Révolution de 1848 (France)
La révolution française de 1848, parfois appelée « révolution de Février », est le renversement de la Monarchie de Juillet par un soulèvement populaire dont la bourgeoisie républicaine prend la tête. Elle met en place la Deuxième République, qui dans un premier temps semble bénéficier d'un grand unanimisme républicain.
Mais très vite, la lutte de classe révèle que ce ne sera pas la République sociale que tant idéalisaient. Ce qui débouche sur un soulèvement ouvrier qui sera réprimé dans le sang (« Journées de Juin »). Après avoir brisé toutes les aspirations populaires au bout de trois ans, cette république bourgeoise perd tout soutien de masse et voit grandir les forces réactionnaires. Cela débouche sur le coup d'État de Napoléon III en 1851.
Cette révolution s'inscrit dans tout un mouvement révolutionnaire en Europe cette année, appelé Printemps des peuples.
1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
Depuis 1830 et la Monarchie de Juillet, le pouvoir est entre les mains d'une caste autour du roi Louis-Philippe, que Marx appelle l'aristocratie financière. Il s'agit des fractions les plus parasitaires et rentières de la noblesse et de la bourgeoisie. Le suffrage est censitaire : seuls ceux qui paient un impôt de 200 francs peuvent voter (cela représente beaucoup : sur 30 millions d’habitants, 250 000 personnes environ peuvent voter).
A Paris les inégalités sont de plus en plus nettes. Une grande partie de la population est composée de boutiquiers modestes, qui composent la garde nationale, mais sont exclus du suffrage censitaire. La plupart des ouvriers sont occupés dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers est tenue par un patron seul ou avec un seul ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000). La grande industrie s'est surtout développée en périphérie, à la Villette ou aux Batignolles. Les salaires y sont très faibles et les conditions de travail déplorables.
Une des causes de la révolution est la crise de 1847. Il s'agit d'une des dernières grandes crises de subsistance en Europe (crises dues à de mauvaises récoltes, typiques de l'Ancien régime) conjuguée à une crise économique déclenchée par une bulle spéculative sur les chemins de fers (typique du capitalisme). Cela provoque un chômage important : en 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage. Des tensions éclatent en province, par exemple à Buzançais (Berry) où en janvier 1847, des tisserands s'opposent violemment à un transport de grains.[1]
Des scandales à répétition ont donné l'image d'une caste dirigeante corrompue et décadente, comme l'affaire Teste-Cubières et celle de Choiseul-Pralin.
Le régime est donc peu populaire, et la plupart de la population a une raison ou une autre de s'y opposer. Même les bourgeois libéraux vivent dans le souvenir de la "Grande Révolution" (1789) et de Napoléon 1er. Cela donnait l'impression que presque toutes les classes (paysans, ouvriers, bourgeoisie industrielle et petite-bourgeoisie) avaient un intérêt commun, intérêt qui s’exprimait dans la revendication de la République et du suffrage universel. Le premier ministre Guizot, qui était connu pour ses prises de positions fermes contre le suffrage universel, était particulièrement détesté.
Mais les possibilités de s'exprimer librement étaient réduites. Surtout que le roi Louis-Philippe est visé par de nombreuses caricatures et de nombreux attentats dont celui de Fieschi, le plus meurtrier, en 1835, qui débouche sur une restriction de la liberté d'expression. En particulier, il est interdit de se revendiquer républicain.
A gauche, l'opposition la plus modérée et la plus tolérée était l'opposition monarchiste derrière Odilon Barrot, que l’on nomme alors « opposition dynastique ». Elle souhaiterait voir le cens passer à 100 francs, ce qui permettrait à un total de 500 000 personnes de voter. Celle-ci organise alors une campagne de banquets, qui permet de contourner l'interdiction. Il s'agit de grands banquets qui réunissent des centaines de participants autour de quelques éminents orateurs qui portent des toasts au nom de grandes idées et revendications. Ils sont payants, donc excluent de fait les plus pauvres, mais contribuent malgré cela à faire parler largement politique dans le pays. D'autant plus qu'ils sont précédés de manifestations festives dans les rues. A partir du 9 juillet 1847, on en compte pas moins de 70 à Paris et dans les grandes villes du royaume au cours des sept mois suivants.
Le mouvement dépasse complètement ses organisateurs. Les républicains deviennent vite hégémoniques dans les banquets, et on y entend même quelques socialistes. Ainsi alors qu'on trinquait d'abord timidement « au roi et à la réforme électorale », on trinque désormais « au suffrage universel » (masculin) et parfois « à l'amélioration du sort des classes laborieuses ».
Les républicains forment alors une nébuleuse assez peu organisée, influencée par plusieurs journaux, notamment Le National (qui représente la bourgeoisie républicaine) et La Réforme (plus radical, représentant la petite-bourgeoisie républicaine). Des revendications ouvrières avaient commencé à émerger, comme la révolte des Canuts à Lyon (1831), mais le mouvement ouvrier n'était pas encore développé (il est par ailleurs empêché de s'organiser par la loi) et encore moins conscient de lui-même. Les leaders influents dans le monde ouvrier étaient des républicains socialistes plus (Auguste Blanqui) ou moins (Louis Blanc, Proudhon) radicaux.
Le 29 janvier 1848, Tocqueville avertissait ses collègues de la Chambre des Députés :
« Regardez ce qui se passe au sein de ces classes ouvrières qui, aujourd’hui, je le reconnais, sont tranquilles. Il est vrai qu’elles ne sont pas tourmentées par les passions politiques proprement dites au même degré où elles en ont été tourmentées jadis ; mais, ne voyez-vous pas que leurs passions, de politiques sont devenues sociales ? Ne voyez-vous pas qu’il se répand peu à peu dans leur sein des opinions, des idées qui ne vont point seulement à renverser telles lois, tel ministère, tel gouvernement même, mais la société, à l’ébranler sur les bases sur lesquelles elle repose aujourd’hui ? »
2 La révolution[modifier | modifier le wikicode]
2.1 L'interdiction du banquet parisien[modifier | modifier le wikicode]
Si au début de la campagne des banquets, le gouvernement ne s'inquiétait pas vraiment, le 14 février 1848 il décide finalement d'interdire le banquet prévu à Paris le 19.[2] Le National appelle à manifester sur la place de la Madeleine le 22, date à laquelle le banquet a été reporté. Mais la veille de la manifestation, les principaux chefs de l'opposition paniquent et appellent à son annulation. Mais ces chefs, comme le gouvernement, vont être dépassés par les masses.
Le 22 février au matin, des centaines d'étudiants (dont certains s'étaient déjà mobilisés dès le 3 janvier pour dénoncer la suppression des cours de Michelet), se rassemblent place du Panthéon puis se rendent à la Madeleine où ils se mêlent aux ouvriers. Les manifestants (3 000 personnes) se dirigent ensuite vers la Chambre des députés, Place de la Concorde, aux cris de « Vive la Réforme ! À bas Guizot ! ». Mais dans l'ensemble, les forces de l'ordre contrôlent la situation. L'occupation militaire de Paris a été décrétée vers 16 heures. Le roi peut compter sur 30 000 soldats, l'appoint de l'artillerie, la sécurité des forts qui encerclent la capitale. Il y a, enfin, la Garde nationale, 40 000 hommes environ.
Après quelques incidents (un mort), les troubles se déplacent vers l'église Saint-Roch, la manifestation s'organise, la situation s’envenime puisque la crise ne peut être dénouée, la Chambre ayant rejeté quelques heures plus tôt la demande de mise en accusation du gouvernement Guizot déposée par Barrot.
2.2 Flottement de la garde nationale et concession[modifier | modifier le wikicode]
Le matin du 23 février, alors que l'insurrection se développe, les gardes nationaux de la deuxième Légion, boulevard Montmartre, crient « Vive la Réforme ! ». Dans d'autres quartiers, différents bataillons de la Garde nationale protègent les ouvriers contre les gardes municipaux et même contre la troupe de Ligne. La Garde nationale se pose ainsi en arbitre entre l'armée et le peuple parisien. Louis-Philippe se rend subitement compte de l'impopularité de son ministre et se résout, dans l'après-midi, à le remplacer par le comte Molé, ce qui équivaut à accepter la réforme. Cela semble dans un premier temps suffire à calmer la rue.
2.3 Le feu aux poudres[modifier | modifier le wikicode]
Dans la soirée du même 23 février 1848, la foule déambule sous des lampions pour manifester sa joie et envisage de se rendre sous les fenêtres de Guizot pour le huer (devant le ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines). Un manifestant porteur d'une torche s'avance vers les soldats d'un régiment faisant barrage. La troupe ouvre le feu, laissant sur le pavé de 35[3] à plus de 50 tués, selon les sources. Durant cette nuit, la population transporte les cadavres sur une charrette dans Paris, à la lueur des torches. C'est l'embrasement. On dévalise les armuriers et on édifie des barricades. Il y en a bientôt 1 500 dans toute la ville. Le monde ouvrier y coudoie la jeunesse étudiante et la petite bourgeoisie.[4]
Pendant que les révolutionnaires parisiens se soulèvent, le roi, aux Tuileries, n'a plus de gouvernement. Molé a renoncé et conseille de faire appel à Thiers (qui l'a porté au pouvoir 18 ans plus tôt). Ce dernier exige alors la dissolution de la Chambre des députés, mais le roi refuse. Le maréchal Bugeaud (qui s'était beaucoup exercé en Algérie), nommé commandant supérieur de l'armée et de la Garde nationale de Paris, est convaincu qu'il peut écraser l'émeute, mais le roi refuse la solution de force. Il sent l'hostilité de la troupe stationnée au Carrousel, devant le palais des Tuileries.
Le 24 février 1848, Louis-Philippe ne parvient pas à reprendre en main la situation, malgré une dernière tentative de confier le gouvernement à Barrot. Lorsque le palais commence à être attaqué par la foule, vers midi, le roi abdique en faveur de son petit-fils de neuf ans, le comte de Paris, confie la régence à la duchesse d'Orléans, puis sous la pression des révolutionnaires, se résout à prendre le chemin de l'exil. Au début de l'après-midi, la duchesse d'Orléans se rend au Palais Bourbon pour y faire investir son fils et y faire proclamer officiellement la régence dans l'espoir de sauver la dynastie. Les députés, dans leur majorité, semblent favorables à une régence. Mais les républicains ont appris de leur échec de 1830, et tandis que les libéraux organisent un nouveau gouvernement plus libéral, ils forcent la main : pendant la séance, le Palais-Bourbon est envahi par la foule révolutionnaire qui, d'accord avec les élus de l'extrême gauche, repousse toute solution monarchique.
2.4 Pression populaire sur l'Hôtel de Ville[modifier | modifier le wikicode]
Un cri retentit : «À l'Hôtel de Ville !». C'est ainsi qu'un petit groupe de républicains, à l'instigation de Ledru-Rollin et du vieux poète Lamartine (58 ans), gagne le lieu mythique de la Révolution de 1789. Lamartine, Ledru-Rollin, Arago, Dupont de l'Eure et Marie se mettent d'abord et avant tout à se répartir les portefeuilles de ministres, plutôt qu'à prendre des mesures de portée politique générale.
Le 25 février vers midi, la République n'est toujours pas proclamée. Une délégation avec Raspail à sa tête arrive à l'Hôtel de Ville de Paris pour réclamer l'établissement d'une république, donnant au gouvernement deux heures pour la proclamer, sans quoi les ouvriers parisiens reprendraient la révolte. Dès 15 heures, la IIe République est proclamée par Lamartine.
2.5 Reste du pays[modifier | modifier le wikicode]
La nouvelle de la proclamation se répand dans Paris et en province. Les trois journées de février, du 22 au 24, ont fait 350 morts et au moins 500 blessés.[5]
A Lyon, le 24 février, les Voraces (des canuts) descendent à Lyon, s'emparent de l'hôtel de ville, proclament la République depuis son balcon et prennent la préfecture. Le lendemain, ils prennent des forts militaires et s'emparent des armes.
2.6 Atmosphère post-révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]
Tocqueville fournit un témoignage sur l'auto-activité populaire qui foisonnait lors des journées révolutionnaire, d'autant plus intéressant qu'il s'agit d'un auteur conservateur.
« Deux choses me frappèrent surtout : la première ce fut le caractère, je ne dirai pas principalement, mais uniquement et exclusivement populaire de la révolution qui venait de s'accomplir. La force qu'elle avait donnée au peuple proprement dit, c'est-à-dire aux classes qui travaillent de leurs mains, sur toutes les autres. La seconde, ce fut le peu de passion haineuse et même, à dire vrai, de passions vives quelconques que faisait voir dans ce premier moment le bas peuple devenu tout à coup seul maître de Paris. (…) Durant cette journée, je n'aperçus pas dans Paris un seul des anciens agents de la force publique, pas un soldat, pas un gendarme, pas un agent de police ; la Garde nationale avait disparu. Le peuple seul portait les armes, gardait les lieux publics, veillait, commandait, punissait ; (…) Dès le 25 février [1848], mille systèmes étranges sortirent impétueusement de l'esprit des novateurs, et se répandirent dans l'esprit troublé de la foule. Tout était encore debout sauf la royauté et le parlement, et il semblait que du choc de la révolution, la société elle-même eût été réduite en poussière, et qu'on eût mis au concours la forme nouvelle qu'il fallait donner à l'édifice qu'on allait élever à sa place ; chacun proposait son plan ; celui-ci le produisait dans les journaux ; celui-là dans les placards, qui couvrirent bientôt les murs ; cet autre en plein vent par la parole. L'un prétendait réduire l'inégalité des fortunes, l'autre l'inégalité des lumières, le troisième entreprenait de niveler la plus ancienne des inégalités, celle de l'homme et de la femme ; on indiquait des spécifiques contre la pauvreté et des remèdes à ce mal de travail, qui tourmente l'humanité depuis qu'elle existe. Ces théories étaient fort diverses entre elles, souvent contraires, quelquefois ennemies ; mais toutes, visant plus bas que le gouvernement et s'efforçant d'atteindre la société elle-même, qui lui sert d'assiette, prirent le nom commun de SOCIALISME. »
Partout souffle le vent de la fraternité si caractéristique des premières semaines de « l’Ère nouvelle » ouverte en février 1848. On plante des arbres de la liberté sur les places publiques, on organise des banquets fraternels. Une sensibilité romantique et un fort sentiment chrétien animent toutes ces manifestations.
Beaucoup s'attendaient à ce que le clivage républicains/monarchistes soit très fort, mais c'est une sorte d'unanimisme républicain qui apparaît. On parlait alors de républicains de la veille pour désigner ceux qui militaient pour la république depuis longtemps, malgré la censure, et de républicains du lendemain pour ceux qui acceptaient soudain la république. Et ils étaient nombreux : des légitimistes comme le marquis de La Rochejaquelein ou le comte de Falloux, des orléanistes du centre gauche et de l'opposition dynastique remontés contre Guizot... Les magistrats, les enseignants, les ministres de cultes deviennent en masse « républicains ». Les fonctionnaires d'autorité (les préfets et les maires) sont remplacés par des personnalités moins compromises avec la monarchie ou par des républicains locaux. Mais les poursuites contre le personnel politique de la Monarchie de Juillet sont menées mollement. Le remplacement des préfets est surtout favorable aux modérés et rares sont les départements qui obtiennent un commissaire du gouvernement pris parmi les républicains de la veille (c'est le cas de Frédéric Deschamps à Rouen, de Charles Delescluze à Lille, d'Emmanuel Arago à Lyon).
Mais l'unanimisme masque en réalité une redéfinition des clivages en cours. Les classes dominantes, parmi lesquelles la bourgeoisie a désormais l'hégémonie, peuvent facilement accepter l'idée républicaine, à condition qu'elle ne soit pas trop « sociale ». Or, du côté des masses populaires, on espère que cette « Ère nouvelle » sera celle de l'égalité. Dans les villes industrielles comme Lille, Limoges, Lyon, Reims, Rouen il y a des manifestations ouvrières pour réclamer des augmentations de salaire, parfois des faits de luddisme (destruction des machines). Les campagnes connaissent aussi des troubles. Dans les régions montagneuses des Alpes, du Jura ou des Pyrénées les agents des Eaux et Forêts qui restreignent les droits de pacage des chèvres et des moutons sont pris à partie. En Isère et dans le Var, les paysans les moins aisés demandent le rétablissement des droits d'usage qui ont disparu devant les pratiques agricoles modernes mais individualistes des riches paysans. Les salariés agricoles très nombreux réclament des augmentations de salaire. Cette contestation sociale commence à faire peur aux possédants qui redoutent les « partageux », les « rouges », les « communistes ».
Dans l'effervescence démocratique, un grand nombre de clubs politiques se forment : jusqu'à 450 à Paris[6]. Les plus caractéristiques sont celui de la Société Républicaine Centrale de Blanqui ; elle est concurrencée par la Société fraternelle centrale de Cabet et le Club des Amis du Peuple de Raspail. La presse, qui jouit désormais de la liberté totale, se développe. Lammenais crée le Peuple constituant, Proudhon collabore au Représentant du Peuple, Lacordaire publie L'Ère nouvelle, dont le titre est emblématique de l'état d'esprit dominant au début du printemps 1848.
3 Un bref espoir féministe[modifier | modifier le wikicode]
Deux clubs féministes furent aussi créés : le Club fraternel des lingères avec Désirée Gay, et la Société de la voix des femmes avec Eugénie Niboyet. Ces militantes avaient été marquées par le saint-simonisme et le fouriérisme.
Désirée Gay adresse dès le début de la révolution des lettres et pétitions au gouvernement provisoire afin de lui demander de faire passer des lois libérales sur le divorce, d'améliorer la condition des travailleuses et de subventionner des restaurants et blanchisseries permettant aux femmes d'être financièrement indépendantes. Elle sera élue à l'unanimité déléguée à la Commission du Luxembourg, et sera aussi nommée cheffe de division de la Cour des Fontaines dans les Ateliers nationaux.
En mars 1848, Eugénie Niboyet fonde et dirige un journal ne traitant que de la question des femmes et de leurs droits. La Voix des Femmes, sous-titré « Journal socialiste et politique, organe d’intérêts pour toutes les femmes », est le premier quotidien français féministe. Elle réussit à rassembler des femmes déjà impliquées comme Jeanne Deroin, Désirée Gay, Suzanne Voilquin, Elisa Lemonnier, et Anaïs Ségalas, mais aussi des autrices populaires : Gabrielle Soumet, Amélie Prai, Adèle Esquiros. Ce mouvement n'est plus réservé aux femmes : des hommes y contribuent, comme Jean Macé ou Paulin Niboyet, son fils.
Le 6 avril : La Voix des Femmes propose la candidature de George Sand à l’Assemblée constituante. Sand désavoue cette initiative et juge durement ces femmes qu'elle affirme ne pas connaître, les caricaturistes croquent Eugénie Niboyet et les journalistes de La Voix des Femmes. Le bruit de l'affaire est retentissant, il se retourne contre les promoteurs de cette initiative, et le gouvernement décide la fin des clubs de femmes. Le 20 juin, Eugénie Niboyet, découragée et meurtrie, cesse la publication de La Voix des Femmes, et les féministes se dispersent pour éviter la répression.
Alors Désirée Gay fonde avec Jeanne Deroin l'Association mutuelle des femmes et un nouveau journal, La Politique des Femmes, qui n'a que deux numéros, puis L'Opinion des femmes. Elle abandonne à son tour l'action militante à la fin 1849.
4 Le Printemps des peuples[modifier | modifier le wikicode]
La France n'est pas le seul pays révolutionnaire en 1848. La révolution avait déjà commencé en janvier en Sicile, mais il est clair que la nouvelle de la chute de la monarchie à Paris va avoir un énorme impact dans le vieux continent. La contagion révolutionnaire gagne Berlin, Vienne, Turin, Budapest... Les motivations sont des revendications démocratiques entremêlées avec l'essor des nationalismes. C'est le Printemps des peuples.
La majeure partie de l'Europe est alors gouvernée par des monarques qui dominent et s'échangent telle ou telle possession au grès de leurs intrigues familiales de nobles, sans le moindre lien avec les populations concernées. La plupart des grands Etats sont alors composés de plusieurs peuples (Prusse, Autriche-Hongrie, Russie...), et la plupart des peuples sont à cheval sur plusieurs Etats (Allemands, Italiens, Polonais...). Une aspiration très forte à former des États-nations émerge alors. Elle contient bien sûr en germe déjà toutes les folies du nationalisme, mais à cette époque, le mouvement est globalement dominé par des courants progressistes. Si ces aspirations conduisent dans beaucoup de cas à faire éclater des ensembles multinationaux, cela n'est la plupart du temps pas dirigé contre les peuples voisins, qui au contraire sont souvent vus comme des alliés faisant « leur révolution » simultanément. Les révolutionnaires s'opposent par ailleurs souvent aux interventions militaires de « leurs » nobles contre les révolutionnaires des territoires dominés (Vienne contre la répression des Hongrois, Berlin contre la répression des Polonais...). Enfin, beaucoup de révolutionnaires aspirent à l'unification en des États-nations qui fusionnent de nombreux États (dans la Confédération germanique, la péninsule italienne...).
Dans un premier temps, de nombreux monarques concèdent des Constitutions garantissant un minimum de droits démocratiques. Mais très vite, ils profitent du reflux révolutionnaire pour opérer une réaction autoritaire. La démocratisation et l'intégration nationale se fera plus tard.
5 Le gouvernement provisoire[modifier | modifier le wikicode]
5.1 Formation du gouvernement[modifier | modifier le wikicode]
Le 25 février vers 20 heures, le gouvernement républicain provisoire est finalisé. Son centre de gravité est autour du National (Marie, Arago, Dupont de l'Eure, Marrast, Garnier-Pagès), auxquels s'ajoutent Crémieux (député orléaniste mais défenseur de la presse) et Lamartine (poète célèbre sans consistance politique) contraints d'accepter quelques membres de la Réforme (Ledru-Rollin, Blanc, Flocon, Martin).
Ce gouvernement est collégial, parce que provisoire, mais aussi parce que les républicains sont encore nombreux à cette époque à se méfier de la concentration des pouvoirs et la présidence de la république ne va pas encore de soi. On y trouve le républicain « socialiste » Louis Blanc et son ami Alexandre Martin, que tout le monde appelle « l'ouvrier Albert » (premier homme d'origine ouvrière dans un gouvernement français). Mais il est clair d'emblée que le gouvernement refuse la direction proposée par les républicains les plus radicaux. Le 25 février, dans un discours célèbre, Lamartine s'oppose à l'adoption du drapeau rouge (devenu très populaire dans les foules parisiennes) et obtient le maintien du drapeau tricolore comme emblème national.
Les fonctions gouvernementales sont réparties entre des membres du gouvernement et des personnalités extérieures. Dupont de l'Eure est président du conseil ; Lamartine obtient les Affaires étrangères, Ledru-Rollin l'Intérieur. La Marine échoit à Arago, les Travaux publics à Marie et la Justice à Crémieux. Garnier-Pagès prend la mairie de Paris. Louis Blanc, qui aurait souhaité un ministère du Travail, doit se contenter de présider une Commission pour les travailleurs, sans budget. Le général baron Jacques-Gervais Subervie, ancien officier du Premier Empire, reçoit la Guerre. Les Finances sont confiées au banquier Goudchaux, l'Agriculture et le Commerce à l'avocat Bethmont. Carnot est chargé de l'Instruction publique. Le général Cavaignac est nommé gouverneur général de l'Algérie et le vicomte de Courtais, officier de cavalerie en retraite, devient commandant de la Garde nationale.
5.2 Premières mesures[modifier | modifier le wikicode]
Les premières mesures du gouvernement provisoire se veulent en rupture avec la période précédente. La peine de mort est abolie dans le domaine politique. Les châtiments corporels sont supprimés le 12 mars et la contrainte par corps le 19 mars. Le 4 mars une Commission pour l'abolition de l'esclavage (présidée par Schœlcher) est mise en place : elle conduira le 27 avril à un décret d'abolition... et d'indemnisation des anciens esclavagistes.
Dans le domaine politique, les changements sont importants. La liberté de la presse et celle de réunion sont proclamées le 4 mars. Le 5 mars le gouvernement institue le suffrage universel masculin, en remplacement du suffrage censitaire en vigueur depuis 1815 (le corps électoral passe soudain de 250 000 à 9 millions d'électeurs). La Garde nationale, jusque-là réservée aux notables, aux boutiquiers, est ouverte à tous les citoyens (mesure qui indispose une partie des anciens Gardes nationaux qui manifesteront leur mécontentement le 15 mars). Toute une frange de la jeunesse ouvrière de Paris se retrouve soudain enrôlée, non sans fierté, mais cela contribuera vite (d'autant plus que les chefs sont de la bourgeoisie) à en faire une force de police utilisable contre leurs camarades de classe.
La situation économique est très préoccupante. Si les épargnants sont (provisoirement) républicains, ils craignent tout de même pour leurs intérêts. Ils retirent leurs économies des caisses d'épargne et des banques, qui ne peuvent faire face à leurs échéances et ne peuvent soutenir le crédit aux entreprises et au commerce. De nombreux établissements de crédit et de nombreuses entreprises font faillite. Le gouvernement s'efforce alors de relancer l'économie en redonnant confiance à la bourgeoisie. Le 7 mars, il permet la fondation du Comptoir national d'escompte de Paris, de même que dans les grandes villes, pour favoriser le financement du petit commerce. Le 15 mars, pour faire face à l'effondrement de l'encaisse-or de la Banque de France, il décrète le cours forcé du billet de banque et fait imprimer des billets de 100 francs, pour permettre les transactions importantes. Le gouvernement renonce à l'impôt progressif, mesure phare des républicains radicaux. Le 16 mars, pour faire face aux difficultés de trésorerie de l'État, le ministre des Finances, Garnier-Pagès, institue « l'impôt des 45 centimes » (une augmentation de 45 % au titre de quatre contributions directes : contributions foncière, mobilière, patentes et portes et fenêtres) qui frappe surtout la paysannerie. Le mécontentement est tel que le gouvernement doit accepter des dégrèvements et renonce à percevoir l'impôt avant les élections du 23 avril.
Dans le domaine social, le gouvernement est obligé de faire des gestes envers les ouvriers parisiens et leurs relais socialistes. Cela donnera lieu en particulier à la création des Ateliers nationaux dès le 26 février, qui deviendront un des noeuds de la lutte de classe et du destin de la IIe République.
Issu d'un soulèvement antimonarchique, le gouvernement provisoire fait tout pour éviter une intervention de la Sainte-Alliance (l'accord réactionnaire de 1815 entre monarchies européennes pour restaurer l'ordre d'Ancien régime après 1789 et les guerres de Napoléon). Dès le 4 mars, Lamartine, ministre des Affaires étrangères, annonce que la France a des intentions pacifiques. Mais cela cause des dissensions : les républicains radicaux veulent venir en aide aux démocrates des autres pays qui se soulèvent. Ledru-Rollin laisse se constituer une légion belge, qui intervient sans succès en Belgique (30 mars), dont le roi Léopold Ier est le gendre de Louis-Philippe et demande une intervention contre la France. Il en est de même dans les Alpes où les Voraces lyonnais tentent vainement d'envahir la Savoie appartenant au Roi de Piémont (3 avril).
Le 8 avril, sur proposition de Louis Blanc, un décret facilitant la naturalisation des ouvriers étrangers est adopté, pour contrer des manifestations de xénophobie y compris dans la classe ouvrière.
6 Une IIe République aussitôt sous tension[modifier | modifier le wikicode]
Les ouvriers révolutionnaires ainsi que la petite-bourgoisie radicale reconnaissent le gouvernement provisoire et lui font initialement confiance, mais ils restent très vigilants et mobilisés. Cela créé de fait des éléments de « double pouvoir » et une intense lutte de classe.
6.1 Paris et les ateliers nationaux[modifier | modifier le wikicode]
Le grand nombre d'ouvriers au chômage au moment de la révolution, et leur rôle dans l'insurrection, obligeait le gouvernement provisoire à faire quelque chose. Dès le 25 février des décrets sur le « droit au travail » sont pris, et le 26, pour le mettre en oeuvre, sont créés les ateliers nationaux. Il s'agit principalement de grands travaux ingrats de type terrassements ou plantations d'arbres, conçus à la va-vite et sans utilité majeure.
Le prolétariat parisien réclamait bien plus. Le 28 février, les ouvriers parisiens du bâtiment manifestent pour réclamer la journée de 10 heures, la fin de la pratique « esclavagiste » du marchandage et la création d'un ministère du Travail. Le 2 mars, un décret accède partiellement à ces demandes. Mais les bourgeois au gouvernement refusent de créer un vrai ministère du Travail. A la place, ils acceptent la création d'une « Commission pour les travailleurs », sans budget ni pouvoir exécutif. Elle se réunit au Palais du Luxembourg et est présidée par Louis Blanc. En acceptant cette mascarade, Louis Blanc apportait une caution « sociale » inoffensive au gouvernement provisoire, aidant à canaliser le mouvement ouvrier dans une impasse.
Louis Blanc était connu pour avoir théorisé l'Organisation du travail dans des ateliers sociaux, sortes de coopératives ouvrières impulsés par l'État. Les dirigeants comme Lamartine entendaient laisser Louis Blanc disserter autant qu'il voulait depuis le Luxembourg sur des ateliers sociaux (sans budget), tandis que les ateliers nationaux étaient mis en place, dans une logique plus proche, elle, des institutions de charité comme celles de l'Ancien régime ou comme les workhouses anglaises. Le gouvernement avait plusieurs motivations : celle de pouvoir fidéliser une masse d'ouvriers pour défendre le régime, et jouer sur la confusion des termes pour que les ateliers nationaux soient vus comme le produit du socialisme de Louis Blanc, afin de détourner sur lui l'hostilité des bourgeois et petit-bourgeois. En effet, de nombreuses diatribes réactionnaires circulaient contre « ces fainéants de prolétaires que des rouges paient à ne rien faire ».
6.2 Ailleurs en France[modifier | modifier le wikicode]
A Lyon, le délégué du gouvernement provisoire, Emmanuel Arago, arrive le 28 février et réussit à convaincre les Voraces d'accepter le gouvernement. Il promet que « la République doit amener tous les progrès et améliorer surtout la classe des travailleurs ». Mais les canuts restent mobilisés et la cohabitation restera tendue jusqu'au 15 juin 1849.
6.3 Elections pour la Constituante[modifier | modifier le wikicode]
Aussitôt après la révolution, le gouvernement provisoire annonce un processus d'Assemblée constituante, pour définir le nouveau régime. Les élections destinées à désigner les membres d'une assemblée constituante sont prévues pour le 9 avril.
Mais avec le suffrage universel masculin, le centre de gravité électoral est désormais sur les paysans (les trois quarts des habitants), qui sont économiquement et idéologiquement dominés par les notables ruraux (les paysans allaient souvent voter en cortège avec leur curé en tête), donc par leurs idées monarchistes ou en tout cas très conservatrices.
Les républicains radicaux en sont conscients, et savent qu'ils doivent faire campagne à la campagne pour diffuser les idées républicaines. Ils ont donc besoin de temps. Une manifestation ouvrière parisienne, le 17 mars, obtient le report des élections au 23 avril. Le 16 avril, une autre manifestation, réclamant un second report, est écrasée par Ledru-Rollin s'appuyant sur la Garde nationale.
6.4 Tournant conservateur suite au 23 avril[modifier | modifier le wikicode]
Les élections du 23 avril donnent une majorité aux modérés du National et à des républicains du lendemain qui les rejoignent. Les républicains « avancés » sont nettement battus. Les nouveaux élus sont presque tous des bourgeois et des nobles. Il n'y a aucun paysan et les ouvriers et artisans ne sont qu'une quinzaine sur 800 élus.
La nouvelle assemblée se réunit le 4 mai. Elle proclame la République et met fin à l'existence du gouvernement provisoire. Elle élit une Commission exécutive de 5 membres dont sont exclus les éléments les plus progressistes, en premier lieu les « socialistes » tels Louis Blanc et Albert. Même Ledru-Rollin, jugé trop radical par la majorité des députés ne doit son maintien qu'à l'insistance de Lamartine qui avertit l’Assemblée que l'évincer serait trop risqué politiquement.
Le 10 mai la Constituante refuse la proposition de Louis Blanc de créer un ministère du Progrès destiné à améliorer le sort des classes populaires. Le 12, elle interdit à des délégations des clubs de présenter leurs pétitions à l'Assemblée (une pratique de pouvoir populaire reprise des sans-culottes). Ledru-Rollin prend position contre les clubs, et joue un rôle dans l'accusation de Blanqui (arrêté le 26 mai).
6.5 La manifestation-insurrection du 15 mai[modifier | modifier le wikicode]
Le 15 mai 1848, une manifestation en faveur des insurgés polonais dégénère en insurrection aventuriste. La réaction en profite pour se débarrasser des chefs républicains radicaux, Blanqui, Raspail, Barbès, Albert, Huber. Louis Blanc est inquiété (accusé, faussement, par Jules Favre d'avoir participé à la manifestation), mais protégé un temps par le président de l'Assemblée Buchez. Le 16 mai, la Commission du Luxembourg est dissoute. La limitation du temps de travail est supprimée.
Les députés s'alarment surtout de la participation des ouvriers des Ateliers nationaux à la manifestation. Mais ils reprennent confiance en constatant que des gardes nationaux de province ont fait mouvement vers Paris pour aider les forces de l'ordre parisiennes. La Constituante profite de cet échec populaire pour remplacer à des postes clés les républicains de la veille. Caussidière est démis de ses fonctions de préfet de police de Paris et remplacé par le banquier Trouvé-Chauvel. Le général De Courtais, qui avait marqué une certaine sympathie pour les insurgés du 15 mai, est emprisonné et remplacé à la tête de la Garde nationale par le général Clément-Thomas.
Buchez, s'étant montré incapable face aux insurgés qui avaient envahi la salle de réunion de l'assemblée, est remplacé par l'ex-procureur rouennais Sénard. Le directeur des Ateliers nationaux Émile Thomas est remplacé.
6.6 Les journées de Juin[modifier | modifier le wikicode]
Le 24 mai, le ministre Trélat demande la dissolution des ateliers nationaux, mais la Commission exécutive temporise. Cependant, les élections complémentaires à l'Assemblée constituante (4-5 juin), conduisent au renforcement du parti conservateur (Thiers et Louis-Napoléon Bonaparte sont élus), même si les démocs-socs progressent aussi un peu (à Paris où sont élus Proudhon et Leroux). Aussi le 21 juin, les conservateurs obtiennent la dissolution effective des ateliers nationaux. Le 23 juin, les premières barricades s'élèvent, les gardes nationaux tirent ; c'est le début de l'insurrection des journées de juin. Le 24 au matin, l'assemblée démet la Commission exécutive, décrète l’état de siège et confie tous les pouvoirs au général Cavaignac qui maintient les ministres à leur poste et prend le commandement des troupes qui écrasent les insurgés parisiens (entre 3000 et 5000 morts).
Cette répression, qui a été dirigée par les représentants (bourgeois) du "peuple", élus au suffrage universel, a été le marqueur de la rupture entre mouvement ouvrier et mouvement bourgeois-républicain. La petite-bourgeoisie avait également lâché le prolétariat dès avant les journées de juin. Flocon par exemple soutient la répression. C'est pourquoi Marx considérait dans Les luttes de classes en France que la révolution de 1848 a été une défaite, mais en même temps une condition nécessaire à l'émergence de la conscience de classe.
7 Fin de la République[modifier | modifier le wikicode]
Après les journées de juin, le centre de gravité de la République continue inexorablement à évoluer vers la droite.
Le 22 août 1848, l'Assemblée rejetait les concordats à l'amiable, un allègement de dette pour les petits commerçants et artisans endettés. La bourgeoisie se met donc à dos la petite-bourgeoisie. La réforme de l'impôt sur les boissons, qui touchait beaucoup les viticulteurs, mit aussi davantage en colère la paysannerie.
Ce mécontentement se traduisit par un rejet des républicains modérés, et la montée de la gauche radicale (Montagne) et du populisme bonapartiste (dans la paysannerie, mais aussi dans la classe ouvrière). Aux élections présidentielles de décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte est élu président (75%). Aux élections de mai 1849, la Montagne passe devant les républicains modérés qui s'effondrent. Mais la montée du parti de l'ordre est encore plus forte. Les leaders de la Montagne tentent une dernière insurrection le 13 juin 1849. Mais ils ont perdu le lien avec les ouvriers parisiens qu'ils avaient eux-mêmes réprimés et sont isolés. En mai 1850, une loi restreint le suffrage universel, en le rendant quasiment hors de portée des ouvriers.
Après avoir perdu toute base populaire, la IIe République était devenue très instable. C'est ce qui a permis au futur Napoléon III de se présenter en homme providentiel, et de faire son coup d'État du 2 décembre 1851. Engels ironisera sur la démocratie bourgeoise qui était déjà dans les faits abolie pour les prolétaires :
« La loi électorale ? Mais elle leur avait déjà été enlevée par la loi de mai 1850. La liberté de réunion ? Les classes les plus "sûres" et les "mieux intentionnées" de la société étaient les seules à en jouir depuis longtemps déjà. La liberté de la presse ? Eh bien, la presse véritablement prolétarienne avait été étouffée dans le sang des insurgés au cours de la grande bataille de juin. »[7]
8 Chronologie[modifier | modifier le wikicode]
- Février
- 24 : Révolution à Paris. Abdication de Louis-Philippe Ier. Formation du gouvernement provisoire.
- 25 : Lamartine s'oppose à l'adoption du drapeau rouge. Création de la Garde nationale mobile. Décrets sur le droit au travail et sur la création d'associations ouvrières.
- 26 : Création des Ateliers nationaux. Abolition de la peine de mort en matière politique.
- 28 : À Paris, manifestation des ouvriers du bâtiment et des travaux publics place de l'Hôtel de Ville pour réclamer un ministère du Travail et la journée de 10 heures. Création de la Commission du gouvernement pour les travailleurs présidée par Louis Blanc, qui met en œuvre les ateliers sociaux.
- 29 : suppression des droits d'octroi et de la gabelle (impôt sur le sel).
- Mars
- 2 : abolition du système du marchandage pour les embauches. Diminution d'une heure de la journée de travail.
- 4 : création de la commission chargée de mettre en œuvre l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. Le gouvernement décide de ne pas intervenir en faveur des peuples européens révoltés contre leurs gouvernements.
- 5 : le suffrage universel masculin direct est décrété. Convocation d'une assemblée constituante et élections fixées au . Le cours forcé du billet de banque est décrété pour éviter la disparition de l'encaisse-or de la Banque de France.
- 7 : réouverture de la bourse de Paris (fermée depuis le )
- 8 : la Garde nationale est ouverte à tous les citoyens. Création d'une École d'administration pour former les fonctionnaires.
- 9 : abolition de la prison pour dettes.
- 12 : abolition des châtiments corporels en matière pénale.
- 13- : révolution à Berlin.
- 16 : pour renflouer les caisses de l'État, Garnier-Pagès institue l'impôt des 45 centimes qui mécontente le monde rural.
- 17 : manifestation ouvrière à Paris pour obtenir le report de l'élection de l'Assemblée constituante. Élections reportées au .
- 21 : À Bordeaux, révolte contre les envoyés du gouvernement provisoire.
- 23 : création du Comité central des Ouvriers du département de la Seine délégués au Luxembourg.
- 30 : échec de l'expédition de la légion belge en Belgique.
- Avril
- 3 : révolte à Valence contre les envoyés du gouvernement provisoire (idem le 14). Échec de la Légion des Voraces lyonnais pour soulever la Savoie.
- 5 : révolte à Besançon contre les envoyés du gouvernement provisoire.
- 16 : échec de la manifestation parisienne pour obtenir un nouveau report de l'élection de l'Assemblée constituante.
- 23 : succès des modérés aux élections à l'Assemblée nationale.
- 27-28 : combats de rue à Rouen entre les partisans de la liste républicaine démocrate battue et ceux de la liste bourgeoise élue.
- 27 : abolition de l'esclavage dans les colonies françaises.
- 29 : Cavaignac nommé gouverneur de l'Algérie.
- Mai
- 4 : réunion de l'Assemblée nationale. Proclamation solennelle de la République.
- 6 : Élection par l'Assemblée d'un nouveau gouvernement : la Commission exécutive (avec l'élimination du socialiste Louis Blanc et de l'ouvrier Albert).
9 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
Sources primaires
- Abbé James (pseudonyme de Henri Dujardin), Histoire prophétique, philosophique, complète et populaire de la Révolution de , ou de la liberté reconquise, Paris, P.-J. Camus, 1848.
- Daniel Stern (Marie d'Agoult), Histoire de la Révolution de 1848, Paris, Charpentier, (Wikisource)
- Alexis de Tocqueville, Souvenirs, Calmann Lévy, (Wikisource)
- Auguste-Jean-Marie Vermorel, Les Hommes de 1848, 1869, disponible sur Gallica, texte intégral.
- Victor Hugo évoque longuement cette révolution dans ses Choses vues.
- Gustave Flaubert évoque la révolution dans L'éducation sentimentale.
Analyses
- Karl Marx, Les Luttes de classes en France (1850) et Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852)
- Michaël Löwy, Karl Marx, Friedrich Engels et les révolutions de 1848, 2010
- Histony, 1848, une révolution ratée ?, 2016
Références
- ↑ La Nouvelle République, Retour sur les émeutes de la faim de 1847, 2017
- ↑ Francis Démier, La France du XIXe siècle, 1814-1914, éditions Points, collection Histoire, 2000, page 214
- ↑ Alfred Colling, La Prodigieuse Histoire de la Bourse, 1949, p. 239-245.
- ↑ Daniel Stern (Marie d'Agoult), Histoire de la Révolution de 1848, Paris, Charpentier, 1862, chap. 9
- ↑ « Musée d'Orsay: Des Trois Glorieuses à la Troisième République », sur musee-orsay.fr
- ↑ Michelle Zancarini-Fournel, Les Luttes et les Rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours., Paris, La Découverte, 2016, 995 p. (ISBN 978-2-35522-088-3), p. 292
- ↑ Friedrich Engels, Notes to the People, 21 février 1852