L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État

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Édition originale allemande de l’ouvrage (1884)

L'origine de la famille, de la propriété privée et de l’État est un essai de Friedrich Engels écrit en 1884 d'après les notes de Karl Marx sur les études anthropologiques des sociétés archaïques de Lewis Henry Morgan.

1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]

Marx s’intéressait à quasiment toutes les sciences, mais particulièrement à l'histoire des sociétés humaines. Il n'avait pas lui même eu ou pris le temps de s'intéresser aux sociétés pré-étatiques, mais il suivait les balbutiements de l'anthropologie entre 1860-1870, et essayait de l'intégrer à sa vision matérialiste. De plus, même si là encore il y a un grand vide sur le sujet dans leurs écrits, Marx et Engels considéraient « les femmes, la première classe opprimée », et ces études donnaient un éclairage sur le patriarcat.

En particulier, Marx s'était intéressé et avait écrit des notes sur les travaux de Lewis Henry Morgan (1818-1881), un anthropologue et juriste états-unien. Morgan oriente ses recherches vers le système de parenté, les règles de dénomination des parents. Intrigué par l'exemple des Indiens iroquois, il fait une classification qui se veut être une succession de stades parcourus par les sociétés au cours de leur évolution.

Pour Marx, c’est une recherche qui devait être popularisée pour le mouvement ouvrier. Un an après sa mort, son ami et collaborateur Friedrich Engels publie le résultat de ces réflexions dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l’État.

2 Contenu[modifier | modifier le wikicode]

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Morgan a observé la société iroquoise, qui est effectivement bien plus égalitaire que la moyenne. La transmission des biens et des enfants se faisait par la mère (société matrilinéaire), les femmes avaient une autonomie absolument remarquable et elles possédaient les champs. Elles pouvaient paralyser les opérations militaires. Elles n’étaient pas éligibles mais avaient leur propre corps électoral, elles pouvaient élire une leader qui pouvaient s’opposer à la nomination d’un chef. Les maris venaient habiter chez leurs épouses, et celles-ci pouvaient les mettre dehors.

Par ailleurs, Morgan relève des similarités avec d'autres sociétés, et avec des sociétés européennes antiques : la société iroquoise est divisée en gens, comme la famille romaine.

Stades de développement décrits par Morgan :

  • Sauvagerie (période de la chasse et la cueillette),
    *Barbarie (période de l’agriculture, usage des métaux mais classes sociales absentes)
    *Civilisation (période où sont construites les classes sociales et les institutions)

La filiation patrilinéaire se construit peu avant la barbarie d’après Morgan. L’héritage de père en fils entre en contradiction avec la filiation matrilinéaire (enfant appartient à la femme et non pas au clan des hommes).

3 Héritage marxiste[modifier | modifier le wikicode]

Dans la première décennie du 20ème siècle, l'accumulation de nouvelles données en contradiction viennent ébranler la thèse de Morgan/Engels. Le courant marxiste d'alors accepte globalement les critiques, et beaucoup abandonnent la thèse d'une prédominance primitive des femmes. Alexandra Kollontai donna des conférences dans lesquelles elle dressait un tableau différent de celui de l’Origine de la famille.

La période stalinienne, comme dans la plupart des domaines, a érigé des idées datées (parfois des caricatures de ces idées) en dogmes. Ainsi l’Origine de la famille a été présentée comme irréfutable, et même les chercheurs soviétiques les plus brillants se livraient aux pires contorsions intellectuelles pour y coller.

Seul le courant communiste révolutionnaire a su maintenir des réflexions vivantes sur le sujet en restant ouvert aux apports scientifiques.

4 Idées remises en cause[modifier | modifier le wikicode]

Les travaux plus récents, même d'anthropologues ouverts au marxisme (Maurice Godelier, Christophe Darmangeat) et les données accumulées depuis le 19e siècle invalident de nombreuses thèses de Morgan/Engels.

4.1 Pas de matriarcat[modifier | modifier le wikicode]

Il n'y a aucune preuve de l'existence d'une société "matriarcale" au sens de domination inversée (femmes > hommes). Il existe et a existé effectivement des sociétés "plus égalitaires", mais il semblerait que le patriarcat ait toujours tendu à dominer, et cela avant même l'apparition des sociétés de classe.

Baruyas (Amazonie) : Maurice Godelier fut un des premiers blancs à être en contact avec eux. Ils ignoraient toutes les formes de richesses et avaient une économie communiste, société sans classe et sans État. Tout ce qui était donné des femmes était dangereux et les substances féminines étaient perçues comme nocives. Au contraire, le sperme était perçu comme quelque chose de vivifiant. Cette tribu encourageait des pratiques homosexuelles chez les jeunes garçons comme un rituel, il existait une maison des hommes. Infériorisation des femmes à tous les niveaux : deux tracés des chemins, celui du haut réservé aux hommes, chemin du bas pour les femmes. Les femmes étaient frappées d’une incapacité d’avoir des outils, les femmes Baruyas cultivent la terre et récoltent des taros et des patates douces à la main ou avec des bâtons, en compagnie des enfants, tous sexes confondus, jusqu'à ce que les garçons soient initiés.

Selknams (Terre de Feu) : Des marins britanniques qui les ont rencontrés parmi les premiers s’étonnaient qu’il n’y ait ni inégalité, ni hiérarchie de richesse. L'un d'eux répondit « Oui, monsieur, nous avons des chefs : tous les hommes sont capitaines et toutes les femmes sont des marins. »

Chez les Yanomami (Amazonie) le mari est le maître incontesté. Il est courant de punir un caractère féminin jugé inférieur, à coups de gourdin.

Chez les Mundouroucou, les hommes punissaient par la mort et les viols collectifs les femmes qui regardaient des objets sacrés.

Chez les Inuits, le mari est très vigilant sur les relations des femmes. Il prête sa femme à de nombreuses occasions (accueil de visiteurs...), mais c'est toujours l'homme qui choisit.

Même chez les Iroquois, pris comme modèle égalitaire, les hommes et les femmes ne se rencontraient que la nuit et n'avaient pas d’activité en commun. Les hommes avaient le monopole de la guerre et de la politique.

4.2 Schéma de Morgan invalidé[modifier | modifier le wikicode]

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Les Esquimaux : forme de famille nucléaire (homme/femme et enfants), mais en même temps il existait une union libre (surtout pour les hommes). En Australie, les mariages ont donné lieu à un entrelacs de droits, et la polygamie a connu des sommets. Société gentiliste, société qui avait des clans. Même quand les clans sont présents, rien ne permet de dire que la matrilinéarité a précédé la patrilinéarité. La domination masculine existe chez de nombreux peuples à un niveau technique supérieur ou équivalent à la société iroquoise ce qui vient contredire la thèse de Engels.

Il n’est pas possible de déduire le système de parenté d’une forme de famille, il n’existe aucune corrélation évidente entre les niveaux techniques, la façon dont on appelle nos parents, nos grands parents. Dans l'état actuel des connaissance, il faut reconnaître qu'il est difficile d'affirmer qu'il y a un schéma d'évolution sociale. La principale certitude qui demeure, c'est que le mariage et la famille n’ont pas été semblables à eux-mêmes de toute éternité, ce sont des institutions construites selon les sociétés au cours du temps.

5 Lire le livre[modifier | modifier le wikicode]

Le livre est disponible sur Marxists.org.

Sommaire

Préface de la première édition (1884)
Préface de l'édition de 1891

  1. Les stades préhistoriques de la civilisation
  2. La famille
    1. La famille consanguine
    2. La famille punaluenne
    3. La famille appariée
    4. La famille monogamique
  3. La gens iroquoise
  4. La gens grecque
  5. Genèse de l'État athénien
  6. La Gens et l'État à Rome
  7. La Gens chez les celtes et les germains
  8. La formation de l'État chez les germains
  9. Barbarie et civilisation

Appendice

6 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]