Philippe Buchez

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Philippe Buchez by Charles Bour.jpg

Philippe Joseph Benjamin Buchez[1], né le , à Matagne-la-Petite, mort le à Rodez, est docteur en médecine (1825), homme politique, historien et sociologue français, sa doctrine socialiste chrétienne inspire la fondation du journal L'Atelier par un groupe d'ouvriers.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Jeunesse[modifier | modifier le wikicode]

Buchez naît en 1796 à Matagne-la-Petite, alors dans le département des Ardennes (aujourd'hui en Belgique, dans la province de Namur), mais ses parents habitent Paris.

Son père, qui se distingue par ses idées avancées, perd au retour des Bourbons la place de fonctionnaire qu'il avait à l'octroi. Buchez suit les cours d'histoire naturelle au Jardin des plantes, en même temps qu'il est employé à l'octroi, et étudie la médecine, alternant dissections à l'amphithéâtre et discussions politiques.

1.2 Les sociétés secrètes[modifier | modifier le wikicode]

Descendant d’artisans liégeois, Buchez est un autodidacte éclairé, il milite dans les milieux d’extrême gauche. En 1820, avec Saint-Amand Bazard, Pierre Dugied et Nicolas Joubert, il fonde la loge maçonnique « Les amis de la vérité ». En 1821, il tente de soulever les départements de l'Est, dans les Vosges, pour renverser les Bourbons, mais il est arrêté à Metz et conduit à Colmar, où il passe devant les assises. Mais le juge Goldberg qui prend plaisir à causer d'histoire et d'archéologie avec le détenu Buchez, se montre compréhensif, et il s'en sort sans trop de mal.

Avec Saint-Amand Bazard, Flottard, Pierre Dugied, Nicolas Joubert et quelques autres, il figure parmi les fondateurs de la Charbonnerie française (qui compte jusqu'à 80 000 membres en 1822), dont il devient l'un des principaux animateurs en France.

1.3 Le saint-simonisme[modifier | modifier le wikicode]

Reprenant alors ses études médicales, il est reçu docteur en 1824, peu après avoir publié un Précis élémentaire d'hygiène. De même, il devient le principal rédacteur du Journal du progrès des sciences et institutions médicales, où il insère des articles sur l'organisation de la médecine.

Après avoir lu le Nouveau christianisme de Saint-Simon en 1825, Buchez se déclare saint-simonien.

En 1825-1826, il collabore au journal saint-simonien Le Producteur fondé par Olinde Rodrigues et Prosper Enfantin[2].

Mais il se sépare en 1829 de Bazard et d’Enfantin. Contre les disciples abusifs il entend « soutenir la vérité méconnue de Saint-Simon et sa pureté obscurcie ». Toutefois l’adhésion aux thèses du Nouveau christianisme le ramène par les chemins du spiritualisme à l’autre christianisme, c’est-à-dire à la foi catholique de son enfance. Dans le même temps il se prend d’enthousiasme pour la Révolution de 1789 dont les principes ne lui paraissent pas contredire les préceptes de l’Evangile.

On trouve chez Buchez « à la fois l’homme de science épris de positivité et le prophète dessinant une vision religieuse du progrès social et cosmique ». (F.-A. Isambert).

1.4 Du saint-simonisme au socialisme chrétien[modifier | modifier le wikicode]

Dernières lignes de son dernier ouvrage où il affirme l'identité de la Foi et de la Révolution

Il fonde avec Flocon, Thierry et Léon Pilet, le Club des Amis du peuple, dont les autorités font fermer les portes le . Peu après, retournant à la foi chrétienne, il abandonne les idées saint-simoniennes, dont il n'accepte pas le panthéisme, et devient le défenseur d'un néocatholicisme qu'il place à la base de ses théories politiques. Il publie le Journal des sciences morales et politiques (1831), qui devient bientôt L'Européen, et tente de concilier la doctrine catholique orthodoxe avec les théories les plus démocratiques.

Il reconnaît la lutte des classes : « la société européenne est sous le rapport des intérêts matériels partagée en deux classes » dont « l’une est en possession de tous les instruments de travail » et dont l’autre qui « n’a rien », « travaille pour la première ». L’entrepreneur est « un être parasite vivant aux dépens de ceux qu’il exploite ». Les salariés « n’ont pas le loisir du choix ; presque dès leur premier jour il faut qu’ils gagnent leur vie ;... attachés au sol comme des polypes, là où ils viennent au monde, ils travaillent et meurent ».

Malgré sa défiance à l'égard du gouvernement de l'Église, il est l'initiateur du mouvement social chrétien.

1.5 Associationnisme[modifier | modifier le wikicode]

Buchez promeut dès 1831 l'associationnisme ouvrier.

D’abord il n’envisageait l’application de ce système qu’aux ouvriers qui « ont besoin de peu d’instruments ». Il pensait alors que l’association ne pouvait concerner les travailleurs des fabriques. Il ne prévoyait pour ceux-ci qu’une organisation du travail comportant une répartition de la main-d’œuvre et une tarification des salaires. Par la suite les buchéziens ont estimé que le régime de l’association était « applicable à toutes les espèces de travaux ».

Sur les bénéfices une part est réservée pour constituer un capital de base « inaliénable » et qui appartient à l’association entière. Aucun des associés n’a le droit de réclamer le partage de ce capital qui est le capital social « inaliénable et indissoluble ». Si un adhérent se retire, ou s’il est exclu, il ne reçoit aucune part de ce fonds que son travail avait contribué à accroître. Ce capital social est la caractéristique essentielle de l’association buchézienne. Grâce à lui, l’association ne peut se dissoudre. Elle peut recevoir de nouveaux associés sans apport de capital. Demeure précisément le problème des capitaux de départ. Les solutions varient : Caisse générale du Crédit public, banques mutuelles créées par les associations elles-mêmes, prêt direct de l’État ou simple cautionnement par l’Etat, commandite par les capitalistes, etc.

Mais ce plan n'a connu qu'une application très limitée, avec la création, en 1834, de l'Association des ouvriers bijoutiers en doré, qui survit jusqu'en 1873 sans avoir connu une grande extension.

Buchez refuse le communisme, du moins tel qu’il a été, selon lui, défini par Babeuf qu’il accuse de « confisquer la liberté au profit de l’égalité ». Il s'oppose aussi aux idées d'Owen et des saint-simoniens.

1.6 Naissance de sa notoriété[modifier | modifier le wikicode]

Sous la monarchie de Juillet, il acquiert une grande notoriété, tant dans le monde catholique (le député de l'Aveyron Pierre Pradié fait ainsi partie de son courant) que parmi les démocrates et les républicains, avec son Introduction à la science de l'histoire, ou science du développement de l'humanité (1833), où il déclare que le fondement de la morale est une donnée théologique, c'est-à-dire un dogme, et où il attaque l'égoïsme des gouvernants qui ne cherchent que leur intérêt particulier, ou son Essai d'un traité complet de philosophie du point de vue du catholicisme et du progrès social (1830).

Il publie également avec P.-C. Roux-Lavergne, L'histoire parlementaire de la révolution en 40 volumes (1834-1840), compilation de débats d'assemblée, d'articles de journaux, de motions de clubs, le tout entrecoupé de commentaires à travers lesquels il expose longuement ses idées. Dans la mesure où le socialisme français devait chercher son inspiration dans la tradition révolutionnaire, ce recueil allait contribuer au développement de la pensée socialiste.

En , des ouvriers s'inspirant des conceptions de Buchez, dont C. A. Corbon, fondent un journal, L'Atelier, « organe des intérêts moraux et matériels des ouvriers », qui paraît jusqu'en .

1.7 La carrière politique[modifier | modifier le wikicode]

Après la révolution de février 1848, à laquelle il ne prend pas part, et l'instauration de la République, Garnier-Pagès le choisit comme adjoint à la mairie de Paris. Buchez s'occupe alors activement de la garde nationale et de la mise sur pied des Ateliers nationaux. Élu représentant de la Seine (le 17e sur 34) le , il est porté à la présidence de l'Assemblée (5 mai-6 juin). Ce qui fait de lui le premier président d'une assemblée française véritablement élue au suffrage universel. Son discours inaugural est ambitieux, mais sa présidence effective ne dure qu'une huitaine de jours, et tous les partis s'accordent à reconnaître que son passage au fauteuil présidentiel aura été peu brillant.

Pendant les journées de juin 1848, ulcéré par les luttes fratricides entre l'armée et la garde nationale, commandée par le général Cavaignac, ministre de la guerre, et les ouvriers, il refuse de porter les armes et, s'il monte sur les barricades, c'est pour soigner les blessés. Il préside néanmoins l'Association démocratique des amis de la Constitution qui œuvre en faveur de Cavaignac avant l'élection présidentielle de décembre.

Son échec aux élections législatives de mai 1849 marque la fin de sa courte carrière d'homme politique. Opposant à Louis-Napoléon Bonaparte, il est même arrêté le 2 décembre 1851, avant d'être rapidement relâché.

1.8 La retraite[modifier | modifier le wikicode]

Pendant le Second Empire, il retourne à ses études, se consacre notamment à la rédaction d'un Traité de politique et science sociale[3]. Seul et oublié, il meurt à Rodez le soir du , à 69 ans. Le , après des obsèques célébrées en l'église des Missions étrangères[4], son corps est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (36e division)[5].

Ayant laissé son dernier ouvrage à l'état de manuscrit, ses amis le publient en 1866.

2 Publications[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Sciences médicales[modifier | modifier le wikicode]

  • Précis élémentaire d'hygiène (en collaboration avec le Dr Ulysse Trélat), Paris, Raymond, 1825, 378 p.
  • Considérations générales sur les fièvres intermittentes, Paris,
  • Introduction à l'étude des sciences médicales, leçons orales recueillies et rédigées par Henry Belfield Lefèvre, Paris, E. Éveillard, 1838, 254 p.
  • Théorie générale des fonctions du système nerveux, ou Démonstration de la loi de génération des phénomènes nerveux, Paris, imprimerie de J. Belin-Leprieur fils, 1843, 51 p.

2.2 Histoire[modifier | modifier le wikicode]

  • Introduction à la science de l'histoire ou Science du développement de l'humanité, Paris, Paulin, 1833, 568 p.
  • Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu'en 1815, précédée d'une introduction sur l'histoire de France jusqu'à la convocation des États-Généraux (en collaboration avec Pierre-Célestin Roux-Lavergne), Paris, Paulin, 1834-1838, 40 volumes
  • Histoire de la formation de la nationalité française, Paris, imprimerie de Dubuisson, 1859, 2 volumes

2.3 Essais[modifier | modifier le wikicode]

  • Essai d'un traité complet de philosophie, du point de vue du catholicisme et du progrès, Paris, E. Éveillard, Périsse frères, 1838-1840, 3 volumes
  • Traité de politique et de science sociale[3], Paris, Amyot, 1866, 2 volumes, Tome 1 et Tome 2.

3 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Selon Les Buchet de Romerée, site de Marc Buchet, le nom des parents de Philippe Buchez s'orthographiait « Buchet ».
  2. Olivier Pétré-Grenouilleau, Saint-Simon, L'utopie ou la raison en actes, Payot, p. 394
  3. 3,0 et 3,1 L'œuvre sur Gallica lien (consulté le 11/08/2009).
  4. Journal des débats, 21 août 1865, p. 2.
  5. Archives de Paris, Registres journaliers d'inhumation, Père-Lachaise, 16 août 1865, p. 24.

4 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

Liste ordre chronologique :

  • Gaston Castella, Buchez (1796-1865), Bloud, Paris, 1911, 64 p.
  • Armand Cuvillier, Un journal d’ouvriers, « l’Atelier » 1840-1850, Paris, Félix Alcan, 1914.
  • Édouard Grec, Un médecin novateur : Philippe Buchez (1796-1865), Vigné, Paris 1938, 39 p.
  • Joseph Henquin (colonel), Philippe Buchez, in Études et recherches historiques du Colonel Henquin, Bruxelles, 1940.
  • J. Régniez, L’œuvre économique de Buchez, Saint-Amand-Les-Eaux, Carton-Dupont, 1938.
  • Armand Cuvillier, P.-J.-B. Buchez et les origines du socialisme chrétien, Presses universitaires de France, Paris 1948, 82 p.
  • Jean-Baptiste Duroselle, Les débuts du catholicisme social en France (1822-1870), Presses universitaires de France, Paris 1951.
  • (en) Werner Geissberger, Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Theoretiker einer christlichen Sozialökonomie und Pionier der Produktiv-Genossenschaften, Zurich, 1956.
  • (en) Barbara Patricia Petri, The Historical thought of Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Catholic University of America, Washington, 1960, 133 p.
  • François-André Isambert, Religion et science de l'histoire chez Buchez (1796-1865), Archives des sciences sociales des religions, 1965, vol. 20, n° 1, pp. 45–61. Lien Persée (Consulté le ).
  • François-André Isambert, De la Charbonnerie au Saint-Simonisme. Étude sur la jeunesse de Buchez, Paris, Éditions de Minuit, 1966.
  • François-André Isambert, Politique, religion et science de l'homme chez Philippe Buchez, 1796-1865, Cujas, Paris, 1967, 339 p.
  • Emile Poulat, Politique, religion et science de l'homme chez Philippe Buchez, Archives des sciences sociales des religions, 1968, vol. 25, n° 1, pp. 203–204. Lien Persée (Consulté le ).
  • André Biéler, Chrétiens et socialistes avant Marx, Labor et fides, Genève ; diffusion Librairie protestante, Paris, 1981, 349 p.
  • (it) Eugenio Guccione, Il Problema della democrazia in Philippe Buchez, ECIG, Gênes, 1986, 210 p.
  • Frank Paul Bowman, Le Christ des barricades, 1789-1848, Paris, 1987.
  • (it) Eugenio Guccione, Philippe Buchez e la Rivoluzione francese : pensiero politico e storiografia, ILA-Palma, Palerme et São Paulo, 1993, 198 p.
  • (it) Andrea Lanza, All'abolizione del proletariato! Il discorso socialista fraternitario. Parigi 1839-1847, Milano, Franco Angeli, 2010, 285 p.

4.1 Source principale[modifier | modifier le wikicode]