Gouvernement à bon marché
Le « gouvernement à bon marché » est une revendication défendue depuis l'époque des révolutions bourgeoises. Il s'agit de la revendication d'un État plus réduit et donc coûtant moins cher à la société.
1 Usage du terme[modifier | modifier le wikicode]
L'État a eu une tendance à se renforcer avec l'évolution vers la monarchie absolue, et à concentrer davantage le pouvoir, au détriment des féodaux et de l'Église.
Sous Louis XIV, le phénomène parasitaire de la noblesse de cour était particulièrement développé :
« Il y avait environ 15 000 personnes admises à la cour, dont l'écrasante majorité n'était là que pour empocher un revenu lié à un titre. Il fallait, pour entretenir cette foule inutile, débourser le dixième des recettes de l’État. »[1]
A l'époque moderne et surtout des révolutions atlantiques, la montée de la bourgeoisie s'accompagne de critiques de l'État d'Ancien régime. Les démocrates les plus révolutionnaires remettent en question la séparation entre l'État et la société, par exemple en défendant l'armement du peuple par opposition à l'armée permanente (cela se concrétisera dans quelques institutions comme la garde nationale ou la landwehr). Par ailleurs, en tant que bourgeois réticents aux impôts (en partie parce que jusqu'à présent largement utilisés à mauvais escient), ils dénoncent les dépenses étatiques et revendiquent un « gouvernement à bon marché ».
Mais globalement, tout en étant transformé en profondeur dans sa nature de classe (État bourgeois), l'État a continué de se renforcer.
Dans un premier temps (19e siècle), cette extension de l'État est surtout due à une extension de sa capacité de contrôle des populations, et de gestion de la lutte des classes (répression des démocrates, des socialistes, et du mouvement ouvrier). La société bourgeoise elle-même nécessite cette excroissance de l'État, malgré les plaintes de certains bourgeois[2].
« En présence de la menace de soulèvement du prolétariat, la classe possédante unie utilisa alors le pouvoir de l'État, sans ménagement et avec ostentation comme l'engin de guerre national du capital contre le travail. Dans leur croisade permanente contre les masses productrices, ils furent forcés non seulement d'investir l'exécutif de pouvoirs de répression sans cesse accrus, mais aussi de dépouiller peu à peu leur propre forteresse parlementaire, l'Assemblée nationale, de tous ses moyens de défense contre l'exécutif. »[3]
Il apparaît donc pendant toute une période que c'est la gauche socialiste qui est la mieux placée pour reprendre le flambeau de la critique de l'État. Marx et Proudhon, chacun à leur façon, sont des critiques radicaux de l'État.
Dans le Dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, Marx souligne qu'au travers de la révolution de 1848 puis du coup d’État de Napoléon III, la machine bureaucratique d’État s'est perfectionnée toujours plus.
« L’énorme parasite gouvernemental, qui enserre le corps social comme un boa constrictor dans les mailles universelles de sa bureaucratie, de sa police, de son armée permanente, de son clergé et de sa magistrature, date du temps de la monarchie absolue. » [4]
Puis il y revient dans son analyse de la Commune de Paris, la Guerre civile en France. Il s'y félicite que « la Commune a réalisé ce mot d'ordre de toutes les révolutions bourgeoises, le gouvernement à bon marché, en abolissant ces deux grandes sources de dépenses : l'armée et le fonctionnarisme d'État. »[3]
Il ajoute :
« Son existence même supposait la non-existence de la monarchie qui, en Europe du moins, est le fardeau normal et l'indispensable masque de la domination de classe. Elle fournissait à la république la base d'institutions réellement démocratiques. Mais ni le « gouvernement à bon marché », ni la « vraie république » n'étaient son but dernier; tous deux furent un résultat secondaire et allant de soi de la Commune. »
Cela montre qu'il gardait l'ancienne grille de lecture associant monarchisme et excroissance de l'État, et ainsi sous-estimait probablement à quel point cette tendance allait se poursuivre sous des États républicains bourgeois.
Quoi qu'il en soit, contrairement à la vision du marxisme comme un vulgaire étatisme, Marx voyait la révolution comme une rupture avec l'État bourgeois, une rupture qui impliquait une nette réduction de sa séparation avec la société (car pour la première fois, un État ouvrier serait un État au service de la classe majoritaire), avant son extinction en tant que corps séparé.
« La classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’État et de la faire fonctionner pour son propre compte. L’instrument politique de son asservissement ne peut servir d’instrument politique de son émancipation. »
Aujourd'hui la formule de gouvernement à bon marché est encore utilisée par des promoteurs du libéralisme économique[5]. Ainsi elle peut être vue comme un synonyme de minarchie.
2 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Karl Kautsky, Les antagonismes de classes à l'époque de la Révolution française, 1889
- ↑ La République de Jean la Vigne. Le Gouvernement à bon marché, 1872
- ↑ 3,0 et 3,1 Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871
- ↑ Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, décembre 1851
- ↑ Gustave de Molinari, État-providence ou gouvernement à bon marché, Institut Coppet, avril 2018