Démocratie ouvrière

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La démocratie sous le capitalisme est une démocratie tronquée, une démocratie qui ne profite qu'aux plus riches. C'est pourquoi le mouvement socialiste revendique une démocratie réelle.

Pour les socialistes marxistes, il s'agit d'une « démocratie ouvrière », dans le sens où elle donnerait réellement le pouvoir à la classe majoritaire. Même s'il y a des débats sur des mesures fortes à prendre en situation révolutionnaire, cette nouvelle démocratie doit être supérieure en terme de droits, par rapport à la démocratie bourgeoise et à toute forme de démocratie antérieure, car elle permet pour la première fois dans l'histoire le pouvoir effectif d'une classe majoritaire. La démocratie ouvrière doit devenir simplement une démocratie de citoyen-ne-s égaux/ales à mesure que la division en classes sociales disparaît (phase supérieure du communisme).

Les formes concrètes de la démocratie ouvrière sont l'objet de nombreux débats dans le courant socialiste, selon les courants (réformistes, anarchistes, léninistes, luxemburgistes...). Il est certain que le grave problème de la bureaucratisation de la révolution d'Octobre facilite le discours dominant qui présente la démocratie bourgeoise comme la seule désirable.

1 Caractéristiques et débats[modifier | modifier le wikicode]

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1.1 Collégialité ou dictature[modifier | modifier le wikicode]

La plupart des organisations du mouvement ouvrier revendiquent un fonctionnement démocratique, mais le principe de collégialité n'est pas systématique. Dans de nombreux débats, ce principe est mis en balance, ou articlé, à la notion de « dictature » au sens romain.

1.2 Proportionnelle et principe majoritaire[modifier | modifier le wikicode]

Le « principe majoritaire » est le principe selon lequel le courant politique arrivé majoritaire peut décider de se surreprésenter dans les organes élus, pour pouvoir mettre en place sereinement la politique majoritaire.

A l'inverse les élections à la proportionnelle (l'organe élu est composé proportionnellement aux résultats) favorisent les minorités et leur donnent potentiellement une plus forte capacité de blocage (faire basculer des votes serrés, occuper des postes à responsabilités tout en ne collaborant pas avec la majorité...).

Généralement, face aux institutions bourgeoises, le mouvement ouvrier défend les élections à la proportionnelle comme plus démocratiques.

Cependant, au sein des partis et syndicats ouvriers, le principe majoritaire est souvent appliqué. Et au sein des organes soviétiques issus de la révolution d'Octobre, le parti communiste a eu recours à un principe majoritaire appliqué de façon de plus en plus poussé, comme le montrent par exemple les chiffres des élections aux soviets de cercles dans les premières années[1] :

Electeurs communistes Communistes au comité exécutif
1918 60,6% 83,5%
1919 55,4% 85,9%
1920 43% 79,9%
1921 44% 74,4%
1922 54% 81,2%

1.3 Représentation régionale ou politique[modifier | modifier le wikicode]

Les organes de représentation démocratiques doivent-ils être basés sur des régions (comme les circonscriptions des parlements bourgeois) ou sur des plateformes politiques qui nomment en leur sein les membres ?

Lénine écrit en 1920 : « Nous avons constamment repoussé le principe de la représentation régionale, car elle implique trop de favoritisme régional. »[2]

1.4 Vote à main levée[modifier | modifier le wikicode]

La démocratie ouvrière apparaît souvent dans des cadres qui sont à l'origine improvisés : comités de grève, coordinations, soviets... Par conséquent les votes se font très souvent à main levée.

Dans beaucoup d'organisations du mouvement ouvrier, le vote à main levée n'est pas seulement un état de fait, mais a été théorisé comme étant la forme adaptée à la lutte. Contrairement au vote à bulletin secret, les travailleur-ses n'ont rien à se cacher.

Il est certain que le vote à main levée fait peser sur l'individu une pression du groupe, à travers les regards, les réactions possibles... Dans l'idéologie bourgeoise libérale, il s'agit de réduire au minimum ce phénomène par l'isoloir, l'individu étant censé voter le plus librement possible, « en son âme et conscience ». Mais cette idéologie passe sous silence le fait que l'individu est constamment soumis à des influences (médiatiques, politiques, patronales...) qui justifient l'ordre capitaliste. L'émancipation collective dans les luttes du mouvement ouvrier, lorsque les travailleur-se-s prennent ensemble conscience de leur condition et décident ensemble de relever la tête, constituent un des seuls leviers de transformation sociale. Pour cela, il est nécessaire de créer un sentiment de confiance mutuelle : par exemple pour déclencher une grève, les travailleur-se-s ont besoin d'être rassuré-es sur le fait qu'ils.elles vont entrer en grève ensemble, sans quoi ils.elles se retrouveraient isolé.es, voire exposé.es à la répression. Les directeurs d'usines (ou de facultés...) insistent souvent sur les votes à bulletin secret, parce qu'ils savent que dans ce type de vote favorise l'atomisation et freine l'espoir émancipateur.

Dans les soviets pendant la révolution russe de 1917, les votes s'effectuaient à main levée, et cela a perduré après la révolution. Au fur et à mesure de la bureaucratisation du régime, et de l'autonomisation de la couche dirigeante par rapport aux électeurs.trices dans les soviets, le vote à main levé est devenu un des moyens de contrôle de l'Etat. Les candidats pour être délégués par les soviets étaient désignés a priori, par en haut, par le PC, et les opposants minoritaires qui votaient contre ces candidats étaient aussi repérés et surveillés.

1.5 Soviets vs Assemblées[modifier | modifier le wikicode]

Suite à la révolution russe, les courants se revendiquant du bolchévisme ont soutenu que les organes du parlementarisme bourgeois devaient lors de la révolution socialiste être remplacés par des organes de type soviets, ceux-ci représentant une démocratie plus directe, et plus indissolublement liée à la classe révolutionnaire, alors que la démocratie bourgeoise fonctionne avec des électeurs atomisés. Gramsci soutenait ainsi que la classe ouvrière ne peut pas gouverner autrement que sous la forme de conseils ouvriers, tout comme le parlement constitue la forme de pouvoir de la bourgeoisie.

Certains marxistes ont défendu une articulation entre soviets et assemblées héritées de la démocratie bourgeoise. C'était le cas notamment de certains courants considérés comme centristes à l'époque, comme Rudolf Hilferding.

Nicos Poulantzas revient sur la révolution russe en 1980, et suggère que la « substitution radicale de la démocratie représentative par la démocratie directe de base » a constitué le « facteur principal » de la centralisation et de la dérive autoritaire ultérieure.[3]

Ernest Mandel écrivit plus tard que « toutes les formes de démocratie directe (...) ne se substituent pas mais complètent les institutions du suffrage universel »[4]. Antoine Artous (LCR) a proposé également de combiner ces institutions, soutenant que l'abstraction politique propre aux élections représentatives ont une vertu démocratique qu'il faut conserver.[5]

D'autres (FT-QI) ont critiqué cela comme une théorisation allant dans le sens d'un révisionnisme et d'un abandon de la dictature du prolétariat. la réduction du rôle des organes de classe aux « questions économiques, qui les concernent », revenant à renoncer à l'hégémonie ouvrière dans la révolution.[6]

1.6 Contrôle démocratique du pouvoir[modifier | modifier le wikicode]

1.6.1 Élection des fonctionnaires et juges[modifier | modifier le wikicode]

Une des revendications issues de la Révolution française, qui fut une période de démocratie radicale, est la mise en place d'élections pour les fonctionnaires et les magistrats, en raison du pouvoir dont ils disposent.

Cette revendication a souvent été reprise par les socialistes et communistes. Les communards étaient favorables à l’élection des fonctionnaires et des magistrats, et à leur recrutement par examen ou concours, mais n'eurent pas le temps de le mettre en place. Ils essayèrent cependant par plusieurs moyens d'assurer des recrutements objectifs sur la base des compétences.[7]

1.6.2 Révocabilité[modifier | modifier le wikicode]

Les démocrates les plus conséquents trouvent inconcevable que des élus ou des fonctionnaires puissent rester en place lorsqu'ils sont devenus impopulaires. Lors de la Révolution française par exemple, la révocabilité des élus et fonctionnaires a été pratiquée.

Depuis, le mouvement socialiste a souvent revendiqué la mise en place de mesures de révocabilité des élus et des fonctionnaires. Ce fut par exemple le cas lors de la Commune de Paris de 1871, où il y eut des cas de révocation de fonctionnaires défaillants.[7] De même aux débuts de la Révolution d'Octobre 1917.

1.6.3 Vers des postes « techniques »[modifier | modifier le wikicode]

Marx et Engels, comme la plupart des socialistes du 19e siècle, étaient marqués par l'idéal saint-simonien d'une société future organisée rationnellement dans l'intérêt général. Bien évidemment, par rapport à l'utopisme de Saint-Simon, ils considéraient qu'une lutte de classe serait d'abord nécessaire, mais ils conservaient cette idée que dans la société future, les tâches de gestion de la société ne seraient plus des tâches de « pouvoir ». Comme ils le rappellent, c'est un aboutissement partagé entre communistes et anarchistes :

« Tous les socialistes entendent par Anar­chie ceci : le but du mouvement prolétaire, l’abolition des classes, une fois atteinte, le pouvoir de l’État qui sert à maintenir la grande majorité productrice sous le joug d’une minorité exploitante peu nombreuse, disparaît, et les fonc­tions gouvernementales se transforment en de simples fonctions administratives. »[8]

Marx écrivait encore, en marge d'un livre de Bakounine : « la répartition des fonctions générales [devrait] devenir une affaire de routine qui n'implique aucune domination ».[9]

2 Exemples[modifier | modifier le wikicode]

2.1 La Commune de Paris[modifier | modifier le wikicode]

La commune de Paris en 1871 a été le premier exemple d'État ouvrier, même si son extension géographique s'est limitée à Paris, et s'il n'a pu durer que trois mois, avant d'être réprimé dans le sang. Marx parlait à son sujet de "forme enfin trouvée"[10] de la dictature du prolétariat.

2.2 La Russie soviétique[modifier | modifier le wikicode]

La révolution russe de 1917 a vu l'émergence d'une auto-organisation des travailleurs qui s'appuyait sur les soviets (conseils) d'entreprises, de villes... et ce à travers l'ensemble du pays. Sous l'impulsion des bolchéviks, c'est un appareil d'État nouveau, fondé sur ces soviets, qui a pris le pouvoir en renversant l'État tsariste.

La bureaucratisation de cet État ouvrier a soulevé d'innombrables débats et points de vue différents entre communistes révolutionnaires.

Il est fréquent dans certains milieux, même de gauche, d'entendre qu'il n'y aurait jamais eu de démocratie ouvrière en Russie et d'y opposer la Commune de Paris comme modèle pur. Il est intéressant de citer cette comparaison de Trotski :

«[A]ux élections communales de 1871 à Paris, 230 000 électeurs participèrent au vote. Aux élections municipales de novembre 1917 à Petersbourg, en dépit du boycottage des élections par tous les partis sauf le nôtre et celui des socialistes-révolutionnaires de gauche, qui n'avait presque aucune influence dans la capitale, 390.000 électeurs participèrent au vote. Paris comptait en 1871 2.000.000 d'habitants. Il faut noter que notre système électoral était incomparablement plus démocratique, le Comité Central de la Garde Nationale ayant fait les élections sur la base de la loi électorale de l'Empire. »[11]

2.3 Rapport aux staliniens[modifier | modifier le wikicode]

Les PC stalinisés sont devenus des partis sans démocratie interne, et on pouvait légitimement craindre que leur arrivée au pouvoir débouche sur une dictature du même type que celles du reste du bloc de l'Est. Mais dans le même temps, les PC ont longtemps organisé des secteurs significatifs de la classe ouvrière (dans certains pays, une majorité), ce qui obligeait les marxistes anti-staliniens à avoir une politique vis-à-vis d'eux. Les trotskistes caractérisaient malgré tout les PC comme des partis ouvriers, et défendaient par exemple une politique de front unique de classe, incluant les PC et les PS.

Cependant dans la pratique cela soulevait de nombreux débats. Par exemple aux États-Unis en 1947, le WP, scission du SWP, mettait en avant le risque qu'un parti stalinien instaure une dictature (cela venait de se produire dans de nombreux pays d'Europe de l'Est).[12]

3 Notes[modifier | modifier le wikicode]

  1. Sovety, s’ezdy sovetov i ispolkomy, Moscou, 1924 (cité par Marc Ferro dans Des soviets au communisme bureaucratique)
  2. Lénine, 9e congrès du PC (b) R - Discours sur l'édification économique, 31 mars 1920
  3. Nicos Poulantzas, L'État, le pouvoir, le socialisme, Paris, PUF, 1978
  4. Ernest Mandel, Power and Money: A Marxist Theory of Bureaucracy, London, Verso, 1992
  5. Antoine Artous, Démocratie et émancipation sociale, Critique Communiste, été-automne 2000
  6. Matías Maiello, Una democracia de otra clase: sobre los usos de la Comuna de París, mars 2021
  7. 7,0 et 7,1 Les Amies et Amis de la Commune de Paris, Les services publics sous la Commune, août 2022
  8. Friedrich Engels, Karl Marx, Les prétendues scissions dans l'Internationale, janvier 1872
  9. Karl Marx, Conspectus of Bakunin’s Statism and Anarchy, April 1874
  10. Karl Marx, La guerre civile en France, mai 1871
  11. Léon Trotski, Terrorisme et communisme, 29 mai 1920
  12. Max Shachtman, La nature des partis staliniens. Leurs racines de classe, rôle politique et buts fondamentaux, mars 1947

4 Articles[modifier | modifier le wikicode]