Démocratie

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Une démocratie est, selon sa définition historique, le gouvernement du peuple par le peuple. Mais dans des sociétés de classe, le "peuple" est divisé en classes sociales, donc la démocratie recouvre des intérêts contradictoires. C'est pourquoi les marxistes révolutionnaires distinguent bien la démocratie bourgeoise de la démocratie socialiste. La démocratie qui a pu exister dans certaines circonstances dans le monde antique reposait sur une classe d'esclaves.

1 Démocratie dans le monde antique[modifier | modifier le wikicode]

Discours de Périclès devant l'Ecclésia

Dans les cités grecques de l'Antiquité, les luttes de classes ont conduit à des situations politiques instables, et en réponse le pouvoir politique tendait à être plus partagé entre hommes libres (excluant les femmes et les esclaves).

En particulier, à Athènes, il y eut une forme de « démocratie » de -508 à -322.

2 Démocratie bourgeoise[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Démocratie et luttes de classe[modifier | modifier le wikicode]

Le mouvement démocratique a originellement reposé sur les bourgeois, et des nobles progressistes, luttant contre les régimes féodaux et absolutistes. Il s'agissait par exemple de la lutte pour les libertés des cités, pour les droits des Etats_généraux, pour le contrôle sur les dépenses de l’État... Jusqu'aux révolutions bourgeoises.

Le mouvement ouvrier a historiquement défendu la démocratisation, d'abord avec la bourgeoisie, mais aussi souvent contre elle. A mesure que le capitalisme se développait, la démocratie bourgeoise tendait à devenir le régime "normal" dans les premiers pays capitalistes (pays impérialistes), mais la lutte de la classe ouvrière se développait aussi. Cela a conduit à un divorce dans le "mouvement démocratique" entre bourgeois et prolétaires. Par exemple lors de la révolution de 1848 : insurrection commune des ouvriers et des bourgeois pour "la République", puis répression par les républicains bourgeois des ouvriers parisiens qui réclamaient "la République sociale".

En dehors des périodes révolutionnaires, la forme de domination de la bourgeoisie est la démocratie. Mais en cas de durcissement de la lutte de classe, l'autoritarisme du régime peut se durcir (régime bonapartiste). Le développement de cette lutte, lorsqu'elle franchit un saut qualitatif, peut mener jusqu'au fascisme.

C'est pourquoi, pour les communistes révolutionnaires :

  • il faut lutter contre les illusions dans la "démocratie bourgeoise" au sein du mouvement ouvrier, et militer pour son dépassement par la révolution et la démocratie ouvrière
  • il faut lutter pour préserver les libertés démocratiques au sein du capitalisme, car ces libertés facilitent l'organisation, la lutte de classe, le débat d'idées au sein des militant-e-s

Les revendications démocratiques qui peuvent être mises en avant selon les circonstances sont par exemple :

  • suppression du sénat (assemblée moins démocratique que l'assemblée nationale)
  • instauration de l'élection à la proportionnelle
  • défense d'un régime parlementaire face aux régimes présidentiels

Selon le schéma historique des marxistes, la révolution bourgeoise devait dans un premier temps survenir, ouvrir la voie à une période de développement du capitalisme, créant les conditions d'une révolution socialiste. Au cours du 19e siècle et particulièrement lors de la révolution russe de 1917, un débat a agité les marxistes sur le rôle du mouvement ouvrier. Le mouvement ouvrier était déjà fort (bien que plus faible qu'en Europe de l'Ouest) et le mouvement démocratique bourgeois était trop faible et hésitant pour être autonome. Cela a conduit notamment à la scission entre menchéviks (voulant se limiter à un soutien aux démocrates bourgeois) et bolchéviks (prônant un rôle moteur du prolétariat). Face au test de la période révolutionnaire, ce clivage s'est avéré être celui entre réformistes et révolutionnaires. Mais la question du type de gouvernement révolutionnaire à viser n'était pas consensuelle parmi les révolutionnaires. « Gouvernement ouvrier et paysan » (Lénine) ? « Dictature du prolétariat appuyée sur la paysannerie » (Trotski) ?

L'Internationale communiste dans ses premières années débattait beaucoup de la stratégie et des tactiques à suivre pour réussir des révolutions dans d'autres pays "sous-développés" (n'ayant pas une classe ouvrière nombreuse comme en occident). Il était alors analysé que ces pays "arriérés" (d'un point de vue économique et politique : "pas encore démocratiques") étaient aussi des pays dominés par l'impérialisme des pays "avancés". Suivant l'audace bolchévique, le prolétariat devait jouer un rôle moteur et le plus indépendant possible, mais les conceptions étaient plutôt empiriques. La notion de "front unique anti-impérialiste" a été développée à cette époque par analogie avec le front unique ouvrier. Ce type de front devait servir à partir de la lutte nationale anti-féodale et anti-impérialiste pour la développer, avec ou sans la bourgeoisie (car celle-ci est faible et hésitante dans ces pays). La notion de révolution permanente (présente chez Marx) est généralisée par Trotski à ce cas de figure.

La revendication d'une assemblée constituante a souvent fait partie des revendications des partis révolutionnaires dans les pays dominés, particulièrement lors des périodes de rupture révolutionnaire avec un régime dictatorial / monarchiste.[1]

2.2 État des lieux actuel[modifier | modifier le wikicode]

Aujourd'hui, l'Arabie saoudite est quasiment le seul pays à assumer d'être une monarchie absolue. Presque tous les États du monde se prétendent démocratiques, mais c'est loin d'être le cas, même du point de vue de la démocratie bourgeoise. Déjà certains de ces pays assument un régime de parti unique, comme la Chine, le Turkménistan, le Vietnam, ou Cuba. Mais plus nombreux sont les régimes qui ne l'assument pas mais qui tolèrent seulement une opposition inoffensive (la Russie, la République démocratique du Congo...).

3 Démocratie ouvrière[modifier | modifier le wikicode]

🔍 Voir : Démocratie ouvrière.
Réunion du Soviet de Petrograd, 22 octobre 1917

La démocratie sous le capitalisme est une démocratie tronquée, une démocratie qui ne profite qu'aux plus riches. C'est pourquoi le mouvement socialiste revendique une démocratie réelle.

Pour les socialistes marxistes, il s'agit d'une « démocratie ouvrière », dans le sens où elle donnerait réellement le pouvoir à la classe majoritaire. Même s'il y a des débats sur des mesures fortes à prendre en situation révolutionnaire, cette nouvelle démocratie doit être supérieure en terme de droits, par rapport à la démocratie bourgeoise et à toute forme de démocratie antérieure, car elle permet pour la première fois dans l'histoire le pouvoir effectif d'une classe majoritaire. La démocratie ouvrière doit devenir simplement une démocratie de citoyen-ne-s égaux/ales à mesure que la division en classes sociales disparaît (phase supérieure du communisme).

Les formes concrètes de la démocratie ouvrière sont l'objet de nombreux débats dans le courant socialiste, selon les courants (réformistes, anarchistes, léninistes, luxemburgistes...). Il est certain que le grave problème de la bureaucratisation de la révolution d'Octobre facilite le discours dominant qui présente la démocratie bourgeoise comme la seule désirable.

4 Révolution et démocratie[modifier | modifier le wikicode]

Les révolutions sont des moments d'intense participation des masses à la politique (même les révolutions qui portent finalement au pouvoir une nouvelle classe dominante). De ce point de vue, elles sont des moments beaucoup plus démocratiques que la vie politique "normale" dans les sociétés de classe.

Et pourtant les révolutions sont des moments où les règles démocratiques formelles sont très souvent bafouées. Il y a nécessairement une rupture avec d'anciennes institutions que les masses ne reconnaissent et ne supportent plus. Il y a nécessairement une initiative prise en un point donné (souvent central), qui entraîne le reste des masses derrière lui (parfois unanimement, mais souvent avec une guerre civile à la clé). Par exemple au sujet de la Révolution de Février 1917, Trotski écrivait :

« Le renversement du pouvoir eut lieu sur l'initiative et par les forces d'une cité [Pétrograd] qui constituait à peu près la soixante-quinzième partie de la population du pays. Si l'on veut, on peut dire que le plus grand des actes démocratiques fut accompli d'une façon non démocratique. Le pays tout entier se trouva placé devant le fait accompli. Si l'on avait en perspective une Assemblée constituante, cette circonstance ne changeait rien à rien, car les délais et les modalités de la convocation d'une représentation nationale devaient être déterminés par des organes qui émanaient de la victorieuse insurrection de Pétrograd. Cela jette une lumière crue sur la question de la fonction des formes démocratiques en général, et, en particulier, en période révolutionnaire. Au fétichisme juridique de la " volonté populaire " les révolutions ont constamment infligé de rudes coups, d'autant plus implacables, qu'elles étaient plus profondes, plus hardies, plus démocratiques.  »[2]

Le gouvernement provisoire issu de Février gouvernait avant d'avoir convoqué une Assemblée constituante (s'appuyant sur la légitimité implicite des partis majoritaires), et lorsque les bolchéviks sont devenus majoritaires, ils ont dissout la Constituante, s'appuyant sur la légitimité d'organes de démocratie ouvrière, les soviets.

Les principes de la justice, notamment les libertés individuelles, sont également souvent bafoués et des excès sont inévitablement commis lorsque des foules opprimées se lèvent et rendent justice elles-mêmes.

Pour le succès d'une révolution socialiste, la direction de la révolution doit revenir à la classe ouvrière, qui doit donc avoir un haut niveau d'auto-organisation et de contrôle sur ses délégué·es. Mais la nécessité de mesures d'exception a toujours été admise par les communistes (ce que Marx appelait la « dictature du prolétariat »). Face aux anarchistes, qui se disaient socialistes anti-autoritaires, Engels ironisait :

« Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, c'est l'acte par lequel une fraction de la population impose sa volonté à l'autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s'il en est ; et le parti victorieux, s'il ne veut pas avoir combattu en vain, doit continuer à dominer avec la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires.  »[3]

5 Modalités de la démocratie[modifier | modifier le wikicode]

Revendiquer la démocratie est une chose, mais cela ne résout pas automatiquement toute une série de débats sur les modalités concrètes des institutions démocratiques.

5.1 Démocratie représentative et démocratie directe[modifier | modifier le wikicode]

Landsgemeinde, vote à main levée, en Suisse (2009)

Les régimes démocratiques actuels, à l'échelle des pays, sont des démocraties représentatives, c'est-à-dire que le pouvoir est exercé par des représentants du peuple, contrairement à une démocratie directe.

C'est d'une certaine façon inévitable, car il est difficilement imaginable de mettre d'accord des millions de citoyen·nes sur des questions politiques qui ont un impact global en se contentant de systèmes de démocratie locale et directe.

Le problème de la démocratie bourgeoise n'est donc pas en soi qu'elle est une démocratie représentative, mais que les prétendus « représentants du peuple » représentent surtout leur classe privilégiée. Ce n'est pas le fait qu'un·e député s'éloigne géographiquement de sa circonscription pour aller à l'Assemblée qui pose problème, mais surtout le fait qu'il ou elle s'éloigne socialement (presque toujours, il ou elle était déjà d'une classe supérieure à celle de ses électeurs). Dans un cadre socialiste, il est possible d'imaginer une démocratie représentative sans les problèmes actuels de coupure entre représentant·es et représenté·es.

Cependant il est clair que dans la période de transition révolutionnaire, les classes sociales existent encore, et donc avec elles l'ensemble des mécanismes évoqués ci-dessus qui menacent de concentrer le pouvoir dans une couche privilégiée qui pourrait finir par se détourner de l'objectif socialiste. Il est donc salutaire de faire redescendre autant que possible les questions qui peuvent être décidées localement vers des organes de décision au plus près des populations (principe de subsidiarité).

Par ailleurs, un des lieux les moins démocratiques est actuellement celui où nous passons la plupart de notre temps, le lieu de travail. Un des buts centraux de la révolution socialiste est d'y instaurer une démocratie ouvrière, que l'on peut appeler autogestion ou gestion collégiale. L'organisation concrète du travail pourrait être largement décidée par le collectif des travailleur·ses, à la place de la hiérarchie patronale. Ce serait une forme de démocratie directe dans laquelle la population serait impliquée en masse.

5.2 Proportionnelle et principe majoritaire[modifier | modifier le wikicode]

Le « principe majoritaire » est le principe selon lequel le courant politique arrivé majoritaire est surreprésenté dans les organes élus, pour pouvoir mettre en place sereinement la politique majoritaire.

A l'inverse les élections à la proportionnelle (l'organe élu est composé proportionnellement aux résultats) favorisent les minorités et leur donnent potentiellement une plus forte capacité de blocage (faire basculer des votes serrés, occuper des postes à responsabilités tout en ne collaborant pas avec la majorité...).

Généralement, face aux institutions bourgeoises, le mouvement ouvrier défend les élections à la proportionnelle comme plus démocratiques. Cependant, au sein des partis et syndicats ouvriers, le principe majoritaire est souvent appliqué.

🔍 Voir sur Wikipédia : Scrutin proportionnel et Scrutin majoritaire.

En 1981, le passage à la proportionnelle pour les législatives faisait partie des promesses de campagne de Mitterrand. Il ne fait rien pendant plusieurs années, puis, devant la chute de sa popularité en raison de son tournant de la rigueur, il instaure la proportionnelle en 1986 de façon manœuvrière, pour diviser la droite avec le FN et ainsi limiter sa défaite. Cela permet au parti de Le Pen (qui n'était pas encore présent à l'Assemblée), d'obtenir soudain 35 députés.[4]

5.3 Représentation régionale ou politique[modifier | modifier le wikicode]

Les organes de représentation démocratiques doivent-ils être basés sur des régions (comme les circonscriptions des parlements bourgeois) ou sur des plateformes politiques qui nomment en leur sein les membres ?

Kautsky soutenait que contrairement aux députés dans les parlements médiévaux, les députés dans le parlementarisme moderne ne représentaient plus les intérêts particuliers d'une région, mais avant tout des intérêts politiques nationaux.[5]

5.4 Isoloir et vote à main levée[modifier | modifier le wikicode]

Il est certain que le vote à main levée fait peser sur l'individu une pression du groupe, à travers les regards, les réactions possibles... Dans l'idéologie bourgeoise libérale, il s'agit de réduire au minimum ce phénomène par l'isoloir, l'individu étant censé voter le plus librement possible, « en son âme et conscience ». Mais cette idéologie passe sous silence le fait que l'individu est constamment soumis à des influences (médiatiques, politiques, patronales...) qui justifient l'ordre capitaliste. C'est pourquoi le vote à main levée est souvent pensé comme un outil important de la démocratie socialiste.

5.5 Délibération[modifier | modifier le wikicode]

On parle de démocratie délibérative lorsque l'accent est mis sur la discussion entre citoyen·nes pour aboutir à des décisions. De nombreux penseurs ont ainsi souligné que la réunion et l'échange d'arguments permet de rendre les décisions plus rationnelles. Cela s'appuie notamment sur le fait que la confrontations de points de vue contradictoires permet de faire émerger dialectiquement des visions plus proches de la vérité.

C'est une des raisons qui font que les communistes valorisent un mode de démocratie reposant sur des conseils ouvriers.

C'est la même raison qui pousse certains penseurs progressistes au sein du libéralisme politique à proposer d'instaurer des temps de délibération avant les élections.[6][7]

Depuis les années 2000, il y a eu un regain d'intérêt pour la délibération et les travaux de psychologie sociale sur la dynamique des groupes. Il en ressort que la délibération peut avoir des effets plus ou moins positifs selon les contextes :[8]

  • Elle est peu efficace dans des groupes de plus d'une dizaine de personnes.
  • Des personnes délibérant devant un public ont plus tendance à camper sur leurs positions et à préférer la démagogie à la rigueur argumentative. Mais les résultats d'une délibération tenue en huis clos inspirent moins confiance à ceux qui n'y ont pas assisté.
  • Sur internet, les arguments (disponibles plus facilement) sont parfois plus développés, mais la qualité n'est pas forcément meilleure.

Lors des primaires présidentielles aux États-Unis, quelques États comme l'Iowa organisent des caucus, réunissant les électeur·ices pour débattre des programmes avant de faire leur choix.

6 Exemples de luttes revendiquant la démocratie[modifier | modifier le wikicode]

7 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. João Alfredo Luna, Révolution permanente et front unique anti-impérialiste, 2010
  2. Léon Trotski, Histoire de la révolution russe - 8. Qui dirigea l’insurrection de Février?, 1930
  3. F. Engels, De l'autorité, Décembre 1873
  4. Le Temps, Du Front au Rassemblement national, jalons d'un parti sulfureux, 2022
  5. Karl Kautsky, The Labour Revolution, June 1922
  6. Bruce Ackerman et James S. Fishkin, Éveiller la raison publique, pour une journée de la délibération, 2024
  7. Politikon, Comment faire pour que les gens votent mieux ?, 25 août 2024
  8. Julien Talpin, « Qualité de la délibération », in I. Casillo, R. Barbier, L. Blondiaux, F. Chateauraynaud, J.-M. Fourniau, R. Lefebvre, C. Neveu, & D. Salles (Éds.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la Participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation, 2013