Conseil ouvrier
Les conseils ouvriers, ou conseils de travailleurs sont des assemblées d'ouvriers se réunissant pour décider de questions les concernants (luttes sociales, politiques....). Les communistes défendent un pouvoir basé sur les conseils ouvriers, en avançant que ceux-ci sont porteurs d'une démocratie ouvrière et capables de s'organiser en pouvoir insurrectionnel. Pour les léninistes (dont les trotskistes[1]), un parti révolutionnaire regroupant une avant-garde et cherchant à gagner la majorité dans ces conseils est nécessaire. Pour d'autres courants (anarchistes, conseillistes...), le rôle du parti est soit combattu au nom du spontanéisme, soit fortement minimisé.
1 Fonctionnement[modifier | modifier le wikicode]
Engels avait écrit que l'État disparaîtrait avec la révolution prolétarienne ; qu'au gouvernement des hommes succéderait l'administration des choses. A l'époque, il n'était guère possible d'envisager clairement comment la classe ouvrière prendrait le pouvoir. Mais nous avons aujourd'hui la preuve de la justesse de cette vue. Dans le processus révolutionnaire, l'ancien pouvoir étatique sera détruit et les organes qui viendront le remplacer, les conseils ouvriers, auront certainement pour quelque temps encore des pouvoirs politiques importants afin de combattre les vestiges du système capitaliste. Toutefois, leur fonction politique se réduira graduellement en une simple fonction économique : l'organisation du processus de production collective des biens nécessaires à la société.
Dans les conseils, les ouvriers sont représentés dans leurs groupes d'origine d'après l'usine, l'atelier ou le complexe industriel dans lequel ils travaillent. Les ouvriers d'une usine constituent une unité de production ; ils forment un tout de par leur travail collectif. En période révolutionnaire, ils se trouvent donc immédiatement en contact pour échanger leurs points de vue : ils vivent dans les mêmes conditions et possèdent des intérêts communs. Ils doivent agir de concert ; c'est à eux de décider si l'usine, en tant qu'unité, doit être en grève ou en fonctionnement. L'organisation et la délégation des travailleurs dans les usines et les ateliers est donc la seule forme possible.
Avec le système des conseils ouvriers, chaque délégué peut être révoqué à tout instant. Les ouvriers ne sont pas seulement constamment en contact avec leurs délégués, participant aux discussions et aux décisions, mais ceux-ci ne sont encore que les porte-parole temporaires des assemblées.
Alors que dans la démocratie bourgeoise les organes élus sont le résultat d’un vote effectué par une somme d’individus atomisés et totalement séparés entre eux, les Conseils ouvriers supposent un concept radicalement nouveau et différent de l’action politique : les décisions, les actions à mener, sont pensées et discutées lors de débats auxquels participent d’énormes masses organisées, et celles-ci ne se contentent pas de prendre des décisions mais les mettent elles-mêmes en pratique.
Selon Gramsci, pour des raisons liées à sa nature sociale, la classe ouvrière ne peut pas gouverner autrement que sous la forme de conseils ouvriers, de conseils des travailleur·ses, de même que le parlement est une forme de gouvernement liée sociologiquement à la nature de la bourgeoisie.
2 L'expérience des Soviets russes[modifier | modifier le wikicode]
Les conseils ouvriers russes (les soviets en russe) apparaient au cours de la première révolution russe, celle de 1905. Ils sont l'oeuvre spontanée du prolétariat et du contexte révolutionnaire de la Russie, ils se sont développés à partir de comités de grève créés par les cheminots mais aussi des comités d'usine comme à Kiev ou à Reval par exemple. Ces comités, qui n’avaient au début d’autres fonctions que de diriger les mouvements de grèves, se transformait peu à peu en organes représentatifs du prolétariat, qui se mettaient d’accord avec les représentants des différents partis ouvriers.
Suite à la révolution de février 1917, Lénine voit dans les soviets l'instrument central de la révolution. Dans ses Thèses d’avril, il défend le mot d’ordre : « Tout le pouvoir aux soviets ! », qu'il parvient à faire accepter au parti lors de la conférence du 24-29 avril. Lénine considère que la ligne bolchévique a été confirmée, mais qu’« il faut savoir compléter et corriger les vieilles formules », car « personne autrefois ne songeait, ni ne pouvait songer, à une dualité du pouvoir ». Il fait l'analyse que la dictature des ouvriers et des paysans est non pas le gouvernement provisoire, mais ce pouvoir des soviets, « du même type que la Commune de Paris de 1871 ». L'objectif principal est alors de revendiquer que situation de double pouvoir bascule du côté des soviets, même si les menchéviks et les SR y sont majoritaires.
La révolution d'Octobre en Russie (1917) a eu un énorme impact sur les travailleurs socialistes radicalisés, pour qui elle est restée longtemps un modèle. Mais la désintégration de la classe ouvrière, consécutive à la guerre civile qui s'en est suivie, va confisquer le pouvoir des Soviets au profit des dirigeants du Parti.
3 Conseil d'ouvriers et soldats à Leeds (1917)[modifier | modifier le wikicode]
https://en.wikipedia.org/wiki/Council_of_Workers%27_and_Soldiers%27_Delegates
4 Les conseils ouvriers allemands (1918)[modifier | modifier le wikicode]
Début novembre 1918 : le sentiment anti-guerre n’avait jamais été aussi développé dans la population allemande, nourri par une gauche révolutionnaire dont les capacités d’initiative étaient devenues sans commune mesure avec les maigres forces dont elle disposait. Une vague venue de Kiel vint mettre le feu aux poudres[2]. Après des affrontements violents avec les troupes loyalistes, des marins révoltés élirent un conseil de soldats qui, le 5 novembre, constituait la seule autorité sur la ville. La révolution allemande venait de commencer. Le même schéma fut réitéré dans toutes les grandes villes les jours suivants : manifestations et meetings de masse, occupations de bâtiments par des groupes armés, grèves, élections de conseils d’ouvriers et de soldats… La monarchie prussienne qui régnait depuis des siècles s’effondra en quelques jours sans que personne ne cherche vraiment à la défendre.
Les conseils ouvriers apparaissent au même moment en Alsace, Hongrie — lors de l'épisode de la République des conseils de Hongrie — et en Italie en 1920. Ces diverses insurrections ne durent que quelques semaines ou quelques mois et sont rapidement anéanties.
On voit plus tard réapparaître des conseils ouvriers en Hongrie en 1956 (contre le pouvoir stalinien de la République populaire de Hongrie, lors de l'insurrection de Budapest), en France en mai 1968, ainsi qu'à nouveau en Italie en 1969.
5 Les juntas en Espagne (1936)[modifier | modifier le wikicode]
Pendant la guerre civile espagnole, l'auto-activité des masses est très élevée, et prend notamment la forme de juntas.
6 Les cordones industriales chiliens (1973)[modifier | modifier le wikicode]
Pendant la situation révolutionnaire qui précède le coup d'État de 1973 au Chili, les ouvriers s'organisent dans des « cordones industriales ».
7 Les shoras iraniens (1979)[modifier | modifier le wikicode]
Pendant la révolution iranienne, des conseils issus des comités de grève se mettent en place. Ils seront liquidés par Khomeini.
8 Le conseillisme[modifier | modifier le wikicode]
Les conseillistes prônent le pouvoir des conseils ouvriers, et accusent les partis léninistes de vouloir substituer leur pouvoir à celui des conseils. Ses théoriciens les plus connus sont Anton Pannekoek et Paul Mattick. De nombreux courants conseillistes se revendiquent aussi de Rosa Luxemburg (« luxemburgisme »), même si la filiation est plus contestée : bien qu'ayant critiqué les bolchéviks juste avant sa mort, Rosa Luxemburg et les spartakistes avaient une certaine proximité avec eux, et comme eux elle était convaincue de la nécessité de certaines médiations pour s'adresser aux masses (participation aux syndicats réformistes, tactique parlementariste...), qui sont généralement rejetées par les conseillistes d'aujourd'hui.
Les situationnistes se sont également revendiqué, entre autre, du conseillisme.
Des anarchistes comme Gustav Landauer et Erich Mühsam, qui ont l'un et l'autre participé à la République des conseils de Bavière en 1919, se sont aussi déclarés partisans des conseils ouvriers.
9 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Autogestion, occupations d'usines - par Ernest Mandel
- ↑ Philippe Bourrinet, Les conseils ouvriers en Allemagne 1918-1920. Révolution sociale ou Assemblée constituante?, 2017