Opposition de gauche
L'Opposition de gauche est le nom donné à la tendance du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), entre 1923 et 1927, dirigée par Léon Trotski, et d'anciens membres de l'Opposition ouvrière. Cette tendance se forma lors des luttes de pouvoir émergeant entre factions rivales au moment où Lénine, qui meurt en janvier 1924, était malade. Elle développa une critique de la bureaucratisation du régime, et fut finalement brutalement réprimée. Elle donnera naissance à la Quatrième internationale.
1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
Depuis l'échec de l'Armée Rouge en Pologne, la révolution reculait sur tous les fronts. En octobre 1922, Mussolini formait le premier ministère fasciste. En septembre 1923, c'était en Espagne le coup d'État de Primo de Rivera. En octobre 1923, l'échec de la révolution allemande accentue les tendances au repli parmi les dirigeants communistes. Dès 1921 la NEP représentait toute une série de concessions faites aux éléments de la ville et de la campagne. La fin de la guerre civile trouva le pays épuisé à un tel point, l'économie si délabrée, qu'il fallut bien en passer par là et renoncer au communisme de guerre.
Le Parti Bolchevik était parfaitement conscient qu'il s'agissait d'un recul, il n'essaya pas de le cacher. Et, pour éviter que la pression de la petite bourgeoisie qui allait immanquablement renaître de la NEP ne se manifeste trop facilement dans le seul parti dirigeant, le Xe congrès supprima le droit de fraction. Mais cette mesure se révéla parfaitement inefficace, elle se retourna même finalement contre les révolutionnaires, car ce ne fut pas à la périphérie du parti mais en son centre, dans son appareil, que se manifesta l'influence petite-bourgeoise.
Trotski avait une grande influence dans les masses russes, dès 1905 lorsqu'il était président du Soviet de Petersbourg, en 1917 où il de fait le principal dirigeant de l'insurrection d'Octobre, et pendant la guerre civile, où il dirige l'Armée rouge. Tout le monde le reconnaissait comme un brillant orateur et intellectuel. Les masses russes comme les observateurs de tout bord parlaient alors « du parti de Lénine et Trotski ». Ces deux noms étaient souvent cités ensemble dans les articles, les poèmes, les tchastouchki... Même si Trotski n'avait rejoint le parti bolchévik qu'en août 1917, il avait le soutien de Lénine avec qui il était le plus souvent sur la même ligne en cette période. Cela suscita néanmoins des jalousies qui devaient contribuer à ce que les vieux bolchéviks se liguent contre lui.
2 Historique[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Manoeuvres contre Trotski[modifier | modifier le wikicode]
Durant l'année 1923, Lénine est très malade, souvent paralysé, et écarté de fait de la politique soviétique. Staline lui rend souvent visite, mais Lénine prit progressivement conscience de sa « brutalité », et chercha à le faire écarter du poste de Secrétaire général juste avant de mourir, comme le montre son Testament. Lénine tente de mener quelques dernières batailles politiques en lien avec Trotski :
- Lorsqu'il apprend la politique menée par Staline et Ordjonikidzé en Géorgie, Lénine tente de dénoncer leur « chauvinisme grand-russe », et d'afficher son soutien aux communistes géorgiens.
- Lorsqu'il apprend que le Comité central veut mettre fin au monopole du commerce extérieur, Lénine fait connaître son vif soutien à Trotski, qui s'y oppose.
- Lénine pense nécessaire de lutter contre le « bureaucratisme » de l'Etat, et fait pour cela confiance au Parti, comme Trotski.
Pendant toute cette période, les autres dirigeants du parti s'allient en secret contre Trotski. Un bureau politique secret (la Sémiorka, le « petit sept ») fut créé, regroupant tous les membres du bureau politique sauf Trotski, plus Kouïbychev. (Zinoviev et Kamenev l'avouèrent à Trotski plus tard). La Sémiorka se mettait d'accord sur tous les points au préalable, ses membres s'engageaient à ne pas polémiquer entre eux. La Sémiorka communiquait avec des organes équivalents à d'autres échelons du parti, avec des correspondances utilisant des chiffres particuliers. Elle s'arrangeait pour placer dans le parti et dans l'État des hommes dociles et hostiles à Trotski. Tant que Lénine restait en vie, tout ceci se fit dans le secret total.
A ce moment-là, Staline est très peu connu en dehors des sphères dirigeantes du parti. Zinoviev, qui dirige l'Internationale, est probablement le bolchévik le plus influent après Trotski. Dans les premières semaines de 1923, alors que le XIIe congrès approchait, le Politburo se demanda qui ferait le rapport d'introduction à la place de Lénine. Staline dit aussitôt : « Bien entendu, Trotski ! » Mais Trotski proposa plutôt de ne pas faire de rapport cette fois. Finalement ce fut Zinoviev.
Depuis Octobre il était d'usage, dans d'innombrables assemblées, d'élire Lénine et Trotski membres honoraires du bureau. Les apparatchiks du parti manoeuvrèrent progressivement. On commença par inscrire tous les membres du Politburo (l'argument de la lutte contre le culte des leaders fut même utilisé...). Ensuite, on établit les listes dans l'ordre alphabétique, puis, en commençant par Petrograd (son fief) on mit Zinoviev en tête de liste. Et quelque temps après, les membres d'honneur des presidiums ne comptaient plus Trotski parmi eux. Lorsque l'on protestait encore, au début, on prétextait un oubli...
2.2 Naissance de l'Opposition de gauche[modifier | modifier le wikicode]
Le 8 octobre 1923, Trotski envoie une lettre au Comité central et à la Commission centrale de contrôle qui dénonce le manque de démocratie interne :
« Aux pires moments du communisme de guerre, le système de nomination au sein du parti n'atteignait pas le dixième de ce qu'il est maintenant. La nomination des secrétaires des comités provinciaux est maintenant la règle. Cela crée pour le secrétaire un poste essentiellement indépendant de l'organisation locale. [...] La bureaucratisation de l'appareil du parti s'est développée dans des proportions inouïes au moyen de la méthode de sélection des secrétariats. On a créé une très large couche de travailleurs du parti, entrant dans l'appareil du gouvernement du parti, qui renoncent totalement à leur propre opinion de parti, au moins l'expression ouverte, faisant comme si la hiérarchie du secrétariat était l'appareil qui crée l'opinion et les décisions du parti. Sous cette strate, s'abstenant de leurs propres opinions, se trouve la grande masse du parti, devant qui chaque décision prend la forme d'une injonction ou d'un commandement. »[1]
Les partisans de Trotski promeuvent aussi l'industrialisation rapide du pays pour le sortir de la misère et redonner courage aux masses. Trotski n'a au début pas réellement pris conscience du danger preprésenté par Staline. Le clivage « droite-gauche » sur les questions économiques primait à ses yeux, ce qui plaçait Staline au centre et Boukharine à droite. Jusqu'en 1926 il cherche avant tout à défendre les idées propres à l'Opposition de gauche (sur l'économie, l'internationale...), et ne cherche pas vraiment à nouer d'alliance avec d'autres secteurs. Souvent absent ou malade pendant cette période clé, mauvais tacticien selon certains, Trotski ne parvient pas à avoir dans les sphères dirigeantes du parti une influence comparable à celle qu'il a dans la base.
La semaine suivante est envoyée au Politburo une déclaration de 46 dirigeants bolchéviks allant dans le même sens. Elle dénonce prudemment « le régime de dictature fractionnelle à l'intérieur du parti qui s'est objectivement formé après le Xe congrès ».
2.3 La Troïka contre Trotski[modifier | modifier le wikicode]
A ce moment-là, Zinoviev et Kamenev font bloc avec Staline (« la troïka »). Staline se méfiait extrêmement de Trotski en qui il voyait le principal risque pour sa domination. Staline et Zinoviev font d’abord condamner, fin octobre, la démarche de Trotski et des 46 comme fractionnelle, puis, par un apparent revirement, font décider l’ouverture d’une discussion publique. Le 5 décembre, après une âpre discussion, le bureau politique adopte un texte affirmant, avec mille circonlocutions, la nécessité de démocratiser la vie du parti.
Le 8 décembre, Trotski, refusant de se laisser ligoter par un accord dont il sent le caractère trompeur, rédige un long article, intitulé Cours nouveau, que Boukharine, rédacteur en chef de la Pravda, bloque deux jours, puis publie le 11. Il y dénonce le danger d’une dégénérescence de la vieille garde bolchevique à l’image de celle de la social-démocratie. Il centre son attention sur l’appareil d’État, « source la plus importante du bureaucratisme », en refusant de réduire le problème à « l’ensemble des mauvaises habitudes des employés de bureau » (comme le faisaient jusque là les bolchéviks, Lénine le premier). En termes de causes, Trotski évoque le manque de culture des masses, et la nature particulière de l’État russe en raison de l’alliance avec une classe non prolétarienne (paysannerie).
Les triumvirs (l’alliance Staline-Zinoviev-Kamenev) multiplient les mesures disciplinaires, démettent 15 responsables du comité central des Jeunesses et y obtiennent ainsi la majorité, révoquent Antonov-Ovseenko, responsable de l’administration politique de l’Armée rouge. Staline, dans la Pravda du 15 décembre, qualifie les opposants de « bureaucrates ». Ce même 15 décembre, Zinoviev dit dans une réunion du parti à Pétrograd : « L'autorité du camarade Trotski est connue de tous, de même que nous connaissons ses mérites. Dans notre milieu, on peut ne pas s'étendre là-dessus. Cependant, les fautes sont des fautes. Lorsqu'il m'est arrivé de me tromper, le parti m'a secoué assez sérieusement... »
Le 16 janvier 1924, Staline réunit une conférence nationale, dont le secrétariat a pour la première fois désigné lui-même les participants. L’Opposition de gauche n’y recueille donc que trois voix (Trotski lui-même a été envoyé soigner deux mois dans le Caucase). Sans suprise, la résolution finale de la conférence affirme que l’Opposition, « reflétant objectivement la pression de la petite-bourgeoisie (...), a abandonné le léninisme », exprime une « déviation petite-bourgeoise » et doit être condamnée pour avoir « lancé le mot d’ordre de destruction de l’appareil du parti ».
A partir de décembre 1924, Staline lance la thèse du "socialisme dans un seul pays", affirmant la possibilité de bâtir le socialisme en URSS, malgré la défaite de la révolution mondiale. L'Opposition de gauche dénonce ce tournant révisionniste et rappelle que l'enfermement dans un pays économiquement arriéré ne peut conduire qu'à la démoralisation ouvrière, comme l'ont toujours pensé les marxistes révolutionnaires. Mais Staline, aidé en grande par Zinoviev, dénonce au contraire la « théorie de la révolution permanente » comme une déviation de Trotski. Sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, ils vont ressortir des vieilles polémiques entre Lénine et Trotski pour construire un « léninisme » opposé à un « trotskisme ». Trotski va aussi être accusé d'avoir « sous estimé la paysannerie » (Kamenev lui avouera plus tard que personne ne croyait sérieusement à cette manoeuvre).
2.4 L'Opposition unifiée[modifier | modifier le wikicode]
La montée de la Révolution chinoise à partir de 1925 redonne du souffle à l'Opposition, qui condamne fermement la poltique suicidaire de l'Internationale communiste.
L'intense activité révolutionnaire du prolétariat chinois redonnent alors espoir et énergie combative à certains travailleurs en URSS, et poussent vers la gauche de nombreux bolchéviks.
En 1926, Zinoviev et Kamenev forment une alliance avec Trotski, que l'on appellera l'Opposition unifiée. Ce regroupement recevait de nombreuses marques de sympathie, des soutiens nouveaux, dans les usines, les quartiers ouvriers.
Dans l'Opposition de gauche, certains sont très réticents au rapprochement avec Zinoviev et Kamenev. Une petite minorité juge même possible de faire bloc avec Staline contre Zinoviev et Kamenev. Mratchkovsky se prononça contre tout bloc avec qui que ce soit, avertissant : «Staline trompera, Zinoviev se dérobera.» Mais Zinoviev et Kaménev se trouvèrent forcés de reprendre, l'un après l'autre, les arguments critiques de l'opposition et furent bientôt relégués au camp des «trotskystes». Ils reconnurent bientôt ouvertement que les «trotskystes» avaient eu raison depuis 1923.[2]
Malgré la censure dont étaient victimes les idées de l'Opposition, malgré la mise à l'écart de ses dirigeants (Trotski, Zinoviev et Kamenev avaient été évincés du Bureau politique par Staline, fin 1926), malgré les bandes de voyous staliniens cherchant à disperser leurs réunions, les dirigeants de l'Opposition rassemblaient parfois des milliers d'auditeurs.
En septembre 1926, l'Opposition unifiée décide de solliciter l'appui des groupes de base dans les provinces. Cela semble alors une arme de poids : Kamenev est le dirigeant des instances de Moscou, Zinoviev dirige Petrograd. Mais il apparaît bien vite que le lien avec les ouvriers des deux capitales est distendu, et qu'après des années de démoralisation et de substitutisme, il ne suffit plus de quelques discours à ces leaders qui étaient habitués à se faire ovationner pendant la révolution.
Pourtant encore, le 17 octobre, lors d'une manifestation officielle à Léningrad, Trotski et Zinoviev, bien qu'écartés de la tribune, avaient été ovationnés par une foule d'ouvriers. La semaine suivante, Staline les fit exclure du Comité central.
2.5 Reflux et répressions[modifier | modifier le wikicode]
Le mouvement ouvrier chinois subit un revers majeur avec le massacre de Shanghai en avril 1927. Théoriquement, cela validait les critiques de Trotski de l'étapisme stalinien, mais en pratique, l'effet dominant fut de miner le camp contestataire en URSS.
A l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, et du XVe congrès du parti qui devait suivre, les dirigeants de l'Opposition étaient bien décidés à se faire entendre, à dénoncer devant le parti la trahison de la révolution chinoise. Craignant l'écho que pourraient avoir dans le parti et l'Internationale les critiques de Trotski, Staline fit tout pour museler l'Opposition. Prenant prétexte qu'elle avait manifesté à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, Staline fit exclure Trotski et Zinoviev du parti. Il fit arrêter plusieurs oppositionnels en vue, il interdit que l'on publiât la plate-forme de l'Opposition pour le congrès. Dans le même temps, pour faire croire que, quoi qu'en dise l'Opposition, le prolétariat chinois n'était pas vaincu, le Komintern stalinien lança le PCC dans une aventure putschiste vouée à l'échec : la prise du pouvoir à Canton, le 11 décembre 1927. Cette "Commune de Canton" se termina, deux jours plus tard, par le massacre de plusieurs milliers d'ouvriers et de communistes chinois.
Il fallait cela à Staline pour couvrir d'un silence de plomb les critiques de l'Opposition communiste en URSS et entamer une véritable épuration. En décembre 1927, le « trotskysme » fut déclaré incompatible avec l'appartenance au PCUS (Parti communiste de l'Union soviétique) et les membres de l'Opposition de gauche exclus du Parti, signalant l'avènement de la mainmise complète de Staline sur les institutions du régime soviétique. Certaines figures de l'Opposition décidèrent de faire leur « autocritique » et de se renier en capitulant « devant le monde entier », comme l'exigea Staline. Zinoviev et Kamenev notamment suivirent une voie qui allait les emporter toujours plus loin dans le reniement de leurs idées.
2.6 Début de l'exil de Trotski[modifier | modifier le wikicode]
Trotski fut déporté à Alma-Ata (actuel Almaty au Kazakhstan) en janvier 1928, puis banni en Turquie en février 1929. A ce moment-là, l'URSS connaît une grave crise du blé : le pain manque, il faut réglementer la vente, rétablir des cartes d'alimentation. Staline, qui n'a désormais plus besoin de fractions alliées, se retourne contre la « droite » (Boukharine...), en les accusant d'être responsable de la crise, tout en accusant en même temps « les trotskistes », en prétendant que de tous côtés les ouvriers votent des motions contre la droite et la gauche... L'ironie était que l'Opposition de gauche réclamait depuis le début une réglementation contre les koulaks, mais le totalitarisme commence à se mettre en place, et permet à Staline de façonner l'opinion.
Une partie de l'Opposition de gauche, qui subit une forte pression, tente un compromis, en voulant croire que Staline fait un pas vers eux en reprenant leur programme économique. Dès fin février, quand Trotski vient seulement d'arriver à Istambul, les journaux russes notent que « des divisions existent au sein du groupe trotskyste ; certains de ses membres préconisent le retour au parti ». Le mouvement s'amplifie : 500 opposants signent, en août-septembre, un message au comité central pour proclamer leur approbation du « redressement politique du parti » tout en demandant le rétablissement de la démocratie au sein du parti. Malgré les avertissements de Trotski la plupart retournent au parti, bien que Staline exige d'eux une soumission complète, ignorant la revendication de démocratie.
La plupart de ceux qui avaient été opposants, même lorsqu'ils avaient multiplié les gages de soumission, furent ensuite exécutés lors des Grandes Purges de la fin des années 1930.
2.7 L'Opposition de gauche internationale[modifier | modifier le wikicode]
Trotski veut maintenir une vraie opposition organisée. Cependant, il se défend de vouloir rompre avec le parti et l'Internationale:
« De divers côtés, on cherche à nous attribuer le projet de créer une IVe Internationale : c'est une idée entièrement fausse. (...) Entre le marxisme et le social-patriotisme, il n'y a pas de place pour le stalinisme. Après avoir traversé une série d'épreuves et de crises, l'Internationale communiste se libérera du joug d'une bureaucratie sans principes idéologiques, capable seulement d'opérer tiraillements, zigzags, répression et de préparer la défaite. Nous n'avons aucune raison de construire une IVe Internationale. Nous continuons et développons la ligne de la IIIe Internationale, que nous avons préparée pendant la guerre et à la fondation de laquelle nous avons participé avec Lénine, après la Révolution d'octobre. »[3]
Pendant plusieurs années, il continuera à échanger avec ses partisans en URSS et à l'étranger, prônant le redressement de l'Internationale, et affirmant son optimisme. En juillet 1929 il entame la publication d'un Bulletin de l'opposition. En avril 1930 il met sur pied un secrétariat international provisoire de l'Opposition communiste.
Au sein des partisans de l'Opposition de gauche de Paris, un groupe juif se forme autour du journal Klorkeit (« Clarté » en yiddish). C’est en exil, en Turquie, le 10 mai 1930, que Trotski écrivit « Le rôle des travailleurs juifs dans le mouvement général des travailleurs en France », lettre de réponse adressée à Klorkeit, et qui fut publiée dans le n° 3 de Klorkeit en mai 1930. Il explique que selon lui les 60 000 ouvriers juifs de France pourraient avoir un rôle positif au sein du mouvement ouvrier français, grâce à leur appartenance aux couches les plus exploitées du prolétariat français, mal organisé et manquant de l’influence internationaliste et de l’esprit combatif caractéristiques du prolétariat juif. Cependant Trotski cite en contre-exemple le Bund, qui aurait trop coupé les ouvriers juifs du reste du mouvement.
Trotski écrit également, le 9 mai 1932, au quotidien yiddish de l’Opposition communiste de New York, Unser Kampf[4]. Il accueille avec enthousiasme la création de journaux en yiddish et affirme que « l’existence de publications juives indépendantes n’a pas pour but d’isoler les travailleurs juifs mais de les attirer vers les idées qui unissent les travailleurs en une même et seule famille révolutionnaire internationale ». En raison des conditions historiques auxquelles ils furent soumis et de leur propre dispersion à travers le monde, écrit Trotski, les Juifs sont particulièrement réceptifs aux idées du communisme scientifique et internationaliste.
En 1930, un nouveau regroupement oppositionnel se forme dans l'Internationale communiste, autour de Boukharine, Brandler, Maurín... Il sera qualifié par les staliniens « d'opposition de droite ». En 1931, des exclus forment avec des courants rompant sur la gauche avec les socialistes le Centre marxiste révolutionnaire international (« Bureau de Londres »).
Mais la lutte entre trotskisme et stalinisme n'est ni la lutte entre deux personnes, ni un simple "clivage poitique" de l'URSS. C'est grosso-modo la lutte entre des révolutionnaires communistes d'une part, et la bureaucratie stalinienne et ses laquais internationaux qui lui donnent une puissance incomparable. Et la première force des PC stalinisés partout dans le monde sera un soutien souvent fort de nombreux ouvriers et de "compagnons de route".
2.8 De l'opposition à la rupture[modifier | modifier le wikicode]
Mais les conditions pour mener un débat d'opposition dans la Troisième Internationale sous domination stalinienne sont de plus en plus difficiles. Les opposants sont persécutés, et qualifiés du terme infamant de trotskistes même s'ils n'ont rien à voir avec Trotski. Les trotskistes ne sont en sécurité nulle part, face à un NKVD / KGB au bras long.
La ligne de l'Internationale est de plus en plus insensée du point de vue des intérêts de la révolution (zigzags entre gauchisme de la troisième période[5], opportunisme avec les fronts populaires...), et toujours plus soumise aux intérêts diplomatiques de l'État bureaucratique d'URSS. Finalement c'est après l'écrasement du mouvement ouvrier allemand par Hitler (1932), facilité par la politique catastrophique du PC allemand, que Trotski se convainc que la Troisième internationale ne peut plus être redressée.
En octobre 1933, le Bulletin de l'opposition publie un appel signé du parti ouvrier socialiste allemand, du parti socialiste indépendant de Hollande, du parti socialiste révolutionnaire de Hollande, de l'opposition bolchevique russe, en faveur de la prochaine constitution d'une Quatrième Internationale, appel que Trotski commente ainsi : « Il n'y a plus de parti bolchevik. La réforme du parti communiste russe est devenue une impossibilité... L'État ouvrier ne peut être sauvé que par le mouvement révolutionnaire mondial... L'Internationale communiste est morte pour la révolution. »
Et dans la préface qu'il écrira pour une réimpression de Terrorisme et Communisme, il précisera sa pensée : « Après la capitulation honteuse de l'Internationale communiste en Allemagne, les bolcheviks se sont écriés : "La Troisième Internationale est morte !.." Les deux Internationales, non seulement la Deuxième mais aussi la Troisième sont atteintes jusqu'à la moelle... Les grands événements (Chine, Angleterre, Allemagne, Autriche, Espagne) ont rendu leur verdict... Il s'agit non de "proclamer" d'une façon artificielle la Quatrième Internationale mais de la préparer systématiquement. »
Les trotskistes sont alors regroupés dans la Ligue communiste internationale à la suite de l'exclusion du Komintern de ses adhérents.
Le stalinisme est alors de plus en plus contre-révolutionnaire. Lors de la Révolution espagnole les staliniens, freinant la révolution, s'en prennent au POUM (proche de Trotski mais pas exactement sur la ligne). En URSS, les procès de Moscou de 1936 mettront un terme au trotskisme sur la phrase de Vychinski : « Il faut fusiller ces chiens enragés ». Des vieux bolchéviks, il ne reste que le sinistre Staline.
La "proclamation" de la Quatrième Internationale n'aura lieu que 5 ans plus tard, en 1938. Trotski a essayé un moment de faire du Bureau de Londres la base organique d'une future Quatrième Internationale, mais ses propositions ont été rejetées par les principaux partis. Des groupes favorables aux idées de Trotski existent partout, en Europe, en Amérique, en Asie, dans l'Afrique du Sud, mais sont numériquement faibles. Beaucoup disent qu'il est trop tôt, qu'ils n'ont pas encore réussi à montrer aux travailleurs que l'Internationale communiste a perdu tout caractère internationaliste et prolétarien. A ceux-là, mais surtout aux détracteurs socialistes et staliniens, Trotski répond :
« La Quatrième Internationale se hisse sur les épaules de ses trois devancières. Elle reçoit des coups, de front, de flanc et par-derrière. Les arrivistes, les poltrons et les philistins n'ont rien à faire dans ses rangs. Une portion inévitable au début, de sectaires et d'aventuriers s'en ira au fur et à mesure que le mouvement grandira. Laissons les pédants et les sceptiques hausser les épaules au sujet des " petites organisations " qui publient de " petits journaux " et lancent des défis au monde entier. Les révolutionnaires sérieux passent à côté d'eux avec mépris. La révolution d'octobre, elle aussi, a commencé à marcher dans des souliers d'enfant.»
3 Personnalités de l'Opposition de Gauche[modifier | modifier le wikicode]
- Léon Trotski (1879-1940), Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères, leader de l'Opposition de gauche exilé en 1928 puis banni en 1929.
- Alexandre Beloborodov (1891-1938).
- Mikhail Boguslavsky (1886-1937).
- Andreï Boubnov (1883-1940), signataire de la Déclaration des 46 en octobre 1923, il prend ensuite le parti de Staline, jusqu'à devenir chef du parti au sein de l'Armée rouge puis Commissaire du peuple à l’Éducation. Exclu du Comité central du Parti en novembre 1937, il fut arrêté et exécuté lors des Grandes Purges.
- Chen Duxiu (1879-1942): fondateur du Parti communiste chinois (PCC), il en fut exclu en 1927 et fonda alors l'Opposition chinoise de gauche.
- Yakov Drobnis (1890-1937).
- Adolf Joffe (1883-1927), président de la Commission du Turkestan et diplomate, il se suicide en 1927. Son enterrement est l'occasion d'une manifestation publique de l'Opposition de gauche.
- Iosif Kosior (1893-1937).
- Nikolaï Krestinsky (1883-1938), ambassadeur à Berlin, il se rallie à Staline en 1927 et devient Commissaire du peuple adjoint chargé des Affaires étrangères. Arrêté en mars 1937, il revient sur ses aveux lors du dernier Procès de Moscou avant de se dédire le lendemain et d'être exécuté.
- Sergei Mrachkovsky (1883-1936), accusé du Procès de Moscou.
- Nikolai Muralov (1877-1937), héros de la guerre civile russe, naguère vice-commissaire du peuple à l'Agriculture, exécuté après le Procès des 17 (Radek, etc.).
- Valerian Obolensky (aka N. Ossinsky) (1887-1938), l'un des meneurs du Groupe du centralisme démocratique.
- Georgy Oppokov (aka A. Lomov) (1888-1937).
- Evgueni Preobrajenski (1886-1937), théoricien économique de l'Opposition de gauche.
- Georgy Pyatakov (1890-1937).
- Karl Radek (1885-1939).
- Christian Rakovsky (1873-1941).
- Timofeï Sapronov (1887-1939?), l'un des meneurs du Groupe du centralisme démocratique.
- Victor Serge (1890-1947), exclu en 1928 du PCUS, condamné à la déportation puis banni en 1936, il deviendra proche de Trotski (écrivant sa biographie) sans toutefois rejoindre la IVe Internationale.
- Ivar Smilga (Ivar Tenisovich Smilga) (1892-1937), secrétaire général du Comité régional des Soviets en Finlande en 1917, secrétaire du Tsentrobalt, le comité central de la flotte baltique de 1917 à 1918. Obtenant des responsabilités importantes au Gosplan, il se rallie à Staline mais est exclu du comité central puis du Parti en 1929. Exilé à Khabarovsk, à l'est, il fut arrêté en 1937 et exécuté après les procès de Moscou.
- Ivan Nikitich Smirnov (1881-1936), exclu du Parti en 1927 puis exilé, il revient dans le camp stalinien en 1930, mais est arrêté à nouveau en 1933 et condamné aux travaux forcés, avant d'être d'exécuté.
- Vladimir Smirnov (1887-1937), l'un des meneurs du Groupe du centralisme démocratique.
- Lev Sosnovsky (1886-1937), journaliste.
4 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Trotski, Aux membres du Comité Central et de la Commission Centrale de Contrôle, 8 octobre 1923
- ↑ Léon Trotski, Ma vie, 1930
- ↑ Léon Trotski, Préface à L'Internationale Communiste après Lenine, 15 avril 1929
- ↑ Lettre publiée dans ce journal le 1er juin 1932 sous le titre « Le rôle de l’ouvrier juif dans le combat du mouvement ouvrier international » ; immédiatement traduite en anglais et publiée dans The Militant du 11 juin 1932 sous le titre « Salut à Unser Kampf ».
- ↑ Trotski, La troisième période d'erreurs de l'Internationale Communiste, 8 janvier 1930