Les peuples qui sont demeurés sous la coupe de la déesse-mère, ceux où s’est perpétué la filiation utérine se sont aussi arrêtés à un stade de civilisation primitive. (...) La dévaluation de la femme représente une étape nécessaire dans l’histoire de l’humanité : car c’est non de sa valeur positive mais de la faiblesse de l’homme qu’elle tirait son prestige; en elle s’incarnaient les inquiétants mystères naturels : l’homme échappe à son emprise quand il se libère de la nature. (...) Ainsi le triomphe du patriarcat ne fut ni un hasard ni le résultat d’une révolution violente. Dès l’origine de l’humanité, leur privilège biologique a permis aux mâles de s’affirmer seuls comme sujets souverains; ils n’ont jamais abdiqué ce privilège; ils ont aliéné en partie leur existence dans la Nature et dans la Femme ; mais ils l’ont ensuite reconquise. »[1]

2 Matrilinéarité[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Un pouvoir des femmes plus important[modifier | modifier le wikicode]

Cette importance donnée aux femmes, par rapport au système patrilinéaire largement dominant, a fait penser à certains que les sociétés matrilinéaires étaient matriarcales (domination de la mère), et constituaient donc des exceptions à la domination masculine (patriarcat).

En réalité, le pouvoir effectif est détenu généralement par le frère de la mère. Il est vrai que le pouvoir du frère est souvent moins brutal que celui du mari ou du père, mais cela reste du domaine du patriarcat. Le fils est sous l'autorité de sa mère, mais aussi et surtout de son oncle. Ses rapports avec son père sont plus ténus, voire inexistants.

2.2 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]

Il est arrivé fréquemment parmi les premières sociétés agricoles que la filiation soit matrilinéaire. Une hypothèse plausible est que les femmes, investies des tâches de cueillettes dans les sociétés primitives, aient acquis le rôle central lors de l'invention de l'agriculture.

Ce que l'on constate souvent, c'est que la filiation matrilinéaire va de pair avec un mode de vie en clan maternel, centré sur une grande maison familiale. Celle-ci est habitée par la mère, ses enfants et ses frères

En revanche, ce que l'on constate, c'est une tendance au passage à la patrilinéarité, et aujourd'hui une dissolution très rapide de ces communautés au contact du mode de production et de vie capitaliste.

Un des exemples les plus importants numériquement est celui du peuple Minangkabau en Indonésie, qui sont en train de perdre ces traits culturels sous l'effet de la mondialisation capitaliste.

Dans la Chine ancienne, les noms de famille étaient hérités par la mère, jusqu'à ce que cela devienne patrilinéaire sous la dynastie Shang. Aujourd'hui, la communauté Moso au Sud-Ouest de la Chine conservent quelques traditions matrilinéaires qui s'érodent rapidement.

En Afrique, les Akan avaient également un mode de vie communautaire matrilinéaire.

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949