Gauche chrétienne en France
Cette page traite de la gauche chrétienne en France, au sens large, incluant les courants catholiques et protestants, les courants vaguement « sociaux » et les courants socialistes.
En France, ce sont plutôt les protestants qui ont utilisé le terme de christianisme social, tandis que les catholiques ont utilisé le terme de catholicisme social.
1 Origines[modifier | modifier le wikicode]
Dès ses origines le christianisme a été un mouvement dont le prosélytisme a beaucoup fonctionné grâce à l'attention portée aux pauvres. L’institutionnalisation de l’Église a pu faire émerger des tensions entre le haut clergé et des courants centrés sur l'aide aux nécessiteux, parfois condamnés pour hérésie (mouvements millénaristes en particulier). Au Moyen-Âge l'Eglise prenait en charge l'essentiel de la charité publique avec les ordres mendiants, les hôtels-Dieu...
Au Siècle des Lumières (18e siècle), face aux problèmes de la misère et de la mendicité, de nombreux philosophes ou écrivains se mettent à aborder la question sociale, dont des religieux. On peut citer :
- Vie des riches et des pauvres de Girard de La Ville-Thierry, en 1700 ;
- L’école du bonheur de Sigaud de La Fond, en 1782 ;
- Sermon sur l’aumône de l’abbé Desjardins, en 1784.
2 Révolution française[modifier | modifier le wikicode]
Le haut clergé, lié à la haute noblesse et à la royauté, s'est globalement opposé à la Révolution de 1789. Étant donné l'influence idéologique de la religion, cela constituait une menace à combattre, en particulier pour les Jacobins. A l'inverse, de nombreux religieux s'engagent côté révolutionnaire. C'est un évêque, Talleyrand qui soumet au vote le décret de 1789 qui transfère les biens de l'Église à l'État. Les révolutionnaires votent le 12 juillet 1790 la constitution civile du clergé : les curés et évêques sont fonctionnarisés, le clergé régulier est supprimé... Il faut noter qu'il y avait des points d'appui au sein du clergé en faveur de cette réforme (gallicanisme, richérisme...). Le 10 mars 1791, le Pape condamne cette réforme, ce qui conduit à une rupture (environ 50/50) entre religieux qui jurent fidélité à la Constitution, et prêtres réfractaires.
La dynamique révolutionnaire provoque ensuite très vite une radicalisation entre les deux bords, qui a un double effet : côté réfractaires, une tendance de plus en plus marquée vers la contre-révolution ; côté religieux révolutionnaires, une tendance à abandonner la religion (beaucoup de prêtres se marient et/ou quittent l'église, certains comme Jacques Roux ou Pierre Dolivier deviennent d'ardents défenseurs de l'égalitarisme...). Si bien que dans le contexte, le catholicisme devient associé pour beaucoup à la réaction.
On tente cependant d'en détacher les figures populaires. Ainsi le Père Duchesne écrivait qu'il ne connaissait pas de « meilleur jacobin » que « le brave Jésus ».
En août 1793, des mouvements populaires spontanés commencent, en province, à s'en prendre aux églises et aux religieux (iconoclasme, vandalisme, blasphèmes...). C'est un mouvement anticlérical intense et profond qui s'amorce, la déchristianisation. Il gagne Paris plus tardivement, et tend à se généraliser. Certains clubs et représentants du pouvoir encouragent le mouvement et ses excès, sans qu'officiellement la déchristianisation soit imposée. La Convention adopte le calendrier républicain le 5 octobre 1793, par opposition au calendrier grégorien lié à l’Église. A Paris les hébertistes, qui tiennent la Commune de l'automne 1793 au printemps 1794, sont des fers de lance de la déchristianisation. Ils développent le culte des martyrs de la Révolution, organisent le 10 novembre une « fête de la Raison » dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, et finalement le 23 novembre ordonnent la fermeture des églises.
Mais les dirigeants montagnards sont hostiles à la déchristianisation et voient les dangers que fait courir ce mouvement à la République tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’intervention de Danton, appuyé par Robespierre, fait refluer le mouvement. Mais le Comité de salut public, s’il rappelle la liberté des cultes (6 décembre 1793), ne peut pas la faire observer normalement et n’obtient là qu’un succès de principe. Contenu à Paris, le mouvement balaiera le pays pendant des mois encore. Au Culte de la Raison des hébertistes, les robespierristes tentent de substituer le Culte de l'Etre suprême, une sorte de déisme.
Le 18 septembre 1794, le financement des prêtres par l'État est supprimé. A ce moment-là, l’Église constitutionnelle est en miettes, il ne reste en fonction qu'une trentaine d'évêques constitutionnels. Sous Napoléon, le calendrier grégorien est rétabli, et finalement un compromis sur le clergé est établi avec la papauté, avec le Concordat (1801) : les prêtes sont à nouveau rémunérés par l'État.
3 Début du 19e siècle[modifier | modifier le wikicode]
À la fin 18e et au début 19e siècle, deux évènements majeurs vont entraîner la formation de courants sociaux chrétiens. En réaction à la Révolution de 1789, l'Église catholique romaine s'aligne sur une ligne contre-révolutionnaire (sauf des exceptions telle celle du « curé rouge » Jacques Roux). Toutefois, l'industrialisation capitaliste entraîne l’Église à contester le capitalisme sur une base théologique (le rejet du matérialisme) et pratique (la dénonciation des conséquences du capitalisme sur la condition ouvrière).
Dans les années 1820-1830, les premiers mouvements se réclamant du socialisme et du communisme apparaissent, et simultanément le courant chrétien social (catholicisme social et protestantisme social) qui, souvent s’oppose aussi bien au libéralisme (politique et économique) qu'au socialisme.
Les socialistes utopiques comme Saint-Simon et Fourier sont assez distants de la religion, mais ils sont cependant imprégnés de vocabulaire religieux. Le dernier ouvrage de Saint-Simon est intitulé Le Nouveau Christianisme. L’Icarie de Cabet doit beaucoup à l’image que se fait son auteur du christianisme primitif.
En France, la position la plus avancée du mouvement catholique social est représentée par le socialiste romantique Félicité de Lammenais (qui accepte l’héritage de 1789 et sera élu député en 1848) et la revue L'Avenir (fondée en 1830 avec Henri Lacordaire et le comte de Montalembert) condamnée par le Pape en 1832. Puis par la revue L'Ère nouvelle, de l’abbé Maret, Frédéric Ozanam (fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul en 1833) et Lacordaire (et aussi Buchez), qui réclame une prise en compte de la misère sociale. Sans oublier la célèbre enquête sociale d’Alban de Villeneuve-Bargemont. Ils établissent une doctrine catholique sociale pour laquelle la charité ne résoudra pas seule le problème social, dont la solution passe aussi par des réformes de fond qui doivent intégrer l’humanisme chrétien au cœur du monde du travail (droit d'association, droit de grève, salaire minimum, etc.).
Se développe aussi un véritable courant socialiste chrétien, qui accepte pleinement la démocratie, avec Philippe Buchez, fondateur en 1840 de L'Atelier (1840-1850), premier journal ouvrier; Pierre Leroux; le fouriériste catholique Louis Rousseau. Traditionnellement classé au sein des socialismes utopiques, ce courant s’exprimera pendant la Révolution de 1848, brève période de réconciliation de l’Église catholique et du mouvement ouvrier. Il influencera notamment des écrivains tels que George Sand ou Dostoïevski ou le député de l'Aveyron Pierre Pradié.
Sauf chez quelques communistes matérialistes, le socialisme est très largement pénétré de messianisme chrétien. Cette religiosité n’est pas seulement le fait de ceux qui se réfèrent explicitement au christianisme. Elle définit tout un courant de pensée et de sensibilité, pour qui le socialisme est la « bonne nouvelle », l’Evangile. Lorsque Arnold Ruge cherche des collaborateurs français pour les Annales franco-allemandes qu’il voulait publier avec Karl Marx, il échoue car les socialistes français repoussaient l’athéisme des Allemands. Comme le résume le républicain socialiste Guépin : « L’esprit saint tient différentes langues selon les temps et les lieux. Il s’incarne maintenant dans le socialisme. »
4 Belle Époque (1871-1914)[modifier | modifier le wikicode]
En 1872, au lendemain de la Commune de Paris, le pasteur britannique Robert McAll s'installe dans le quartier de Belleville et lance la Mission populaire évangélique.
À partir de 1878, le pasteur Tommy Fallot, issu d'une famille d'industriels et pasteur de la « Chapelle du Nord », à Paris, plaide pour un socialisme chrétien. Pour lui, il ne s'agit plus seulement d'assistance, de charité ou de morale mais de justice sociale. Il s’exprime ainsi du haut de la chaire : « Le socialisme a emprunté à l'Évangile une partie de son programme. Il veut constituer la société sur les bases de la justice. L'Évangile le veut aussi. À cet égard, blâmer le socialisme serait condamner l'Évangile et les prophètes ». L'écho de sa prédication et de ses initiatives attire des hommes éminents comme le doyen Raoul Allier et des pasteurs comme Charles Wagner, Wilfred Monod, Élie Gounelle, Jules Jézéquel, mais elle dresse aussi contre lui une frange conservatrice et bourgeoise du protestantisme.
La Ligue des droits de l'homme est créée en 1898 par des protestants républicains. Elle est à l'origine de centre gauche, défendant les libertés publiques (elle se créée dans la lutte en soutien à Dreyfus), mais aussi le libéralisme économique, contre les droits sociaux.
4.1 École de Nîmes[modifier | modifier le wikicode]
À partir de 1880, se constitue l'École de Nîmes, autour des laïcs Édouard de Boyve, Auguste Fabre et Charles Gide. Elle est à l'origine du mouvement coopératif : coopératives de production et de consommation. Dans son élaboration théorique, Charles Gide, qui est professeur d’économie politique, propose la coopération comme une troisième voie entre capitalisme et socialisme. Il met l'accent sur la solidarité. En 1888, est créée à Nîmes « l'Association protestante pour l'étude pratique des questions sociales ». Des économistes s'inscriront plus tard dans ce mouvement, comme Bernard Lavergne ou Georges Lasserre.
4.2 Albert de Mun[modifier | modifier le wikicode]
Politiquement coincée entre la condamnation des théories politiques nouvelles par le Pape (le Syllabus en 1864) et un mouvement socialiste européen de plus en plus révolutionnaire et structuré par l'anarchisme et le marxisme (après 1870), la nouvelle génération de chrétiens sociaux représentée par Armand de Melun, Léon Harmel ou Albert de Mun et ses cercles catholiques ouvriers, prône moins un socialisme que des réformes sociales, mâtinées de corporatisme.
Ainsi, lors des discussions de la loi Waldeck-Rousseau de 1884 sur les syndicats, Albert de Mun défend un projet de « syndicat mixte », mêlant ouvriers et patrons, ce qui lui vaut les attaques du radical Clemenceau. Dix ans plus tard, à l'occasion d'une intervention à la Chambre des députés de Jaurès, qui fait suite à des perquisitions opérées chez un « anarchiste » de retour des grèves de Carmaux en vertu des « lois scélérates », Albert de Mun interrompt ainsi l'orateur :
« M. le comte Albert de Mun. — Il n’y a pas de socialisme chrétien. (Rires et applaudissements ironiques à l’extrême gauche.)
M. Jaurès. — Monsieur de Mun, je suis entièrement d’accord avec vous, si vous voulez constater qu’il y a incompatibilité absolue entre le principe d’autorité représenté par l'Église, telle que vous la servez, et le principe d’universel affranchissement qui se résume pour nous dans la doctrine socialiste.
(…) M. Jaurès. — Si je vous ai appelé socialiste chrétien, monsieur de Mun, — un mot contre lequel, au point de vue philosophique, vous avez le droit de protester, — c’est d’abord parce que c’est ainsi que le mouvement que vous avez inauguré est communément nommé dans les discussions politiques, et ensuite parce qu’en effet vous avez essayé d’emprunter au socialisme tout ce que vous pouviez lui emprunter pour restaurer dans ce pays-ci l’influence du christianisme constitué à l’état d’Église.
M. le comte de Mun. — C’est tout le contraire[1]. »
Les chrétiens sociaux vont ainsi demeurer longtemps suspects aux yeux des socialistes, ne serait-ce qu’en raison de l’origine souvent royaliste (légitimiste, donc contre-révolutionnaire) de ce courant, de nostalgies du temps précapitaliste et de certains accents paternalistes : l’Action française, dont était membre René de La Tour du Pin, l'auteur de Vers un ordre social chrétien, prendra un tournant monarchiste et ouvertement réactionnaire avec l'influence de Charles Maurras en 1900, peu après l'affaire Dreyfus qui voit la gauche affronter, quelques années après la Commune de Paris, le « sabre et le goupillon ». L'anticléricalisme républicain (lois Jules Ferry, puis le gouvernement d’Émile Combes et les Inventaires) accentue cette fracture entre catholicisme et réformes sociales.[2]
4.3 L'encyclique Rerum novarum[modifier | modifier le wikicode]
En 1891, le Pape Léon XIII publie l'encyclique Rerum novarum qui met en avant la notion de juste salaire et la nécessité de réformes sociales. L'Église catholique cherche à opérer un tournant « social » pour essayer de reconquérir le monde ouvrier.
D’où un foisonnement d’initiatives et d’associations telle la Ligue du Coin de terre et du foyer créée en 1896 par l’abbé Lemire. Sous sa forme sociale puis progressivement socialiste, le mouvement est incarné en France par Le Sillon de Marc Sangnier (1894), condamné par le Pape en 1910 et transformé en mouvement Jeune République (1912). En revanche, les chrétiens déclarés sont peu nombreux dans le mouvement socialiste compte tenu de la tradition laïque du mouvement républicain. Ils ne sont cependant pas totalement absents, à l’image de Charles Péguy.
4.4 Autres initiatives[modifier | modifier le wikicode]
- En 1896 est créée la Revue du christianisme social, qui devient Parole et Société en 1972, puis, ces dernières années, Autre Temps.
- Louis Jean-Baptiste Tourreil écrit en 1902 « Religion fusionienne, ou Doctrine de l'universalisation réalisant le vrai catholicisme »[3], qui fera une poignée d'émules, notamment l'ancien communard Jules Babick.
- 1908 : création de l'Union des socialistes chrétiens par Raoul Biville (professeur de droit) et Paul Passy (également professeur), définie par Passy comme l'extrême gauche des chrétiens sociaux. Jules Humbert-Droz, l'un des fondateurs du Parti communiste suisse, en fit aussi partie[4]
- Le pasteur anarchiste[5] Henri Tricot fonda l'Union des communistes spiritualistes.
- Des pasteurs tels qu'Élie Gounelle à Roubaix, Jules Jézéquel à Laval ou Wilfred Monod à Rouen œuvrent dans des paroisses ouvrières et créent des associations appelées « solidarités », sortes de maisons chrétiennes du peuple, où se côtoient protestants, catholiques et agnostiques dans le débat, la réflexion et l'action.
5 Début du 20e siècle[modifier | modifier le wikicode]
Après la Première guerre mondiale qui est suivie d'une vague de luttes de classes, les syndicats chrétiens nés en 1886-1887 se fédèrent pour contrer l'influence de la CGT, en fondant la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) les 1er et 2 novembre 1919. Elle regroupe 321 syndicats et se réclame de l’encyclique Rerum Novarum. Le mot d'ordre de la nouvelle CFTC est « la paix sociale ».
La Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) est créée en 1925 en Belgique, puis en 1927 en France (puis la JAC en 1929). La JOC se fonde sur l'idée de rechristianiser le monde ouvrier avec le slogan : « Nous referons chrétiens nos frères ».[6] En 1937, elle compte 50 000 militants.
Le philosophe catholique Emmanuel Mounier, fondateur du courant personnaliste, fonde la revue Esprit en 1932. Celle-ci se veut une « troisième voie entre l'individualisme libéral et le marxisme ».
Le mouvement Jeune République soutiendra le Front populaire en 1936.
Pendant les années 1930, l'Union des socialistes chrétiens et la tendance communiste des chrétiens sociaux fusionne dans le Front des chrétiens révolutionnaires. Mené en particulier par le syndicaliste Maurice Laudrain (futur membre de l'« abondancisme ») et le député André Philip, celui-ci publie la revue Terre nouvelle.[4]
Il y eut également des objecteurs de conscience poussés par des motivations chrétiennes (Jacques Martin, Philo Vernier, Henri Roser).
6 Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le wikicode]
Sous l'occupation et sous le régime de Vichy, de nombreux chrétiens de la JOC et de la CFTC entrent dans la Résistance. Le journal Témoignage chrétien, dont le sous-titre est « France, prends garde de perdre ton âme », est fondé à ce moment là et diffusé par des résistants chrétiens, notamment de la CFTC. La CFTC fait partie du Conseil national de la résistance.
La lutte commune dans la Résistance contribue à réduire l'hostilité entre chrétiens « sociaux » et socialistes, même si la CGT essaie de faire interdire la CFTC au sortir de la guerre.
7 Après-guerre[modifier | modifier le wikicode]
Dans l'après-guerre, le courant démocrate-chrétien (centriste et social-libéral) prend un essor dans plusieurs pays, mais pas en France.
Le mouvement des prêtres ouvriers se développe dans les années 1940-1950. Lors du dur hiver 1954, l'abbé Pierre lance un appel à venir en aide aux sans-abris et fonde Emmaüs. La CFTC joue un rôle important dans la grève des mineurs de 1963.
Dans les années 1950, des chrétiens se retrouvent parmi les « compagnons de route » du Parti communiste français ; dans les revues Esprit ou Témoignage chrétien ; dans l'association La Vie nouvelle... La pensée de Mounier se diffusa dans les années 1970, y compris à l'étranger, influençant par exemple l'Espagnol Alfonso Carlos Comín, qui finit par devenir membre du Parti communiste espagnol.
Une nouvelle génération de militants chrétiens se radicalise vers la gauche. Dans la CFTC, une majorité de gauche (en particulier ceux venant de la JOC) vote en 1964 pour la déconfessionnalisation, et la transformation en CFDT. La minorité refuse cependant cette évolution, et maintient une CFTC.
Cette génération sera très impliquée dans la « Nouvelle gauche » représentée par la CFDT (alors très combative et mettant en avant l'autogestion, comme dans la lutte des Lip), le PSU (avec par exemple la figure d'André Philip), les mouvements spécialisés (JAC, CNJA, JOC, Eclaireur·ses), des expériences autogestionnaires (telle celle de Marcel Barbu, candidat à l’élection présidentielle de 1965)...
D'où la participation de nombreux chrétiens au mouvement de mai 1968 et aux nouvelles formes de luttes pour la transformation de la société (féminisme, écologie, antiracisme, pacifisme avec l’exemple de Lanza del Vasto, etc.).
Par ailleurs, les courants protestants sont aussi fortement impliqués, avec la création de la Cimade pendant la guerre, qui deviendra par la suite l'une des principales associations d'aide aux étrangers en situation irrégulière, puis celle du Planning familial (1960), qui finira par militer pour le droit à l'avortement et à la contraception, s'alliant pour l'occasion avec la CFDT.
8 Chrétiens pour une Gauche Nouvelle[modifier | modifier le wikicode]
En 1998, a été créé Chrétiens pour une gauche nouvelle (CGN), à l'initiative d'Olivier Bobineau, Eric Vinson et de Didier da Silva, anciens élèves de Sciences Po. Soutenu par Antoine de Vial, CGN a bénéficié de l'enthousiasme des Journées Mondiales de la Jeunesse de Paris en 1997, et des réflexions menées sur foi et engagement par les Jésuites de La Baume-les-Ex.
Des parrains comme Jean-Baptiste de Foucauld, Jean-Pierre Mignard, ou Patrick Boulte cautionnent cette tentative de régénérer l'aile chrétienne de la gauche en France, absente des débats politiques depuis le début des années 1980. Des socialistes comme Christian Pierret, François Colcombet ou encore Jean-Pierre Balduyck, ont apporté un soutien discret mais réel à CGN.
Revendiquant près de 400 adhérents et sympathisants, le mouvement s'inspire du personnalisme d'Emmanuel Mounier, et s'inscrit dans la tradition de Témoignage chrétien. D'autres intellectuels ont inspiré CGN : le philosophe Paul Ricœur, Jacques Ellul, Philippe Warnier, Jean-Marie Domenach… CGN a tissé des liens internationaux, en Espagne, en Belgique et en Italie surtout, en se rapprochant du Mouvement des Chrétiens sociaux.
Depuis 2004, les activités du mouvement sont en sommeil, mais le réseau existe toujours.
9 Aujourd'hui : quasi disparition[modifier | modifier le wikicode]
Au début des années 2000, Autre temps, qui se voulait la revue du Mouvement du Christianisme social, cesse de paraître. Le 10 juin 2010 paraissait dans l'hebdomadaire protestant Réforme un appel à la relance du christianisme social signé par 203 personnes, protestantes mais aussi catholiques.[7] Des « communes théologiques » ont été relancées.[8]
En 2012, en France, le sociologue Jean-Louis Schlegel estime que « de gauche chrétienne visible et agissante en politique, il n’y en a plus »[9] ; néanmoins Denis Pelletier, autre sociologue, remarque qu’à gauche dans « la mouvance altermondialiste, en faveur des immigrés et des sans-papiers ou plus largement [dans] des mouvements sociaux […], les chrétiens pratiquants demeurent très présents, mais sans mettre en avant leur foi »[10].
Les chrétiens de gauche sont surtout présents dans le socialisme chrétien avec des individus engagés au sein du mouvement socialiste pour lesquels la religion a joué un grand rôle dans leurs engagements mais ces personnalités les plus influentes sont souvent âgées (comme le catholique Jacques Delors) ou mortes ces dernières années (comme le protestant Michel Rocard). Toutefois, il existe le courant des « Poissons roses » au PS qui s’est revendiqué, à sa création en 2010, comme inspiré par les principes de la foi chrétienne[11],[12],[13]. Laurence Tcheng, l’une des premières porte-parole de la Manif pour tous, est proche du mouvement des Poissons roses[14].
Du côté de l’électorat, aux présidentielles, les candidats de gauche au deuxième tour ont obtenu sur les voix exprimées des catholiques pratiquants réguliers :
- 30 %[15] des voix pour Ségolène Royal en 2007 (contre 46,9 % pour l’ensemble de la population) ;
- 21 %[15] des voix pour François Hollande en 2012 (contre 51,6 % pour l’ensemble de la population).
De même, aux européennes, le Parti socialiste a obtenu sur les voix exprimés :
- 16 %[16] des voix des catholiques pratiquants[17] en 2009 (contre 16,5 % pour l’ensemble de la population) ;
- 8 %[16] des voix des catholiques pratiquants réguliers en 2014 (contre 14,0 % pour l’ensemble de la population).
L’Église catholique ne donne aucune consigne de vote aux différentes élections mais, par l’intermédiaire de la Conférence des évêques de France, met à disposition des éléments de discernement pour choisir « les projets qu’une société doit se donner »[18]. La perte de voix entre 2007 et 2014 dans l’électorat chrétien du candidat de gauche peut s’expliquer par le programme et la position de François Hollande sur les questions de société (remise en cause de la loi Leonetti, questions sur la famille et le « mariage pour tous », autorisations de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, multiplication des centres pour procéder à l’IVG…)[19],[20].
La JOC existe toujours, mais très affaiblie. En 2022, la CFTC revendique 140 000 adhérent·es.
10 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Séance du 30 avril 1894, discours de Jean Jaurès, sur le site de l'Assemblée nationale.
- ↑ Il y eut cependant des liens entre les monarchistes et certains socialistes révolutionnaires, notamment à La Guerre sociale, le journal de Gustave Hervé. Cf. Bruno Goyet, Charles Maurras, Presse de science-po, 1999 (p. 229) .
- ↑ Religion fusionienne, ou Doctrine de l'universalisation réalisant le vrai catholicisme, édition de 1902 sur Gallica
- ↑ 4,0 et 4,1 Klauspeter Blaser, « Du christianisme social au socialisme chrétien », in Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique, n° 62, 1999, p. 75-84 DOI:10.3406/chris.1999.2129
- ↑ Henri Tricot, De l'anarchie à l’Évangile, 1910
- ↑ Joseph Debès et Emile Poulat, L'appel de la J.O.C. (1926-1928), Paris, Cerf, 1986, p.131.
- ↑ Reprenons le chemin du Christianisme social, sur reforme.net, 10 juin 2010
- ↑ https://www.christianismesocial.org/
- ↑ À la gauche du Christ, les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, éditions du Seuil, 2012, ouvrage sous la co-direction de Denis Pelletier et de Jean-Louis Schlegel.
- ↑ « Le retour des chrétiens de gauche ? » dans La Vie, septembre 2012.
- ↑ « Les “Poissons roses”, courant neuf pour la gauche ? » dans Le Monde des religions, mars 2012
- ↑ « Le courant des Poissons roses » dans France catholique, n° 3292, février 2012. Cet article site aussi les articles à leur sujet dans d’autres publications chrétiennes (La Croix, Témoignage chrétien, La Vie, etc.)
- ↑ Les Poissons roSes, consulté le 20 avril 2020.
- ↑ « Les surprenants opposants au mariage gay » dans Le Figaro, septembre 2012.
- ↑ 15,0 et 15,1 Article « 79 % des catholiques pratiquants ont voté pour Sarkozy » dans La Vie, mai 2012.
- ↑ 16,0 et 16,1 Article « Un catholique pratiquant sur cinq aurait voté FN » sur La-Croix.com le 26 mai 2014.
- ↑ Réguliers ou non : la catégorie des pratiquants réguliers n’avait pas été distinguée de l’ensemble des pratiquants en 2009.
- ↑ Élections, un vote pour quelle société ?
- ↑ Erwan Le Morhedec, « Jé-sus Président ! À défaut, voici 4 candidats sur le grill », sur koztoujours.fr, (consulté le 2 avril 2014)
- ↑ « Divorce durable avec l’électorat catholique » par Agnès Leclair dans Le Figaro, 23 janvier 2014.